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26/09/2023

Numéro 76

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Nous venons de passer le mois dit de la rentrée : bonne rentrée ! souhaite-t-on… Et la sortie, bonne sortie ? Nous usons au sens littéral de formules, elles finissent par être très polies mais que signifient-elles vraiment ? Formule, c’est joli ce mot si on n’y colle pas de chiffre après, genre formule 1 ou l’air renfermé d’un formulaire…

Et si nous profitions de la rentrée donc pour rentrer oui, véritablement, en nous-mêmes ? C’est ce que nous enseignent les cycles des végétaux qui en cette saison — de notre côté du monde en tout cas —, après avoir tout donné pour se perpétuer, laissent tomber leurs derniers fruits, dernières graines sur le sol où chacun sait ce qu’il à faire puis ralentissent le rythme, laissent redescendre la sève aux racines… Les animaux se préparent aussi pour la saison froide donc ce serait bien le moment de rentrer en soi, voir la rentrée comme un ralentissement, un approfondissement plus qu’une agitation, une accélération…

 

On l’oublie trop souvent : la majeure partie de ce qui se passe dans le monde, se passe d’abord en chacun de nous et on revient à la formule — abracadabra, que le feu de Dieu tombe sur toi ! — et quelle autre déité ici-bas que nous-même, qui décidons et créons, éludons ou provoquons, prévenons ou aggravons ? Sommes-nous déité de la discorde ou des récoltes ? De l’argent ou du soin ? De l’avidité ou du partage ? Ladite nature est imprévisible, oui, mais nous sommes une espèce dite intelligente et nous pouvons concevoir l’imprévisible et protéger l’essentiel. Encore faut-il se mettre d’accord sur ce qui est essentiel... Nous parlons de cultiver notre jardin intérieur : est-il jardin ou terrain vague plein d’ordures ? Jardin ou terre exsangue et saturée de pollution ? Jardin ou zone commerciale ? Jardin ou bunker ?

 

Que formulons-nous dans nos intériorités ? Quelles pensées, quelles intentions laissons-nous se densifier en nous jusqu’à ce qu’elles se matérialisent et agissent à l’extérieur ? Abracadabra ! La magie est un art du quotidien ordinaire, c’est faire bien attention à ce à quoi nous donnons formula, c’est-à-dire « forme », en latin.

 

La poésie est une façon de formuler le monde, qui nous imprègne, nous traverse, nous façonne et nous ensemence de l’intérieur. Un art du quotidien ordinaire.   

CGC

 

 

 

(…) le chaos du monde n’est que la projection du chaos régnant dans chaque individu.

Jiddu Krishnamurti in L’origine de la pensée

 

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AU SOMMAIRE

 

 

Délits de poésie :

 

Sandrine Davin

Jean-Louis Clarac : Poussières aimantes

Amandine Gouttefarde-Rousseau : Nagas (extraits)

Alain Nouvel : Presque riens

Josette Soulas Moyes : Des ombres et des anges (extraits)

Bruno Giffard : Écume au plus sec des tiroirs (extraits)

 

 Où la revuiste se lâche et parle de ses trois derniers livres avec des extraits de Je l’aime nature, sorti en juillet 2023.

 

Comme dans chaque numéro, les Délits d’(in)citations scintillent au coin des pages et vous trouverez à la fin le bulletin de complicité avec ses beaux délits buissonniers mais pas de nouveau en cette année qui exige de se concentrer sur ce qui est déjà là.

 

 

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Illustrateur : Philippe Chevillard

Auteur de BD amateur et illustrateur amateur, je consacre une partie de mon temps à la création de courtes bandes dessinées et l'illustration de textes d'auteurs pour des revues, recueils de poésie, ou affiches. Mes dessins ont été publiés aux éditions Jacques Flament, éditions des embruns, éditions Lamiroy, dans les distributeurs BDs de Short édition, ainsi que dans divers fanzines, recueils, et revues littéraires tels que : Traction Brabant, Le Soc, Le coquelicot, Poétisthme, Soleil Hirsute, La piscine, L’imagineur, L’utopie, Présences d’esprits, Lichen, Hélas, Opuscule, L’Ampoule, Caractère …  https://philippechevillard.fr/

 

 

 

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D'où vient la haine ?

D'où vient la haine

cette haine-ci

qui fuit la conscience

comme la peste

qui proscrit de la langue

la raison

qui réduit le cerveau

à un pois chiche

qui efface des yeux

la lumière

qui déracine du cœur

ce qui pourrait s'apparenter

à un sentiment

D'où vient la haine ?

qui a fermé à double tour

la porte

derrière laquelle se tiennent terrorisés

le doute

le regret

la compassion

le pardon

qui frappent et frappent

à cette porte

jusqu'à ne plus comprendre pourquoi

et s'arrêtent

convertis au désespoir

 

Abdellatif Laâbi

in La Terre est une orange amère

 

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Nouveaux Délits 76 - octobre 2023 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits Coupable responsable : Cathy Garcia Canalès  Illustrateur : Philippe Chevillard Correcteur : Élisée Bec   

 

 

 

 

 

Cathy Garcia Canalès - Calepins voyageurs et après ? tomes 2 & 3

 

 

 

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à tire d’aile, septembre 2023

 

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Chaque tome fait 52 pages agrafées comme le premier

imprimé sur papier recyclé 80 g et 250 g calcaire pour la couverture

chaque exemplaire est numéroté et signé

avec dans le tome 2, deux illustrations originales de François Pouch

 

12 € chaque nouveau tome

+ port pour un tome : 2,50 €

pour deux : 4 €  

Offre spéciale pour les trois tomes : 40 € port compris

Pour commander voir en fin de revue

 

 

 

05/07/2023

La revue a 20 ans !!

 

Je n'aurais jamais pu le prévoir, mais voilà  :

la revue Nouveaux Délits a eu 20 ans le 1er juillet ! Dingue !

Merci à toutes celles et ceux qui la soutiennent et y ont contribué d'une façon ou d'une autre !

 

 

*

NOUVEAUX DÉLITS

Revue de poésie vive et dérivés

– Numéro zéro -

juillet 2023

 

  

Pourquoi Nouveaux Délits ? Et pourquoi pas ?

Voilà le point de départ de cette revue qui se lance, à l’eau ou par la fenêtre comme on voudra, l’essentiel étant l’élan, l’impulsion, l’envie de faire. Faire réfléchir plus que plaisir, faire connaissance, faire le lien entre tous et chacun, pourvu qu’il soit avide de paroles, fraîches ou chaleureuses c’est selon, mais dans tous les cas vivantes.

Les auteurs sont lecteurs, les lecteurs auteurs et chacun contribue ainsi à poétiser le monde.

Poétiser : nettoyer les regards de la poussière du conformisme ambiant, goûter des saveurs nouvelles. Nouveaux Délits aime les mélanges, les différences, les mots qui dérangent, qui grattent, qui démangent, pour ne pas céder au sommeil qui dissout les consciences.

Nouveaux Délits à inventer, à commettre ensemble. Poétiser est un acte, pas un luxe.

Soyez à l’écoute du vent qui passe, ignorant les frontières, colporteur de bonnes et mauvaises nouvelles. Confiez-lui vos textes, vos poèmes, vos délires, il en fera peut-être de la matière à Nouveaux Délits.

 

 

 

"Un poète doit laisser des traces de son passage, non
des preuves. Seules les traces font rêver"

René Char

 

*

 

 

 

22/06/2023

J'irai Cracher Sur Vos Ondes - Émission du mercredi 31 mai 2023

 
Où il est question entre autre de la REVUE Nouveaux Délits et avec une très belle lecture d'un ensemble de Danielle Quérol publié dans le dernier numéro, par Rafaëlle Gandini Miletto, elle-même publiée dans le n°74, c'est beau ces résonances !!
 
à écouter ici :
 

12/06/2023

Revue Nouveaux Délits - Numéro 75 (extraits)

 

Un audio un peu plus en forme radiophonique, j'innove pour ce n°75.

Voici donc quelques-uns des poèmes & textes de Marie-Florence Ehret, Alain Simon, Marie-Françoise Ghesquier, Pierre Gondran dit Remoux, Marie Tavera, Daniel Quérol Bonhomme et Cathy Garcia Canalès, publiés dans ce n°75 sorti en avril 2023 et présentation de ce numéro. Extraits choisis et lus par Cathy Garcia Canalès. Illustrations de ce numéro : Anouk Rugueu.

 

 

28/05/2023

COLLECTION CARTES-POÈMES "ORACLES" - mise à jour régulière

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Une collection de poésie hors norme, des pièces uniques, fabriquées avec de l'inspiration spontanée, du papier, de la colle & des ciseaux : à l'époque du tout virtuel, décalage revendiqué !

 

Un poème unique de Cathy Garcia Canalès, fruit d'une contrainte que l'auteur  s'impose à elle-même.

Les cartes double sont disponibles à la pièce ou sous forme d'abonnement : une carte par mois pendant 6 mois ou un an et donc là c'est la surprise à chaque fois !

Ce sont des cartes doubles (qui s'ouvrent donc) au format 10,5 x 15 cm, chacune est signée et numérotée.

 

 10 € à la pièce port compris

Abonnement soutien 6 mois : 50 €

Abonnement soutien 12 mois : 80 €

 

Elles sont vendues en soutien à l'association Nouveaux Délits.

 

Vous pouvez voir et choisir ci-dessous parmi les cartes disponibles de la collection  :

 

 

 

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à suivre...............

 

 

 

17/05/2023

Soliflore 131 - Andrée Buchet

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Photo d'un tableau d'Andrée peinte par son mari

 

 

Je voudrais t’entourer de mon âme,
Tenir loin de toi tout le mal,
T’abriter comme au creux d’une lame
En mon cœur dont l’amour n’a d’égal.
Tu es mien au-delà de mon être,
Mon enfant, mon aimé, ma douceur :
C’est par toi que l’espoir peut renaître
À mes yeux désertés de lumière.
Tu es l’ange, la source, l’origine
De mon si douloureux parcours :
Je t’appartiens, c’est toi qui me dessines
La voie vers la beauté des jours.
C’est par toi que j’existe et perdure
Traversant les méandres du temps :
Tu es ma joie, ma folie, mon délire,
Tu me rends l’infini des instants

 


photo_andréebuchet.jpegAndrée Buchet née BIVORT, le 24 décembre 1922 à Luxembourg, est une poétesse luxembourgeoise. Elle écrit chez elle toute sa vie, dans l'intimité du foyer qu'elle partage avec son mari, Boris Buchet, peintre de l'école de Paris.


"J'arrivais pour étudier les lettres et la philosophie à La Sorbonne. C'était en 1946. C’était très dur après la guerre, mais malgré toute cette misère physique qui a encore duré des années, les gens étaient exaltés, on avait des ailes. Je l’ai rencontré dans le train pour venir à Paris, un garçon de la rue où j'avais grandi. J’étais forcée d’écrire. Je n’aurai jamais choisi d’écrire. Quelqu’un m’aimait très fort, ce qui a déclenché en moi une urgence. Ce poème m'a été dicté. Un soir, j’étais dans mes papiers à étudier et j’ai dû l'écrire. L’amour m’a toujours fait écrire. Par la suite, d’autres amours ont alimenté cette écriture, différemment. Lui, était resté. Même après sans être allé, il était resté d’un amour qui a duré toute la vie, toujours aussi profond. Je crois que chacun d'entre nous contient les deux sexes, Platon le disait et, on cherche constamment à retrouver cette part de nous. Cela donne un grand bonheur de retrouver cette moitié, de se sentir complet et vaste comme cet amour. On ne peut pas vivre sans amour."

 

 

02/05/2023

Gîtes de Julio Cortázar, trad. de l’espagnol (Argentine) par Laure Bataillon, Gallimard, 2012

 

1341195.jpgCe qu’il y a de fascinant dans les nouvelles de Cortázar, très représentatives du réalisme fantastique de la littérature latino-américaine, c’est qu’elles partent quasi toujours du quotidien, de situations des plus banales et puis, comme si la réalité commune n’était protégée que par un voile extrêmement ténu, soudain par une brèche, une faille, une déchirure, elle est envahie ou insidieusement pénétrée par d’autres réalités bien plus sombres et menaçantes où évoluent des créatures dangereuses, effrayantes ou pire encore. Elles montrent à quel point notre normalité, finalement, tient à peu de chose et qu’un rien peut nous faire basculer dans la folie, attiser nos pulsions les plus obscures, les plus animales, comme la statuette qui rend fou et sanguinaire dans L’idole des Cyclades et Les ménades où un chef d’orchestre paye cher et probablement en chair, son moment de gloire, quand le concert classique se transforme en orgie carnassière, sous la conduite d’une femme vêtue de rouge. Le talent de Cortázar n’est plus à démontrer et bien que les nouvelles de Gîtes, dont certaines figurent également dans d’autres recueils, commencent à dater — première parution chez Gallimard en 1968 — elles n’ont pas pris une ride. Elles se lisent avec toujours autant d’intérêt, de frissons et de plaisir. Une des plus notables, c’est sans doute N’accusez personne. Un homme enfile un pull, situation que nous avons tous connu, ça serre un peu, on se débat, on cherche la sortie, lui n’en ressortira pas vivant. Cette nouvelle, très simple en apparence, est d’une efficacité redoutable. Dans le registre légèrement surréaliste, il y a encore Céphalée où un couple d’éleveurs subit les symptômes de tous les terrains homéopathiques, sur fond d’élevage de bêtes étranges, fragiles et apparemment répugnantes : les mancuspies. Il y a cet homme aussi dans Lettre à une amie en voyage qui vomit des petits lapins. Dans Maison occupée, un frère et une sœur vivent seuls dans une vaste demeure familiale, mais peu à peu sont obligés de se retrancher dans un espace de plus en plus restreint, jusqu’à devoir quitter la maison. Le talent de Cortázar est l’art de rendre palpables les tensions, sans besoin d’expliquer quoi que ce soit, souvent les situations virent à l’absurde mais un absurde si noir qu’il est difficile d’en rire. Parfois, les nouvelles ressemblent à des souvenirs d’enfance, elles ont cette ambiance un peu douce et délavée des anciens albums photos où transparaît sans qu’on s’y attende, la cruauté. Pas mal de nouvelles se construisent aussi autour des rêves, des prémonitions, comme Récit sur un fond d’eau, Dîner d’amis ; de la perméabilité des frontières entre la vie et la mort, comme cet enfant qui pleure derrière La porte condamnée d’une chambre d’hôtel, scène qui pourrait tout à fait figurer dans un film d’horreur japonais et puis dans Le fleuve, une nouvelle particulièrement cynique autour du couple, ainsi que dans Autobus, où deux réalités s’ interpénètrent le temps d’un parcours en autobus, au plus grand effroi de deux des passagers qui n’ont pas de bouquet de fleurs et ne descendent pas au cimetière.

Cette nouvelle d’ailleurs fait penser à une autre excellente nouvelle qui se déroule dans un tramway : Les vautours, de l’auteur bolivien Oscar Cerruto dans Cercle de pénombre. Pour les aficionados comme moi de ce genre de littérature, on ne saurait trop conseiller l’anthologie Histoires étranges et fantastiques d’Amérique latine parue chez Métailié en 1997, où l’on peut retrouver deux nouvelles de Cortázar : N’accusez personne et Apocalypse du Solentiname. Un auteur à découvrir également, uruguayen, si ce n’est déjà fait : Horacio Quiroga, avec notamment ses Contes d'Amour, de folie et de mort.

 

Cathy Garcia Canalès

 

 

Cortazar.jpgJulio Florencio Cortázar Descotte est né le 26 août 1914 à Ixelles, banlieue de Bruxelles où travaille son père puis la famille retourne à Buenos Aires, dès la fin de la Première Guerre mondiale. Le père abandonne la famille. L'enfant, fréquemment malade, lit des livres choisis par sa mère, dont les romans de Jules Verne. Après des études de lettres et philosophie, restées inachevées, à l'université de Buenos Aires, il enseigne dans différents établissements secondaires de province. En 1932, grâce à la lecture d'Opium de Jean Cocteau, il découvre le surréalisme. En 1938, il publie un recueil de poésies, renié plus tard, sous le pseudonyme de Julio Denis. En 1944, il devient professeur de littérature française à l'Université nationale de Cuyo, dans la province de Mendoza. En 1951, opposé au gouvernement de Perón, il émigre en France. Il travaille alors pour l'UNESCO en tant que traducteur. Alfred Jarry et Lautréamont sont d'autres influences décisives. Il s'intéresse ensuite aux droits de l'homme et à la gauche politique en Amérique latine, déclarant son soutien à la Révolution cubaine (tempéré par la suite : tout en maintenant son appui, il soutient le poète Heberto Padilla) et aux sandinistes du Nicaragua. Il participe aussi au tribunal Russell. La nature souvent contrainte de ses romans, comme Livre de Manuel, modelo para armar ou Marelle, conduit l'Oulipo à lui proposer de devenir membre du groupe. Écrivain engagé, il refuse, l'Oulipo étant un groupe sans démarche politique affirmée. Naturalisé français par François Mitterrand en 1981 en même temps que Milan Kundera, il meurt le 12 février 1984 à Paris. Sa tombe au cimetière du Montparnasse est un lieu de culte pour des jeunes lecteurs, qui y déposent des dessins représentant un jeu de marelle, parfois un verre de vin. L'œuvre de Julio Cortázar se caractérise entre autres par l'expérimentation formelle, la grande proportion de nouvelles et la récurrence du fantastique et du surréalisme. Si son œuvre a souvent été comparée à celle de son compatriote Jorge Luis Borges, elle s'en distingue toutefois par une approche plus ludique et moins érudite de la littérature. Avec Rayuela (1963), Cortázar a par ailleurs écrit l'un des romans les plus commentés de la langue espagnole. Une grande partie de son œuvre a été traduite en français par Laure Guille-Bataillon, souvent en collaboration étroite avec l'auteur.

 

 

 

23/04/2023

Soliflore 130 - Iren Mihaylova

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Tableau de Monet - photo de l'auteur

 

 

 

            • l’effacement

d’une écriture -



« Jamais

tu n’y parviendras »



Ton corps prostré (convoité) comme refuge

Tes mains embaumées de promesses



Tes yeux comme éclairés de

SOLITUDE



Le refus que tu portes

Comme refuge

En signature du manque

Sera la clé de l’écluse invisible

 

  

            • Au fond des mots

(Depuis) toujours

Une même énigme :

 

Sauver ce qu’il y meurt

Ou ce qu’il reste à vivre

 

 

            • Dieu se vide de lui-même

                            et l’homme :

 

                           ce trou inconsolable

      qui contient sa trace

 

 

            • Deux siècles à rayer la fin

Cerner l’espace de deux silences



Je remonte d’un abysse

Rien ne me promet l’ascension



Il suffit de grimper

à l’échelle d’un manque

 

 

 

 

14/04/2023

Soliflore 129 - Alain Nouvel

 

Sergey Meytuv  -Russie- Petites histoires tristes et rencontres inutiles.jpg

©Sergey Meytuv  

 

 

 

Mon amour quand on sera riches


Mon amour, quand on sera riches 
et qu’on sera déconfinés,
on prendra l'autoroute en fleurs
 le matin dès potron-minet
et la 206 chauffera.
Sur une aire standardisée
au self-service on se rendra
où il y a plein de desserts
industriels et très sucrés.
Des cuisiniers en toque en toc
nous y serviront quelques frites
et puis ces cuisses de poulet
dont on mange même les os.
Là-bas, nous serons des rois,
assis à la table en faux bois
sous des poutres en polystyrène
on boira notre café crème.
Comme le moteur refroidit,
à Ouistreham on poussera,
où on verra les car ferries,
on écoutera en anglais
les haut-parleurs des compagnies
dire des mots qu’on comprend pas.
On rêvera de l'Amérique
en buvant une soupe aux huîtres.
Et puis on reviendra chez nous,
par la route aux ronds-points relous
pour économiser les sous
tout en prenant des raccourcis 
loin des radars et des soucis.

Mon amour, quand on sera riches,
on dormira au Sofitel
dans les environs de Paris.
Et on prendra le RER
pour voir de plus près Disneyland. 
Comme c’est trop cher l’entrée
on tournera autour des grilles
et on entendra les flonflons
des boîtes à rêve et à musique.
On marchera sur des chemins
parmi les champs de betterave
en contemplant de loin les tours
de plastique et de carton-pâte 
les attractions multicolores. 
Ce sera l'été, il fait doux,
on fera l'amour dans un bois
en écoutant les haut-parleurs
des grand huit, autos tamponneuses,
et des petits trains de la mort.
Il y aura le brouhaha
lointain des enfants qui rient, on
aura profité de tout ça
sans rien payer tant mieux tant mieux
ça nous rendra heureux, heureux.
On terminera le séjour
dans un F1 au lit friable
et puis on se mettra à table
au Mac Do au KFC
son vieux barbu qui vous sourit
comme un Joseph de cathédrale.
On lui répondra tendrement
en buvant notre Kronenbourg.
On rotera tout en songeant.


Mon amour, quand on sera riches,
on soutiendra nos libidos
en allant dans des club SM.
On y trouvera quelques vieux
qui se fouettent en disant « Je t’aime »
puis toute une armée de soumis
qui draguent en geignant : « Maîtresse »
et ils te montreront leurs fesses,
que tu punisses à l’envi.
Ils pleurent à tes pieds : « Madame,
châtiez-moi, je suis infâme. »
Quelque éléphant du socialisme
des professeurs et transgresseurs,
eux, vont en des salons privés
pour des pratiques plus osées.
C’est réservé à une élite 
des vieilles pies aux grosses bites.
Mon amour, quand on sera riches,
on se payera ces soirées
pour après, de retour chez nous,
s’exciter de tous ces à-coups.
Et quand on se fera la fête, 
on aura ce bordel en tête, 
ce sera doux, ce sera doux !

 

 

30/03/2023

Numéro 75

 

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Quelle époque épuisante, collectivement et puis pour beaucoup individuellement ! Tellement qu’écrire un édito pour ce numéro semble au-dessus de mes forces et puis il y aurait tant à dire que ce n’est pas une petite page qui y suffirait. Quelques mots résonnent : colère, absurdité, injustice, paix, changement, radical, urgence, catastrophe, confusion, bêtise, mépris, inhumanité, aveuglement… Mais j’ai trop usé ma langue sur les bords amers et tranchants de ce monde modelé par quelques fous qui prennent toute l’humanité et son futur en otages. Je préfère laisser ma langue non pas aux chats mais à toutes celles et ceux qui œuvrent à alimenter le feu des consciences, à élever l’imaginaire, à semer des graines de sens là où rien ne pousse, à parler la langue du vrai, aussi noire que nécessaire mais qui ne triche pas, qui n’enrobe pas de vernis, de sucre de séduction ; à celles et ceux qui savent la langue de soin qui tend vers l’autre des mots de secours, langue bonne et belle des naïfs qui refusent de jouer dans la cour des cruels et des prétentieux, langue du sage silence aussi quand la cacophonie rend tout contact explosif. Tant de langues, tant de possibles. Car « Nous sommes arrivés à un moment de l’histoire où nous devons d’urgence redéfinir le sens de la civilisation », a dit très justement Hayao Miyazaki et clairement cette langue qu’on nous assène depuis les hauteurs des palais et des étincelants buildings n’a plus rien à voir avec une quelconque idée de civilisation.                          cgc

 

 

Je sais pourquoi

autant se taire

 

Ne pas crier dans le désert

quand c’est chaque grain de sable qui souffre

ne pas parler aux vieux murs qui radotent

 

Passer en silence

avec la petite escorte d’insouciance

qu’on aura un temps séduite

 

Lionel Mazari

 

 

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AU SOMMAIRE

 

 

Délits de poésie :

 

Marie-Florence Ehret, Au jardin (extrait)

Antoine Simon

Marie-Françoise Ghesquier, Le pont suspendu (extraits)

Pierre Gondran dit Remoux, ainsi s’endort le ballast suivi de on hoche on hoche on hoche (extraits)

Marie Tavera

Danielle Querol Bonhomme, Fondrières de la parole

 

Délit de l’autre : Éric Cuissard, L'autre qui était peut-être lui (extraits)

 

Résonance : Gîtes de Julio Cortázar, trad. de l’espagnol (Argentine) par Laure Bataillon, Gallimard, 2012.

 

Délits d’(in)citations ainsi font font font les petites pâquerettes. Vous trouverez le bulletin de complicité fort désolé : la disparition du tarif éco, entre autres, force à l’augmentation du prix de l’abonnement (par voie postale) donc à prendre en compte pour tout renouvellement à partir du 1er avril 2023.

 

 

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Illustratrice :  Anouk Rugueu

 

« Ancienne libraire, j’ai toujours aimé lire, écrire et dessiner. Ayant eu la chance de travailler de nombreuses années à la librairie d’un musée, j’ai pu fusionner mes centres d’intérêt dans le plaisir quotidien de feuilleter des livres d’art, de discuter de création et de livres avec les clients et visiteurs. Je dessine aujourd’hui surtout sur des pages de livres anciens et des matériaux de récup. »                                              

Son site : https://rugueu.com/

 

 

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Pour qui sait se ménager du loisir, une journée s’étend sur mille ans.

Pour qui a le cœur vaste, une cabane est aussi spacieuse que l’univers.

 Zicheng Hong

 

 

 

 

 

 

Le livre de sensations


Parution le 1er février 2023

 

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2014-2022

 

"Parfois, j’ai des orgasmes de nature qui m’ouvrent le cœur en deux comme une graine mûre. Je suis l’arbre, la mésange, la grenouille, le nuage, la pluie, l’orage, je pourrais dévaster un bureau de pôle emploi, en faire une jungle pleine de feuilles, de cris et de fouillis odorant. Où est la case poète ? S’il n’y a plus de place pour les arbres, les plantes, les oiseaux, les animaux, il n’y en a pas non plus pour les enfants, les mystiques et les poètes, tout ça c’est la même chose, tout ça est connecté directement à la source, la source vitale, la source de toute chose. Pur ressenti, pure perception en résonance avec le monde des formes mais en totale inadéquation avec celui des normes et des apparences. Il n’y a pas de mystère, tout est mystère et la normalité est une affreuse invention, réduction, supercherie."


à tire d'ailes toujours, 52 pages bien remplies, agrafées, 
papier recyclé à 100 % 
mon illustration en couverture : "Dans la chair", 2023

 

12 € + 3 € de port,  à commander directement : mc.gc@orange.fr

 

 

 

24/03/2023

BULLETIN DE COMPLICITÉ à partir du 1er avril 2023

  

BULLETIN DE COMPLICITÉ

 

Je me déclare complice de Nouveaux Délits à compter du numéro    ...   :

 

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Je blanchis mon argent en envoyant mon chèque à :

ASSOCIATION NOUVEAUX DÉLITS - Letou – 46330 St CIRQ-LAPOPIE

 

  Abonnement (par envoi) :
    40 € pour 4 numéros ou 75 € pour 8 n° (France et DOM-TOM)
35 € pour 4 numéros ou 65 pour 8 n° (international en tarif livres & brochures)

 

Au numéro (même ancien):

7 € + port (3 € France ; 1 € international en tarif livres & brochures)

25 € l’abonnement de main à main

 

Je voudrais commander :

 

Le spécial Nouveaux délits et les 40 éditos, 2011

 

dans la collection Délits buissonniers :

 

Feu de tout bois de Murièle Modély, illust. Sophie Vissière 

Instantanés de Myriam OH, illust. Silvère Oriat 

Petite histoire essentielle de la futilité de Bruno Toméra, illust. Jean-Louis Millet 

Printemps captif de Lionel Mazari, illust. De Morgane Plumelle

Paraît que d’Heptanes Fraxion, illust. Jimmy Fortier

La cloche a sonné d’Aline Recoura, illust. Ludo Godot

 

10 € + port : 3 €

 

 Adhésion à l’association Nouveaux Délits (facultative) : 10 €

http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/

 

 

ou à télécharger ici : BULLETIN COMPLICE.pdf

 

 

 

 

 

 

22/02/2023

Revue Nouveaux Délits - n°74 (extraits)

 

Quelques poèmes parmi ceux publiés dans ce numéro paru en janvier 2023 des auteurs suivants : Vincent Gispert ; Alexandra Norelli ; Joséphine Maaci ; Rafaëlle Gandini Miletto ; Virginie Seba ; Pierre Maubé ; Ara Alexandre Shishmanian & Cathy Garcia Canalès.
Lecture par Cathy Garcia Canalès.

 

 

 

Revue Nouveaux Délits - n°73, octobre 2022 (extraits)

 

 

Quelques textes et poèmes parmi ceux publiés dans ce numéro paru en octobre 2022 des auteurs suivants : Yvan Robberechts ; Kiko Christian Moroy ; Alain Guillaume ; Isabelle Garreau ; Thierry Desbonnets ; Georges Cathalo et une présentation de "Calepins voyageurs et après ? – Tome 1" de Cathy Garcia Canalès, paru en juillet 2022 et rappel de la sortie de "La cloche a sonné" d'Aline Recoura, délit buissonnier n°6, juillet 2022 également. Illustrations de ce numéro : Corinne Pluchart. Lecture par Cathy Garcia Canalès.

 

 

17/02/2023

Soliflore 128 - Anna Kermen

 

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Arthur Hughes - Ophélie

 

 

où est mon frère
au fond
de la rivière
il n'y est pas
car j'y suis et
je ne le vois pas

comme j'en ai
le cœur plein et
les yeux remplis
je me méfie
des ombres
des reflets
que j'y vois

il n'y est pas
 
là-haut
hors d'atteinte
loin
de mon étreinte
un soleil en morceaux
voilé à travers l'ombre
me rappelle que la vie existe

son or m'indiffère
me lacère
il ne m'enverra pas
sa chaleur

car il ne brille pas
pour les cœurs
plombés
tombés
tout au fond
de la rivière

aucune silhouette
sur la berge
prête à me hisser
à me sauver

où est mon frère

bien au fond
de la rivière
je suis seule

je suis celle
qui tombe
qui tombe
qui tombe

comme une pierre

pas celle
que tu relèves
pas celle
dont tu rêves

comme j'ai
le cœur
gros
à aimer
à avaler
une rivière
ne suffit pas
ne sera pas de trop

comme j'ai
le cœur
qui déborde
de mots
je me tais
je m'endors
au fil de l'eau

où je n'entends
que ton silence

où est mon frère
que fait mon frère

 

insta : @anna_s_kermen

 

 

 

Soliflore 127 - Alexandre Poncin

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photo de l'auteur

 

 

La lumière aujourd’hui

n’a pas daigné

saluer mon salon

 

je n’en garde aucune

rancœur

— sinon pour moi

 

qu’ai-je fait pour

être si sérieux

si vérace

— impénétrable

 

je pensai à mon enfance

moi qui fut rivière

allant sans rien savoir

des transports minéraux

 

le soleil y barbotait

goulûment

ses rayons clapotaient

tout y était chair de poule

autant dire clair et humble

nous riions sans crispation

 

Je n’ai pas été fidèle

à moutonner mes colères

mes contradictions froissées

mes petites pétrifications

mes calculs et mes autres

lâchetés faites au monde

 

Ce jour

je ramasse humblement

ma poussière

demain me dira bien

ce que je suis

ce que je ne suis pas

 

https://alexandrepoemes.fr/

 

 

 

 

15/01/2023

Soliflore 126 - François Audouy

 

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auteur inconnu

 

 

Surnuméraires


Semi-provinciaux, grands banlieusards,
nous logions dans de vastes hangars
anonymes que nous n’habitions pas.
Nés confinés dans nos campagnes
avec une avance dérisoire,
nous errions en sous-préfectures
où aucun tram n’aboutirait,
perdant nos centres de gravité
à mesure que s’amenuise l’espoir.
Le dimanche, on va en forêt,
bon bol d’air entre deux autoroutes ;
comme chien en laisse on pisse un coup,
rentre s’abrutir aux ondes hertziennes.
Quand on s’évade, il est trop tard,
cet exode est ancré en nous
et on apprend à composer
jusque dans nos moelles épinières.
Nous sommes des hordes de surnuméraires,
zonards, zombis, flous et hagards,
effacés des images d’archives,
rayés des registres, des radars.
On nous éduque à la patience,
à sagement faire nos devoirs ;
polis et muets comme des pierres,
nous ne nous berçons pas d’histoires.
Nous nous souviendrons d’Anaïs
qui au plaisir nous initia,
des émissions du samedi soir,
du mélange de pomme et de vodka,
des Noëls tristes et des œufs de Pâques,
des parents faisant semblant d’y croire,
des vacances au bord de la mer,
aux mêmes dates, aux mêmes endroits.
Il ne fallait pas le monter le volume,
il fallait effacer nos traces ;
il fallait bander dans les clous,
ne surtout pas manger l’espace.
Comme l’unique cinéma
clignote de ses blockbusters
face au bowling - zone commerciale-,
les témoignages de nos vies sur terre
doucement s’estompent dans l’air du soir

 

 

 

12/01/2023

Fée d’hiver d’André Bucher

En hommage à l’auteur qui s’est envolé vers le territoire d’au-delà le 1er octobre dernier et qu’il ne sera jamais trop tard de lire, une note de lecture rédigée en 2012.

 

fee-dhiver.gifFée d’hiver d’André Bucher. Le Mot et le Reste, décembre 2011


Pour celles et ceux qui ne connaitraient pas encore le talent d’André Bucher, voici une bien belle façon de le découvrir. Dans Fée d’hiver, on sent le souffle d’un Jim Harrison, dont André Bucher est grand lecteur, mais l’écriture de cet écrivain poète paysan est unique. Elle sent le vécu, le territoire arpenté, la solitude affrontée. Fée d’hiver est un roman à la fois âpre et magnifique, austère et puissamment physique, comme les lieux dans lesquels il prend place dans ce sud de la Drôme, à la limite des Hautes-Alpes. Des lieux sauvages, entourés de montagnes, désertés par les hommes partis rejoindre les villes, où la vie, croit-on, offrirait plus de facilités. 

Le roman démarre sur un prologue, un article paru dans le journal Le Dauphiné libéré, daté du 31 août 1948. Un fait divers, « Drame de jalousie dans le sud de la Drôme », qui fait écho au titre du livre : Fée d’hiver. Cette fée d’hiver qui vient comme pour rompre une malédiction, une sorte de réparation d’accrocs dans les mailles du destin.

La première partie du roman est un journal intime à deux voix, s’étalant entre 1965 et 1988. Une façon de présenter les lieux, le contexte, les personnages. Daniel et Richard sont deux frères, l’un géant et l’autre court sur pattes, l’un parle peu, l’autre ne parle plus du tout. Ce sont les deux enfants laissés orphelins par le drame familial évoqué dans l’article du journal. Placés en famille d’accueil par la D.D.A.S.S., ils ont grandi et retournent maintenant vivre dans la ferme familiale aux Rabasses, pas très loin du village de Laborel. Une ferme délabrée, que Richard, l’ainé, va peu à peu transformer en casse. Daniel lui, muet depuis le drame, s’occupe d’un troupeau de brebis. Deux marginaux en quelque sorte, repliés sur eux-mêmes, que les gens alentour prennent pour des attardés.

Et puis il y a les Monnier qui ont une scierie. Le père était l’amant de la mère de Richard et Daniel, responsable en quelque sorte de leur malheur, mais il est mort lui aussi, emporté par un cancer peu de temps après. Restent les deux fils, dont l’ainé dirige maintenant la scierie et le cousin Louis, le nabot que les frères Monnier aimaient tant tyranniser quand ils étaient encore enfants. Ces deux-là depuis toujours enclins à la morgue et à la méchanceté et la vie n’avait pas aidé à les changer.

 

Heureusement il y a Alice, la jeune sœur. Alice travaille comme secrétaire à la scierie de ses frères, elle part à midi ravitailler les bûcherons. Alice est différente et elle n’a pas peur de passer du temps avec Daniel, le mutique des Rabasses, quand il fait pâturer ses brebis. Elle passe le voir, cherche à communiquer avec lui. Bien qu’elle soit bien plus jeune que lui, Daniel l’aime beaucoup, seulement les années passent vite. Un jour, alors qu’Alice a déjà plus de trente ans, elle finit par dire oui au cousin Louis. Daniel décide alors qu’il ne parlera vraiment plus jamais et arrête son journal. Nous sommes en 1988.

 

Le roman enchaîne alors sur l’histoire de Vladimir entre 1995 et 1998. Vladimir est serbo-croate et bûcheron. En 1995, avant le cessez-le-feu entre les Serbes et les Bosniaques, sa sœur et ses parents périssent dans la destruction de leur village. Vladimir, c’est son métier qui l’a sauvé, il était dans la montagne en train de bûcheronner quand c’est arrivé. Quand il est revenu, il n’y avait plus rien, juste larmes, cendres et décombres. Il a donc fui, son pays, ses souvenirs, sa douleur. De pays en pays, une vie rude et solitaire d’exilé, de sans-papier, avec pour seul bagage, seul lien avec son passé, une anthologie bilingue de poésie des Balkans. Il exerce son métier partout où il peut et de pays en pays, finit ainsi par arriver en France. Dans le parc du Lubéron, il travaille comme surveillant d’incendies avec Alain, un étudiant qui prépare une thèse sur l’éclatement de la péninsule des Balkans et parle donc un peu la langue de Vladimir. Ainsi, tout en guettant les feux, débroussaillant, éclaircissant les bois, il aide ce dernier à perfectionner son français. Le Lubéron hors saison touristique est totalement dépeuplé au grand étonnement de Vladimir.

 

« — Et encore, tu n’as rien vu. Ici ça va, on est dans le Lubéron. Passe seulement de l’autre côté du plateau d’Albion, en redescendant jusqu’à l’extrême pointe Sud de la Drôme, à la limite des Hautes-Alpes, tu verras… c’est bien pire. Là-bas même les corbeaux sont inscrits sur les listes électorales. Par contre en tant que bûcheron, tu devrais pouvoir trouver. Plus personne ne veut faire ce boulot. »

 

C’est comme ça, qu’en mars 1998, quelques mois après la fin de leur contrat, Vladimir se retrouve face à Alice devant la scierie des Monnier.

 

« — Bonjour Madame. Je m’appelle Vladimir, je suis bûcheron et je cherche du travail. »

 

Entre temps, Alice, avait donc vécu sa vie de femme mariée. Mariée moins par amour que par peur de rester seule et aussi sous la pression de ses frères, histoire que la scierie reste en famille. Le petit Louis était devenu un homme, toujours aussi faible mais plus sournois et puis il s’était mis à boire, à boire et à frapper.

Alice était loin, bien loin de ses rêves. Après huit années de mariage, la coupe était pleine et elle avait quitté le domicile conjugal pour aller vivre dans un gîte d’une amie d’enfance, pas très loin des frères Lacour : Richard et Daniel. Ça faisait longtemps qu’elle ne les voyait plus, elle s’en voulait. Les choses allaient changer.

 

Vladimir donc, est embauché par la scierie. Non déclaré, il loge dans une caravane vétuste sans aucune commodité, mais il a l’habitude et se contente de ce qu’il a jusqu'au jour où les frères Lacour viennent lui témoigner quelques signes d’amitié et finissent par lui proposer d’aménager sur leurs terres, dans une cabane à remettre en état, au fond du Val Triste, à quelques kilomètres de leur ferme.

 

« Une tanière toute en rondins de pins mal équarris, adossée à la forêt et donnant sur une clairière avec une vaste prairie où serpentait un ruisseau qui prenait sa source en haut du vallon. L’eau y était fraîche même en été et elle avait un léger goût de rouille. »

 

Vladimir ne se doute pas qu’il va préparer là un nid d’amour pour une fée d’hiver.

 

André Bucher à l’art de communiquer la nature, les sentiments qu’elle provoque et même ses propres sentiments à elle en tant qu’entité vivante à part entière et ce, d’une façon totalement originale, des images non attendues qui donnent beaucoup de fraicheur à l’écriture d’une histoire elle-même captivante, toute pleine de rebondissements, de profondeur, d’humanité et de rage aussi. Ce roman est un torrent de montagne à glisser à votre chevet.

 

 

Cathy Garcia Canalès

 

 

 

Écrivain, paysan, bûcheron, André Bucher est né en 1946 à Mulhouse, Haut-Rhin. Après avoir exercé mille métiers (docker, berger, ouvrier agricole…), il s’était installé à Montfroc en 1975, vallée du Jabron, dans la Drôme, où il est décédé des suites d’une maladie le 1er octobre 2022. Il était l’un des pionniers de l’agriculture bio en France. Écrivain des grands espaces, lecteur de Jim Harrison, Rick Bass, Richard Ford…, des écrivains amérindiens tels James Welch, Louise Erdich, Sherman Alexie, David Treuer…, son écriture puise sa scansion, sa rythmique dans le blues, la poésie, le jazz et le rock’n’roll. La nature n’est pas un décor mais un personnage de ses histoires. Fée d’hiver est son sixième roman.

 

 

 Le regard aussi est un toucher.

in La vallée seule

 

 

Bibliographie :

 

Tordre la douleur, roman, Le Mot et le Reste, janvier 2021.
Un court instant de grâce, roman, Le Mot et le Reste, 2018.
À l'écart, récit, Le Mot et le Reste, 2016.
La Montagne de la dernière chance, roman, Le Mot et le Reste, 2015.
Confidences de l'oreille blanche, conversation entre André Bucher et Benoît Pupier, Revue critique de fixxion française contemporaine n°1, Écopoétiques, mars 2015.
La Vallée seule, roman, Le Mot et le Reste, 2013.

Histoire de la neige assoupie, Une hirondelle qui pleure tout le temps (nouvelles), Chiendents n°17, Cahier d’arts et de littératures, André Bucher, Une géographie intime, éditions du Petit Véhicule, 2012.

Fée d’hiver, roman, éditions le mot et le reste, 2012.
La Cascade aux miroirs, roman, Denoël, 2009.
Le Pays de Haute Provence, carnet de voyage, vu de l’intérieur, récit, en collaboration avec le photographe Pascal Valentin, pour l’office de tourisme du Pays de Haute Provence, 2007.
Déneiger le ciel, roman, Sabine Wespieser, 2007.
Pays à vendre, roman, Sabine Wespieser, 2005.
Le Cabaret des oiseaux, roman, Sabine Wespieser, 2004.
Le Pays qui vient de loin, roman, Sabine Wespieser, 2003.
Le Juste Retour des choses, Saint-Germain-des-Prés, Miroir oblique, 1974.
Le Retour au disloqué, récit, Publication par l’auteur, 1973.
La Lueur du phare II, Éditions de la Grisière / Éditions Saint-Germain-des-Prés, Balises, 1971.
La Fin de la nuit suivi de Voyages, J. Grassin,1970.

 

 

André Bucher, col de Perty, janvier 2012 © B. P..png

 

Il songea que les empreintes des animaux dessinaient régulièrement des courbes ou des cercles. Les plantes également décrivaient des ronds pour se multiplier. Il n'y avait, selon lui, que l'homme pour se diminuer en s'imposant de vivre, et parfois de penser, à l'intérieur de carrés ou de rectangles. En y réfléchissant, il constata qu'il n'existait, pour ainsi dire, aucun carré dans la nature. Que l'on considérât la terre, la lune, le soleil ou l’œuf, ou encore les nids.

 

André Bucher in Déneiger le ciel

 

 

 

 

01/01/2023

Numéro 74

 

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Un kilo de plomb ou un kilo de plume ? Qu’est ce qui est le plus lourd, me demandait-on, enfant… J’avais déjà ma petite réponse et aujourd’hui encore, je sais : ce n’est pas au poids qu’on juge l’équivalence alors vive les plumes ! Plus il y en a et plus on s’envole, plus il y en a et plus on plonge dans la douceur, la chaleur et peu importe quels drôles d’oiseaux nous sommes ! La noirceur du corbeau peut caresser nos mélancolies mais gardons-nous du plomb… À moins d’être de très talentueux alchimistes, laissons-le là où il est, bien profond sous la terre dans son berceau de cuivre, il y a son rôle à jouer, équilibre d’une terre à terre, yeux dans les yeux des ouragans. Du monde, n’en parlons pas, il nous assourdit trop déjà, chacun-e devrait être en mesure de savoir ce qu’elle-il doit faire pour ne plus se faire plumer ni additionner le plomb et surtout laissons l’amour au-dessus de ça. L’amour ne nous appartient pas, nous sommes ses oisillons et s’il veut bien nous prendre sous ses ailes, ce n’est pas pour y rester mais pour apprendre à donner aux autres plus de légèreté. Plus d’air, plus de lumière à respirer. Ni cage, ni chaînes, ni boulet. Tout s’écroule mais ne perdons pas de temps à nous lamenter sur les pertes, aiguisons notre attention pour percevoir ce qui en nous gagne en légèreté, ne nous laissons pas abattre mais sentons ce poids de plume dans nos poches : plus on le partage et plus il est doux et léger et réconfortant.

 

Que cette année dite nouvelle nous soit douce, tendre et réconfortante.

 

et là

autour

sens tes bras qui s’allègent

la terre sous tes pieds

tu danses

tes mains comme des plumes

légères

l’oiseau

tu l’entends ?

ça pulse

ça palpite

ça pépite…

 

 

CGC

 

 

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AU SOMMAIRE

 

 

Délits de poésie :

Vincent Gispert, extraits d’À l’Est de l’horizon

& Alexandra Norelli

 

Délit de désobéissance et liberté : Joséphine Maaci

 

Délit de poésie (suite) :

Rafaëlle Gandini Miletto, extraits de marées

& Virginie Seba

& Tout un chacun de Pierre Maubé

& Ara Alexandre Shishmanian, extraits des cycles inédits Stases et en-stases et Haillons, traduit du roumain par Dana Shishmanian, avec la révision de l’auteur

 

Résonance hommage : Fée d’hiver d’André Bucher, Le Mot et le Reste, décembre 2011.

 

& petit cadeau de la femme-orchestre

  

Délits d’(in)citations qui incitent à regarder dans les coins.

Vous trouverez le bulletin de complicité au fond en sortant, qui pour l’instant fait comme si l’inflation (enflure, gonflement, dilatation, emphysème, œdème…) ne le concernait pas.

 

 

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 Illustrateur : Kiko Christian Moroy

 

Voir sa présentation de poète dans le n° 73 

 

 

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Sous l'influence d'une grande peur, presque tout le monde devient superstitieux. La peur collective stimule l'instinct du troupeau et tend à produire de la férocité envers ceux qui ne sont pas considérés comme des membres du troupeau. La peur génère des impulsions de cruauté, et donc favorise des croyances superstitieuses qui semblent justifier la cruauté. Ni un homme, ni une foule, ni une nation ne peuvent être fiables pour agir humainement ou penser sainement sous l'influence d'une grande peur. 

Bertrand Russell

 

 

 

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*** les illustrations dans la revue sont en N&B ***

 

Revue Nouveaux Délits – Janvier 2023 ISSN : 1761-6530 Dépôt légal : à parution – Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits  Coupable responsable : Cathy Garcia Canalès Illustrateur : Kiko Christian Moroy Correcteur : Élisée Bec       

 

         

« Reste le choix d’être poète. (…)

 

Si nous restons prisonniers de nos vieux critères, il n’y aura aucune issue. Remettre en cause la croissance illimitée, la prédation décomplexée, la xénophobie revendiquée, l’indifférence assumée, l’arrogance affichée, demande bien plus qu’une évolution : il s’agit de changer de paradigme. C’est toute notre image du monde qui est ici en jeu. Il ne saurait être suffisant, ni même signifiant, d’inventer de nouvelles manières de satisfaire nos vieux démons : il est vital de réenchanter un tout autre « habiter l’espace ». Qui ne renie ni les savoirs ancestraux ni les découvertes scientifiques. Mais qui s’autorise - à titre expérimental - toutes les ruptures, toutes les fractures. La langue n’est pas neutre : renommer la croissance du PIB en « taux de divergence suicidaire » aurait sans doute quelques conséquences sur nos ressentis, nommer « autoterrorisme intérieur » notre décision implicite de n’offrir aucun avenir vivable à nos enfants pourrait éveiller quelques consciences. Les mots comptent. Le poète ne se laisse pas intimider par la dictature malveillante d’une pensée oppressive qui tue chaque possible alternative avant même son éclosion. Comprendre et clamer que le réel pourrait être autre, esquisser l’inchoatif des ramifications avortées, exhiber les modes des mondes manqués constitue le cœur dur de la poésie en acte. Le poète refuse l’unicité du prisme. Même s’il est révolutionnaire, même s’il est solidaire, même s’il est salutaire. User d’une seule grille de lecture relève nécessairement d’une atrophie radicale. Le subtil démissionne dès que le pullulement est réfuté. Le monde est « plus d’un » de dedans et la pensée échoue tout autant quand elle gomme la multiplicité que quand elle omet la déconstructibilité. Les résistances poétiques doivent maintenant se disséminer, se déterritorialiser, se chaotiser, se diffracter et s’infecter mutuellement. Il est question d’écriture mais aussi de pensée, de regard, de ressenti, de geste, d’engagement, de désir, de plaisir. Le vivre poétique est tout sauf triste, étriqué et nostalgique. Il est transgressif, précis et aventureux, par essence. Il peut aussi devenir enchanteur, libérateur et salvateur. Par choix. »

 

Aurélien Barrau - extrait de son intervention à Résistances poétiques, débat qui a réuni Edgar Morin, Isabelle Autissier et Erri de Luca, le 6 novembre 2019, lors du Forum Libération « Finance solidaire : des idées et des actions pour changer la société » à Paris.

 

 

 

06/12/2022

Soliflore 125 – Haroun Guino

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Turfu 

C’est un petit soir à Marseille
Et le vent souffle sur l’avenir.
Qui en devine le fond absurde ?
Son chant baroque ou minuscule ? 
La vie superbe qu’il annonce,
Avec ses airs de victoire ?
Verra-t-on dans la vérité qu’il chante, 
La faiblesse de ses armes ? 
Et comment ne pas voir aussi, 
Dans le profond de son sourire, 
Dans la jolie révolte qu'il porte, 
Son refus d'aboutir. 

 

 

01/12/2022

Soliflore 124 – Lucie Roger

 

 

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image de l'auteur

 

 


Mosaïque

Par petites touches, petites pièces 
Construisant mosaïque chemin 
S’animant en couleurs mélangées 
Mélangeant porcelaine les instants 
Instants du chemin coloré, parsemé 
Sinueux, ce chemin porcelaine 
Porcelaine s’ajoutant par touches petites
Touches de mots, pièces aimantes
Porcelaine fine, colorée et vibrante 
Du chemin incomplet, lacunaire
Aux mots dépareillés, oscillants,
Pièces porcelaine colorées s’agençant
Formant improbable le chemin 
Fragmentaire, chemin inavouable 
Conduisant vacillants les pas 
Tremblement des cœurs porcelaines
Vers ces instants fébriles, fragiles
Ces chers instants colorés marquants
Instants savourés sur chemin mosaïque 
Inachevé chemin en mosaïque vers toi

 

 

16/11/2022

Nouveaux-Délits « revue de poésie vive » # 73 - Octobre 2022 par Didier Trumeau

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Commencer un Nouveaux-Délits est toujours un plaisir immense. Nulle exception, et la surprise vient simplement de la forme car le fond je le sais sera de haute volée. Voyez l’édito de Cathy qui propose un aperçu réaliste de la situation actuelle même pas agressif avec les hurluberélu-e-s qui mériteraient pourtant une sévère remontrance eut égard à leur inaction irresponsable, du moins à leurs actions totalement responsables… Mais aussi montre le chemin que tout le monde connait, et qu’il tient à chacun d’emprunter, pour que le monde permette la vie à tous, durablement… Les mots n’y suffiront pas et pourtant les dire, les écrire, les répéter, les réécrire, finiront bien par trouver l’oeil clairvoyant et l’oreille attentive. Le papier est toujours plus cher, et cela correspond bien à l’idée que je me fais du papier, papier cadeau pour recevoir et envelopper les mots, pour recevoir et développer toutes les histoires du monde, celles passées, d’aujourd’hui et à venir, pour recevoir le savoir et permettre au plus grand nombre d’y avoir accès… Le papier une matière exceptionnelle - je n’aime pas le mot noble - et sans doute plus pérenne que le média numérique… Un Nouveaux-Délits se présente toujours sous son écrin vieux rose suranné et précieux. Cela peut sembler fade et au contraire il y a dans cet aspect d’un autre temps une sensation de douceur, de paix et d’hospitalité, une invitation à ouvrir l’ouvrage, et d’être à la maison. Pour ce numéro, c’est Corinne Pluchart qui illustre de ses traits, ciselure et collages, les pages en papier recyclé comme la couverture. C’est à la fois énigmatique et végétal. Pour une fois Nouveaux-Délits ne se contente pas - et ne se contente jamais !!! - de nous offrir de la pure poésie avec ses Yvan Robberechts, Kiko Christian Moroy, Alain Guillaume, Isabelle Garreau, mais avec Thierry Desbonnets nous propose - en plus de deux poèmes, des réflexions profondes dont la portée humaniste doit sembler une lapalissade aux bienpensants, font mieux que moraliser, et rappelle précisément et simplement l’idéal soignant, l’idéal humaniste. Georges Cathalo avec ses uppercuts y va aussi de sa vision de notre monde désincarné, et la puissance de la conscience devrait (ré)conforter ceux qui doutent et désespèrent. Et ses poèmes dédiés sont à la hauteur de l’ensemble de Nouveaux-Délits. Petite auto-promo - qui le ferait sinon ? - pour parler du dernier recueil de Cathy Garcia Canalès « Calepins Voyageurs » qui nous parle de son parcours dans le milieu du spectacle de rue, et c’est bien entendu essentiel pour ceux qui ne se contentent pas de rêver mais en plus concrétisent. Et toujours ces extraits pointus, et ces citations magnifiques pour compléter, Nouveaux-Délits. Voilà !!! 

 

Le 14-11-2022

Didier Trumeau

 

 

 

07/11/2022

Soliflore 123 - Pierre Théobald

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auteur inconnu

 

 


ÉLEVAGE SAUVAGE

Mâles castrés, oreilles coupées :
Mise en préparation !
Queues tranchées, becs meulés :
À vif, ces amputations !
L’animal est maintenant prêt :
Apte à la production !
Ces centimes font rendement :
Voilà la croissance !
Performer pour l’amortissement :
Objectif finance !
L’animal, déjà mis en aliment :
Performance !

 

 

 

05/11/2022

Soliflore 122 - Dorothée Coll

 

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illustration originale de Philippe Chevillard

 

 

Le cuir

Le cuir de nos amours
exhibe ses entailles
Je passe la main sur les blessures, les cicatrices
imprime sur ma peau la dentelle des bords 
Empreinte des remords

On s’étripe, on s’éviscère
nos lignes de conduite s’écrivent à cœur ouvert
Transparence des ruisseaux de sang
qui zigzaguent entre les rochers

Les patrons de nos deux corps mal ajustés
attendent qu’un couturier fantasque
les drape d’un tissu moiré
et les faufile de blanc
que les coutures apparentes
guident les petits poucets
que nous étions, souviens-toi, avant de nous égarer

 

 

 

04/11/2022

Soliflore 121 - Sacha Zamka

 

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Nuée - photo de l'auteur - 2022

 

 

arbres

une seule injustice et c’est celle de naître
les siècles sont figés les heures sont inertes

arbres nous revenons à ceux de la genèse
que sommes-nous ? un corps que la souffrance innerve
l’aube n’est rien de plus que de l’imaginaire
nous dormons regard givre et nous rêvons yeux neige

dérivons-nous sur une ou bien plusieurs planètes ?

 

 

 

 

 

27/09/2022

Nouveaux Délits n°73

MESSAGE IMPORTANT ! Pour celles et ceux qui ne le savent pas, le prix du papier a littéralement explosé : 60 % d'augmentation et pour ce qui est des "délits buissonniers" (comme mes propres livres en autoproduction), le papier est beaucoup plus cher entre autre parce qu'il doit être de qualité pour les illustrations mais aussi parce que ce sont de vrais livres. Avec ça, j'ai toujours utilisé du papier recyclé, encore plus cher donc et de plus en plus rare (comme les fabricants) par un souci d'éthique que je n'abandonnerais pas. Je n'ai pas répercuté cette hausse spectaculaire sur les prix, pas plus que je n'avais répercuté celle des frais postaux mais aussi de l'encre et même de l'imprimante que j'ai dû changer l'hiver dernier en tombant en pleine pénurie mondiale d'imprimantes (!!!?). Comprendre : il faut acheter la gamme bien au-dessus et vite avant qu'il n'y en n'ait plus non plus... Encore un pas, et ce sera tout simplement impossible de continuer, alors comment dire ? Ben tout simplement : abonnez-vous, achetez des livres, soutenez la création et les producteurs indépendants tant qu'il en est encore temps ! Merci ❤

 

***

 

 

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Adepte pratiquante depuis longtemps de la secte des décroissants, alias les khmers verts et autres terroristes en herbe de la simplicité joyeuse et volontaire, je ne devrais que me réjouir du très soudain engouement des zélites pour la sobriété… Enfin, pour notre sobriété, à nous les gens très zordinaires. Un bon nombre d’ailleurs n’a pas été consulté pour être énergétiquement et financièrement sobres depuis longtemps ou toujours — et le picrate bon marché pour l’oublier ne dira pas le contraire. Je dois avouer que je perds vite mon calme devant les énormités proférées actuellement (déjà que…), ce qui est mauvais pour mon évolution spirituelle.

L’art du greenwashing n’a d’égal que celui du brainwashing… et autres anglicismes à la mode (and God took the queen !). En mai dernier, je tapotais sur mon clavier : « Hier j'ai entendu à la radio le terme "écologie pragmatique" sans doute en opposition avec une écologie qui serait utopique, l'un et l'autre ne veulent strictement rien dire, comme 95 % de ce qu'on entend actuellement venant des "autorisés à parler", civilisation du blablabla aux multiples méfaits (…). J'ai souvent eu honte de faire partie d'une espèce qui se laisse ainsi mener par le pire d'elle-même et par ses roquets en chef et qui en redemande de l'hypnose séductrice d'influences en tout genre — et surtout du plus mauvais — mais là ça devient irrespirable. Pour moi il n'y a plus de judicieuse radicalité assez radicale pour stopper cette folie et elle sera de toutes façons étouffée, écrasée par ce besoin de continuer encore et encore à sucer tout ce qui est suçable, à pomper ce qui est pompable. Nous sommes toutes et tous complètement incohérents ! (…) J'ai toujours au fond de ma poche un peu de poudre de perlimpinpin d'espoir — pas de celle qui se jette aux yeux, plutôt celle à diluer jour après jour dans la citerne grise du découragement  — l’espoir que quelque chose va faire ding ou bing ou clash soudainement et en même temps dans la tête de chacun-e d'entre nous, partout sur cette planète ! Et je dois dire qu’un certain nombre de personnes, et notamment des jeunes, mettent de la couleur dans ma poudre mais je n'oublie jamais que des hurluberlus de notre espèce sont bien plus (ir)responsables que d'autres : ceux et celles qui se prennent pour des hurluberélu-e-s pour toutes sortes de déraisons et puis nous autres habitants des pays qui se gavent depuis des siècles, des millénaires même » et je finissais ce coup de gueule trop long pour le mettre ici par « Nous n'avons plus beaucoup de temps et toutes celles et ceux qui ont compris depuis trop longtemps déjà sont fatigué-e-s de tenir la torche allumée, vraiment, je peux le voir, l’entendre et moi-même à ma propre mesure et déception après déception, je n’en peux plus. Alors voilà, aujourd'hui même, tout ce qui nous tue, tout ce qui tue, oppresse, manque de respect à cette planète et à toutes les formes de vie doit tomber, aujourd'hui même, maintenant, là, de suite !!! »

Et bien ce sera là mon édito pour ce numéro d’automne !

 

 

Ne leur pardonnez pas. Ils savent ce qu'ils font.

Claire Séverac (1948-2016)

 

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AU SOMMAIRE

 

 

Délits de poésie : Yvan Robberechts ; Kiko Christian Moroy ; Alain Guillaume & Isabelle Garreau avec des extraits de Manière noire

 

Délit de bonté : Thierry Desbonnets, deux poèmes & des réflexions profondes

 

Délits pluriels : Georges Cathalo avec quelques uppercuts tirés Des pluriels plutôt singuliers & cinq nouveaux poèmes dédiés

 

Délit d’autopromotion pour les Calepins voyageurs et après ? – Tome 1 de Cathy Garcia Canalès, paru en juillet dernier

 

 

Délits d’(in)citations, petits plombs légers au coin des pages, la chasse est ouverte, ici il n’est question que de nourrir l’esprit et non point tuer. Vous trouverez le bulletin de complicité au fond en sortant qui résiste bravement (ou en totale inconscience) à l’inflation, poil au fion !

 

 

 

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Illustratrice : Corinne Pluchart

 

 

Je ne crois pas à un effondrement spectaculaire et brutal, du jour au lendemain. Et je me tiens en retrait de la mouvance "collapsologue", que je respecte pourtant. Il n’en demeure pas moins qu’il est effectivement incontestable qu’une catastrophe est en cours. Ce n’est plus une crainte, c’est un bilan : 60 % des animaux sauvages ont disparu en 40 ans.

Posons-nous une question amusante : sur des échelles des temps géologiques, l'humain laissera-t-il une trace ? Un scorpion-géologue, dans 100 millions d’années, pourra-t-il savoir que nous avons existé ? Naturellement, toutes nos constructions seront balayées : des cathédrales aux usines, il ne restera rien. Et pourtant, il y bien un signe qui marquera le passage des humains sur Terre : la 6e extinction massive. On verra, par les fossiles, que la vie a soudainement périclité sans aucune cause géologique ou météoritique. Voilà la trace que nous laisserons sur notre planète : un anéantissement vertigineux du vivant.

 

Aurélien Barrau

 

 

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La cloche a sonné d'Aline Recoura, délit buissonnier n°6

 

 

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Délit buissonnier n° 6 sorti le 1er juillet 2022 !



*


elle dit non à l’institution
on lui reproche son manque de travail d'équipe
ça dégénère dans sa tête
elle comprend qu’on lui demande de pallier
toutes les incompétences et défaillances
elle est coincée
on lui parle de professionnalisme
de laisser ses émotions de côté
quand pendant deux ans tout le monde semblait
ravi que la maîtresse sorte des cadres affectifs
donne à la petite fille ce qu'elle ne trouvait nulle part d'autre
tout le monde semblait content d'avoir la paix
de cette petite fille comprise au moins par une personne
la maîtresse
c'est pour ça qu'elle décide de changer de métier


 *


illustrations originales de Ludo Godot
tirage numéroté
56 pages agrafées
imprimé sur papier Keaykoulor calcaire

100 g & 250 g 100 % recyclé

 
10 € +3 € de port, à commander à
 l’Association Nouveaux Délits

 

 

 

14/07/2022

Revue Nouveaux Délits - Numéro 72 (extraits)

 
 
Quelques textes et poèmes parmi ceux publiés dans ce numéro paru en avril 2022 des auteurs suivants : Anne-Marie Bernad, Jérémy Semet, Vincent Calvet, Odile Steffan-Guillaume, Stéphane Mongellaz, Perle Vallens et Michel Woelffle. Morceaux choisis et lus par Cathy Garcia Canalès.