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  • Soliflore 105 - Nathaël Bethencour

     

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    photo de l'auteur

     

     

    L'espoir est capital

     

     

    Il a le pas rapide de la hyène, il s'offre en holocauste au grand capital.

    Dieu est une ruine, sur laquelle les gargouilles tombent et se fracassent.

    Les enfants ont peur du masque du corbeau, des petits Moha disparaissent.

    Sur les hautes collines, les prisons de Babylone grouillent du cri des infamies.

    Baladant ma carcasse et mon chapelet, je rentre en payant dans Notre-Dame.

    Le spirituel est une sinistrose, l'art est une mangeoire d'usurier.

    J'ai goûté de l'œil la rue du Cherche-Midi, il n'y avait que des dents blanches.

    Je tournai vers la rue du Dragon pour y chercher la demeure de l'Ours Hugo.

    Ma vie va aussi vite que l'échange des marchands du temple et des veaux éclatants.

    J'ai hurlé dans le métro que je ne voulais pas d'argent, ils baissaient les yeux.

    À la Butte Montmartre, je me suis acheté un tissu, j'en ai fait un pagne.

    J'étais nu, quant au cœur du printemps, j'ai senti un oranger du Mexique, ô senteur !

    Ivre de ma folie, j'ai regardé la capitale, avec l'œil de la pitié.

    Je me suis allongé sur l'herbe menue, pour prier, des images d'animaux m'envahirent.

    À mon réveil, l'amante inconnue me caressa, elle était de toutes les nations.

     

    Paris c'est l'aumône du miracle !

     

     

  • Quintet de Frédéric Ohlen

     

    Gallimard, mars 2014

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    354 pages, 21,50 €

     

    Quintet, comme son nom l’indique, est un roman composé de cinq voix différentes que le destin emporte dans son tourbillon pour former une œuvre riche et entêtante. Ce Quintet prend place au XIXe siècle, à la naissance de la Nouvelle-Calédonie. Les Français étaient là depuis quelques années et « le pays comptait moins de quatre cents civilsla plupart cantonnés dans la capitale, si on pouvait appeler ainsi une ville aux rues non pavées, sans port aménagé, sans eau potable. Une cité puante, montueuse et marécageuse en diable (…) ». Quatre cents civils si l’on ne comptait bien sûr la population autochtone répartie en une multitude de tribus. Et qui dit naissance dans le cas d’une terre déjà habitée, oublie souvent de dire que c’est le début de la fin pour la culture et la liberté de ceux qui étaient déjà là bien avant, fût-ce depuis des millénaires.

    Quatre cents « Men-oui-oui » donc, comme les appelaient les Kanak, « au verbe haut et à la peau rouge, qui sillonnent le pays à grand pas, creusent des trous sans rien y mettre, lavent l’eau des rivières sans la boire. »

    « Quand les White Men sont contents, à l’occasion d’un anniversaire ou pour marquer un grand événement, ils tirent dans le vide. Pour le plaisir. Celui d’exhaler tant de puanteur que le ciel recule. »

    Mais le propos de Quintet n’est pas de dénoncer et les faits en disent suffisamment par eux-mêmes, notamment ceux qui se rapportent aux Blackbirders, les sinistres navires qui parcouraient le Pacifique au XIXᵉ siècle pour rafler des esclaves sur les îles — principalement pour les plantations de canne à sucre du Queensland en Australie — et exterminer le reste. Quintet, en cinq partitions différentes, raconte et conte et ce subtil tissage entre les deux formes construit un pont entre roman et tradition orale où l’écriture devient flambeau pour éclairer aussi bien la bonté, la générosité, le courage humain que ses turpitudes.

    Frédéric Ohlen s’est inspiré de l’histoire d’Heinrich et Maria la sage-femme, ses propres ancêtres, mais Quintet reste avant tout un roman, un vrai roman d’aventures avec des histoires d’hommes et de femmes qui forment une trame qui se resserre par endroits pour se déchirer à d’autres. Et sur cette toile, où les motifs se font tantôt lumineux, colorés, oniriques, tantôt très sombres et torturés, Quintetdonne la part belle à la magie, au mystère, aux sagesses ancestrales et à cette intelligence du cœur qui transcende toute culture, tout particulièrement à travers la magnifique figure de Fidély.

    « Depuis toujours, ma lignée rêve. Elle va dans le rêve du monde, se glisse dans le flux, l’accompagne, le garde, le nourrit, l’anticipe, pour que nuit après nuit, le Dormeur puisse continuer à rêver de la Terre et du ciel. »

    Fidély non plus n’est pas de cette terre, c’est une « Tête-pointue », comme ses ancêtres à qui l’on façonnait la tête en fuseau dès la naissance ; s’il est là, c’est à cause d’une guerre, il y a longtemps. « Une de plus. » Tous les humains ont ça en commun : la guerre…. Et les siens l’avaient livré à leur ennemi, sur une autre île. Pas comme otage non, mais comme fils adoptif pour mettre fin à la guerre. La paix est essentielle pour que le rêve de la terre puisse se poursuivre. Mais la violence est revenue le chercher, à bord desBlackbirders.

    Il serait dommage de trop en révéler et il est, à vrai dire, impossible de résumer ce livre, tellement il est dense, parfois même difficile de ne pas s’y perdre, mais Frédéric Ohlen est avant tout un poète et c’est ce qui donne à ce Quintet ce souffle si puissant et sa beauté, à la mesure de cet hommage que l’auteur voulait rendre à ce qui est aussi sa propre terre. Cette terre aux antipodes que l’on dit être un bout de France et que l’on connaît pourtant si peu. Quintet est un hommage à tous ceux qui l’ont aimée et respectée, qui l’aiment et la respectent encore. Une terre  métissée qui jamais cependant ne doit perdre ses racines et son identité kanak afin que le rêve de la terre puisse se poursuivre.

    Cathy Garcia

     

    ohlen.jpgÉcrivain, poète, éditeur, enseignant, Frédéric Ohlen est né en 1959 à Nouméa. Il vit ses premières années dans la ferme de son grand-père. Il y apprendra l’amour des mots et du monde. La poésie est au cœur de son itinéraire : l’enfance, la mort, les îles, elle noue avec le monde de l’intime et celui de la Terre, des terres, un lien quasi viscéral. Président de la Maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie, fondateur des éditions L’Herbier de Feu, Frédéric Ohlen a une très riche bibliographie en plus de la poésie, qui va du roman au récit de vie, en passant par l’anthologie poétique ou l’album jeunesse. La revue Nouveaux délits a eu le plaisir de l’accueillir à deux reprises, dans ses numéros 32 et 45. Quintet n’est pas vraiment son premier roman, mais c’est le premier à avoir été publié en métropole, il a été suivi en 2016 par Les Mains d’Isis toujours dans la collection Continents Noirs, chez Gallimard.

     

     

     

     

     

     

  • Soliflore 104 - Isabelle Bois Cras

     

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    photo de l'auteur par Jean-Marie Cras, photographe

     

    Plastique

     

    Alerte !

    Lèpre de la terre,

    Gangrène des berges,

    Interstices humanoïdes entre limon et humus,

    Qui glisse ses métastases dans les dermes de nos sols.

    L’indigeste plastique dégueule sur le rivage des fleuves,

    Et incruste ses couleurs criardes dans l’humble nature.

    Il souille,

    Il tue,

    Il mine la plénitude des paysages, le mystère des sous-bois,

    Tranche l’équilibre des rizières et des campagnes du monde.

    Des rives de l’Ouémé traversant le Bénin aux temples du Cambodge,

    Des criques méditerranéennes au vert bocage normand,

    Des cimes Himalayennes aux abysses Atlantiques,

    Les poches volent au vent et flottent dans les courants,

    Accrochant follement aux branches et aux algues leurs anses insécables.

    Membranes informes…

     

    Cancer des océans,

    Magma meurtrier

    De particules indestructibles,

    Qui flotte entre deux mers ;

    Entre La Californie et Hawaï,

    Dérive la nappe immonde,

    Charriée par les courants.

    Le septième continent engloutit tout,

    Étouffe les coraux,

    Emplit les ventres des baleines,

    Emmêle les tentacules des poulpes.

     

    Plastique,

    Que ce mot est comique ; 

    Place-tique, plassstik, plaztik, clastip,

    Il saute en bouche et rebondit comme une petite farce,

    Qu’il est doux, ce mot qui claque la langue et tape les dents,

    Choque le palais et pousse les lèvres,

    Il se moque !

     

    Plastique,

    Jamais il ne s’efface.

    Quand l’homme périra,

    Il disparaîtra dans un sac

    Et deviendra poussière,

    Le sac demeurera.

     

    Alerte !

    L’écosystème est en péril et l’équilibre bascule,

    Alerte !

    Sur les chemins du monde, ramassez, recyclez.

     

     

     

     

  • La nuit des béguines d’Aline Kiner

    éditions Liana Levi, 24 août 2017

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    Dans le quartier du Marais à Paris, encore parsemé de quelques rares vestiges de l’enceinte médiévale du XIIe siècle, on trouve une rue nommée Ave-Maria, mais au XIVe siècle, cette rue s’appelait la rue des Béguines. Aline Kiner y a remonté le temps sur les traces infimes d’un clos disparu et quasi oublié, le grand béguinage royal de Paris, fondé par et sous la protection de Saint-Louis.

     

    « En ce lieu, et dans les quartiers alentours, ont vécu durant près d’un siècle des femmes remarquables. Inclassables, insaisissables, elles refusaient le mariage comme le cloître. Elles priaient, travaillaient, étudiaient, circulaient dans la cité à leur guise, voyageaient et recevaient des amis, disposaient de leurs biens, pouvaient les transmettre à leurs sœurs. Indépendantes et libres. »

     

    Les béguines ne prononcent pas de vœux et n'avaient donc pas à répondre de leurs actes devant une autorité ecclésiastique.

     

    Le roman commence en 1310 et couvre une période de cinq ans. Il commence exactement le 1er juin 1310, le jour où fut brûlée Marguerite Porète, la béguine errante, poétesse, mystique, esprit fin et libre, originaire de la région de Valenciennes, auteur de deux livres en langue d’oïl dont Le miroir des âmes simples et anéanties. Ce livre a déjà subi un autodafé des années auparavant sur la grande place de Valenciennes, mais une copie demeure entre les mains d’un vieux franciscain très proche de Marguerite. Cette dernière, qui ne reniera jamais sa pensée et ses écrits, est la première femme à monter sur le bûcher, Place de Grève.

     

    Philippe le Bel, petit-fils de Saint-Louis, est un roi de plus en plus rigide et fanatique, il presse le pape Clément V de se joindre à sa chasse aux hérétiques, tels les Vaudois ou les membres du Libre-Esprit, chasse qui était peut peut-être aussi (et surtout) une bonne façon de se débarrasser définitivement des Templiers et de saisir leurs biens pour renflouer les caisses du royaume. Ces derniers subissent un véritable acharnement et seront exterminés jusqu’au dernier avec pour inquisiteur, un dominicain, Guillaume de Paris. Les procès s’enchaînent, toutes sortes d’aveux jusqu’aux plus invraisemblables sont soutirés par la « mise à la question » et l’étau se resserre imperceptiblement mais sûrement sur les béguines.

     

    L’auteur nous plonge dans le quotidien en cette période très troublée, de quelques-unes des centaines de béguines de Paris, avec un souci du détail qui donne à voir et à sentir littéralement la vie, les couleurs et les odeurs de la fourmillante cité médiévale. Non seulement à l’intérieur du clos mais aussi dans les autres quartiers et leurs labyrinthes de ruelles.

     

    Dans celui des tisserands, Jeanne de Faut a monté sa propre activité, une maison de la soie, rue Troussevache. Un atelier de confection avec échoppe et plusieurs autres échoppes encore qui permettent à de nombreuses femmes de travailler et de conserver leur indépendance. Certaines béguines vivent à l’intérieur du béguinage, soit en commun, soit en petit logis indépendant, d’autres vivent à l’extérieur, chacune fait comme bon lui semble, mais que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du clos, leur appartenance à la communauté leur assure à la fois indépendance et protection et elles échappent à toute domination masculine. L’appui du roi leur est cependant essentiel, sans quoi leur statut peu conventionnel ne manquerait pas d’éveiller toute sorte de suspicions.

     

    Aline Kiner nous fait partager de façon très réaliste, très vivante, ces existences de femmes à part, précurseuses méconnues des féministes, bénéficiant d’une liberté peu commune pour l’époque et pour les siècles qui suivront, des femmes célibataires ou veuves, qui s’entraident les unes les autres, avec leurs désirs, leurs douleurs, chacune portant son histoire, son passé, ses cicatrices. Les connaissances des béguines sont souvent étendues et précieuses.

     

    Ysabel est une femme robuste originaire du Berry, déjà d’un certain âge, elle est herboriste et avait tout appris de Leonor, sa grand-mère, une noble dame qui ne pouvait s’afficher guérisseuse, ni apothicaire parce que femme. Ysabel riche de son savoir, travaille dans les jardins, s’occupe d’aller cueillir les simples et officie à l’hôpital du béguinage où elle soigne les malades, très nombreux à la mauvaise saison. Les hivers sont de plus en plus rudes et la proximité de la Seine apporte beaucoup d’humidité et d’insalubrité à la cité médiévale déjà pleine de miasmes.

     

    Ade, une belle veuve lettrée aspire à la solitude, vivant en retrait de la communauté dans un des logis indépendants, elle y enseigne cependant la lecture et l’écriture. Maheut la rousse débarque un matin à l’aube à la porte du béguinage, en piteux état. Nul ne sait qu’elle est d’une lignée noble et fuit un mariage forcé, elle-même ne sait pas encore qu’elle en porte le fruit. Un certain Humbert, franciscain, est à sa recherche, il faudra la cacher hors du béguinage.

     

    Les saisons passent et l’atmosphère est de plus en plus lourde, oppressante, les derniers Templiers sont exécutés, le sort des béguines est suspendu au concile de Vienne.

     

    « — Ils nous tirent vers la noirceur. (…) La nuit des béguines va tomber. »

     

    Aline Kiner nous décrit donc les derniers années du béguinage de Paris, dans un roman minutieusement et passionnément documenté, un bel hommage intemporel aussi à cette communauté dont la mémoire a été injustement effacée, alors qu’elle a pourtant su traverser les siècles jusqu’à nos jours dans les Flandres, là où tout avait commencé et où une Bulle papale l’a protégée tant et si bien que la dernière des béguines s’est éteinte à Courtrai en 2013. Elle avait 92 ans, elle s’appelait Marcella Pattyn.

     

    Une lecture conseillée en complément de La nuit des béguines, le très beau roman du québécois Jean Bédard : Marguerite Porète – L’inspiration de Maître Eckart (vlb éditeur, 2012)*.

     

     

    Cathy Garcia Canalès

     

     

    v_auteur_196.jpgAline Kiner est née en Moselle et vit à Paris. Elle est rédactrice en chef des hors-séries du magazine Sciences et Avenir. Passionnée par l’histoire, et en particulier le Moyen Âge, elle publie en 2004 aux Presses de la Renaissance La Cathédrale, livre de pierre. Aux éditions Liana Levi, elle est l’auteur de deux autres romans : Le Jeu du pendu (2011) et La Vie sur le fil (2014).

     

     

     

     

  • Soliflore 103 - Parme Ceriset

     

     

     

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    illustration de l'auteur

     

     

    L’enfant de l’aubépine

     

    C’est un petit enfant tombé d’une branche morte, 

    Chassé du nid douillet de la pré-Vie.

    Il est né différent, il se nourrit de roses sauvages, 

    Il ne sent plus les épines qui déchirent son cœur sage.

    Il avance dans l’ombre mais il se bat,

    Il a en lui toute l’âme du monde...

    Et le feu inextinguible

    De la joie.

     

    http://parmecerisetlaplumeamazone.over-blog.com/

     

     

     

     

  • Soliflore 102 - Kiko

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                                 ©Kiko

     

     

    Le der des doutes

     

                            File beauté File

                            Reste fier              Tu es magnifique

                                               & bien plus encore

    Reprends confiance malgré les chagrins & leurs suites

                            A l'infini

                            La répétition du geste

                                      de l'espoir à chaque fois renouvelé

                                                              Brisé

         Non merci tu es gentil

                    Laquelle des deux a les plus petits seins

                                         Tombent-ils

                                         se cherchent-ils             seulement

    La douleur aveugle

    C'était tout bonnement l'âge             Bonsoir        Bonjour

                                        A la prochaine

                                          si la came n'est pas trop forte

                  Perdre son chéri

                        son frère à l'adoration des minorités

               Illes sont sur le même fil

               Trop occupé(e)s à ne pas chuter     Illes n'ont fait que se croiser

                                          Illes seront pris de spasmes ce soir

                                          Illes n'ont rien vu

                                                    rien connu

                                          Tout était pourtant là

                                                     à portée de main

    Le vent          La lumière        Les étoiles

    Seul(e)s en un hasard illes seront deux

                              deux & plus qu'un(e)

                   Si par surprise illes chutent ensemble

                   C'est en riant qu'illes se relèveront du sol bétonné

                                        Qu'importe les blessures

                                                passées

                                                actuelles

                                                à venir

              Illes n'ont plus peur

                               A leurs âges illes ne risquent plus rien

                 

                               MERCI AMIE      Je l'espère

     

     

    Longpont-sur-Orge – samedi 22 août 2020 – Après-midi

     

     

     

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      ©Kiko

     

     

     

  • Soliflore 101 - Jérémy Semet

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    photo de l'auteur

     

     

    Goût de trésor 

     

    Dans "Les forêts de Sibérie"

    Sylvain Tesson parle d'une vieille coutume russe

    Celle qui 

    En hiver 

    Consiste à éparpiller

    Autour de sa cabane

    Des bouteilles de vodka qui

    Une fois le printemps

    Réapparaîtront à la fonte des neiges

    Sortes de trésors plus que bienvenu 

     

    Je ne suis 

    Pas plus que ça 

    Porté sur l'alcool 

    Mais depuis qu'il neige ici

    J'y repense

     

    Et je me dis

    Que j'aimerais ralentir le rythme 

    Sortir de cette sarabande infernale 

    De covid

    Du confinement 

    Me glisser sous le tapis de neige

    Trouant la peau de l'hiver 

    Et m'y loger

    Comme un ver

    Puis attendre 

    La belle saison

     

    Il y aura bien

    Une âme 

    Pour qui ma réapparition 

    Aura comme un goût 

    De trésor

     

     

     

     

  • Centième Soliflore ! - Antoine Durin

     

     

    Détail du tableau LE DEPART A L'ECOLE de Philippe Durin.JPG

    Détail du tableau Le départ à l’école de Philippe Durin

     

     

    Qu’importe la hauteur de la porte de la maison

    car elle ne reçoit que des ombres courbées.

    Ensuite, elle ferme les fenêtres de bonne heure

    pour ne pas les projeter dans les arbres dénudés.

    Il y a des soirs où elle a vu pleurer des sèves noires

    le long des méandres de l’écorce du temps.

     

    *

     

     

     

     

  • Soliflore 99 - Adeline Raquin

     

    Adossée à la nuit Adeline Raquin ok.JPG

    ©Adeline Raquin

     

    Adossée à la nuit

     

    Dans la bolge du souvenir,

    cris d'airain qui te hèlent,

    cris d'hommes aux yeux fins,

    poumons forts et cris d'acier.

     

    Dans la bolge du souvenir,

     

    claquent les rires qui rident la surface des flaques d'échos enlacés.

     

    Au fond de la caverne aux parois brunes,

    le bois imputrescible se met à flotter,

     

    témoin noir, témoin plein, témoin sage des temps passés.

     

    Mais regarde,

    regarde le jour qui résonne des nids étales des alouettes.

     

     

    À plat, face au ciel brûlant, l'oiseau, bec ouvert, fait bruire les herbes sèches.

    Mais regarde, le mulot qui ventre à terre défend son être, qui ventre à terre remue la terre, la fait tourbillonner en poussière sous la charge du vent.

     

    C'est là,

    face au vide,

    les yeux piqués dans le ciel qu'il faut se tenir.

    C'est là,

     

    le dos encore engourdi par l'haleine fraîche des morts, le corps ouvert à l'air sifflant,

    que dans la fixité du ciel, la lumière viendra déposer son lit de cendres irradier ta pénombre, jusqu'à t'en rendre les yeux blancs.

     

     

     

  • Soliflore 98 - Virginie Seba

     

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    photo de l'auteur

     

     

     

    DEVENIR TROU


    Faire des trous
    Remplir des trous
    Boucher les trous
    Changer de trou
    Fuir les trous

    Découper des trous
    Compter les trous
    Vider les trous
    Trier les trous
    Alimenter les trous
    Surveiller les trous
    Balader les trous
    Fleurir les trous
    Arroser les trous

    Parler aux trous
    Soutenir les trous
    Applaudir les trous

    Vendre des trous
    Acheter des trous
    Échanger des trous
    Trouver le meilleur trou
    Penser :

    c’est un bon trou
    L’adopter
    Faire son trou

    Filmer les trous
    Jouer comme un trou
    Admirer les trous
    Encenser les trous
    Adorer les trous
    Embrasser les trous
    Lécher les trous

    Gratter les trous
    Curer ses trous

    Virer les trous
    Déloger les trous
    Casser du trou

    Ramasser des trous
    Offrir des trous

    Rencontrer des trous
    Planifier des trous
    Engendrer des trous
    Éduquer les trous
    Dompter les trous
    Graisser les trous
    Tromper les trous


    Tomber dans le trou
    Voir le fond du trou
    Sentir le trou
    Parler le trou
    Avaler des trous

    Devenir trou

     

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