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Nouveaux Délits par Michel Host*

  

 

Conçue, dirigée, fabriquée par Cathy Garcia, la revue est couverte d’un papier épais et de bon aloi, ses pages sont de papier recyclé, mais d’une vraie qualité et fort lisibles. C’est que Cathy Garcia, poète (poétesse pour ceux qui pensent que les mots ont un sexe) vit en pleine nature, à Saint-Cirq-Lapopie, qu’elle se comporte selon des lois naturelles, défendant autant qu’elle en a le pouvoir les restes de paysages vierges que veulent bien nous laisser les industriels, les automobilistes, les agriculteurs, les supermarchands, les pollueurs de tout acabit ! et cela non seulement près de chez elle, mais partout dans le monde, offrant ses pages aux poètes des Caraïbes, de l’Afrique, des Antilles, de l’Amérique du Nord… C’est sa marque  (sa poésie, j’en parlerai plus loin, sans la démentir, nous porte vers d’autres parages) et elle est présente dans NOUVEAUX DÉLITS, aux côtés du souci constant de défense des opprimés, de révolte contre les injustices, les flagrantes prévarications et corruptions. Un engagement qui, à chaque numéro, met en grand péril son mince budget, voire le met par terre ! Cette volonté, cette marche et cette trajectoire augmentent le poétique, le magnifient, n’en excluent pas d’autres beautés, des fêtes de mots, d’intimes allégresses, les échos des joies et des peines... La poésie, elle, est en soi et par soi illimitée, et cette revue ne l’oublie pas, car ainsi qu’écrit Silvaine Arabo (N°36) :

 

La magie des mots et des lignes

Parfois dégrafe

La douleur unique du soir

Et sa coupe d’amertume,

Vers d’autres oiseaux

 

Dont le nom encore

Est inconnu.

 

D’abord, je me souviens de ce N° 31, où figure le poète espagnol Marcos ANA, que j’y ai l’honneur de traduire, un homme que la prison franquiste, entre 1939 et 1961, n’a pu réduire ni au silence, ni à la haine, ni à quelque forme de résignation :

« Mon péché est terrible ;/  j’ai voulu remplir d’étoiles / le cœur de l’homme. »

[…]

« Elle n’est pas ronde la terre / c’est une cour carrée / où tournent les hommes / sous un ciel d’étain. »

[…]

« Dites-moi comment c’est un arbre. / Dites-moi le chant de la rivière / quand elle se couvre d’oiseaux. / (…) Dites-moi comment c’est le baiser / d’une femme. Donnez-moi le nom / de l’amour : je ne m’en souviens pas. »

[…]

« Si je renais un jour à la vie / ma maison n’aura pas de clefs : / ouverte toujours aux hommes, / au soleil et à l’air. »

[…]

et de sa « Lettre urgente à la jeunesse du monde » :

 

« Comme un clocher d’or

Rêvent vos cœurs.

La jeunesse est l’heure

De l’amour, son printemps

Pourquoi remuerai-je vos branches

Joyeuses avec ma tristesse ? »

 

Je me souviens de ce N°33, où parle l’Indienne du Canada, Rita MESTOKOSHO :

« Je suis la traductrice de la terre / Car les hommes ont oublié les sons de notre mère… »

[…]

« Je suis née dans la langue innue / Mais la forêt s’éloigne / Elle a peur de l’homme qui tue… »

[…]

« Mes enfants sont tes propres enfants. Ils sont le sang qui coule dans tes veines. Ils font battre ton cœur. »

 

Je me souviens de ce N°34, où Ernest Pépin, drôlement, regarde marcher les femmes, concrètes et fragiles, dans la ville caraïbe :

 

Les femmes multicolores

Ont arrondi la ville

Elles vont jeans serrés

Pantalons moulants

…………………………………….

Elles veulent vivre la barbarie des stars

La mode des riches

Les idées des magazines

Les fantasmes des couturiers

Boire le sang des boutiques

Je vois sous leur taille basse

D’impossibles bonheurs

Le string qui grince et grimace

Peu leur importe que

Des femmes meurent d’être femmes…

 

Je me souviens de ce N° 35 où Jany Pineau en appelle aux mots qu’elle rassemble non sans violence parfois, en dépit de tout et d’elle-même :

 

Rien, je ne dirai rien.

 

Je planquerai mes mots dans des mottes de terre pour les rendre aveugles comme des taupes […] Les mots ne m’échapperont pas.

 

Des mots / Des mots qu’on sonne / « À la page ! / Le sujet est prêt… » // Un silence qui résonne / Une feuille qui blanchit / Sous la main fixe / de l’anorexique

 

De ce N°35 encore, où Marlène Tissot a « toujours rêvé d’être une hôtesse de l’air », et voudrait « s’aimer malgré les faux plis, dans une vie froissée »… ; où Nathalie Riera dit des secrets pluriels et mêlés, des grâces délicates : « l’effluve des couleurs et cette envie d’écrire / alors ma légèreté pour vous faire jouir  […] voix délivrées de toute éclisse / fais glisser tes longs doigts // sur les lingeries du verbe // déboutonne par devant / depuis le col / la fluidité de la pénombre / mouillée / sur le jersey de laine… »

Des N° 36 & 37 je n’ai pas à me souvenir, ils sont de l’année : l’un qui voudrait nous faire fréquenter des « poètes ratés » qui ne le sont guère (Fabrice Marzuolo)  - « Brûler, vous dis-je ! / Jusqu’au gris de la cendre / Et qu’une main preste jette / La poussière dans la lumière ! » -. Des ratages de cette sorte, on en redemande !, et qui aussi permet à Silvaine Arabo d’exprimer tout le sel des temps enfuis : « Dites mon sel / Dites / Vous m’avez manqué / Vents et froidure vous avaient desséché… // Chapelet des siècles / Vos cristaux comme des gemmes / Tôt m’auront dépouillée de moi-même / À moi-même importune » ; l’autre, qui offre à votre serviteur l’espace pour ses Onzains dédiés aux femmes rencontrées, à toutes celles, amantes ou non, à qui il peut dire « Je t’ai fol-aimée. Tu fus mon amoureuse. », et donne ses espaces aussi à Frédérique Mirande : « … le vent me porte haute je suis, / je suis poussière, infiniment poussière, ronde et légère, entre ciel et terre… », à Francis Gast, en quête d’ « Un pays de mélodies intarissables / Que les guerriers surgis du fond de la haine / N’ont pas encore profané de leurs cris », à Jean-Marc La Frenière, qui pourrait me… nous… ressembler assez : « Je ne crois pas en Dieu mais je crie vers le ciel ce qui n’a pas de nom. J’apporte le bois sec, le vent des mots, le pain du rêve. », à Jean-Marc Couvé, dont le mémoire est peuplée d’images que d’aucuns connaissent bien : « - Le canard, cou coupé, court toujours dans la cour de récré ensanglantée de ma mémoire, grince Cadet. Maudit Charlot ! Quel besoin ont-ils de tuer tel plumage ou tel plumage, les hommes, pour manger ? »

Et les Nouveaux Délits N° 38 ne se feront pas attendre longtemps. Si l’on veut ne pas rester figé dans les vents glaciaux des parkings des supermarchés, ne pas s’emberlucoquer de mensonges diplomatiques, se noyer dans Google et sites de rencontre, ne pas manger aux fast food publicitaires, le remède est de lire Nouveaux Délits, et même d’y blanchir quelques euros dans l’abonnement !

 

(Extrait du bulletin La Mère Michel V - Poiesis-Poésie - Automne-Hiver 2010-2011 qu'on peut lire dans son intégralité sur: http://delitdepoesie.hautetfort.com/archive/2011/01/18/la-mere-michel-a-lu-special-poesie.html

 

 

*Michel Host outre qu'il a été publié en tant qu'auteur dans la revue, en est également le correcteur bénévole, http://associationeditionsnouveauxdelits.hautetfort.com/

 

 

 

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