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La cloche a sonné lu par Gabrielle Sava

 

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http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive/2022/06/13/avis-de-parution-la-cloche-a-sonne-d-aline-recoura-delit-buissonnier-n-6.html

 

 

"À l’image de la quatrième de couverture qui est un extrait de l’avant-dernier poème, ce recueil, que j’ai beaucoup aimé, est un cri lucide de colère paradoxalement apaisée par une terrible envie de « renouveau ». J’ai comme l’impression que si la cloche a sonné, cette fois-ci elle n’annonce pas des vacances scolaires, mais plutôt un nouveau départ. La maîtresse aux mille mugs « Merci maîtresse » et au « sac tissu pour voyage/avec écrit Aline dessus » semble prendre son envol et s’éloigner des enfants qui (étaient ?) « sont le seul nid de rêverie/ Aux traits longilignes infinis/ qui s’offre à [son] quotidien ».

En fée de conte à la baguette magique de volonté de bien faire son travail elle a vaillamment lutté, mais la lucidité a touché son fond, « car avoir de l’acuité/être lucide/peut rendre fou », « c’est pour ça qu’elle décide de changer de métier ». L’éducation nationale, ce « train qui va dans le mur », ce « système [qui] est foireux » semble sonner les cloches de la maîtresse aimée des enfants qu’on préfère, parce qu’elle ne se glisse plus dans le moule, envoyer devant le « spécialiste de la santé mentale et spécialiste en expertise » : « il faut qu’il trouve que c’est [elle] la défaillante et pas le système éducation nationale » (page 46). J’ai relevé, ce vers très touchant « j’évoque des occupations poétiques qui le laissent totalement indifférent » à rapprocher de l’image de l’oisillon de la page 45, qui « peut/ouvrir ses ailes comme il veut ». Pour cette maîtresse d’école maternelle, « le seul logis est le poème » (page 4), car parmi les nombreux cadeaux reçus à la fin de l’année scolaire il y a aussi « un dictionnaire de rimes et un livre de poésie ». Il y a encore des parents qui comprennent que la poésie est vitale. La maîtresse s’interroge (elle est « trop question » dès la page 34), sans aucun signe d’interrogation, en silence, car « muselée », cris étouffés « jusqu’à quel âge on peut travailler/avec des tout-petits enfants ».

Les quelques illustrations originales de Ludo Godot, sont fort à propos, je trouve. Sombres comme le tableau dépeint par la slameuse de talent qui nous restitue vigoureusement et sans avoir sa langue dans la poche les « cris et kiffs d’une maîtresse d’école maternelle » (page 4).

Parmi les tranches de vie de ce quotidien professionnel, il y a des moments délicieux comme la visite du peintre Marjan en classe (page 39), la piscine qui « sort [les enfants] du quartier », ou bien la « Sortie à la campagne » (page 14) quand « Le lapin tremble posé sur une caisse/des morveux passent lui faire une caresse ». J’ai ressenti beaucoup de tendresse, paradoxalement, dans ce « morveux » désignant « les enfants [qui] ont droit d’être un troupeau ».

Quand la cloche sonne uniquement les grands vacances, on est déjà dans le passé, quand « le lit douillet que personne veut quitter/les retards les pleurs tout/s’envole dans l’été et les grandes vacances » (page 29).

Je souhaite solidairement et de tout cœur à Aline que « le jour abreuve l’esprit/d’un fouet vital » encore pour longtemps et dans la même poésie qui libère.

Les enseignants on beau se mettre au numérique et regretter incidemment le papier, l’air qu’ils respirent est celui « étouffé d’un métier /un peu malade/un peu vieilli/que personne veut soigner » (page 25). J’ai bien peur, et je me permets de le dire en connaissance de cause, que ce ne soit pas le seul service public souffrant gravement de liberté. Celle-ci « se nourri[ssant]/de tas de pourquoi », elle est devenue incompatible avec un système qui souvent renie le bon sens.

Vive la force créative de la colère et vive la poésie d’Aline !"

 

Gabrielle Sava, 24 juillet 2022

 

 

 

 

 

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