©Sergey Meytuv
Mon amour quand on sera riches
Mon amour, quand on sera riches
et qu’on sera déconfinés,
on prendra l'autoroute en fleurs
le matin dès potron-minet
et la 206 chauffera.
Sur une aire standardisée
au self-service on se rendra
où il y a plein de desserts
industriels et très sucrés.
Des cuisiniers en toque en toc
nous y serviront quelques frites
et puis ces cuisses de poulet
dont on mange même les os.
Là-bas, nous serons des rois,
assis à la table en faux bois
sous des poutres en polystyrène
on boira notre café crème.
Comme le moteur refroidit,
à Ouistreham on poussera,
où on verra les car ferries,
on écoutera en anglais
les haut-parleurs des compagnies
dire des mots qu’on comprend pas.
On rêvera de l'Amérique
en buvant une soupe aux huîtres.
Et puis on reviendra chez nous,
par la route aux ronds-points relous
pour économiser les sous
tout en prenant des raccourcis
loin des radars et des soucis.
Mon amour, quand on sera riches,
on dormira au Sofitel
dans les environs de Paris.
Et on prendra le RER
pour voir de plus près Disneyland.
Comme c’est trop cher l’entrée
on tournera autour des grilles
et on entendra les flonflons
des boîtes à rêve et à musique.
On marchera sur des chemins
parmi les champs de betterave
en contemplant de loin les tours
de plastique et de carton-pâte
les attractions multicolores.
Ce sera l'été, il fait doux,
on fera l'amour dans un bois
en écoutant les haut-parleurs
des grand huit, autos tamponneuses,
et des petits trains de la mort.
Il y aura le brouhaha
lointain des enfants qui rient, on
aura profité de tout ça
sans rien payer tant mieux tant mieux
ça nous rendra heureux, heureux.
On terminera le séjour
dans un F1 au lit friable
et puis on se mettra à table
au Mac Do au KFC
son vieux barbu qui vous sourit
comme un Joseph de cathédrale.
On lui répondra tendrement
en buvant notre Kronenbourg.
On rotera tout en songeant.
Mon amour, quand on sera riches,
on soutiendra nos libidos
en allant dans des club SM.
On y trouvera quelques vieux
qui se fouettent en disant « Je t’aime »
puis toute une armée de soumis
qui draguent en geignant : « Maîtresse »
et ils te montreront leurs fesses,
que tu punisses à l’envi.
Ils pleurent à tes pieds : « Madame,
châtiez-moi, je suis infâme. »
Quelque éléphant du socialisme
des professeurs et transgresseurs,
eux, vont en des salons privés
pour des pratiques plus osées.
C’est réservé à une élite
des vieilles pies aux grosses bites.
Mon amour, quand on sera riches,
on se payera ces soirées
pour après, de retour chez nous,
s’exciter de tous ces à-coups.
Et quand on se fera la fête,
on aura ce bordel en tête,
ce sera doux, ce sera doux !