Soliflore 46 - Pierre Andreani
(dessin de l'auteur)
Trajet (d'un genou sur la bouche)
Je n'avance plus, le balançoir tendu,
en extase,
ayant avalé plusieurs petits cachets,
je suis abattu.
Les bronches dilatés,
distention des pupilles,
diminution temporaire des capacités cérébrales,
polarisé, je vois
des poètes sur le trottoir qui se gavent d'excréments,
noyés dans le lac des infamies fantasmées, jamais connues
mais fantasmées.
Plongeant dans les poubelles
à la recherche d'une médaille
de dérèglement de tous les sens,
le cul piqué de fourches.
Tête en terre et traitement dur de la chair.
Qui va mal ? Tous, sauf moi.
On patauge dans la mare
sur de belles écrevisses
qui préfèrent l'eau de pluie
aux chaussons pleins de boue.
J'ai soixante-dix ans de nacre aux coins des os ;
c'est étrangement sourd quand je crie,
quand je m'explique sur mes songes.
Les bardes, les aèdes, gorgés de désir impalpable,
se relèvent et ils miaulent ;
avec ma grande hache, je les expédie dans l'au-delà.