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LA REVUE EN LIGNE : LES SOLIFLORES

  • Soliflore 142 - Patrick Gillard

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    © Aurélia Van Gucht

     

     

     

    Cabotage sous haute mère

     

    Aucun grain de libre liberté 
    N’a déchiré ta vague autarcie
    Toi, enfant de courte durée, 
    Patouillant les flaques de l’estran,
    Comme si c’était les jupes de ta mère.

    Garderais-tu de cette prime pataugeoire
    Des regrets amers de la vie hauturière
    Que ta vague dérive quotidienne
    Tient à distance respectable des côtes,
    Comme si c’était les jupes de ta mère ?

     

     

     

  • Soliflore 140 - Annie Hupé

     

    Annie Huppé.jpg

    Dessin de l'auteur

     

     

    Roue de secours

     

    C'est la machine qui prend l'homme
    Les yeux rivés, le dos plié

    Cardan, manivelle, courroie,
    Plus serré, c'est bête de somme.

    La nuque raide et les épaules
    Figées, les mains sur les leviers

    Les pieds meuvent le palonnier
    L'homme aux commandes ; la machine

    Piston, vilebrequin, rouage
    Bielle, arbre à cames, engrenage

    Gouverne l'oreille et l'échine
    l'homme entre pression et tension.

     

     

  • Soliflore 138 - Isabelle Audiger

     

     

     

     

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    La Tamise à Twickenham (photo de l'auteur)

     

     

     

    FLEUVE

     

    Belle artère

    Lumières somptueuses

    Terres et eaux mélangées

    Poudre d’original

    Gris, verts, jaunes se fondent

    Je te connais

    Comme un connaît

    Un humain

    Un ami

    Un amant peut-être

    Dont on suit les courbes

    Les éclats sur la peau

    Les envies de plonger

    Dans les creux

    À la source

    Je te connais si peu

    Mais j’arpente les ponts

    Qui enjambent ton flot

    À l’abri

    De tes colères et tes passions

    Je cherche

    Le désir de voyage

    Lorsque le soleil

    Rejoint tes eaux

    Là-bas, là-bas j’irai

    Il me rejoindra

    Près du château

    Le même air

    Nous respirerons

    Comme sur ma peau

    Le désir passe

    Le désir s’écoule

    Entre les îles

    Mamelons et refuges

    Rythmes des marées

    Paysages

    Toujours changeants

    Improvisations des éléments

    Jazz, swingue, valse

    Près du fleuve

    Les corps se rencontrent

    Je ne te connais pas

    Pas vraiment

    Mais tu me fais rêver

    Un rêve fou de nature-mère

    Aimante et passionnée.

     

     

     

  • Soliflore 137 - Antoine Bouillanne

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    Johann Oberhauser, " Boussole de mine", 1777- photo©Jean-Claude Bérizzi

     

     

     

    Héritage

     

    Parfois je me lève la nuit
    Compte les deniers, compte les soucis
    Rafistole la carte, et
    Partage mon royaume en parts égales

    Ma boussole, comme d'habitude
    Pointe à l'Est
    Je révise mes verbes d'état
    Vire à l'Ouest

    Ils ne connaissent pas mes airs
    Comment me reconnaîtront-ils ?
    Heureusement, j'ai encore mes drôles de manières
    Deux pots de yaourt, et un fil

    Je laisserai en héritage de quoi porter chance
    Quelques réflexions intéressantes
    Deux grands-mères souffrantes
    Et, bien sûr, mes gris-gris d'un autre âge

                   

     

     

     

  • Soliflore 135 - Isabelle Grosse

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    mon père est mort

    samedi

    pas hier ni ce matin

    samedi dernier

     

    mon père est mort

    contre sa volonté

     

    mon père est mort

    fin des disputaisons

     

    mon père est mort

    Basta

     

    mon père est mort

    exit   la peur

          la trouille

          l'esquive

     

    mon père est mort

    fini terminé

    stop pas de replay s'il me plait

    out dehors circulez

     

    mon père est mort

    il y a un longtemps un temps infini

    pas hier ni samedi

     

    mon père est mort

    pour l'éternité

     

    mon père est mort

    mort mort mort mort

    en boucle

     

    mon père est mort

    et pas enterré

    je n'irai pas vérifier

     

    mon père est mort

    pas saint

    ni de corps ni d'esprit

     

    mon père était déjà mort

    pour toujours

     

    mon père est mort

    avec ses dossiers ses combines

    ses coups montés ses magouilles ses complots

    ses menteries ses manigances ses coups bas ses fantômes

    sa réalité

     

    mon père est mort

    faussaire         à temps plein

     

    mon père est mort

    à l'hôpital comme les autres

    pas de favoritisme

     

    mon père est mort

    avec ses sacs de noeuds

     

    mon père est mort

    mon géniteur est décédé

    mon paternel a passé l'arme à gauche

    son petit papounet est parti au ciel

     

    mon père est mort

    pas de quartier

     

    mon père est mort

    paix à mon âme

     

     

     

  • Soliflore 134 - Louise Brun

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    photo de l'auteur

     

     

    Je dis « je », mais cette douleur n’est pas que la mienne. / Je dis « je » et le fil de la douleur circule dans nos corps et dans nos âmes. /Lien électrique, positif ou négatif qui relie ou délie ou délie/relie les êtres humains, les êtres tout court, ou qui nous sommes. Nous (dés)humains. Nous qui cherchons à le rester/humain.es./
    Je dis « je » mais je est celle ou celui qui le dit.//Transmission des douleurs, guerres et traumas, de ce qui ne semble s’arrêter jamais./Et guerres encore.//Transmission de la cruauté du monde, des mots dits et non-dits (et je voudrais parfois effacer tous les mots, pour les recréer autrement, le langage qui se tord, mais ça ne marche pas, alors encore dire)//Le sensations qui épuisent et vident le corps lorsque la violence ailleurs s’accroit, encore et encore//
    Je dis « je » à qui un tant soit peu se reconnaîtra/ ou qui voudra ou qui pourra//se saisir de quelque chose de notre histoire, de nos histoires, quelque chose capable pourtant de circuler et d’éclairer magmas et chaos, dans l’ombre des inhumaines douleurs, non dites, brutales et agressives, et mortifères ou meurtrières//Je dis « je » pour que quelque chose résonne encore, toucher nos corps, nos cœurs. Je dis « je » comme un je qui s’éloigne, sans disparaître pourtant. Pour dire non, à ce qui encore nous détruit, nous (humain.e.s) 


    2024

     

     

  • Soliflore 132 - Éric Aubel

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    Photo de l'auteur

     

     

    Cessez – je ne vous entends plus
    vos mots n’atteignent plus mes oreilles
    cessez – je ne vous vois plus
    vos images ne brûlent plus mes yeux

    Sur les grèves du jour le chant du merle
    fait l’inventaire de ce qui déjà n’est plus

    Cessez – que le vent emporte votre vide
    l’homme qui vous parle est d’un autre pays
    l’impure a coulé dans ses veines
    il se soigne au silence de l’exil

    Jusque sous mes fenêtres à mes pieds
    un ressac dépose le monde perdu

    Cessez – il n’est plus temps de vos jérémiades
    plus temps de vos courtisanes courbettes
    le monstre au dos rond que vous entretenez
    nous cherche des poux sur la tête jusqu’au sang

    J’aménage une maison sur l’écume de l’aube
    et à l’éveil de ma peau le monde de demain

    Cessez – je n’ai plus d’oreille pour vous
    bien trop souvent mes yeux m’ont menti
    à tâtons pas à pas par les sens j’éprouve
    et des êtres et des choses la vulnérabilité

    Le futur est le temps de tous les rendez-vous
    alors cessez je vous y attendrai au tournant

     

     

     

     

  • Soliflore 131 - Andrée Buchet

    portraitandrée_borisbuchet.jpeg

    Photo d'un tableau d'Andrée peinte par son mari

     

     

    Je voudrais t’entourer de mon âme,
    Tenir loin de toi tout le mal,
    T’abriter comme au creux d’une lame
    En mon cœur dont l’amour n’a d’égal.
    Tu es mien au-delà de mon être,
    Mon enfant, mon aimé, ma douceur :
    C’est par toi que l’espoir peut renaître
    À mes yeux désertés de lumière.
    Tu es l’ange, la source, l’origine
    De mon si douloureux parcours :
    Je t’appartiens, c’est toi qui me dessines
    La voie vers la beauté des jours.
    C’est par toi que j’existe et perdure
    Traversant les méandres du temps :
    Tu es ma joie, ma folie, mon délire,
    Tu me rends l’infini des instants

     


    photo_andréebuchet.jpegAndrée Buchet née BIVORT, le 24 décembre 1922 à Luxembourg, est une poétesse luxembourgeoise. Elle écrit chez elle toute sa vie, dans l'intimité du foyer qu'elle partage avec son mari, Boris Buchet, peintre de l'école de Paris.


    "J'arrivais pour étudier les lettres et la philosophie à La Sorbonne. C'était en 1946. C’était très dur après la guerre, mais malgré toute cette misère physique qui a encore duré des années, les gens étaient exaltés, on avait des ailes. Je l’ai rencontré dans le train pour venir à Paris, un garçon de la rue où j'avais grandi. J’étais forcée d’écrire. Je n’aurai jamais choisi d’écrire. Quelqu’un m’aimait très fort, ce qui a déclenché en moi une urgence. Ce poème m'a été dicté. Un soir, j’étais dans mes papiers à étudier et j’ai dû l'écrire. L’amour m’a toujours fait écrire. Par la suite, d’autres amours ont alimenté cette écriture, différemment. Lui, était resté. Même après sans être allé, il était resté d’un amour qui a duré toute la vie, toujours aussi profond. Je crois que chacun d'entre nous contient les deux sexes, Platon le disait et, on cherche constamment à retrouver cette part de nous. Cela donne un grand bonheur de retrouver cette moitié, de se sentir complet et vaste comme cet amour. On ne peut pas vivre sans amour."

     

     

  • Soliflore 130 - Iren Mihaylova

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    Tableau de Monet - photo de l'auteur

     

     

     

              • l’effacement

    d’une écriture -



    « Jamais

    tu n’y parviendras »



    Ton corps prostré (convoité) comme refuge

    Tes mains embaumées de promesses



    Tes yeux comme éclairés de

    SOLITUDE



    Le refus que tu portes

    Comme refuge

    En signature du manque

    Sera la clé de l’écluse invisible

     

      

              • Au fond des mots

    (Depuis) toujours

    Une même énigme :

     

    Sauver ce qu’il y meurt

    Ou ce qu’il reste à vivre

     

     

              • Dieu se vide de lui-même

                                et l’homme :

     

                               ce trou inconsolable

          qui contient sa trace

     

     

              • Deux siècles à rayer la fin

    Cerner l’espace de deux silences



    Je remonte d’un abysse

    Rien ne me promet l’ascension



    Il suffit de grimper

    à l’échelle d’un manque

     

     

     

     

  • Soliflore 129 - Alain Nouvel

     

    Sergey Meytuv  -Russie- Petites histoires tristes et rencontres inutiles.jpg

    ©Sergey Meytuv  

     

     

     

    Mon amour quand on sera riches


    Mon amour, quand on sera riches 
    et qu’on sera déconfinés,
    on prendra l'autoroute en fleurs
     le matin dès potron-minet
    et la 206 chauffera.
    Sur une aire standardisée
    au self-service on se rendra
    où il y a plein de desserts
    industriels et très sucrés.
    Des cuisiniers en toque en toc
    nous y serviront quelques frites
    et puis ces cuisses de poulet
    dont on mange même les os.
    Là-bas, nous serons des rois,
    assis à la table en faux bois
    sous des poutres en polystyrène
    on boira notre café crème.
    Comme le moteur refroidit,
    à Ouistreham on poussera,
    où on verra les car ferries,
    on écoutera en anglais
    les haut-parleurs des compagnies
    dire des mots qu’on comprend pas.
    On rêvera de l'Amérique
    en buvant une soupe aux huîtres.
    Et puis on reviendra chez nous,
    par la route aux ronds-points relous
    pour économiser les sous
    tout en prenant des raccourcis 
    loin des radars et des soucis.

    Mon amour, quand on sera riches,
    on dormira au Sofitel
    dans les environs de Paris.
    Et on prendra le RER
    pour voir de plus près Disneyland. 
    Comme c’est trop cher l’entrée
    on tournera autour des grilles
    et on entendra les flonflons
    des boîtes à rêve et à musique.
    On marchera sur des chemins
    parmi les champs de betterave
    en contemplant de loin les tours
    de plastique et de carton-pâte 
    les attractions multicolores. 
    Ce sera l'été, il fait doux,
    on fera l'amour dans un bois
    en écoutant les haut-parleurs
    des grand huit, autos tamponneuses,
    et des petits trains de la mort.
    Il y aura le brouhaha
    lointain des enfants qui rient, on
    aura profité de tout ça
    sans rien payer tant mieux tant mieux
    ça nous rendra heureux, heureux.
    On terminera le séjour
    dans un F1 au lit friable
    et puis on se mettra à table
    au Mac Do au KFC
    son vieux barbu qui vous sourit
    comme un Joseph de cathédrale.
    On lui répondra tendrement
    en buvant notre Kronenbourg.
    On rotera tout en songeant.


    Mon amour, quand on sera riches,
    on soutiendra nos libidos
    en allant dans des club SM.
    On y trouvera quelques vieux
    qui se fouettent en disant « Je t’aime »
    puis toute une armée de soumis
    qui draguent en geignant : « Maîtresse »
    et ils te montreront leurs fesses,
    que tu punisses à l’envi.
    Ils pleurent à tes pieds : « Madame,
    châtiez-moi, je suis infâme. »
    Quelque éléphant du socialisme
    des professeurs et transgresseurs,
    eux, vont en des salons privés
    pour des pratiques plus osées.
    C’est réservé à une élite 
    des vieilles pies aux grosses bites.
    Mon amour, quand on sera riches,
    on se payera ces soirées
    pour après, de retour chez nous,
    s’exciter de tous ces à-coups.
    Et quand on se fera la fête, 
    on aura ce bordel en tête, 
    ce sera doux, ce sera doux !

     

     

  • Soliflore 128 - Anna Kermen

     

    Arthur Hughes - Ophélie.png

    Arthur Hughes - Ophélie

     

     

    où est mon frère
    au fond
    de la rivière
    il n'y est pas
    car j'y suis et
    je ne le vois pas

    comme j'en ai
    le cœur plein et
    les yeux remplis
    je me méfie
    des ombres
    des reflets
    que j'y vois

    il n'y est pas
     
    là-haut
    hors d'atteinte
    loin
    de mon étreinte
    un soleil en morceaux
    voilé à travers l'ombre
    me rappelle que la vie existe

    son or m'indiffère
    me lacère
    il ne m'enverra pas
    sa chaleur

    car il ne brille pas
    pour les cœurs
    plombés
    tombés
    tout au fond
    de la rivière

    aucune silhouette
    sur la berge
    prête à me hisser
    à me sauver

    où est mon frère

    bien au fond
    de la rivière
    je suis seule

    je suis celle
    qui tombe
    qui tombe
    qui tombe

    comme une pierre

    pas celle
    que tu relèves
    pas celle
    dont tu rêves

    comme j'ai
    le cœur
    gros
    à aimer
    à avaler
    une rivière
    ne suffit pas
    ne sera pas de trop

    comme j'ai
    le cœur
    qui déborde
    de mots
    je me tais
    je m'endors
    au fil de l'eau

    où je n'entends
    que ton silence

    où est mon frère
    que fait mon frère

     

    insta : @anna_s_kermen

     

     

     

  • Soliflore 127 - Alexandre Poncin

    Chat Ombre.jpg

    photo de l'auteur

     

     

    La lumière aujourd’hui

    n’a pas daigné

    saluer mon salon

     

    je n’en garde aucune

    rancœur

    — sinon pour moi

     

    qu’ai-je fait pour

    être si sérieux

    si vérace

    — impénétrable

     

    je pensai à mon enfance

    moi qui fut rivière

    allant sans rien savoir

    des transports minéraux

     

    le soleil y barbotait

    goulûment

    ses rayons clapotaient

    tout y était chair de poule

    autant dire clair et humble

    nous riions sans crispation

     

    Je n’ai pas été fidèle

    à moutonner mes colères

    mes contradictions froissées

    mes petites pétrifications

    mes calculs et mes autres

    lâchetés faites au monde

     

    Ce jour

    je ramasse humblement

    ma poussière

    demain me dira bien

    ce que je suis

    ce que je ne suis pas

     

    https://alexandrepoemes.fr/

     

     

     

     

  • Soliflore 126 - François Audouy

     

    audouy.jpg

    auteur inconnu

     

     

    Surnuméraires


    Semi-provinciaux, grands banlieusards,
    nous logions dans de vastes hangars
    anonymes que nous n’habitions pas.
    Nés confinés dans nos campagnes
    avec une avance dérisoire,
    nous errions en sous-préfectures
    où aucun tram n’aboutirait,
    perdant nos centres de gravité
    à mesure que s’amenuise l’espoir.
    Le dimanche, on va en forêt,
    bon bol d’air entre deux autoroutes ;
    comme chien en laisse on pisse un coup,
    rentre s’abrutir aux ondes hertziennes.
    Quand on s’évade, il est trop tard,
    cet exode est ancré en nous
    et on apprend à composer
    jusque dans nos moelles épinières.
    Nous sommes des hordes de surnuméraires,
    zonards, zombis, flous et hagards,
    effacés des images d’archives,
    rayés des registres, des radars.
    On nous éduque à la patience,
    à sagement faire nos devoirs ;
    polis et muets comme des pierres,
    nous ne nous berçons pas d’histoires.
    Nous nous souviendrons d’Anaïs
    qui au plaisir nous initia,
    des émissions du samedi soir,
    du mélange de pomme et de vodka,
    des Noëls tristes et des œufs de Pâques,
    des parents faisant semblant d’y croire,
    des vacances au bord de la mer,
    aux mêmes dates, aux mêmes endroits.
    Il ne fallait pas le monter le volume,
    il fallait effacer nos traces ;
    il fallait bander dans les clous,
    ne surtout pas manger l’espace.
    Comme l’unique cinéma
    clignote de ses blockbusters
    face au bowling - zone commerciale-,
    les témoignages de nos vies sur terre
    doucement s’estompent dans l’air du soir

     

     

     

  • Soliflore 125 – Haroun Guino

    Turfu.JPG

     

    Turfu 

    C’est un petit soir à Marseille
    Et le vent souffle sur l’avenir.
    Qui en devine le fond absurde ?
    Son chant baroque ou minuscule ? 
    La vie superbe qu’il annonce,
    Avec ses airs de victoire ?
    Verra-t-on dans la vérité qu’il chante, 
    La faiblesse de ses armes ? 
    Et comment ne pas voir aussi, 
    Dans le profond de son sourire, 
    Dans la jolie révolte qu'il porte, 
    Son refus d'aboutir. 

     

     

  • Soliflore 124 – Lucie Roger

     

     

    Mosaique.PNG

    image de l'auteur

     

     


    Mosaïque

    Par petites touches, petites pièces 
    Construisant mosaïque chemin 
    S’animant en couleurs mélangées 
    Mélangeant porcelaine les instants 
    Instants du chemin coloré, parsemé 
    Sinueux, ce chemin porcelaine 
    Porcelaine s’ajoutant par touches petites
    Touches de mots, pièces aimantes
    Porcelaine fine, colorée et vibrante 
    Du chemin incomplet, lacunaire
    Aux mots dépareillés, oscillants,
    Pièces porcelaine colorées s’agençant
    Formant improbable le chemin 
    Fragmentaire, chemin inavouable 
    Conduisant vacillants les pas 
    Tremblement des cœurs porcelaines
    Vers ces instants fébriles, fragiles
    Ces chers instants colorés marquants
    Instants savourés sur chemin mosaïque 
    Inachevé chemin en mosaïque vers toi

     

     

  • Soliflore 123 - Pierre Théobald

    7-1.jpg

    auteur inconnu

     

     


    ÉLEVAGE SAUVAGE

    Mâles castrés, oreilles coupées :
    Mise en préparation !
    Queues tranchées, becs meulés :
    À vif, ces amputations !
    L’animal est maintenant prêt :
    Apte à la production !
    Ces centimes font rendement :
    Voilà la croissance !
    Performer pour l’amortissement :
    Objectif finance !
    L’animal, déjà mis en aliment :
    Performance !

     

     

     

  • Soliflore 122 - Dorothée Coll

     

    Le cuir.jpg

    illustration originale de Philippe Chevillard

     

     

    Le cuir

    Le cuir de nos amours
    exhibe ses entailles
    Je passe la main sur les blessures, les cicatrices
    imprime sur ma peau la dentelle des bords 
    Empreinte des remords

    On s’étripe, on s’éviscère
    nos lignes de conduite s’écrivent à cœur ouvert
    Transparence des ruisseaux de sang
    qui zigzaguent entre les rochers

    Les patrons de nos deux corps mal ajustés
    attendent qu’un couturier fantasque
    les drape d’un tissu moiré
    et les faufile de blanc
    que les coutures apparentes
    guident les petits poucets
    que nous étions, souviens-toi, avant de nous égarer

     

     

     

  • Soliflore 121 - Sacha Zamka

     

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    Nuée - photo de l'auteur - 2022

     

     

    arbres

    une seule injustice et c’est celle de naître
    les siècles sont figés les heures sont inertes

    arbres nous revenons à ceux de la genèse
    que sommes-nous ? un corps que la souffrance innerve
    l’aube n’est rien de plus que de l’imaginaire
    nous dormons regard givre et nous rêvons yeux neige

    dérivons-nous sur une ou bien plusieurs planètes ?

     

     

     

     

     

  • Soliflore 120 - Thierry Delhourme

     

     

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    ©Gil Goulpié

     

     

     

    L’ombre épousant la lumière

     

     

    Bienvenue à l’enfant que je n’aurai jamais

    il court déjà dans les herbes folles

     

    Bienvenue au futur de mes amis

    pour eux j’avais le désir de naître

    sous leurs sabots aux pointes givrées

    c’était un désir sans volonté ni rituel

    avec juste la transparence à mon seuil

    mes visions fraîches comme pains de l’aurore

     

    Bienvenues les femmes de pailles et d’or

    dont j’envie la flamme dressée

    chaque nuit pour réparer le monde

     

    Idem les funambules et jongleurs qui brisent

    la roche pour en sucer l’âme

    ils sont guetteurs de joies ravaleurs de mensonges

    et bien plus nombreux les yeux dans le dos

    que dans nos chansons nos aventures humaines

     

    Alors comment allons nous dire

    l’odeur de la fête qui frappera tantôt

     

    Peut-être

     

    Bienvenue la chose hantée en sa pure merveille  

     

     

     

     

  • Soliflore 118 - Alexandra Norelli

     

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    ©Erik Johansson - Impact

     

     

     

    Garde-robe

     

    Il s’était fait un beau costume
    Brodé de nuit
    "Ça devrait faire fuir le bonheur"
    Qu’il a dit


    Elle avait cousu des miroirs
    sur son corps nu
    "Il se verra comme je le vois"
    Qu'elle a cru


    Et ne sachant pas comment le
    Déshabiller
    Elle fit tomber toute son armure
    En premier.

    (et comme il y avait du verre partout

    elle a fini par se blesser

    et c’est une bien triste fin)

     

     

     

     

  • Soliflore 117 - Stéphane Mongellaz

     

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    Cathy Garcia Canalès

     

     

     

    REPOS DE L’ARME

     

    Ainsi m’ont-ils eu

    et déjà tu le savais,

    et durant le temps qui fut le nôtre   ̶

     

    échangeant nos saveurs intimes,

    trafiquant nos humidités crues,

    reconnaissant tracé et inconnu

     

    le passage ancien

    d’une source claire

    encore sourde de nous   ̶

     

    tu ramenais l’ombre à sa brute matière

     

    dans tout l’espace scellé maintenant

    sur mon front, ruisseau de pluie

    portée vivante par le vent

     

    que je sais être toi,

    ô l’Infiltrée, l’Échappée des lacunes.

     

     

     

  • Soliflore 116 - Éric Moutier

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    Xiaoming Yang

     

     

    TÊTE À L’ENVERS

     

    Prisonniers de nos tours syllabiques,

    À écrire des mots

    Quand d’autres vivent des histoires,

    Laboureur de lumière

    À la lueur de l’encre noire,

    Nous cherchons libération

    Dans le jour virevoltant,

    Quittant nos maisons de papier

    Pour de plus grands espaces.

    Ne plus s’interdire de rugir,

    Sentir l’existence nous souffler ses poèmes,

    Souffleuse de verre brûlant,

    Modelant

    La finesse de nos êtres.

    Attendre la dernière expiration

    Pour se bomber de flamme,

    Voir nos matières rougissantes

    Prendre forme

    Sous l’inspirante lave

    Et revenir

    Parfois à la marge

    Parfois à la page

    Graver nos lignes muries

    Sur nos cahiers

    Devenues mémorielles.

     

     

    https://m.facebook.com/eric.moutier.3

     

     

     

     

  • Soliflore 115 - Michel Woelffle

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    Le passage


    Le gamin descendait du Chabre
    Il avait chaud je l’ai arrêté
    Il m’a dit
    “j’viens de là-haut”
    J’ai regardé la montagne
    haute, verte dans cette apparence immobile
    qu’ont les arbres regardés de loin
    J’ai encore songé que les hommes étaient nés là-haut
    de ces arbres étrangement silencieux, attentifs
    s’élevant lentement vers le ciel
    sans répit
    Je songeais à cela en regardant cet enfant échappé de la montagne
    que les arbres avaient connu
    écorce rompu des siècles et des légendes
    La légende d’un monde qui avait relevé les arbres pour en faire des hommes
    “T’es passé par le col de l’ange ?”
    Il savait pas trop...
    “T’as rencontré des anges ?”
    “Non il m’a dit... personne...”
    “Alors c’est qu’tes pas grimpé assez haut”
    Il avait l’air sympa.
    Il me regardait sans se foutre de ma gueule
    Alors j’ai ajouté
    “De toute façon tant que t’en seras pas un
    t’en rencontreras pas”

     


    Ballons 20/21 Juillet 21

     

     

     

     

  • Soliflore 114 - Christophe Salus

     

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    tableau de René Mazyn, tous droits réservés

     

     

     

    Religieuse prose

     

    Les exégèses exagèrent :

     

    Dans ces Livres pleins de virgules,

    que l’histoire a lentement essuyées,

    Tout peut se voir et s’interprète,

    et si l’on s’en tient au seul mot,

    ce sont bien des pages glauques d’horreurs !

     

    Et comme on peut pas faire pire

    et que le délit plagiaire est proscrit :

     

    « Écrivons nous-même notre livre sacré ! »

     

     

     

     

     

  • Soliflore 113 - Silvère Cordin

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    Suivre les mélodies monophoniques
    Se laisser prendre par le jeu de la pluie
    renoncer au reflet du miroir
    le combat des astres, aux rites d'autrefois
    lumineux, irradiant râles d'un sous-monde
    souffles de liberté, de mains et de cœurs
    proches d'un monde tempétueux qui s'ouvre.
    Qui est l'inculte ? Qui est le païen de l'autre ?
    Qui sera celui qui nous donnera l'avenir d'un millier d'arbres ?
    Celui qui fera renaître les cendres d'une terre nébuleuse ?
    peut-être,
    celui qui purgera la laideur à l'intérieur de nos fibres ?
    sûrement.
    Qui absoudra la rage muette et indicible dans nos regards ?