Soliflore 73 - Philippe Martinez
Pieter Brueghel dit l'Ancien
deuxième des lyres
j’ai égaré des émotions
que tu trouverais nécessaires
je ne sais plus à quoi ça sert
ce paquet de vaines passions
j’ai abandonné même la FIERTÉ
je dois dire que j’en ai presque honte
au dernier soupir je ferai le compte
être fier de quoi ? qui peut m’expliquer ?
se sentir content ça ne suffit pas ?
la fierté c’est la médaille inutile
l’expansion du soi - orgueil imbécile !
manquer de confiance aggrave son cas
j’ai plongé dans un lac par un hiver très rude
pour sauver ces gens qui coulaient dans leur voiture
j’ai pu les ramener gratifiante aventure
- mais pas question de célébrer mon attitude
j’ai fait ce que j’ai fait un secours immédiat
il faudrait des lauriers une couronne d’or ?
un simple sourire est le plus charmant trésor
ce serait largement assez - restons-en là !
une histoire de réussite
et la fatuité du vainqueur
arborer de nobles couleurs
jouer le paon plein de « mérite »
est-ce vraiment ce que l’on veut ?
où avez-vous mis la tendresse ?
nous aider est notre richesse
nous aimer est notre seul vœu
certains sont fiers dit-on d’être nés quelque part
mais ils n’y sont pour rien ! qui pourra le leur dire ?
d’autres de leur projet - s’ils ont pu l’accomplir
c’est que leur santé leur a offert ce pouvoir
ou peut-être la chance - on peut les applaudir
c’est leur son favori bravo pour leurs efforts
ils veulent notre accord
tout cela fait sourire
être fier de ce que tu as réalisé
c’est d’abord t’occuper des choses du passé
mais pas de celui-ci - du passé répété
qui tourne sans arrêt dans son éternité
ça a commencé quand ? il n’y a pas de date
les faits ont bossué un parcours infini
que tu ne peux que suivre au soleil dans la nuit
maintenant ou avant - la frontière est étroite
et tu vas te vanter d’une splendeur antique ?
ça semble dérisoire on n’y comprendrait rien
il faudrait accepter cet incroyable point :
être fier mille fois pour une chose unique
ce serait trop
dédain stupide
mépris sordide
qui sonnent faux
si tu joues ce jeu
avançant dans l’ombre
calculant ton nombre
de gestes glorieux
tu vas t’aveugler
sans t’en rendre compte
et même la honte
devra te laisser
il faut que tu te reconnaisses
que tu poses sur la balance
l’image de ton excellence
ET tes faiblesses - tes prouesses
les plateaux cherchent l’équilibre
aide-les - tu en es capable
jette tes cartes sur la table
il ne tient qu’à toi d’être libre
non je ne suis pas fier je suis parfois content
où donc est mon pouvoir ? il a dû disparaître
je ne le cherche pas je refuse tout maître
respirer calmement me semble suffisant
vivre profondément
toujours prêt à renaître
extrait de l'ensemble "Le son des lyres"
Commentaires
C'est chouette .
L'auteur semble savoir de quoi il parle .
L'ensemble est correctement rythmé .
Peut-on acheter le recueil " le son des lyres " ?