29/11/2020
Soliflore 93 - Éric Bouchéty
"Ciel haut" - photo de l'auteur
À l’heure grave
À l’heure grave, à l’heure constante,
Comme aux autres heures passées,
Maintenant que l’eau ne t’abreuve plus
Que la bouche sèche a épuisé
Ses grands chemins, ses lieux communs
Goûtons-nous entre les deux espaces
Tends l’évidence de ta gorge
Maintenant qu’il n’y a plus de ciel
Tends-y l’échelle de tes jambes.
Dans l’heure juste, dans l’heure sensible,
Apprends-moi le désir sagace,
Ce qui nous tient sur le chaos.
11:11 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
14/11/2020
Soliflore 92 - Clément Bollenot
©Sylvie Frénillot - Quartier de Perrache - Lyon
le tunnel avale le tram et moi aussi
les lumières clignotent
fragiles comme des lucioles
le serpent de fer rampe mollement
sur la voie ferrée
ses yeux jaunes éblouissent la nuit
je sens les murs vibrer le sol trembler
et les lettres noires qui se détachent
des murs ternes salis par la vie
ACAB
en ville pas besoin de lire le journal
ni de regarder la télé
tout est sur les murs
ACAB
les murs se souviennent
si les images sont interdites
ACAB
mon index repasse les lettres une par
une
le tram est passé
sa voix se perd près de la sortie
et l'œil de la vidéosurveillance
est braqué sur moi
18:45 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
09/11/2020
Soliflore 91 - Tom Saja
photo©Daphné Castreau-Charara
Kos
Sable Grec
Mer Égée
Embruns de temps immémoriaux
Le soleil renait derrière les montagnes
De l’ancienne Halicarnasse
Visages salés
De silhouettes
Qui veulent vivre
Ardemment
L’amour ne manque pas
Mais que le monde en manque
Immanquablement
Ce monde n’est pas juste
Et nous sommes nés du bon coté de la mer
11:14 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
08/11/2020
Soliflore 90 - Anne Barbusse
on entre dans l’ère des femmes révoltées : le jardin se vêt
de vignes vierges rouges comme les combats
et les femmes hurlent le machisme surplombant,
les coups, les professions perdues pour cause d’amour maternel
(dans les divorces les pères demandent la garde pour que les mères
ne puissent pas partir, ils possèdent l’enfant-objet et tu renonces à un poste universitaire)
l’homme révolté c’est fini
alors les femmes se lèvent
elles en ont assez du machisme des pères des maris des maires des chefs
elles sont #metoo par étouffement, pleurs, abnégations, face aux plantes ravagées
les femmes opposent les luttes, manifestantes insultées et vivantes
plus Marianne que le monde détruit, face au béton
et aux maires, aux conseillers municipaux inamovibles et
à la démocratie grippée, aux petits chefs ridicules et désuets
face aux campagnes désertées, aux friches et vignes arrachées
et aux lois faites par des hommes pour des hommes, (tu l’as dit à la présidente de l’université années 90, aube du second millénaire, les interruptions de thèse sont autorisées pour service militaire mais non pour congé maternité)
cela le monde au tournant du millénaire, cela les forêts tranchées, le global warming
et l’anthropocène absolu
cela les violences silencieuses et urgentes, le monde à nos pieds exténué
(étudiante tu ne coucheras pas pour obtenir un poste de secrétaire auprès d’un haut fonctionnaire parisien, poète tu ne coucheras pas pour subventionner un livre auprès d’un vieux maire crapuleux de province)
droit de cuissage primitif et privilège des hommes mûrs du XXième siècle
le capitalisme est plus masculin que nos rêves
au village les femmes sont les seules à hurler au maire leurs révoltes criblées de blessures
les femmes prostrées se lèvent
contre les pères qui frappent (soulèvent la petite fille de terre en la tenant
par ses longs cheveux frisés et dénoués) contre les maris
qui frappent (parce que nous disent hystériques)
contre les amants alcoolisés ou camés contre les coups - le fond de teint
que tu te mets sur le visage le lendemain car
c’est toi qui as honte d’être la battue de source sûre (avec le père la lèvre
éclate de sang, mais en grandissant tu as appris à courir vite
à faire vibrer la rampe d’acier de l’escalier pour t’enfermer
dans les toilettes), avec le temps tu n’as rien appris
puis tu jettes ton corps de femme à la face des mondes
et tu éclates avec les oiseaux, et tu montes en haut
des arbres pour que le ciel t’absolve, pour que tilleul et acacia
te pardonnent d’avoir été la frappée, la battue, la folle
(tu prends des coups parce que tu es folle, disent-ils, répètent-ils,
ou mauvaise, ce sont leurs termes inébranlés)
alors tu construis des ZAD et des pancartes rouges, tu bouleverses le cours
des pouvoirs et tu tiens tête à tous les chefs fonctionnarisés par excès
et dehors les plantes prennent courage
la vigne vierge rougit sans honte
tu seras la révoltée vierge telle la vigne rouge
et tes pas divorcés auront l’aplomb des arbres fiers comme des ciels
et ton cri aura la gorge tranchée de féminité et de lune, tu seras
#metoo dans le réel exalté et les hommes n’osent plus,
parmi l’effondrement de toutes les biodiversités, décapiter tes désirs
surnuméraires et tes accouchements flambants et alors
tu dresseras ta maternité comme une création intempestive tu joueras
Delacroix pour de vrai mais sans le drapeau tu
éteindras tous les bûchers dressés par la Didon malheureuse
et tu prendras les rênes, dans le cours de l’histoire effondrée
parmi vergers et landes – un soir de juin, le maire abandonne la préemption du potager et
toutes les plantes respirent, le tilleul pleure d’été – alors les femmes
sont du côté des oiseaux, tout en haut des arbres elles
se jettent dans les mots écologiques, dans l’écriture la jamais battue l’instinctive
11:24 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
05/11/2020
Rage ; rabia de Regina José Galindo
Dans le numéro spécial Guatemala de la revue Nouveaux Délits (n°58) réalisé en collaboration avec Laurent Bouisset, vous aviez pu découvrir des traductions de poèmes de Regina José Galindo, leur puissance à l'image de tout son travail d'artiste poète et performeuse, la voici donc publiée en France pour la première fois aux éditions des Lisières.
"À l'image de son travail d'artiste performeuse, la poésie de Regina José Galindo est crue, brute, viscérale. Reflet de la violence d'un continent, son écriture radicale dénonce la violence faite aux femmes et aux Indiens dans son « mauvais mauvais mauvais Guatemala » en proie aux gangs après trente-six années de guerre civile. Rendre hommage et affirmer une résistance, c'est ce que construit par son travail artistique et poétique Regina José Galindo, avec rage et vitalité."
à commander ici :
https://halldulivre.com/livre/9791096274222-rage-rabia-ga...
Le site de Regina :
http://www.reginajosegalindo.com/en/home-en/
Le numéro spécial Guatemala :
http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive/2017/...
11:08 Publié dans POÉSIE VIVE | Lien permanent | Commentaires (0)