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  • Soliflore 97 - Julie Cayeux

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    © Camille Moukli-Pérez 

     

    Un amour de jeunesse

     

    Mon premier amour s’appelait Croûte.

    Il n’était pas méchant, seulement il me grattait.

    Il me grattait la vie, il me grattait l’amour, il me grattait jusqu’à la nuit.

    Arriva ce qui devait arriver.

    A force de me gratter, Croûte est devenu une plaie.

    Une plaie purulente, dont je n’arrivais pas à me débarrasser.

    Je ne le souhaite à personne.

    Il me chantait des sérénades.

    Veux-tu fermer ta gueule ? je lui répondais sèchement.

    Je ne sais pas ce qu’il est devenu, ce brave Croûte.

    Tout ce que je puis vous dire, c’est que depuis nos différends,

    dès qu’un amour me gratte, je disparais.

    La fuite reste encore le moyen le plus efficace de se prémunir des plaies.

     

     

     

  • Soliflore 96 - Romain Richard

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    Léon Spilliaert, "Arbres, blanc et noir" (1941)

     

     

    Il y a trop

      

    Il y a trop

    Il y a ces arbres monstrueux

    Qui m’observent la nuit

    De leurs yeux grands ouverts

    Qui m’observent de haut

    L’air sévère

    Et moi qui suis petit

    Si petit

    Ramassé

    Tête au sol

    Interdit

    Étranger 

    Importun

    Déplacé

     

    Moi tout seul dans le noir

    Où les formes enfouies

    De l’esprit

    Me découpent un monde

    Inhumain

    Moi de trop comme humain

    A l’heure où sont les choses

    Où l’être n’est personne

    Où gagne la matière

    Où je ne suis plus moi

    Où rien n’est plus que masse

    Insignifiante masse

    Au regard impérieux

    De ce qui n’a pas d’yeux

    Et l’esprit

    Quand le noir le libère

    De ce qu’il reconnaît

    S’abandonne à ses affres

    Tenté par l’ombre d’y plonger vers le grand fond

    Son propre fond qu’il craint

    Son fond qu’il réalise 

    A mesure

    Qu’il n’ose le trouver

     

    Mais aussi

    Il y a la lumière

    Qui grouille de matière où le regard s’épuise

    De ne pouvoir l’épuiser elle

    Il y a ses grands yeux si perdus

    Qui me jouent me délaissent

    Et puis m’aiment

    Et son cou frêle au point que paraît lui peser

    Une tête elle-même si frêle

    Un visage si fin si joliment tourné

    Un petit nez troussé

    Puis sa bouche au dessin plus parfait

    Que celui des grands Maîtres

    Une lèvre infinie que pourtant

    Un menton délicieux

    Ponctue de sa virgule

    Mais il y a trop encore

     

    Un constant sentiment d’être pauvre

    Le savoir humilié

    L’esprit insuffisant

    Faillant toujours à ses amours

    L’harmonie du présent

    Déborde tous mes sens

    A plus forte raison mon esprit qui l’admire

    Perdant de l’impression tout ce qu’il veut en dire

    L’harmonie du présent

    Excède la caresse

    Que lui portent mes mots

    Jamais ils ne pourront

    L’aborder que de loin

    Jamais ils ne sauront

    L’embrasser tout entier

     

    Alors mes yeux s’épuiseront à voir

    Mon nez à respirer

    Mon oreille à entendre

    Tout mon sens à sentir

    Ce que rien ne peut dire.

     

     

     

  • Soliflore 95 - Cédric Landri

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    Une déchirure dans le vêtement planétaire,

    déchirure entre les espoirs les couleurs les flirts

    et les disparitions dans les écumes du temps

    de tants d'espèces.

     

    Le sang coule à flots sur la plaine béante,

    tandis que des volcans éternuent des plastiques

    dans le ventre des océans.

     

    Et au coin du globe crachotant,

    l'ours pôle erre.

     

    Pendant ce temps on visse à la chaîne

    des smartphones qui grillent le pain

    ou des robots qui tombent amoureux.

     

    Au lieu de former

    des infirmiers de la Terre.

     

     

  • Revue Nouveaux Délits numéro 68

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    Eh bien 2020 est passé comme un éclair, et on se demande bien après ça, qu’est-ce que cette nouvelle année va bien pouvoir nous concocter dans le grand chaudron fou de la vie ? Virus, guerres, comète, suicides collectifs, extra-terrestres, zombies, miracles ? Qu’est-ce qui va encore nous secouer, nous bousculer, nous jeter à terre ? On n’a aucune prise sur les événements extérieurs mais on peut cependant choisir le meilleur en toutes circonstances, aussi infime soit-il. Il n’y a pas que des mauvaises et sombres nouvelles, il y a des jaillissements surprenants, des résurgences de joie, des illuminations bienfaisantes, une créativité fière et indomptée qui se fout des autorisations et s’il y a bien une énergie qui a le pouvoir de transformer le plomb en or, les larmes en sourires, la colère en création, c’est celle de l’amour. L’amour quand on ne lui met aucune barrière, condition, précaution. Lui aussi fait des vagues, des vagues puissantes et douces, qui inondent le cœur, nettoient l’âme et tout se met à briller ! C’est tellement bon, on oublie à quel point c’est bon. Et gratuit ! Aimer ! Rien ne peut nous empêcher d’aimer, ni confinement, ni distanciation sanitaire, ni crise économique, lois liberticides, rien ni personne ne peut nous interdire d’aimer et de nous aimer nous-mêmes aussi. Pas plus que de danser d’ailleurs ou chanter, jouer, rire ! Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi et d’emmerder les autres, mais de rester suffisamment souples pour inventer toujours de nouvelles formes d’expression de cette vie qui bat en nous son rythme vivace. Et si les circonstances s’acharnent à souffler sur les flammes, ne jamais oublier que notre flamme intérieure à chacune, à chacun, possède son propre point d'allumage spontané. Alors résister, oui, mais pas comme des bestiaux acculés qui encornent les murs, mais juste comme une évidence – en vie danse ! – parce que nous sommes des êtres fondamentalement libres, potentiellement capables d’aimer avec une force qui pulvérise toute peur, toute sclérose ; la force de l’eau que rien n’arrête, et qui même retenue par de monumentaux barrages, fomente en secret son évasion par le ciel.

    Alors, que l’an 2021 nous guérisse de toutes nos peurs, de tous nos maux et protège la Terre de toutes nos sinistres folies, et soyons souples, forts et porteurs de vie, partout où nous sommes, partout où nous passons, comme une eau aimante !

     

    CGC

     

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    AU SOMMAIRE

     

    Délits de poésie :

     

    Dorian Masson

    Angélique Condominas

    Pierre Thiollière

    Jacques Merceron 

    Pierre Vinclair : Le vivant dans la ville
    Patrick Werstink : Caléfactions (extraits)

     

     

    Résonances :

    La nuit des béguines d’Aline Kiner, éditions Liana Levi, 2017

    Quintet de Frédéric Ohlen, Gallimard, 2014

    Le Tarot de Saint Cirque de Cathy Garcia Canalès et Lionel Mazari, Gros Textes 2020

     

     

    Les Délits d’(in)citations poinçonnent en sifflotant le coin des pages tandis que le bulletin de complicité vous attend avec ses espoirs et ses plus beaux vœux, toujours à sa place, sur la dernière page, mais aussi avec une mauvaise nouvelle vu la nouvelle et forte augmentation des frais postaux : + 11,6 % pour l’écopli qui a donc doublé en 7 ans ! Aussi, pour ce numéro, on va serrer les fesses mais pour celui d’avril, il me faudra répercuter ça sur les tarifs de la revue, qui augmenteront donc pour la troisième fois en 18 ans.

     

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    Illustratrice :

    Cathy Garcia Canalès

     

    Mon imprimante pour la revue, de plus en plus capricieuse, n’aime plus que le bleu pour les images, même en mode n&b, aussi je ne peux plus décemment proposer à d’autres d’illustrer ce numéro et même les suivants, donc c’est la femme-orchestre qui s’y colle, avec plaisir cependant : mes griffonnages et gribouglyphes sont d’accord pour voir la vie en bleu. S’y est glissé un cheval venu de très loin, un des rares dessins que je tiens de mon père, qui s’en était allé cavaler dans les prairies célestes en 1973.

     

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    Mais qu'il y ait des espaces dans votre entente.
    Que les vents des cieux puissent danser entre vous.
    Aimez-vous, l'un l'autre, mais ne faites pas de l'amour un carcan :
    Qu'il soit plutôt mer mouvante entre les rives de vos âmes.
    Remplissez, chacun, la coupe de l'autre, mais ne buvez pas à la même.
    Donnez-vous l'un à l'autre de votre pain, mais ne partagez pas le même morceau.
    Chantez et dansez ensemble, et soyez joyeux, mais que chacun demeure isolé,
    Comme sont isolées les cordes du luth, bien que frémissantes de la même musique.
    Donnez vos cœurs, mais pas à la garde de l'autre,
    Car vos cœurs, seule la main de Dieu peut les contenir.
    Et dressez-vous ensemble, mais pas trop près l'un de l'autre :
    Car les piliers du temple se dressent séparément,
    Et le chêne et le cyprès ne peuvent croître dans leur ombre mutuelle.

    Khalil Gibran

    in Le Prophète (1923)

     

     

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    Nouveaux Délits - Janvier 202i – ISSN: 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits - Coupable responsable et illustratrice : Cathy Garcia Canalès -  Correcteur : Élisée Bec         

     

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  • PREUVES INCERTAINES de Jean-Louis Millet, Nouveaux Délits éd., septembre 2020

    En septembre dernier, est sorti un nouveau recueil chez Nouveaux Délits

     

    PREUVES INCERTAINES

    de Jean-Louis Millet

     

    avec 15 illustrations originales de l’auteur

     

     

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     "Titubant dans l'escalier liquide
    des rails luisants du tram T3,
    un bel ivrogne nommé Désir
    voyage aux portes de la nuit.
    Oiseau nocturne à bec de bois
    il brûle de la grande soif amère
    et mord la pluie,
    une pluie lasse de pleuvoir.
    Sa solitude hirsute transpire
    en mille éclats de visages fatigués
    dans le miroir de l’incognito."

     

    Édité et imprimé par l’Association Nouveaux Délits
    sur papier calcaire 100 g, couverture 250 g, 100 % recyclé

    12 € + 2,50 € de port

     à commander à l'Association Nouveaux Délits

    Letou - 46330 St CIRQ-LAPOPIE

     

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