on entre dans l’ère des femmes révoltées : le jardin se vêt
de vignes vierges rouges comme les combats
et les femmes hurlent le machisme surplombant,
les coups, les professions perdues pour cause d’amour maternel
(dans les divorces les pères demandent la garde pour que les mères
ne puissent pas partir, ils possèdent l’enfant-objet et tu renonces à un poste universitaire)
l’homme révolté c’est fini
alors les femmes se lèvent
elles en ont assez du machisme des pères des maris des maires des chefs
elles sont #metoo par étouffement, pleurs, abnégations, face aux plantes ravagées
les femmes opposent les luttes, manifestantes insultées et vivantes
plus Marianne que le monde détruit, face au béton
et aux maires, aux conseillers municipaux inamovibles et
à la démocratie grippée, aux petits chefs ridicules et désuets
face aux campagnes désertées, aux friches et vignes arrachées
et aux lois faites par des hommes pour des hommes, (tu l’as dit à la présidente de l’université années 90, aube du second millénaire, les interruptions de thèse sont autorisées pour service militaire mais non pour congé maternité)
cela le monde au tournant du millénaire, cela les forêts tranchées, le global warming
et l’anthropocène absolu
cela les violences silencieuses et urgentes, le monde à nos pieds exténué
(étudiante tu ne coucheras pas pour obtenir un poste de secrétaire auprès d’un haut fonctionnaire parisien, poète tu ne coucheras pas pour subventionner un livre auprès d’un vieux maire crapuleux de province)
droit de cuissage primitif et privilège des hommes mûrs du XXième siècle
le capitalisme est plus masculin que nos rêves
au village les femmes sont les seules à hurler au maire leurs révoltes criblées de blessures
les femmes prostrées se lèvent
contre les pères qui frappent (soulèvent la petite fille de terre en la tenant
par ses longs cheveux frisés et dénoués) contre les maris
qui frappent (parce que nous disent hystériques)
contre les amants alcoolisés ou camés contre les coups - le fond de teint
que tu te mets sur le visage le lendemain car
c’est toi qui as honte d’être la battue de source sûre (avec le père la lèvre
éclate de sang, mais en grandissant tu as appris à courir vite
à faire vibrer la rampe d’acier de l’escalier pour t’enfermer
dans les toilettes), avec le temps tu n’as rien appris
puis tu jettes ton corps de femme à la face des mondes
et tu éclates avec les oiseaux, et tu montes en haut
des arbres pour que le ciel t’absolve, pour que tilleul et acacia
te pardonnent d’avoir été la frappée, la battue, la folle
(tu prends des coups parce que tu es folle, disent-ils, répètent-ils,
ou mauvaise, ce sont leurs termes inébranlés)
alors tu construis des ZAD et des pancartes rouges, tu bouleverses le cours
des pouvoirs et tu tiens tête à tous les chefs fonctionnarisés par excès
et dehors les plantes prennent courage
la vigne vierge rougit sans honte
tu seras la révoltée vierge telle la vigne rouge
et tes pas divorcés auront l’aplomb des arbres fiers comme des ciels
et ton cri aura la gorge tranchée de féminité et de lune, tu seras
#metoo dans le réel exalté et les hommes n’osent plus,
parmi l’effondrement de toutes les biodiversités, décapiter tes désirs
surnuméraires et tes accouchements flambants et alors
tu dresseras ta maternité comme une création intempestive tu joueras
Delacroix pour de vrai mais sans le drapeau tu
éteindras tous les bûchers dressés par la Didon malheureuse
et tu prendras les rênes, dans le cours de l’histoire effondrée
parmi vergers et landes – un soir de juin, le maire abandonne la préemption du potager et
toutes les plantes respirent, le tilleul pleure d’été – alors les femmes
sont du côté des oiseaux, tout en haut des arbres elles
se jettent dans les mots écologiques, dans l’écriture la jamais battue l’instinctive