RÉSONANCES 41
1 film : Incendies, écrit et réalisé par le québécois Denis Villeneuve d’après la pièce de Wajdi Mouawad, a reçu au total 11 récompenses, et elles sont plus que méritées. J’ai rarement vu un film aussi riche et aussi réussi à tout point de vue. Le scénario est en or, les images sont magnifiques, l’intrigue astucieusement composée d’allers-retours entre présent et passé, est captivante et le fond est d’une extrême intelligence et sensibilité. C’est le portrait d’une femme, Nawal, magistralement interprétée par Lubna Azabal, le portrait d’une mère, au passé mystérieux qui sera dévoilé après sa mort. Bouleversant, déchirant même, le film est aussi beau que dur. Ce que les jumeaux Jeanne et Simon Narwan vont devoir découvrir, selon les dernières volontés de leur mère - ou plutôt les derniers caprices, leur semble t-il, d’une femme trop distante - pour être autorisés à graver une épitaphe sur la tombe de cette dernière, les renverra dans un passé qu’ils n’auraient jamais pu soupçonner, en plein cœur de la tragique histoire du Liban. Le nombre de thèmes abordés, chacun avec justesse, dans ce film est tout simplement époustouflant. C’est le genre de film qui ne s’oublie pas.
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1 livre : Barrio Flores, Philippe Claudel, avec des photographies de Jean-Michel Marchetti, la Dragonne, 2000. Barrio Flores est comme l'indique son sous-titre, une "petite chronique des oubliés". Le Barrio Flores, à la Havane, est un de ces innombrables quartiers pauvres d’Amérique latine ou d’ailleurs et ce livre évoque tous les oubliés qui y vivent, y survivent. " j'avais dévalé la nuit. Le jour me prenait dans les parfums de fritures. Des ivrognes à l'angle d'un immeuble éboulé s'accrochaient à leur aube de tromperies et d'alcool de canne." Un gamin comme il en existe tant, enfant des rues, d'autant plus vivants qu'ils côtoient la mort au quotidien, nous y promène comme une "petite musique", "Je marchais sur des trottoirs blancs comme des fesses d'agneaux", une comptine entêtante. J'ai été séduite, envoûtée par le chant des mots, la beauté de ce texte qui rend hommage aux exclus "dans le matin du quartier de tôles et de carton, dans le matin hésitant des chiens maigres et des loups de fortune". Un hommage à ceux dont l'existence n'est parfois qu'une brève étincelle "le battement de son cœur, si rapide, qui se précipitaient de vivre en quelques mois une vie entière". Un texte poétique, vibrant et juste, qui résonne encore longtemps après lecture. " Elle a lampé à la bouteille un oubli aux couleurs de lune morte." Philippe Claudel est né en 1962. Écrivain et scénariste, il a publié une quinzaine de livres. On lui doit notamment «Les âmes grises» (éd. Stock), roman couronné en 2003 par le Prix Renaudot.
1 roman : Terre somnambule de Mia Couto (Terra Sonâmbula, 1993), Éd. Albin Michel, 1994, traduit du portugais (Mozambique) par Maryvonne Lapouge-Pettorelli. Il est d'abord déroutant ce premier roman de Mia Couto, deux histoires y avancent en filigrane. Un aller-retour incessant dans le temps, deux protagonistes, le vieil homme et l'enfant, réfugiés dans un car-brousse incendié au-milieu des morts. Un no man's land sinistre cerné de violence, où passé et présent, réel et rêvé, s'entremêlent constamment et la lecture des cahiers trouvés là, dans lesquels aussi se mélangent l'histoire et le mythe, le vécu et l’imaginé... Il n'est pas forcément nécessaire de connaître l'histoire du Mozambique, même si cela aiderait à la compréhension du fond de ce roman, par contre il est nécessaire de lire avec les tripes, plus qu'avec sa tête, de lire avec cet organe indéfinissable qui se met à vibrer dès qu'on le confronte à la dimension poétique. L'écriture de ce roman est belle, étrange et fascinante, et c'est bien de poésie qu'il s'agit ici. Une poésie qui puise dans l'imaginaire africain autant qu'à la beauté de la langue. Ici donc, c’est celle de l'ancien colon, le Portugais, qui est mêlée au dialecte local, pour créer de nouvelles images, riches et surprenantes, ce qui donne un style très particulier qui rappelle certains romans latino-américains. Une poésie où se diluent dans une sorte de fièvre, de lent cauchemar, le tragique des destins, la barbarie des guerres civiles et les paysages qui en sont le décor. L'absurde de la violence, l'abysse des souffrances, là où l'homme se confond avec l'animal, n'en sont que plus palpables. Etrange et magnifique roman, dont on ne sait pas exactement comment on y est entré, ni quand on en est sorti.
1 groupe : Yat-Kha, groupe de rock tuva (Russie), formé en 1991.Le groupe tire son nom d'un instrument typique mongol qui ressemble à la lyre. Actuellement composé d’Albert Kuvezin (chanteur et guitariste), Jenya Tkatchov (percussions) et Scipio (bassiste). Albert Kuvezin maîtrise à la perfection le khöömei. Le khöömei est basé sur ce qu'on appelle le "bourdon", un son fondamental sur lequel les harmoniques, jusqu'à plus de 40, viennent former une mélodie grâce à un ingénieux placement de la langue ou des lèvres. Les chanteurs qui utilisent cette méthode peuvent produire deux voix différentes, voire trois. Le khöömei est inscrit depuis 2009 au patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO pour la Chine et depuis 2010 pour la Mongolie. Les compositions de Yat-Kha s'appuient sur la musique chamanique sibérienne en rajoutant des instruments électriques et ses sons rock. La voix du chanteur extrêmement grave lui a valu des comparaisons avec Tom Waits, mais la dimension chamanique apporte quelque chose de nettement original et de très envoûtant. Discographie : 1991: Kahnparty. 1995: Yenisei Punk. 1999: Dalai Beldiri. 2000: Aldyn Dashka. 2001: Bootleg. 2003: tuva.rock. 2005: Re-covers. 2005: Bootleg 2005. 2010: Poets and Lighthouses.