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  • Soliflore 93 - Éric Bouchéty

     

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    "Ciel haut" - photo de l'auteur

     

     

    À l’heure grave 

     

    À l’heure grave, à l’heure constante,

    Comme aux autres heures passées,

    Maintenant que l’eau ne t’abreuve plus

     

    Que la bouche sèche a épuisé

    Ses grands chemins, ses lieux communs

    Goûtons-nous entre les deux espaces

     

    Tends l’évidence de ta gorge

    Maintenant qu’il n’y a plus de ciel

    Tends-y l’échelle de tes jambes.

     

    Dans l’heure juste, dans l’heure sensible,

    Apprends-moi le désir sagace,

     

    Ce qui nous tient sur le chaos.

     

     

     

  • Soliflore 92 - Clément Bollenot

     

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    ©Sylvie Frénillot - Quartier de Perrache - Lyon

     

     

    le tunnel avale le tram et moi aussi

    les lumières clignotent

    fragiles comme des lucioles

    le serpent de fer rampe mollement

    sur la voie ferrée

    ses yeux jaunes éblouissent la nuit

    je sens les murs vibrer le sol trembler

    et les lettres noires qui se détachent

    des murs ternes salis par la vie

    ACAB

    en ville pas besoin de lire le journal

    ni de regarder la télé

    tout est sur les murs

    ACAB

    les murs se souviennent

    si les images sont interdites

    ACAB

    mon index repasse les lettres une par

    une

    le tram est passé

    sa voix se perd près de la sortie

    et l'œil de la vidéosurveillance

    est braqué sur moi

     

    www.kildaprojet.com

     

     

     

  • Soliflore 91 - Tom Saja

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    photo©Daphné Castreau-Charara

     

     

    Kos

     

    Sable Grec

    Mer Égée

    Embruns de temps immémoriaux

     

    Le soleil renait derrière les montagnes

    De l’ancienne Halicarnasse

     

    Visages salés

    De silhouettes

    Qui veulent vivre

    Ardemment

     

    L’amour ne manque pas

    Mais que le monde en manque

    Immanquablement

     

    Ce monde n’est pas juste

    Et nous sommes nés du bon coté de la mer

     

     

     

     

  • Soliflore 90 - Anne Barbusse

     

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    on entre dans l’ère des femmes révoltées : le jardin se vêt

    de vignes vierges rouges comme les combats

    et les femmes hurlent le machisme surplombant,

    les coups, les professions perdues pour cause d’amour maternel

    (dans les divorces les pères demandent la garde pour que les mères

    ne puissent pas partir, ils possèdent l’enfant-objet et tu renonces à un poste universitaire)

    l’homme révolté c’est fini

    alors les femmes se lèvent

    elles en ont assez du machisme des pères des maris des maires des chefs

    elles sont #metoo par étouffement, pleurs, abnégations, face aux plantes ravagées

    les femmes opposent les luttes, manifestantes insultées et vivantes

    plus Marianne que le monde détruit, face au béton

    et aux maires, aux conseillers municipaux inamovibles et

    à la démocratie grippée, aux petits chefs ridicules et désuets

    face aux campagnes désertées, aux friches et vignes arrachées

    et aux lois faites par des hommes pour des hommes, (tu l’as dit à la présidente de l’université années 90, aube du second millénaire, les interruptions de thèse sont autorisées pour service militaire mais non pour congé maternité)

    cela le monde au tournant du millénaire, cela les forêts tranchées, le global warming

    et l’anthropocène absolu

    cela les violences silencieuses et urgentes, le monde à nos pieds exténué

     (étudiante tu ne coucheras pas pour obtenir un poste de secrétaire auprès d’un haut fonctionnaire parisien, poète tu ne coucheras pas pour subventionner un livre auprès d’un vieux maire crapuleux de province)

    droit de cuissage primitif et privilège des hommes mûrs du XXième siècle

    le capitalisme est plus masculin que nos rêves

    au village les femmes sont les seules à hurler au maire leurs révoltes criblées de blessures

    les femmes prostrées se lèvent

    contre les pères qui frappent (soulèvent la petite fille de terre en la tenant

    par ses longs cheveux frisés et dénoués) contre les maris

    qui frappent (parce que nous disent hystériques)

    contre les amants alcoolisés ou camés contre les coups - le fond de teint

    que tu te mets sur le visage le lendemain car

    c’est toi qui as honte d’être la battue de source sûre (avec le père la lèvre

    éclate de sang, mais en grandissant tu as appris à courir vite

    à faire vibrer la rampe d’acier de l’escalier pour t’enfermer

    dans les toilettes), avec le temps tu n’as rien appris

    puis tu jettes ton corps de femme à la face des mondes

    et tu éclates avec les oiseaux, et tu montes en haut

    des arbres pour que le ciel t’absolve, pour que tilleul et acacia

    te pardonnent d’avoir été la frappée, la battue, la folle

    (tu prends des coups parce que tu es folle, disent-ils, répètent-ils,

    ou mauvaise, ce sont leurs termes inébranlés)

    alors tu construis des ZAD et des pancartes rouges, tu bouleverses le cours

    des pouvoirs et tu tiens tête à tous les chefs fonctionnarisés par excès

    et dehors les plantes prennent courage

    la vigne vierge rougit sans honte

    tu seras la révoltée vierge telle la vigne rouge

    et tes pas divorcés auront l’aplomb des arbres fiers comme des ciels

    et ton cri aura la gorge tranchée de féminité et de lune, tu seras

    #metoo dans le réel exalté et les hommes n’osent plus,

    parmi l’effondrement de toutes les biodiversités, décapiter tes désirs

    surnuméraires et tes accouchements flambants et alors

    tu dresseras ta maternité comme une création intempestive tu joueras

    Delacroix pour de vrai mais sans le drapeau tu

    éteindras tous les bûchers dressés par la Didon malheureuse

    et tu prendras les rênes, dans le cours de l’histoire effondrée

    parmi vergers et landes – un soir de juin, le maire abandonne la préemption du potager et

    toutes les plantes respirent, le tilleul pleure d’été – alors les femmes

    sont du côté des oiseaux, tout en haut des arbres elles

    se jettent dans les mots écologiques, dans l’écriture la jamais battue l’instinctive

     

     

     

  • Rage ; rabia de Regina José Galindo

     

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    Traduction LAURENT BOUISSET  - Langue d'origine : ESPAGNOL

     
     

    Dans le numéro spécial Guatemala de la revue Nouveaux Délits (n°58) réalisé en collaboration avec Laurent Bouisset, vous aviez pu découvrir des traductions de poèmes de Regina José Galindo, leur puissance à l'image de tout son travail d'artiste poète et performeuse, la voici donc publiée en France pour la première fois aux éditions des Lisières.

    "À l'image de son travail d'artiste performeuse, la poésie de Regina José Galindo est crue, brute, viscérale. Reflet de la violence d'un continent, son écriture radicale dénonce la violence faite aux femmes et aux Indiens dans son « mauvais mauvais mauvais Guatemala » en proie aux gangs après trente-six années de guerre civile. Rendre hommage et affirmer une résistance, c'est ce que construit par son travail artistique et poétique Regina José Galindo, avec rage et vitalité."

     

    à commander ici :

    https://halldulivre.com/livre/9791096274222-rage-rabia-ga...

     

    Le site de Regina :

    http://www.reginajosegalindo.com/en/home-en/

     

    Le numéro spécial Guatemala :

    http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive/2017/...