24/03/2021
Soliflore 107 - Fabienne Roitel
Depuis longtemps, que mon père et le père de mon père et d’autres avant eux
m’ont donné le maillet et le ciseau, le burin et la pierre
je suis fils, artisan, compagnon en apprentissage
sans gants ni tablier
vers un lieu d’harmonie
cent fois espéré
les gestes se superposent aux leurs
pour suspendre le temps sans jamais y réussir.
Mon père et le père de mon père et d’autres avant eux
m’ont légué un poignet osseux, un cuir rêche, une mémoire mosaïque
je m’éloigne des berges d’un fleuve qui fut le leur, qui fut origine, qui fut fardeau
qui fut voyage
ma joue posée au creux de l’effort
mes paumes lisent la douceur comme une autre manière de s’abandonner.
Mon père et le père de mon père et d’autres avant eux, ces fils de plomb
avec lesquels je me réconcilie surveillent et éclairent mon espace
de liberté.
14:02 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
04/03/2021
Soliflore 106 - Fabrice Fossé
œuvre de l'auteur
En haut de la tour sur la colline
Tu touches le ciel du bout de tes doigts
Et les nuages autours de toi
Se moquent de moi
Se moquent de moi
Hivernale hivernale
Tu es mon hivernale
Tu es mon hivernale
Dans ton château au cœur de la nuit
Tel un rapace tu guettes ta proie
Et les étoiles haut-dessus de toi
Se moquent de moi
Se moquent de moi
Hivernale hivernale
Tu es mon hivernale
Tu es mon hivernale
De ton nid de glace tu souffles le froid
Un baiser du nord qui mord sa proie
Et le temps qui règne
Me dicte sa loi
Me dicte sa loi
Hivernale hivernale
Tu es mon hivernale
Tu es mon hivernale
https://www.youtube.com/channel/UC86Sn9--6L3EJsAUUM0E2Sw
13:28 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
27/02/2021
Soliflore 105 - Nathaël Bethencour
photo de l'auteur
L'espoir est capital
Il a le pas rapide de la hyène, il s'offre en holocauste au grand capital.
Dieu est une ruine, sur laquelle les gargouilles tombent et se fracassent.
Les enfants ont peur du masque du corbeau, des petits Moha disparaissent.
Sur les hautes collines, les prisons de Babylone grouillent du cri des infamies.
Baladant ma carcasse et mon chapelet, je rentre en payant dans Notre-Dame.
Le spirituel est une sinistrose, l'art est une mangeoire d'usurier.
J'ai goûté de l'œil la rue du Cherche-Midi, il n'y avait que des dents blanches.
Je tournai vers la rue du Dragon pour y chercher la demeure de l'Ours Hugo.
Ma vie va aussi vite que l'échange des marchands du temple et des veaux éclatants.
J'ai hurlé dans le métro que je ne voulais pas d'argent, ils baissaient les yeux.
À la Butte Montmartre, je me suis acheté un tissu, j'en ai fait un pagne.
J'étais nu, quant au cœur du printemps, j'ai senti un oranger du Mexique, ô senteur !
Ivre de ma folie, j'ai regardé la capitale, avec l'œil de la pitié.
Je me suis allongé sur l'herbe menue, pour prier, des images d'animaux m'envahirent.
À mon réveil, l'amante inconnue me caressa, elle était de toutes les nations.
Paris c'est l'aumône du miracle !
17:53 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
23/02/2021
Soliflore 104 - Isabelle Bois Cras
photo de l'auteur par Jean-Marie Cras, photographe
Plastique
Alerte !
Lèpre de la terre,
Gangrène des berges,
Interstices humanoïdes entre limon et humus,
Qui glisse ses métastases dans les dermes de nos sols.
L’indigeste plastique dégueule sur le rivage des fleuves,
Et incruste ses couleurs criardes dans l’humble nature.
Il souille,
Il tue,
Il mine la plénitude des paysages, le mystère des sous-bois,
Tranche l’équilibre des rizières et des campagnes du monde.
Des rives de l’Ouémé traversant le Bénin aux temples du Cambodge,
Des criques méditerranéennes au vert bocage normand,
Des cimes Himalayennes aux abysses Atlantiques,
Les poches volent au vent et flottent dans les courants,
Accrochant follement aux branches et aux algues leurs anses insécables.
Membranes informes…
Cancer des océans,
Magma meurtrier
De particules indestructibles,
Qui flotte entre deux mers ;
Entre La Californie et Hawaï,
Dérive la nappe immonde,
Charriée par les courants.
Le septième continent engloutit tout,
Étouffe les coraux,
Emplit les ventres des baleines,
Emmêle les tentacules des poulpes.
Plastique,
Que ce mot est comique ;
Place-tique, plassstik, plaztik, clastip,
Il saute en bouche et rebondit comme une petite farce,
Qu’il est doux, ce mot qui claque la langue et tape les dents,
Choque le palais et pousse les lèvres,
Il se moque !
Plastique,
Jamais il ne s’efface.
Quand l’homme périra,
Il disparaîtra dans un sac
Et deviendra poussière,
Le sac demeurera.
Alerte !
L’écosystème est en péril et l’équilibre bascule,
Alerte !
Sur les chemins du monde, ramassez, recyclez.
15:09 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
21/02/2021
Soliflore 103 - Parme Ceriset
illustration de l'auteur
L’enfant de l’aubépine
C’est un petit enfant tombé d’une branche morte,
Chassé du nid douillet de la pré-Vie.
Il est né différent, il se nourrit de roses sauvages,
Il ne sent plus les épines qui déchirent son cœur sage.
Il avance dans l’ombre mais il se bat,
Il a en lui toute l’âme du monde...
Et le feu inextinguible
De la joie.
http://parmecerisetlaplumeamazone.over-blog.com/
12:38 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
17/02/2021
Soliflore 102 - Kiko
©Kiko
Le der des doutes
File beauté File
Reste fier Tu es magnifique
& bien plus encore
Reprends confiance malgré les chagrins & leurs suites
A l'infini
La répétition du geste
de l'espoir à chaque fois renouvelé
Brisé
Non merci tu es gentil
Laquelle des deux a les plus petits seins
Tombent-ils
se cherchent-ils seulement
La douleur aveugle
C'était tout bonnement l'âge Bonsoir Bonjour
A la prochaine
si la came n'est pas trop forte
Perdre son chéri
son frère à l'adoration des minorités
Illes sont sur le même fil
Trop occupé(e)s à ne pas chuter Illes n'ont fait que se croiser
Illes seront pris de spasmes ce soir
Illes n'ont rien vu
rien connu
Tout était pourtant là
à portée de main
Le vent La lumière Les étoiles
Seul(e)s en un hasard illes seront deux
deux & plus qu'un(e)
Si par surprise illes chutent ensemble
C'est en riant qu'illes se relèveront du sol bétonné
Qu'importe les blessures
passées
actuelles
à venir
Illes n'ont plus peur
A leurs âges illes ne risquent plus rien
MERCI AMIE Je l'espère
Longpont-sur-Orge – samedi 22 août 2020 – Après-midi
©Kiko
13:58 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (2)
11/02/2021
Soliflore 101 - Jérémy Semet
photo de l'auteur
Goût de trésor
Dans "Les forêts de Sibérie"
Sylvain Tesson parle d'une vieille coutume russe
Celle qui
En hiver
Consiste à éparpiller
Autour de sa cabane
Des bouteilles de vodka qui
Une fois le printemps
Réapparaîtront à la fonte des neiges
Sortes de trésors plus que bienvenu
Je ne suis
Pas plus que ça
Porté sur l'alcool
Mais depuis qu'il neige ici
J'y repense
Et je me dis
Que j'aimerais ralentir le rythme
Sortir de cette sarabande infernale
De covid
Du confinement
Me glisser sous le tapis de neige
Trouant la peau de l'hiver
Et m'y loger
Comme un ver
Puis attendre
La belle saison
Il y aura bien
Une âme
Pour qui ma réapparition
Aura comme un goût
De trésor
09:13 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
10/02/2021
Centième Soliflore ! - Antoine Durin
Détail du tableau Le départ à l’école de Philippe Durin
Qu’importe la hauteur de la porte de la maison
car elle ne reçoit que des ombres courbées.
Ensuite, elle ferme les fenêtres de bonne heure
pour ne pas les projeter dans les arbres dénudés.
Il y a des soirs où elle a vu pleurer des sèves noires
le long des méandres de l’écorce du temps.
*
13:38 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
08/02/2021
Soliflore 99 - Adeline Raquin
©Adeline Raquin
Adossée à la nuit
Dans la bolge du souvenir,
cris d'airain qui te hèlent,
cris d'hommes aux yeux fins,
poumons forts et cris d'acier.
Dans la bolge du souvenir,
claquent les rires qui rident la surface des flaques d'échos enlacés.
Au fond de la caverne aux parois brunes,
le bois imputrescible se met à flotter,
témoin noir, témoin plein, témoin sage des temps passés.
Mais regarde,
regarde le jour qui résonne des nids étales des alouettes.
À plat, face au ciel brûlant, l'oiseau, bec ouvert, fait bruire les herbes sèches.
Mais regarde, le mulot qui ventre à terre défend son être, qui ventre à terre remue la terre, la fait tourbillonner en poussière sous la charge du vent.
C'est là,
face au vide,
les yeux piqués dans le ciel qu'il faut se tenir.
C'est là,
le dos encore engourdi par l'haleine fraîche des morts, le corps ouvert à l'air sifflant,
que dans la fixité du ciel, la lumière viendra déposer son lit de cendres irradier ta pénombre, jusqu'à t'en rendre les yeux blancs.
12:40 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
05/02/2021
Soliflore 98 - Virginie Seba
photo de l'auteur
DEVENIR TROU
Faire des trous
Remplir des trous
Boucher les trous
Changer de trou
Fuir les trous
Découper des trous
Compter les trous
Vider les trous
Trier les trous
Alimenter les trous
Surveiller les trous
Balader les trous
Fleurir les trous
Arroser les trous
Parler aux trous
Soutenir les trous
Applaudir les trous
Vendre des trous
Acheter des trous
Échanger des trous
Trouver le meilleur trou
Penser :
c’est un bon trou
L’adopter
Faire son trou
Filmer les trous
Jouer comme un trou
Admirer les trous
Encenser les trous
Adorer les trous
Embrasser les trous
Lécher les trous
Gratter les trous
Curer ses trous
Virer les trous
Déloger les trous
Casser du trou
Ramasser des trous
Offrir des trous
Rencontrer des trous
Planifier des trous
Engendrer des trous
Éduquer les trous
Dompter les trous
Graisser les trous
Tromper les trous
Tomber dans le trou
Voir le fond du trou
Sentir le trou
Parler le trou
Avaler des trous
Devenir trou
13:55 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
29/01/2021
Soliflore 97 - Julie Cayeux
© Camille Moukli-Pérez
Un amour de jeunesse
Mon premier amour s’appelait Croûte.
Il n’était pas méchant, seulement il me grattait.
Il me grattait la vie, il me grattait l’amour, il me grattait jusqu’à la nuit.
Arriva ce qui devait arriver.
A force de me gratter, Croûte est devenu une plaie.
Une plaie purulente, dont je n’arrivais pas à me débarrasser.
Je ne le souhaite à personne.
Il me chantait des sérénades.
Veux-tu fermer ta gueule ? je lui répondais sèchement.
Je ne sais pas ce qu’il est devenu, ce brave Croûte.
Tout ce que je puis vous dire, c’est que depuis nos différends,
dès qu’un amour me gratte, je disparais.
La fuite reste encore le moyen le plus efficace de se prémunir des plaies.
12:27 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
25/01/2021
Soliflore 96 - Romain Richard
Léon Spilliaert, "Arbres, blanc et noir" (1941)
Il y a trop
Il y a trop
Il y a ces arbres monstrueux
Qui m’observent la nuit
De leurs yeux grands ouverts
Qui m’observent de haut
L’air sévère
Et moi qui suis petit
Si petit
Ramassé
Tête au sol
Interdit
Étranger
Importun
Déplacé
Moi tout seul dans le noir
Où les formes enfouies
De l’esprit
Me découpent un monde
Inhumain
Moi de trop comme humain
A l’heure où sont les choses
Où l’être n’est personne
Où gagne la matière
Où je ne suis plus moi
Où rien n’est plus que masse
Insignifiante masse
Au regard impérieux
De ce qui n’a pas d’yeux
Et l’esprit
Quand le noir le libère
De ce qu’il reconnaît
S’abandonne à ses affres
Tenté par l’ombre d’y plonger vers le grand fond
Son propre fond qu’il craint
Son fond qu’il réalise
A mesure
Qu’il n’ose le trouver
Mais aussi
Il y a la lumière
Qui grouille de matière où le regard s’épuise
De ne pouvoir l’épuiser elle
Il y a ses grands yeux si perdus
Qui me jouent me délaissent
Et puis m’aiment
Et son cou frêle au point que paraît lui peser
Une tête elle-même si frêle
Un visage si fin si joliment tourné
Un petit nez troussé
Puis sa bouche au dessin plus parfait
Que celui des grands Maîtres
Une lèvre infinie que pourtant
Un menton délicieux
Ponctue de sa virgule
Mais il y a trop encore
Un constant sentiment d’être pauvre
Le savoir humilié
L’esprit insuffisant
Faillant toujours à ses amours
L’harmonie du présent
Déborde tous mes sens
A plus forte raison mon esprit qui l’admire
Perdant de l’impression tout ce qu’il veut en dire
L’harmonie du présent
Excède la caresse
Que lui portent mes mots
Jamais ils ne pourront
L’aborder que de loin
Jamais ils ne sauront
L’embrasser tout entier
Alors mes yeux s’épuiseront à voir
Mon nez à respirer
Mon oreille à entendre
Tout mon sens à sentir
Ce que rien ne peut dire.
12:15 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
24/01/2021
Soliflore 95 - Cédric Landri
Une déchirure dans le vêtement planétaire,
déchirure entre les espoirs les couleurs les flirts
et les disparitions dans les écumes du temps
de tants d'espèces.
Le sang coule à flots sur la plaine béante,
tandis que des volcans éternuent des plastiques
dans le ventre des océans.
Et au coin du globe crachotant,
l'ours pôle erre.
Pendant ce temps on visse à la chaîne
des smartphones qui grillent le pain
ou des robots qui tombent amoureux.
Au lieu de former
des infirmiers de la Terre.
16:25 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
11/12/2020
Soliflore 94 - Pierre Bastide
Caramelle est une grenade inoffensive. Si on goupille bien son truc, il demeure secret, et on peut la savourer lentement. C’est une transe dans le bouche, d’où son nom Caramelle Mou. C’est succulent.
Évidemment, si on ne fait pas attention, si on veut précipiter le mouvement, elle vous pète à la gueule et vous en prenez plein les dents !
Ainsi va la poésie
à la saillie du cri
comme une voix sur l’indicible
comme un doigt sur la plaie
le couvert est mis à l’aveugle
sur le continent noir de la beauté
14:24 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
29/11/2020
Soliflore 93 - Éric Bouchéty
"Ciel haut" - photo de l'auteur
À l’heure grave
À l’heure grave, à l’heure constante,
Comme aux autres heures passées,
Maintenant que l’eau ne t’abreuve plus
Que la bouche sèche a épuisé
Ses grands chemins, ses lieux communs
Goûtons-nous entre les deux espaces
Tends l’évidence de ta gorge
Maintenant qu’il n’y a plus de ciel
Tends-y l’échelle de tes jambes.
Dans l’heure juste, dans l’heure sensible,
Apprends-moi le désir sagace,
Ce qui nous tient sur le chaos.
11:11 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
14/11/2020
Soliflore 92 - Clément Bollenot
©Sylvie Frénillot - Quartier de Perrache - Lyon
le tunnel avale le tram et moi aussi
les lumières clignotent
fragiles comme des lucioles
le serpent de fer rampe mollement
sur la voie ferrée
ses yeux jaunes éblouissent la nuit
je sens les murs vibrer le sol trembler
et les lettres noires qui se détachent
des murs ternes salis par la vie
ACAB
en ville pas besoin de lire le journal
ni de regarder la télé
tout est sur les murs
ACAB
les murs se souviennent
si les images sont interdites
ACAB
mon index repasse les lettres une par
une
le tram est passé
sa voix se perd près de la sortie
et l'œil de la vidéosurveillance
est braqué sur moi
18:45 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
09/11/2020
Soliflore 91 - Tom Saja
photo©Daphné Castreau-Charara
Kos
Sable Grec
Mer Égée
Embruns de temps immémoriaux
Le soleil renait derrière les montagnes
De l’ancienne Halicarnasse
Visages salés
De silhouettes
Qui veulent vivre
Ardemment
L’amour ne manque pas
Mais que le monde en manque
Immanquablement
Ce monde n’est pas juste
Et nous sommes nés du bon coté de la mer
11:14 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
08/11/2020
Soliflore 90 - Anne Barbusse
on entre dans l’ère des femmes révoltées : le jardin se vêt
de vignes vierges rouges comme les combats
et les femmes hurlent le machisme surplombant,
les coups, les professions perdues pour cause d’amour maternel
(dans les divorces les pères demandent la garde pour que les mères
ne puissent pas partir, ils possèdent l’enfant-objet et tu renonces à un poste universitaire)
l’homme révolté c’est fini
alors les femmes se lèvent
elles en ont assez du machisme des pères des maris des maires des chefs
elles sont #metoo par étouffement, pleurs, abnégations, face aux plantes ravagées
les femmes opposent les luttes, manifestantes insultées et vivantes
plus Marianne que le monde détruit, face au béton
et aux maires, aux conseillers municipaux inamovibles et
à la démocratie grippée, aux petits chefs ridicules et désuets
face aux campagnes désertées, aux friches et vignes arrachées
et aux lois faites par des hommes pour des hommes, (tu l’as dit à la présidente de l’université années 90, aube du second millénaire, les interruptions de thèse sont autorisées pour service militaire mais non pour congé maternité)
cela le monde au tournant du millénaire, cela les forêts tranchées, le global warming
et l’anthropocène absolu
cela les violences silencieuses et urgentes, le monde à nos pieds exténué
(étudiante tu ne coucheras pas pour obtenir un poste de secrétaire auprès d’un haut fonctionnaire parisien, poète tu ne coucheras pas pour subventionner un livre auprès d’un vieux maire crapuleux de province)
droit de cuissage primitif et privilège des hommes mûrs du XXième siècle
le capitalisme est plus masculin que nos rêves
au village les femmes sont les seules à hurler au maire leurs révoltes criblées de blessures
les femmes prostrées se lèvent
contre les pères qui frappent (soulèvent la petite fille de terre en la tenant
par ses longs cheveux frisés et dénoués) contre les maris
qui frappent (parce que nous disent hystériques)
contre les amants alcoolisés ou camés contre les coups - le fond de teint
que tu te mets sur le visage le lendemain car
c’est toi qui as honte d’être la battue de source sûre (avec le père la lèvre
éclate de sang, mais en grandissant tu as appris à courir vite
à faire vibrer la rampe d’acier de l’escalier pour t’enfermer
dans les toilettes), avec le temps tu n’as rien appris
puis tu jettes ton corps de femme à la face des mondes
et tu éclates avec les oiseaux, et tu montes en haut
des arbres pour que le ciel t’absolve, pour que tilleul et acacia
te pardonnent d’avoir été la frappée, la battue, la folle
(tu prends des coups parce que tu es folle, disent-ils, répètent-ils,
ou mauvaise, ce sont leurs termes inébranlés)
alors tu construis des ZAD et des pancartes rouges, tu bouleverses le cours
des pouvoirs et tu tiens tête à tous les chefs fonctionnarisés par excès
et dehors les plantes prennent courage
la vigne vierge rougit sans honte
tu seras la révoltée vierge telle la vigne rouge
et tes pas divorcés auront l’aplomb des arbres fiers comme des ciels
et ton cri aura la gorge tranchée de féminité et de lune, tu seras
#metoo dans le réel exalté et les hommes n’osent plus,
parmi l’effondrement de toutes les biodiversités, décapiter tes désirs
surnuméraires et tes accouchements flambants et alors
tu dresseras ta maternité comme une création intempestive tu joueras
Delacroix pour de vrai mais sans le drapeau tu
éteindras tous les bûchers dressés par la Didon malheureuse
et tu prendras les rênes, dans le cours de l’histoire effondrée
parmi vergers et landes – un soir de juin, le maire abandonne la préemption du potager et
toutes les plantes respirent, le tilleul pleure d’été – alors les femmes
sont du côté des oiseaux, tout en haut des arbres elles
se jettent dans les mots écologiques, dans l’écriture la jamais battue l’instinctive
11:24 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
26/08/2020
Soliflore 89 - Chris Giot
John Terlet, University of Adelaide
Graphite laissé par la mine d'un crayon sur du papier vu au microscope
Je nous ai vu l’un mourant du pouls de l’autre de ces éclats qui font pourrir les corps plus vite, satisfait de la couleur qui murmurait au sol une histoire de nerfs et sans ponctuation, de nerfs à sectionner et sitôt fait. Pourquoi pas ma béance, calice, et langoureux le sel sur les bordures à vif, le bien être du sel, hurler d’absolu devant le monde, en flammes devers nous. Une justice d’abîme. Mais c’est mettre trop de chaux, et sur quoi encore ? Sur la terre sèche de nos fripes, qui ne connaîtront pas les braises du dehors pour être promises au calcaire.
12:02 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
21/06/2020
Soliflore 88 - Nicolas Saeys
Mark Jenkins – photo : ©Gilles Bergeret
CHOC
Un coup dans la tête
ça sonne dur ça résonne creux
je n'ai pas vu le mur arriver
Je parlais du coup j'avais la tête ailleurs
un songe en image résonnant acoustiquement
je n'ai pas entendu le vent
dont l'attention soudaine aurait pu m'avertir
la tempe comme un tambour de cloche
ce coup pris en pleine ascension du vide
sur un moi tremblant entre deux rêves oubliés
http://aureoledessatyres.over-blog.com/
11:21 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
10/05/2020
Soliflore 87 - Bernard Malinvaud
©cathy garcia canalès
C'est un voyageur
Sur les traces de l'aube
Il suit la migration des rails
Le cheminement des fleuves.
Il cherche la ferveur
Qui pousse sur le bord des routes
Invite ses pas de traverse
Dans un été buissonnier.
C'est un explorateur
Dans l'imminence des regards
L'espérance sur le qui-vive
Il lance des vœux aux étoiles.
19:34 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
04/05/2020
Soliflore 86 - Nelson Jacomin
©Nelson Jacomin
Un drone passe
Un homme tombe
Un drone tombe
On le remplace
1.8.19
12:34 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
24/11/2019
Soliflore 85 - Sarah Lecina
©Caspar David Friedrich - L'Abbaye dans une forêt de chêne
Ruines III
Lui, qui toque
aux fenêtres noires
pupilles-mouches
courant d'une étincelle à l'autre
et tes joues qui tremblent
entre les vitraux de tes finalités
jalouses du baiser du vent
sur tes chevilles.
Les arabesques sombres de sommeil
s'éveillent à l'interstice de la nuit :
je veux tomber à l'envers
de tes yeux.
Les yeux chavirés d'alcools
il fallait écrire, à présent,
sur l'amour des failles et des soubresauts violents.
Pas une ruine encore ;
seulement rime.
Seulement déplacée de tes lèvres closes.
17:05 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
22/11/2019
Soliflore 84 - Jacques Allemand
©Aaron J. Groen, Dakota du Sud
ces deux là feraient briller un terrain vague
un champ de mottes et de choucas pareil
autour d'eux les autres ne sont plus les autres
vous non plus
tourner autour sans les nommer
(tant d'êtres et de choses perdent leurs forces dans la définition)
juste les regarder lancer leurs bras
par la fenêtre vers les arbres
le chahut des criquets entre dans le train
encore un instant et ces deux là
ne feront plus qu'un avec les voyageurs les malles
la ferraille qui bringuebale
ils sont l'aujourd'hui de tous les voyages
ceux du grand-père armé
de l'enfance au masque de suie
des corps volages
des enneigés
de tous ceux qui attendent leur tour
dans les sacs et dans les reins
18:16 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
25/10/2019
Soliflore 83 - Serge Muscat
photo©Corinne Nativel
UN VOISIN BRUYANT
Auguste Bouton avait décidé de consacrer ce samedi à la lecture. Il avait acheté la veille plusieurs ouvrages qu'il n’avait pas eu le temps de parcourir et, en ce début d’après-midi, il s’apprêtait avec enthousiasme à tourner la première page d’un roman dont il appréciait particulièrement l’auteur.
Installé sur le canapé du salon, avec sur la table basse un verre et une bouteille de Martini, il commença, comme il en avait souvent l’habitude, par lire la quatrième de couverture du roman. Un bref extrait du récit y était rédigé, ce qui mit en appétit sa curiosité. Il était question d’un homme en prise avec le désespoir qui songeait à la manière la plus efficace de se suicider.
Alors qu’Auguste Bouton entamait la lecture de la première page de l’ouvrage, il entendit les premières notes, plus précisément les coups de batterie d’une musique populaire, filtrer du plafond. Pressé de commencer la lecture de son livre, il se concentra sur le premier paragraphe du premier chapitre en détournant l’attention de la nuisance sonore.
A peine entama-t-il le deuxième paragraphe que la musique provenant de l’étage supérieur monta en puissance de plusieurs décibels. Il redoubla alors d’attention en focalisant toute son énergie mentale sur les caractères imprimés de la feuille. Mais tandis qu’il lisait tant bien que mal le début du troisième paragraphe, les rythmes de la batterie montèrent en puissance jusqu’à donner l’impression que l’on essayait de défoncer la porte du salon à grands coups de bélier. A partir de ce moment, les phrases inscrites sur la page se vidèrent de toute signification. Il y avait bien des signes tracés à l’encre noire, mais pour Auguste Bouton ceux-ci devinrent de simples formes qui ne voulaient plus rien exprimer à sa conscience.
Dans un accès de colère, il posa brusquement le livre sur la table et se précipita vers la cuisine. Là, il saisit un balai et revint au salon. Choisissant un endroit où le plâtre était dur, il se mit à cogner au plafond avec le balai. Après avoir donné une dizaine de coups, il constata avec dépit que la musique résonnait toujours aussi fort. Essayant de se contrôler, il se laissa choir dans un fauteuil, le balai à la main. Quelques poignées de secondes suivirent puis il alla remettre l’ustensile ménager à sa place.
De nouveau au salon, il choisit un disque de jazz sur une étagère et plaça celui-ci dans la chaîne hi-fi. Presque immédiatement les premières notes de saxophone se répandirent dans l’appartement. Cela rendait une étrange musique faite d’instruments à vent et de coups de batterie provenant de chez le voisin. Auguste Bouton appuya trois fois sur la touche + du volume, ce qui eut pour effet de transformer le son du saxophone alto en une sorte de baryton. La batterie déchaînée filtrant toujours du plafond, il donna trois nouvelles impulsions sur la touche + du réglage de volume. Cette fois-ci le saxophone ressemblait à un son provenant d’une grande caverne, un peu à la façon d’un monstre criant depuis les entrailles de la terre. Les vitres des meubles du salon se mirent à vibrer, comme à l’approche d’une secousse sismique. La batterie de la musique du voisin était à présent devenue inaudible.
Dans sa cuisine, en train de faire la vaisselle, D. pensa : « mais ils sont devenus fous ! »
Les fous en question étaient bien entendu les responsables de ce vacarme indescriptible qui parvenait aux oreilles de D. Elle finit de rincer ses verres et ses assiettes, puis enleva ses gants de caoutchouc. Elle sortit ensuite de l’appartement et alla sonner à la porte d’Auguste Bouton.
Malgré l’insistance de D, la porte de son voisin de palier resta close. D’ailleurs, la musique de jazz recouvrait totalement le timide bruit de la sonnerie composé d’une succession de deux notes. Elle patienta tout de même quelques instants, avec l’espoir que son voisin avait peut-être entendu quelque chose. Mais après deux minutes qui lui parurent une heure, elle regagna son logis, désappointée.
Afin de se détendre de ses émotions, elle se servit un grand verre de lait qu’elle but d’un trait. Sentant ses forces lui revenir, elle ne trouva pas mieux, pour oublier le boucan fait par les voisins, de mettre une cassette de son compositeur favori. Afin de couvrir la musique des voisins, elle poussa le volume jusqu’à huit sur une échelle de dix. Ayant laissé les fenêtres ouvertes pour aérer l’appartement, la mélodie s’entendait jusque de l’autre côté de la rue. Satisfaite, D. s’alluma une cigarette et s’installa confortablement sur le grand canapé. Elle n’entendit même pas la sonnette d’entrée qui carillonnait. M., un homme âgé habitant l’étage en-dessous et souffrant de malaises cardiaques, sonna à quatre reprises. Constatant que cela ne donnait aucun résultat, il se mit alors à cogner à la porte ; d’abord faiblement, puis progressivement de plus en plus fort. D. écrasa sa cigarette dans le cendrier et alla se servir un autre verre de lait. Furieux, M. rentra chez lui et mit le poste de radio à fond.
Lorsque tout l’immeuble trembla sous l’effet des enceintes déchaînées qui distillaient diverses musiques, les voisins de la rue d’en face prirent la relève. D’appartement en appartement la musique se mit à gronder jusqu’à couvrir le bruit des voitures. Bientôt tout le quartier manifesta son mécontentement en poussant le volume de la sono. Puis les jeunes descendirent dans la rue avec leur appareil à musique portable. Sur les places publiques on commença à danser sous une gigantesque cacophonie musicale.
Vingt minutes s’étaient écoulées lorsque le disque qu’Auguste Bouton écoutait arriva à sa fin. Il prit alors conscience du remue-ménage qui régnait au dehors et alla à la fenêtre du salon. Il fut surpris de voir la rue grouillante de monde et d’entendre un brouhaha composé d’une mosaïque de mélodies et de chants. La curiosité éveillée, il décida d’aller observer tout cela de plus près.
Après s’être rapidement vêtu, il descendit les trois étages de l’immeuble et déboucha dans la rue. Sous le soleil de ce début d’été, des gens allaient et venaient tandis que d’autres se trémoussaient au son de la musique brésilienne qui émanait d’un gros appareil portable posé sur l’épaule d’un jeune homme marchant d’un pas lent. Auguste Bouton remonta la rue en direction de la place sur laquelle se rassemblaient souvent les jeunes gens. Tout le long du chemin jaillissait des fenêtres ouvertes des musiques disparates couvrant pratiquement tous les genres que cet art propose. Des portes d’entrée apparaissaient des flots continus de personnes, comme si les immeubles se vidaient tous au même moment. Cela faisait un peu penser au sable coulant par l’ouverture d’énormes silos. Sans interruption, les gens se pressaient dans la rue jusqu’à finalement totalement encombrer celle-ci. Bientôt obligé de jouer des coudes pour se frayer un chemin dans la foule, Auguste Bouton, par on ne sait quel hasard, se retrouva alors face à face avec son voisin du dessus. La colère étant passée, ils se dirent courtoisement bonjour tandis qu’à une fenêtre proche un enfant criait à sa mère : « Maman viens voir, il y a une fête ! »
18:59 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
29/09/2019
Soliflore 82 - (annulé)
photo : cathy garcia canalès
"Vos préjugés sont vos fenêtres sur le monde.
Nettoyez-les de temps en temps, ou la lumière n’entrera pas."
Isaac Asimov
19:31 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
24/09/2019
Soliflore 81 - Marc Liênet
Oscar Prudhomme - Rue de la Cathédrale - 2019
L’Être
L’être que tu penses être
Ne m’intéresse pas
Ou si peu
Je m’adresse plutôt à ce naïf
Que tu rabroues sans cesse
À cet idiot dans sa superbe
Qui continue d’alimenter
La flamme
Toi
Cela fait longtemps
Que tu es devenu rentable
Lui
L’autre toi-même
Dont tu ignores toujours le nom
Et qui croupit seul
Dans le cachot de ton cœur
Vibre encore
Sur la musique du monde
Entre tes rêves d’enfant
Et la tristesse
Toi
Le bourreau le tortionnaire
Toi l’esclave
Toi l’arrogant dans son costume
Toi la peur
Lui
L’amoureux le pendu
Lui la tendresse
Lui le poète à ses heures
A n’en pas douter
Lui mon ami
10:27 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
21/09/2019
Soliflore 80 - Mélanie Carron
12:52 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
03/07/2019
Soliflore 79 - Bernard B
photo de l'auteur
pause surréaliste – saison 2 (V)
sous les pavés de pierre de lune rousse c’est une plage de sable fin qui glisse entre les six doigts translucides de l’humanoïde aux mille souvenirs bien ancrés dans sa mémoire cache-cache où s’effleurent des corps célestes munis de lampes hallucinogènes où se bousculent des chimères sans queue ni tête où un quartet de soldats de plume sonne la charge en coulisse sous un ciel de cuivres sous une trompette de neige sous une averse de trombones à piston à double effet de surprise sous une grêle de croche-pieds sous un cyclone polaire de demi-tons en boîte de nuit sous un orage de notes piquées au vif du sujet de la phrase musicale que l’humanoïde claironne dans l’espoir du grand renversement des tables rondes en langue de bois non équitable dans l’espoir du grand effondrement de la tour infernale dans l’espoir d’un nouveau paradigme sans dogmes dans l’espoir de trouver sous les pavés de pierre de lune noire une plage de sable sans fin ni fond
https://bernardbblog.wordpress.com/
12:21 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
26/05/2019
Soliflore 78 - Pierre Melendez
©Caroline Roméo (Pépite)
Notes
Accroupie sur le balcon
elle fume une clope
penchée sur un carnet
de notes
des fa des sols des si
et elle fait comme si
elle ouvrait grand les portes
de l’inspiration
au dessus du sol
en quelque sorte
On lui a souvent dit
qu’elle chantait trop mal
alors elle écrit
dans un mode animal
avec des cris
des grognements
hululements
elle écrit comme elle ment
des poésies de pacotille
aux rimes qui brillent
15:35 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)