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LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS - Page 12

  • Ça va aller, tu vas voir de Christos Ikonòmou

     

    trad. grec Michel Volkovitch

    Quidam Editeur 3 mars 2016

     

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    218 pages, 20 €

     

    Ces histoires si sombres devraient susciter en nous un cafard profond. On découvre peu à peu pourtant que leur nuit est sourdement éclairée, écrit Michel Volkovitch, leur traducteur, dans sa postface. Et bien, tout dépend de la distance que le lecteur saura mettre entre ces seize histoires, peut-être une seule, et sa propre vie, car elles sont tellement réalistes, tellement sans fard, de si crues banalités, que la seule flamme finalement ne serait-elle pas la flamme littéraire, qui peut permettre à l’auteur d’éclairer son sujet sans sombrer lui-même ? Car ces histoires peuvent – devraient – plomber le lecteur, qui au fur et à mesure qu’il avance, s’alourdit du poids de ces existences qui n’ont plus d’horizon.

    Toutes ont pour point commun le Pirée et ses quartiers populaires, une île aussi en face du port, et une maison qu’un couple doit quitter, exproprié par l’inexorable avancée d’une nouvelle route. Rouleau compresseur, c’est ça dont il est question, de personnages qui tentent désespérément d’échapper au rouleau compresseur, au concasseur de vies, concasseur de sens… La crise, mot fourre-tout, mot d’excuse pour dire système corrompu, système mortifère, système ultra libéral, ultra violence.

    « Jour et nuit je vois des hommes brisés par le boulot. Des hommes fatigués, effrayés. On dirait qu’on ne peut plus travailler sans peur. On dirait qu’on n’est plus payé pour vivre mais pour avoir peur ».

    Et encore, beaucoup ne sont même plus payés. Pas d’espoir, juste la survie, tenir, tenir, et l’angoisse perpétuelle.

    Toutes ces existences sont au bord de l’abîme, dans ce pays à sac, et il n’y a guère plus que ce qu’il reste d’amour et d’amitié, de solidarité, le peu de chaleur humaine sauvée du désastre, pour donner un peu de lumière à la nuit de plus en plus noire. Ça va aller, tu vas voir. Car la force qui réside dans ce peu de lumière, est de celle qui a permis à l’humanité de se relever du pire, encore et encore. La force du fragile, la force du faible, la force des perdants. L’humain a cette capacité de s’accrocher à la moindre paille en imaginant qu’elle est une poutre d’acier. La force de l’imagination, la force du rêve. Ou des cauchemars.

    Et pourtant le couple y est fragile aussi, le manque total d’argent tue tout élan, tout désir, on s’accroche, on tient mais le désespoir à l’intérieur fait des ravages. Concasseur. Le rêve, le fantasme deviennent presque des hallucinations. Ils participent à la survie, se raconter des histoires devient une nécessité. Sinon on se fracasse, nu, à toute vitesse contre le mur du réel.

    L’entraide dans l’épreuve, ce n’est pas partout, ce n’est pas tout le temps. Ici nous sommes en Grèce, un peuple, une histoire. La solidarité n’y est pas encore juste un slogan, la solidarité sans emphase entre pauvres, bien-sûr, entre ceux qui tombent, juste on sait ce que c’est, on n’en rajoute pas. On se serre les coudes, littéralement, autour d’un feu dans la nuit glaciale, à trois heures du matin, pour être en tête de la file d’attente quand la Sécu ouvrira ses portes, « des employés ou des ouvriers à la retraite, pas rasés, usés. (…) C’étaient cinq hommes et en même temps cinq numéros ».

    Ça va aller, tu vas voir est de ces livres dont on réalise la qualité une fois qu’on en est sorti, car le lire est tout sauf un divertissement, mais Christos Ikonòmou a su distiller avec le talent qui fait les grands écrivains, l’implacable réalité, par petite touches, goutte à goutte, en donnant à ces personnages une grande dignité, une sorte de calme qui n’est pas de la résignation, mais un calme qui peut parfois être assez terrifiant. Cette sorte de calme avec lequel un père avale cinq grands clous au procès de Pétros, son fils coupable d’avoir voulu humer la richesse, de l’avoir suivie simplement jusque devant chez elle pour la voir, la sentir, demander après un coup de trop à dormir une nuit au fond d’un jardin de luxe.

    « C’est bizarre d’être pauvre, a dit Pétros, c’est comme si tu étais un de ces pingouins qu’on montre à la télé qui voient les glaces fondre autour d’eux et qui savent pas où s’accrocher ni comment échapper à cette folie et la peur qu’ils ont les jette les uns sur les autres pour se bouffer ».

    Cette sorte de calme, ou d’hébétude peut-être, avant la folie, avant que ça ne craque pour de bon. Mais une vraie dignité oui, habite toutes ces personnes qui voient leur vie partir par petits bouts, comme ce muret que chaque nuit, des inconnus viennent démanteler, pour en emporter quelques pierres taillées, alors que pourtant y’a des gens qui habitent encore ici.

    Et on entend en écho la voix de la Grèce : « Petit bout par petit bout ils me prennent tout ».

     

    Cathy Garcia

     

     

     

    christos ikonomou.jpgChrìstos Ikonòmou, né à Athènes en 1970, est journaliste. Il est l’auteur de trois recueils de nouvelles traduits en plusieurs langues : Femme derrière les barreaux (2003), Ça va aller, tu vas voir (2010, Quidam 2016), et Les bienfaits viendront de la mer (2014). Ça va aller, tu vas voir a reçu le Prix d’État pour la nouvelle et a été traduit en italien, en allemand, en espagnol et en anglais (USA). Certaines des nouvelles d’Ikonòmou ont été adaptées au théâtre et au cinéma. Les bienfaits viendront de la mer paraîtra en 2017.

     

     

     

  • Le ciel déposé là, Jean Baptiste Pedini

     

     

    Édition L’Arrière-Pays, juin 2016

     

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    54 pages, 9 €.

     

     

     

    Jean-Baptiste Pedini écrit comme un peintre, à petite touches, de bleu, de noir, d’aube et de lumière, avec des cristaux de sel et des étoiles qui traversent la nuit « à toute allure, suspendues à la tyrolienne du ciel », le ciel déposé là non sans quelques éraflures, angoisses, diffuses toujours, mais d’autant plus tenaces.

     

    « Les mots comme des entailles sur les nuages. On les dit à voix basse. On y tient. Le matin sort les griffes. »

     

    On retrouve ici la mer, dont le ressac donne le rythme, vide, plein, vide, plein. Dans l’écriture de Jean-Baptiste Pedini, il y a comme des trous sous la trame où quelque chose est tapi, quelque chose attend et cette sensation contraste avec la douceur apparente du peintre à petites touches. Le calme semble toujours sur le point d’accoucher.

     

    Il y a la musique des mots, enfilés les uns après les autres, les uns aux autres, des perles sur un collier aux reflets changeants, toutes aussi précieuses les unes que les autres et pas une de trop. C’est beau, comme des bulles qui « vont dans le ciel, reliées en un chapelet d’ombres ». Tellement beau qu’on se laisse bercer et que le sens qui demeure toujours un peu comme caché, voilé, nous importe moins que cette berceuse qui va chercher nos douleurs, nos malaises, tout ce qu’on ne sait pas trop dire alors on ne le dit pas, et la musique nous berce sans pour autant effacer totalement l’inquiétude.

     

    Il y a de la solitude dans l’écriture de Jean-Baptiste Pedini, une distance qui permet au regard de voir, de sentir, un pas de côté qui parle aussi à notre propre solitude, celle inhérente à la condition humaine, seule et reliée, comme ces perles sur le fil du collier. Le fil, l’âme qui respire sous l’eau du poème.

     

    Dans Le ciel déposé là, Jean-Baptiste prend la lumière au bout de ses pinceaux, « une lumière monocouche qui en recouvre tous les recoins » ou qui « entre goutte à goutte pour surprendre l’enfance » et l’ombre jaillit alors aussi de toute part car « la lumière est friable, l’obscurité la réconforte ».

     

    Un antidote au quotidien, cette lumière ocre que l’on prélève tel un sérum.

     

    Pour échapper à l’ennui peut-être, chaque instant est comme sacralisé, happé dans une transcendance alors que rien pourtant ne demeure figé, car il faut « vider le jour cul-sec. En sentir les dépôts tandis que la mort presse ».

     

    Cathy Garcia

     

     

    201607201223-full.jpgJean-Baptiste Pedini est né en 1984 à Rodez. Vit et travaille en région toulousaine. Publications dans de nombreuses revues dont Décharge, Voix d'encre, Arpa, N4728. Des livrets publiés chez Encres Vives, Clapàs, – 36° édition et La Porte. Bibliographie : Prendre part à la nuit (Polder, 2012), Passant l'été (Cheyne éditeur, Prix de la vocation, 2012), Pistes noires (éditions Henry, 2014), Plein phare, Éditions La Porte, 2015.

     

     

     

  • Seul le bleu reste de Samaël Steiner

     

    estampes de Judith Bordas, éditions le Citron Gare, juin 2016

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    87 pages, 10 euros.

     

    Une traversée, voici ce qu’évoque ce recueil de Samaël Steiner. Ombre et lumière tissées par une langue dense et sensuelle. Traverser et être traversé et Seul le bleu reste. Des villes, des lieux, traversés par des corps, des corps qui marchent, des corps qui glissent, « Nous allons ensemble,/la rue n’est plus bordée de portes/mais de larges entailles, par lesquelles on peut se glisser/et apparaître ailleurs et autrement », des corps qui se touchent, des corps et des êtres que seul un voile de peau sépare, des corps qui se désirent, des êtes qui s’aiment, des corps ouverts souvent comme des fruits ou des poissons, des corps qui tombent, des corps comme des morceaux de pays traversés de guerre. « les corps sont là/la tête traversée » comme celle du danseur de la place Maïdan : « Il danse, /il a un trou rouge à l’arrière de la tête. » Ces corps « dont ne reste plus que cet amas de nerfs, noués et cette peau qui sans ton être n’est même pas le début d’un tambour » car voilà, le corps ne se suffit pas, il doit être habité, comme est habité ce recueil, habité d’âme et d’un cœur qui bat pas seulement pour lui-même, mais aussi et surtout pour l’autre. « Ton bras est ouvert tout le long de la rue, les passants longent tes veines pour rejoindre le fleuve. »

     

    Et la parole elle-même est traversée, transpercée, poésie vêtue de jour et de nuit, de vie et de mort, qui puise à même les peaux et les os, en elle toutes frontières, limites, se dissolvent et le cœur de ce recueil tissé de routes et de passerelles, c’est bien ça, un chemin allant de l’unicité à l’union, l’universel « simplement un homme pour traverser la nuit » et qui dit union, dit aussi perte et séparation, le corps de l’autre et la maladie et la mort dans le corps de l’autre, et toujours l’amour, l’amour qui éblouit et bouleverse le lecteur, tout particulièrement dans les derniers poèmes du recueil. « Je t’aime avec tendresse,/je t’aime à retourner une ville »

     

    Et seul le bleu reste, magnifique, sombre et lumineux à la fois, comme le sont les estampes de Judith Bordas qui l’accompagnent.                  

     

    CG

     

    arton414-9cb40.jpgSamaël Steiner est auteur à la fois pour le théâtre, la poésie et des enregistrements radiophoniques et éclairagiste (formé à l'ENSATT de Lyon pour le théâtre également, la danse et le cirque) deux pratiques qui se nourrissent l’une l’autre. Sa rencontre avec l'auteur, acteur et metteur en scène André Benedetto à qui est dédié ce recueil, fut décisive, autant pour le théâtre que pour la poésie. Ses précédents recueils ont été publiés dans de nombreuses revues, en France et à l'étranger. Vie imaginaire de Maria Moline de Fuente Vaqueros, récit poétique, est paru aux éditions de l'Aigrette en mars dernier. Seul le bleu reste est son deuxième livre.

     

     

     

     

  • NUMÉRO 55

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     Oct. - Nov. - Décembre 2016

     

    Nous sommes chacun comme un écran tout sauf blanc, sur lequel les autres viennent projeter leurs propres films. Parfois les superpositions s’harmonisent plutôt bien, peuvent être source d’inspiration, de joies, d’illuminations, mais trop souvent, cela ne créé que confusion, malentendus, cacophonie, indigestions. Dans ce cas, il est parfois préférable et même nécessaire de baisser l’écran, éteindre les projecteurs. Se recentrer sur soi, pas de façon obtuse et égoïste, mais pour aller chercher en soi cette source où se dissout toute image préconçue. Tout simplement parce que nous sommes chacun bien plus qu’une somme de projections et que nous ne pouvons servir de support permanent à tous ceux qui ne se connaissent qu’au travers d’écrans interposés et qui peuvent de ce fait vite paniquer, se montrer intolérants, vindicatifs, quand ils ne reconnaissent pas leur propre film, leur propre scénario sur les écrans des autres. Les couleurs, la luminosité, le son, ne leur conviennent pas, ils voudraient pouvoir tout régler, contrôler. Chacun de nous le voudrait.

     

    Après les éblouissements de l’été, l’automne est la saison pour entamer ce lent repli sur soi, pour nettoyer écran et projecteurs, laisser partir ce qui doit partir, laisser sève et énergies redescendre pour mieux se concentrer, se régénérer, puiser à cette source en nous qui n’a rien à voir avec le mental, les désirs, les peurs et les aspirations égotiques. Une source qui, tout comme la poésie en amont du langage, met en résonance l’intérieur et l’extérieur.

     

    Un poème naît du frottement des mots entre eux, le poète peut faire naître l’étincelle qui fera prendre feu au langage tout entier. Éclairer, réchauffer, consumer s’il le faut. Si le sens d’un mot est perverti, la poésie peut le réduire en cendres. Sensations, émotions, sentiments, autant d’argiles à modeler et à cuire. Toutes les formes sont possibles, simplement certaines seront plus solides que d’autres et tiendront plus longtemps, mais tout est voué à se briser et retourner à son état originel. La création est recommencement perpétuel et donc destruction perpétuelle. Le cœur en bat le rythme, la respiration harmonise. Un cycle, un cercle, une spirale.

     

    Cette source en nous qui sait, saura alors nous faire jaillir en de nouveaux printemps, à chaque fois plus riches, plus fertiles d’un humus qui nourrit nos racines. D’innombrables racines entremêlées, enlacées, qui font de chacun de nous un être à la fois unique et profondément relié aux autres.

     CG

     

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    AU SOMMAIRE

     

     

    Délit de poésie :

     

    Luminitza C. Tigirlas, faiseuse de vagues

    Lionel Mazari, des extraits de l'impossible séjour

    Stéphane Casenobe

    Sandra Lillo

    Laurent Bouisset

     

    Résonance :

     

    Seul le bleu reste de Samaël Steiner, Citron gare éd. 2016

    Le ciel déposé là, Jean Baptiste Pedini. Éd. L’Arrière-Pays 2016

    Ça va aller, tu vas voir, Christos Ikonòmou, Quidam éd. 2016

     

     

    Délits d’(in)citations épinglés au coin des pages.

    Vous trouverez le bulletin de complicité dont le fantasme le moins secret est de se voir rempli, à la sortie.

     

     

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     Illustratrice : Doina Vieru

    doinadoina2000@yahoo.com

     

    Artiste roumaine-francophone perchée sur une montagne à Quito qui préfère pas/pas/passionnément l’image à la parole et tout cela malgré des crises de bartlebysme. Entre « I would prefer not to », crayons, papiers, pvc ou métal et d’autres instruments pointus, le jeu reste l’éternel préféré. Curriculum vitae sérieux et œuvres sur : www.doinavieru.com

     

     

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    Correcteur de ce numéro : Elisée Bec 

     

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    En évoquant le miel le plus secret de la poésie, nous touchons ici un domaine où il n'y a rien à comprendre rationnellement, mais tout à vivre intuitivement. Le sentiment de l'Absolu ne se définira jamais. Il est vécu ou il n'est pas vécu. Tout rationaliste ne verra là qu'illusion ou absurdité. Il n'est pire sourd, dit-on, que celui qui ne veut pas entendre. Mais la question est plus radicale : N'entend pas celui qui n'a pas le pouvoir d'entendre. Trop d'êtres humains sont hélas des huîtres scellées : jamais la lumière ne pénètre à l'intérieur.

    Michel Camus

    in Transpoétique. La main cachée entre poésie et science

     

     

  • Les délits buissonniers

     sont nés en juillet dernier,

    une collection de tirés à part inaugurée par

     

    Feu de tout bois

     

    de Murièle Modély

     

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    illustrations de Sophie Vissière

     

     

     "ils lancent leurs yeux sur moi

    comme une lame

     

    je sens leur rayon laser

    leur récit fulgurant

    jaillir

     

    sous le derme

     je sens remonter les picotements

    l'emballement lyrique qui peine

     

    à restituer d'un poème le scintillement

    des étoiles du trou noir de leur cornée"

     

     

      52 pages agrafées

    tirage limité et numéroté sur papier recyclé 

     

    10 €

     

    à commander à

    Association Nouveaux Délits

    Létou

    46330 St Cirq-Lapopie 

     

     

     

    Nouveaux Délits - Octobre 2016 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits Coupable responsable : Cathy Garcia Illustratrice : Dona Vieru Correcteur : Élisée Bec  

     

     

        

     

     

     

  • Soliflore n°39 - Florent Chamard

     

    Désillusion

      

    Le bonheur est une larme suspendue
    que je gouterai demain
    qu’importe les mises à nu
    qu’on me tende la main
    désormais je m’acclimate
    aux demi-mesures
    aux cieux écarlates
    puisque rien ne dure… rien ne dure…

     

    Ainsi donc je prends mon temps
    celui qui reste et qui ne compte pas
    à quoi bon espérer le printemps
    quand on sait jouir des morsures du froid
    tout est affaire de météo
    et de dents qui claquent
    tout est affaire d’écho
    du berceau à la plaque… à la plaque…

     

    Combien peu de mésaventures réelles
    quand on y regarde de près
    ce soir est trop souvent fait de celles
    qu’on oubliera au lever
    et l’importance que je donne à mon sourire
    qu’arrive le meilleur
    qu’arrive le pire
    toujours me soulève le cœur… me soulève le cœur…

     

    Ce qu’on perd compte bien plus qu’on le croit
    lorsque j’ai mille ans
    c’est à elle que je le dois
    cette mémoire des os ou du sang
    et la lassitude vient
    comme meurt l’enfant
    et ma solitude peint
    ton regard brillant… ton regard brillant…

     

    Ma volonté n’est pas ailleurs
    que dans ces mots maladroits
    chercher son bonheur
    retrouver goût à la joie
    je ne connais rien de plus con
    l’innocence ne se joue pas
    on tue un jour ses illusions
    et ne s’en relève pas… ne s’en relève pas…

     

     

    http://autresfragments.wordpress.com

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Feu de tout bois de Murièle Modély, collection Délits buissonniers n°1, juillet 2016

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    52 pages agrafées

     

    tirage limité et numéroté

    sur papier recyclé  

    offset 90 gr

    couverture calcaire 250 gr

     

    illustrations originales en nb de Sophie Vissière

    http://www.sophievissiere.com/

     

    texte de Murièle Modély

    http://l-oeil-bande.blogspot.fr/

     

     

    Ici Murièle Modély nous fait partager une forme de stupéfaction, nous fait voir à travers son regard un peu décalé..., aiguisé, perçant, son humour un peu noir et ici avec un amour fou, ses enfants qu'elle observe aller et venir, vivre, rire, questionner et l'engloutir. Poésie intimiste, poésie du quotidien qui prend chez Murièle quelque chose de quasi fantastique, organique, un peu terrifiant et on s'en régale, ça gicle, ça remue, du vivant sans retenue qui fait, oui, feu de tout bois.

     

     

      

    "ils lancent leurs yeux sur moi

    comme une lame

     

    je sens leur rayon laser

    leur récit fulgurant

    jaillir

     

    sous le derme

     

    je sens remonter les picotements

    l'emballement lyrique qui peine

     

    à restituer d'un poème le scintillement

    des étoiles du trou noir de leur cornée"

     

     

     

    Jeu_s-vissiere.jpg

    10 €

    port offert

     

    à commander à

    Association Nouveaux délits

    Létou

    46330 St Cirq-Lapopie

     

     

     

     

  • Petit clin d'oeil de JJ Dorio à Nouveaux Délits

     

     

    JE ME SOUVIENS DE L’AVENIR

    Je me souviens de l’Avenir couché sur papier kraft

    Je me souviens du Lot gagné à Saint-Cirq Lapopie

    Je me souviens du Bas Breton et de la sandale grecque

    Je me souviens du fil rouge que nous tisserons toute une nuit de mai à l’hôtel André Latin

     

    Je me souviens du Quai Voltaire qui prit son envol 13 ans après la mort d’Arouet

    Je me souviens de ma disparition qui n’aura pas lieu d’être

    Je me souviens de notre vie commune sous les pavés de notre amoureuse plage

    Je me souviens de l’Avenir

     

    http://dorio.blog.lemonde.fr/2016/07/22/je-me-souviens-de-lavenir/

     

     

     

     

     

     

     

  • Christian Saint-Paul parle du n°54 sur Radio Occitania

     

    Cathy Garcia poursuit inexorablement son sacerdoce de revuiste et fait paraître le n° 54 de « Nouveaux Délits » revue vive de poésie et dérivés avec le même succès : illustrations remarquables, qui font un peu de la revue un petit livre d’artiste pour les bourses modestes, sommaire toujours original, en phase avec le monde.

     

    Cathy Garcia, poète, revuiste, photographe, blogueuse, plasticienne s’exprime par tous ses arts et demande à être écoutée et entendue au sens plein du terme.

     

     
    "Nouveaux Délits""Diérèse"Jacques Canut et l'invité Jean-Michel TARTAYRE qui venait de faire paraître chez N&B :
     "Vers l'été , suivi de Fractions de jour".
     
     
    Ecrire c'est éprouver et c'est changer, assure Adonis. Il dit aussi : "l'Occident ne cherche plus la culture, la lumière, l'avenir, le progrès. Il cherche l'argent."
    Va-t-il changer ?"
     
     
    Vous pouvez écouter l'émission en cliquant sur : http://les-poetes.fr/son/2016/160421.wma
     
     
     
     
  • Feu de tout bois de Murièle Modély inaugure la collection Délits buissonniers

    La revue Nouveaux Délits lance

    Délits buissonniers

    une collection de tirés à part pour des auteurs choisis

    ayant déjà été publiés dans la revue

    et c'est avec une grande joie qu'elle annonce la parution au 1er juillet de

     

    COUV 1.jpg

     

    52 pages agrafées

     

    tirage numéroté

    sur papier 100 % recyclé  

    offset 90 gr

    couverture calcaire 250 gr

     

    illustrations originales en nb de Sophie Vissière

    http://www.sophievissiere.com/

     

    texte de Murièle Modély

    http://l-oeil-bande.blogspot.fr/

     

     

     

      

    "ils lancent leurs yeux sur moi

    comme une lame

     

    je sens leur rayon laser

    leur récit fulgurant

    jaillir

     

    sous le derme

     

    je sens remonter les picotements

    l'emballement lyrique qui peine

     

    à restituer d'un poème le scintillement

    des étoiles du trou noir de leur cornée"

     

     

     

    Jeu_s-vissiere.jpg

    10 € + 2 € de port

     

     

    à commander à

    Association Nouveaux délits

    Letou

    46330 St Cirq-Lapopie

     

     

     

     

    ps : il y eut un précédent, qui ne fut tiré qu'à titre privé, en décembre 2006, un recueil de 15 pages : Trouble en moyenne parole qui portera désormais le numéro 0 de cette collection, en hommage à son auteur, Pierre Colin.

     

     

     

     

  • Délit d'orthographe !!!

    Alors donc, ce numéro 54 (merci à l'amie et abonnée qui me l'a signalé) est un peu beaucoup truffé de fautes (cela concerne trois auteurs en fait), et une citation d'Octavio Paz, où il faudra lire

    dis-moi, jarre brisée, tombée en pousière, dis-moi,

    la lumière nait-elle d’un os frotté contre un autre

    et non pas "n'est elle", faute donc à la femme orchestre - dénommée moi-même - à qui elles ont échappé, pourtant j'en avais bien attrapé quelques-unes déjà, sans parler du correcteur automatique qui lui apparemment n'en fout pas une, donc mea culpa..... MAIS s'il vous plait, les auteurs RELISEZ-VOUS aussi, plutôt trois fois qu'une, avant d'envoyer vos textes, cela soulagera la femme orchestre qui commence à prendre de l'âge, et donnera plus de cachet tout de même à vos textes...

     

    MERCI !!!

     

     

  • Résonances 54

    Bienvenue à Calais – Les raisons de la colère, textes de Marie-Françoise Colombani, dessins de Damien Roudeau

    Actes Sud, février 2016

     

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    56 pages, 4,90 €.

     

     

    Un petit format, des textes et des croquis sur le vif, 56 pages et il pèse des tonnes ce carnet, des tonnes de gâchis, des tonnes d’espoir, des tonnes d’injustice et d’absurdité, un peu de rêve, beaucoup de désillusions. Des élans aussi, nombreux, de la bonté, de la solidarité, pour porter tout ça, pour sécher la boue et les larmes, adoucir un peu la cruauté, mais pas la cacher non, bien au contraire, et c’est la raison d’être de ce livre dont les bénéfices et droits d’auteurs seront reversés à l’Association l’Auberge des migrants* : montrer sans fard, exposer « les raisons de la colère », refuser la honte, dénoncer l’intolérable, sortir des chiffres et des termes génériques : migrants, réfugiés, ou le moins connu « dublinés » - qui pousse de nombreuses personnes à brûler ou mutiler l’extrémité de leurs doigts afin d’effacer leurs empreintes - pour mettre des noms sur des visages, des personnes, des parents, des enfants, des adolescents, des jeunes étudiants, des boulangers, des avocats, des profs, des commerçants…. Et raconter quelques éclats de vie, qui trop souvent sont des morts absurdes, atroces…. Impardonnables.

     

    Bienvenue à Calais oui, ce sont d’abord des chiffres. 2015, 1 million de personnes se réfugient en Europe en passant par la mer, 3735 : le nombre de morts ou disparus.

     

    Bienvenue à Calais c’est aussi la démonstration d’un gouvernement impuissant, qui improvise, et celui-là ou un autre, ça serait du pareil au même, voire pire : désorganisation, des pansements ci et là sur des plaies non nettoyées, et surtout aucune notion de la dignité humaine, aucune. Une seule de ces histoires que pourrait vous raconter un homme, une femme ou un enfant, piégé à Calais, devrait suffire à ce que tout, absolument tout, soit fait pour, au cas par cas, trouver des solutions honorables. Impossible n’est pas français disait-on à un moment, et bien faut croire que si.

     

    6000 personnes, c’est le nombre de personnes qui étaient dans la jungle en octobre dernier, sans compter tous les autres camps dits « sauvages ». 6000 personnes, 120 latrines. La « jungle », c’est 17 hectares dont une bonne partie en zone Seveso, avec un vent quasi permanent, l’humidité. Au Centre Jules-Ferry, dans la « jungle », 60 douches, une à deux heures d’attente, 6 minutes chacune. Les conteneurs chauffés et éclairés installés en camp grillagé à l’intérieur de la « jungle », contiennent chacun douze personnes en lits superposés, 1,16 m2 par personnes, mais aucun lieu abrité pour faire la cuisine, pas de douche, 80 toilettes pour 1500 personnes.

     

    Parfois plus de 10000 kms parcourus, dans des conditions effroyables, pour rester bloqué à 30 km du but : l’Angleterre. 38 pour cent de personnes ayant de la famille là-bas, de quel droit les empêche t’on de les rejoindre ? Si les lois étaient appliquées, les mineurs devraient y être autorisés d’office, mais la loi n’est pas appliquée et les mineurs disparaissent ou meurent écrasés. Un grand nombre de personnes entassées à Calais parlent Anglais, langue qui se targue d’être une des plus parlées au monde. Chaque pays redoublant d’efforts dans la non-hospitalité, mis à part peut-être l’Italie et la Grèce aux premières loges et à qui on n’a aucune leçon à donner, où iriez-vous à leur place ? Quelque part où l’on vous comprenne non ? Est-ce si difficile à comprendre ? L’horreur que toutes ces personnes fuient et ont le droit de fuir, laissant derrière elles tout ce qu’elles avaient et beaucoup de morts aussi, d’êtres chers massacrés.

     

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    Pour des Syriens le passeur demande 3000 euros pour aller de Calais en Angleterre, pour des Érythréens c’est 700… Combien coûte un aller simple par l’Eurotunnel ? On ne compte plus le nombre de personnes écrasées par des poids-lourds, électrifiées dans le tunnel.

     

    Leurs actes désespérés ne sont pas le fruit d’un déséquilibre, d’un caprice, risquer la vie de ses enfants, de ceux que l’on aime, sa propre vie, ne se fait pas à la légère, est-ce si difficile de se mettre à leur place ?

     

    Bienvenue à Calais raconte la vie qui s’organise tant bien que mal, les bénévoles, les associations, sans qui la « jungle » serait définitivement un enfer, des gens formidables, une école, une bibliothèque, des repas, des activités, de l’accompagnement, des soins, des personnes qui prennent des risques aussi, risquent l’illégalité au bénéfice de l’hospitalité, de l’humanité, des sourires, de belles histoires donc mais tellement de violence aussi, car toutes les personnes en difficultés attirent toutes sortes de prédateurs, ainsi un nombre grandissant de mineurs isolés ont totalement disparus.

     

    Il faut lire ce livre, il faut le faire lire, même s’il est désespérant, s’il déborde de drames et de souffrances qui auraient pu être évités, qui auraient dû être évités et qui doivent cesser.

     

    Elle est afghane. Elle s’est enfuie avec son mari et ses deux enfants. Sur le bateau qui les emmenait en Grèce, on lui a ordonné de faire taire son bébé sous peine de faire repérer l’embarcation. Elle l’a serré très fort contre elle, il est mort étouffé. Elle n’a pas voulu jeter son corps à l’eau. La nuit, pendant son sommeil, le passeur l’a fait. Il s’est trompé : c’est sa petite fille qui est partie à la mer.

     

    Cathy Garcia

     

     *http://www.laubergedesmigrants.fr/ 

      

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    marie-francoise-colombani.jpgMarie-Françoise Colombani est éditorialiste à ELLE et auteur, entre autres, de Pour l'amour de Massoud (XO, 2005) avec Sédiqa Massoud et Chekeba Hachemi et de Maintenant (Hachette Littératures, 2007), un livre d'entretiens avec Ségolène Royal. Elle a également participé à Millénium, Stieg et moi (2011).

     

     

    damien-roudeau.jpgNé en 1981, Damien Roudeau, originaire de Montreuil, dessinateur au profil atypique, diplômé en arts appliqués (école Estienne) et titulaire d'une maîtrise d'arts plastiques, est un « globetrottoir », un « reporter graphique ». Pourtant pas vraiment l'âme d'un grand voyageur, il réalise qu'on peut partir pour des territoires inexplorés, en prenant simplement le temps de s'arrêter au coin de sa rue. Il choisit dès lors de vivre en immersion, pour mieux les comprendre, dans des mondes présumés clos, ou nécessitant une initiation (tribus électroniques, communautés Emmaüs, groupes de sans logis, usagers de drogues, squatters...). Portraits Cachés, une relecture de la loi contre les exclusions (prix du jury Grands Reportages 2002). Quand il ne tient plus à sa table à dessin, il réalise des reportages dessinés ou en BD pour l’édition, la presse (Le Monde, Casemate, Mag de la Seine Saint Denis), les associations (Aides, Médecins du Monde, Asud, AFR...) ou dans le cadre de résidences. Il est notamment associé au collectif Argos, rassemblement de dix rédacteurs et photographes engagés dans le journalisme documentaire.

     

     

     

     

  • Soliflore n°37 - Anne-Marguerite Michel

     

     

    DANSER

     

    Je danse pour ne plus être,

    Seulement pour devenir,

    Un songe, une volupté,

    Rien qui ne puisse se saisir.

     

    Je danse en vérité,

    Brutale et décomplexée.

    Libre et déraisonnée,

    Offerte dans toute ma nudité.

     

    Je danse pour crier mon âme,

    La faire sortir au grand jour.

    La voir étendue là sans retenue,

    Faible, sans plus aucune vertu.

     

    Je danse pour oublier ce que je fuis

    Le passé, le présent, la vie.

    Seule dans la foule

    Reine de tous les oublis.

     

    Je danse pour perdre le sens.

    Pour être enfin fluide dans le temps.

    Ne plus vivre que l’instant.

     

     

     

  • Georges Cathalo à propos du n°53 sur le site de Texture

    Nouveaux délits N° 53

    Oui : ce numéro ne contient « que des plats de résistance » comme il est annoncé au menu de la page 2 pour présenter un sommaire original, « le tout relevé d’un goûteux mélange de Délits d’incitations  ». La revue s’ouvre sur une suite de poèmes que Lou Raoul a extrait d’un ensemble inédit consacré à l’oiseau pour aller vers « des fenêtres ouvertes sur des friches personnelles ». Suivent six poèmes de Mokhtar El Amraoui, poète tunisien d’expression française. Cathy Garcia a toujours l’art raffiné de la revuiste avisée capable de mener sa barque seule en assumant ses choix. Elle se tourne souvent vers les laissés-pour-compte, les délaissés, les oubliés. Ainsi l’illustratrice Ana Minski pour qui « l’errance est son dada » et qui a « découvert la bohème par la littérature » ou le jeune Julien Boutreux qui commence à se faire un nom à travers de nombreuses revues avec des écrits à fleur de peau. On croise encore Jean-Claude Goiri et ses consistants Copeaux contre la barbarie ou les fortes suites poétiques de Denis Wetterwald. La revue s’achève avec les textes chocs de Sammy Sapin et de Tom Buron, jeunes poètes très engagés. Quant à la maîtresse des lieux, elle émaille chacune de ses livraisons de fortes citations en fond de page en concluant par une Résonance où elle fait découvrir des ouvrages originaux comme ici « Les maîtres du printemps » d’Isabelle Stibbe.

    à lire sur  http://revue-texture.fr/lecture-flash-2016.html#lucarnes

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     
     
  • NUMÉRO 54

     

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    Avril-Mai-Juin 2016

     

     

    Exister est un écartèlement permanent. Entre spleen et idéal pensait Baudelaire, mais savoir vivre c’est savoir accepter sans se résigner, savoir lâcher-prise sans lâcher la main de l’autre. Renoncer au bonheur mirage, ces innombrables projections du système sur l’écran de nos désirs jusqu’au viol même de notre intégrité. Achète, consomme, travaille encore pour acheter, consommer sans poser de question et tu seras heureux. Pas encore aujourd’hui, mais demain, oui c’est certain. C’est prouvé par la science. Demain sera le grand jour, demain tu seras riche, le héros de ta vie, admiré, adulé, envié, car tu le mérites. Avec ce qu’il faut de peur pour avoir besoin de se protéger derrière des remparts d’achats sécurisants.

     

    Il y a les belles choses, les savoureuses et ce ne sont pas des choses, mais des êtres et des sentiments, des émotions, des sensations, des échanges, des partages, des solitudes aussi, pleines et débordantes de vie.

     

    Il y a les peurs oui, innombrables, envahissantes, les mauvais pressentiments, les ennuis à répétition, les injustices, les coups du sort qui s’acharne et tout ce qu’il faudrait comprendre pour transformer, se transformer soi sans savoir s’il faut avancer ou reculer, s’il faut ci, s’il faut ça…. La mécanique enrayée du mental. L’envie de dormir.

     

    L’argent reste le problème omniprésent, omnipotent, un piège infâme, le plus toxique des mirages, la plus cruelle des machettes. Cette peur de manquer, de chuter encore plus bas, cette tache sur soi qui s’agrandit et nous définit plus que n’importe quoi d’autre : pauvre. C’est immonde d’être défini par cette tache, tout le monde le sait, mais rien ne change, une seule chose compte : en avoir ou ne pas en avoir. Dans une société aussi férocement individualiste que la nôtre, ce qui fait lien c’est « en avoir », ce qui ouvre toutes les portes, aussi vaines soient-elles, c’est « en avoir beaucoup ».

     

    Une seule planète, plusieurs mondes qui ne se côtoient pas. L’un d’eux est en train de dévorer tous les autres.

     

    Cg, extrait de ©Ourse (bi)polaire

     

     

    Je suis pauvre et nu, mais je suis le chef de la nation. Nous ne voulons pas de richesse mais nous tenons à instruire correctement nos enfants. Les richesses ne nous serviraient à rien. Nous ne pourrions pas les emporter avec nous dans l’autre monde. Nous ne voulons pas de richesses. Nous voulons la paix et l’amour.

    Red Cloud Chef Sioux Oglala

     

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    AU SOMMAIRE

      

    Délit de poésie : Céline Escouteloup, Christophe Réal, Marine Gross, Vincent, Heptanes Fraxion

     

    Délit de phénomène au logis : quinze extraits de Vingt d’Hervé Jamin

     

    Résonance : Bienvenue à Calais – Les raisons de la colère, textes de Marie-Françoise Colombani, dessins de Damien Roudeau – Actes Sud, février 2016

     

     

    Comme toujours, les coins de pages se noircissent aux Délits d’(in)citations. 

    Et comme toujours vous trouverez le bulletin de complicité qui fait le malin à la sortie.

     

     

    Illustrateur : Henri Cachau

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    henricachau@free.fr

     

    Villeneuve-sur-Lot 1945, vit et travaille à Rambouillet. Peintre, sculpteur, nouvelliste et poète, a participé à diverses expositions, nationales et internationales ; publie dans de nombreuses revues, papier et 'net' ; organise des expositions, des ateliers ainsi que des soirées poétiques ; en 2003 a publié un recueil de nouvelles intitulé : Le quotidien des choses... Pour plus d'informations voir site : www.henri-cachau.fr

     

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    La femme cependant, de sa bouche de fraise,

    En se tordant ainsi qu'un serpent sur la braise,

    Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,

    Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc:

    -" Moi, j'ai la lèvre humide, et je sais la science

    De perdre au fond d'un lit l'antique conscience.

    Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants,

    Et fais rire les vieux du rire des enfants.

    Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,

    La lune, le soleil, le ciel et les étoiles !

    Je suis, mon cher savant, si docte aux voluptés,

    Lorsque j'étouffe un homme en mes bras redoutés,

    Ou lorsque j'abandonne aux morsures mon buste,

    Timide et libertine, et fragile et robuste,

    Que sur ces matelas qui se pâment d'émoi,

    Les anges impuissants se damneraient pour moi !

     

    Baudelaire

     

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  • SOLDE

     

    pour Aimé Césaire

     

    J’ai l’impression d’être ridicule

    dans leurs souliers

    dans leurs smoking

    dans leur plastron

    dans leur faux-col

    dans leur monocle

    dans leur melon

     

    J’ai l’impression d’être ridicule

    avec mes orteils qui ne sont pas faits

    pour transpirer du matin jusqu’au soir qui déshabille

    avec l’emmaillotage qui m’affaiblit les membres

    et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe

     

    J’ai l’impression d’être ridicule

    avec mon cou en cheminée d’usine

    avec ces maux de tête qui cessent

    chaque fois que je salue quelqu’un

     

    J’ai l’impression d’être ridicule

    dans leurs salons

    dans leurs manières

    dans leurs courbettes

    dans leur multiple besoin de singeries

     

    J’ai l’impression d’être ridicule

    avec tout ce qu’ils racontent

    jusqu’à ce qu’ils vous servent l’après-midi

    un peu d’eau chaude

    et des gâteaux enrhumés

     

    Jai limpression dêtre ridicule

    avec les théories qu’ils assaisonnent

    au goût de leurs besoins

    de leurs passions

    de leurs instincts ouverts la nuit

    en forme de paillasson

     

    J’ai l’impression d’être ridicule

    parmi eux complice

    parmi eux souteneur

    parmi eux égorgeur

    les mains effroyablement rouges

    du sang de leur ci-vi-li-sa-tion

     

    Léon-Gontran Damas, poète guyanais, 1937

     

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    Ce poème est extrait de

     

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  • Soliflore n°36 - Emmanuel Loyau

     

    Je suis partout et nulle part
    au delà de toutes les formes
    j´échappe à toutes les définitions
    je revêts tous les aspects
    sans me laisser
    enfermer dans aucun
    Je suis l´âme unique
    aux cent mille corps
    la multiplicité de chacun
    me ressemble
    mais je ne me retrouve
    en personne
    Transgressant l´ordre
    et la norme je m´envisage
    je suis la figure de l´Autre
    le sauvage et le civilisé
    l´insaisissable et déroutant
    dépassement de soi
    Je circule entre la vie et la mort
    sur les chemins du monde
    je suis l´errance apatride
    je suis partout et nulle part
    ici et ailleurs, jamais lá
    où je suis et pourtant
    les catégories, les oppositions
    s´estompent et fusionnent
    l´absence, la présence
    le lointain, le proche
    l´au delà, l´ici bas
    en moi et par moi

     

     

     

  • Résonances 53

    Les maîtres du printemps d’Isabelle Stibbe

    Serge Safran éditeur, août 2015 

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    181 pages, 17,90 €.

     

    « Ici vous entendrez parler acier, métallurgistes, syndicalistes, ici vous entendrez parler usines, nationalisation, chômage. Si pour vous ces mots sont synonymes de nuisances et de laideur, s’ils vous font l’effet de répulsifs, si vous prétendez qu’ils doivent être réservés aux colonnes des journaux, section économie ou société, refermez aussitôt ce livre ou, pour les plus modernes d’entre vous, éteignez votre liseuse, en tout cas passez votre chemin, ce texte n’est pas pour vous, autant vous prévenir tout de suite. Entre le ciel et la boue, préférez le ciel, c’est moins salissant. »

     

    Voilà, le ton est donné, ce livre qui a autant de corps que d’âme, une écriture travaillée à la hauteur du sujet, est dédié avant tout « aux combattants sincères de Florange », puis dédié plus largement à tous les travailleurs de ces hauts-fourneaux de Lorraine qui ont fermé, les uns après les autres et dédié encore plus largement à la mémoire ouvrière, sans misérabilisme, sans naïveté. Fouillé, il vise avec justesse son but, mettre en lumière la dignité de cette classe considérée comme une sous-classe, classe qui après avoir été exploitée pendant plus d’un siècle, se voit maintenant mise à la rue, comme un encombrant obsolète.

     

    Ici, il est question des hauts-fourneaux d’Aublange, une ville fictive qui rime avec « Hayange, Hagondange, Florange, Gandrange, Uckange », dans la très réelle vallée de la Fensch, sous les cieux gris d’une Lorraine fortement marquée par ses traditions minières et sidérurgiques.

     

    L’histoire on la connait, c’est celle de Florange, le choc des annonces de fermeture, ou de « mise en sommeil » comme on dit des activités d’un ou plusieurs hauts-fourneaux, décidées par un propriétaire qui vit à l’autre bout du monde, ne s’intéresse qu’au cours de la Bourse qui elle ne s’intéresse certainement pas aux êtres, aux personnes, aux familles que la valse pochtronne de ses cours, assassinent de la façon la plus cynique qu’il soit.

     

    Et puis il y a les médias avides de sensationnel, d’images fortes, mais rarement présents quand il s‘agit d’aborder le fond des sujets et les politiciens très poings levés en période électorale, promettant haut et fort ce qui deviendra ensuite vagues possibilités de relance « si l’horizon économique se dégage ». Ha, les jolies formules !

     

    Vos cœurs sont aussi durs que les talons avec lesquels vous marchez sur la figure des pauvres. Jack London, Le Talon de fer.

     

    La lutte acharnée de David contre Goliath, de l’ouvrier dont le statut a dégringolé du plus bas à plus bas encore : d’exploité il est passé à indésirable, quantité négligeable qu’on efface d’un clic de souris.

     

    « Les parents quand ils faisaient la grève, c’était pour des augmentations de salaire. Les fils, aujourd’hui, ils font grève pour continuer à travailler. »

    Certains se résignent, d’autres veulent prendre les fusils, ça finit par voter Front national, lequel se nourrit de la détresse comme le vautour de la charogne. Et puis d’autres, montent au front, au vrai front, celui qui demande de la détermination et du courage, car même lorsqu’on n’a plus rien à perdre, on peut encore perdre beaucoup. Pierre est l’un de ceux-là.

     

    Pierre, de famille espagnole, arrivée en France alors qu’il avait huit ans. Pierre qui se voyait plutôt prof de sport ou musicien, mais certainement pas ouvrier des hauts-fourneaux comme son père. « Je me suis juré : jamais de la vie j’irai bosser là, plutôt crever. ». Jusqu’au jour où il découvre la coulée, fasciné. « C’est extraordinaire quand tu vois la fonte en fusion qui jaillit, ce feu qui se déverse avec une puissance incroyable et que tu assistes à ça, c’est tellement plus grand que toi que tu ne voudrais être ailleurs pour rien au monde, et là tu l’aimes ton usine, tu l’as dans la peau. Après, tu as beau revoir ce spectacle cent mille fois, tu ne t’en lasses jamais. » Car le travail de l’ouvrier, ça peut aussi être ça, malgré les difficultés, la pénibilité : une histoire d’amour.

     

    Et puis des histoires d’amitié aussi, de la véritable cohésion sociale « toutes les nationalités rassemblées. Les Algériens, les Italiens, les Espagnols, les Portugais. (…) tout le monde se serrait les coudes  ». Il peut y avoir de la poésie dans les hauts-fourneaux comme partout, la poésie c’est dans le regard de celui qui regarde, dans la langue qu’on partage avec d’autres, avec des expressions comme vider le loup, pratiquer la sucette, faire une belle bonnette… Ce n’est pas seulement du rendement, de la sueur et des chiffres. C’est une aventure humaine, dangereuse aussi, on peut y laisser un pied, une jambe ou plus encore, et ça ne peut pas être juste balayé comme ça, d’un claquement de doigt, tout à la poubelle, sans autre justification que le cours de la Bourse.

     

    « Tout à coup le silence. La boucheuse a injecté la masse d’argile réfractaire dans le trou de coulée. Un couvercle sur leur tombe. Cette fois c’est vraiment la dernière coulée. »

     

    Friches industrielles et chômeurs longue durée.

     

    « La flexibilité du travail, vous savez ce que ça veut dire ? Du chantage : « Mes conditions ou rien. » La précarité légalisée, institutionnalisée pour au bout du compte en revenir au travail journalier. (…) C’est ça le progrès ? Moi j’appelle ça avoir le pistolet sur la tempe. »

     

    Le titre du livre, Les maîtres du printemps, fait référence à la citation de Pablo Neruda « Nos ennemis peuvent couper les fleurs mais ils ne seront jamais les maîtres du printemps ». Une phrase qui leur parle à ceux-là qui se battent pour leur usine « que le commun des mortels trouve laide, bruyante et sale ». Pour eux, « c’est une fleur qui a la robustesse d’une gentiane de montagne et qui aujourd’hui est devenue aussi fragile qu’une orchidée. »

     

    Dans Les maîtres du printemps, trois hommes s’expriment en alternance. L’auteur nous invite dans leur tête, dans leurs pensées, même les plus intimes : Pierre Artigas, le syndicaliste, qui lutte avec ses tripes, dont la belle gueule et la prestance plait, bien malgré lui, aux médias, alors que ce qui importe là ce n’est pas de plaire, mais d’être entendu ; Max Oberlé, l’artiste contemporain, qui déteste être vieux, qui a le cancer, qui ne ressent aucune motivation à réaliser l’œuvre monumentale qu’on lui demande pour le Grand Palais et c’est un reportage sur les hauts-fourneaux de Aublange qui va lui donner cette motivation, il va leur commander la fabrication des pièces et faire une œuvre, une Antigone monumentale, en soutien au combat de ces sidérurgistes. Une soudaine prise de conscience « J’ai eu honte de moi, de toute ma vie de privilégié, peut-être, de mon égoïsme sûrement. Petite crise d’humilité qui ne me ressemble pas. »; et enfin Daniel Longueville, député, politicien donc, un des rares de son espèce à être issu justement de la classe ouvrière, une classe qu’il a trahie en quelque sorte aux yeux de sa famille cévenole. Une origine qu’il dissimule, dont il a honte, mais qui stimule sans doute son engagement pour sauver les haut-fourneaux d’Aublange.

     

    C’est un puissant projecteur braqué sur la réalité sociale que nous livre ici Isabelle Stibbe, une réflexion sur l’humain, à travers les regards, les pensées et les souvenirs entrecroisés de trois hommes : l’ouvrier syndicaliste, l’artiste célèbre et le politicien ambitieux. Sont-ils au fond si différents ? Finalement celui qui doute le moins, c’est peut-être Pierre. Mais c’est surtout qu’il n’a pas le temps de douter, l’issue de son combat est une question de vie ou de mort sociale. Max lui ne bande plus, pense à la mort et pour la première fois de sa vie, son art lui parait secondaire. Daniel tremble à l’idée qu’on puisse voir l’ouvrier en lui, « cette angoisse pierreuse qui ne tarit jamais vraiment malgré les échelons gravis, les rêves réalisés », alors que lui se voit ministre, mais on ne peut complètement renier d’où l’on vient. Ambitieux Daniel, mais peut être pas totalement arriviste. C’est ce qui le différencie de ses pairs, car il a beau avoir emprunté l’ascenseur social, ça ne fera jamais de lui un des leurs. L’un de ceux qui n’ont jamais connu autre chose que l’univers étriqué de l’élite.

     

    Les maîtres du printemps est un livre qui fait du bien, qui redonne même de la dignité au lecteur. On n’a pas besoin de voter à gauche pour le lire, c’est un livre sur l’humanité, sur ce qui pourrait faire voler en éclat le système des castes, car c’est bien de cela qu’il s’agit, de castes plus encore que de classes. En réalité aujourd’hui, le sort des personnes, des entreprises, des municipalités, de régions entières, de pays même, comme des politiciens, se joue au casino boursier. Les joueurs n’ont aucun scrupule et aucun compte à rendre. Le combat semble perdu d’avance « car comment lutter contre l’avidité de la finance, cette soiffarde qui ne se repait jamais ? »

     

    Cela dit le dernier chapitre s’intitule « Espoirs ».

     

    Je sais bien qu’à la fin vous me mettrez à bas ;

    N’importe : je me bats ! je me bats ! je me bats !

    Edmond de Rostand, Cyrano de Bergerac

     

    Alors on laissera le dernier mot à Daniel, qu’on aimerait, non pas entendre dans la bouche des élus, on entend suffisamment de mensonges comme ça, mais qu’on aimerait voir dans leurs actes et plus encore dans les résultats de leurs actes :

     

    « On ne peut pas vivre toute la vie sous les lois du marché qui ne sont pas des lois, qui sont seulement l’incarnation des instincts les plus bas comme le profit et l’écrasement d’autrui. L’homme vaut mieux que cela non ? »

     

    Cathy Garcia

     

    isabelle stibbe.jpgIsabelle Stibbe est née à Paris en 1974. Après des débuts dans le droit international, elle est responsable des publications à la Comédie-Française puis au Grand Palais, critique d’opéra… Actuellement secrétaire générale de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, elle enseigne également à l’Institut d’études théâtrales de l’Université Paris-III.  Elle a publié Bérénice 34-44, son premier roman, chez le même éditeur en 2013.

     

     

    Cette note a paru sur http://www.lacauselitteraire.fr/

     

     

     

     

     

     

     

  • Christian Saint-Paul revient sur le n° 52 dans l'émission Les poètes sur Radio Occitania

    Un excellent numéro illustré avec force par Jacques Cauda cité dans une précédente émission, avec ces notes de lecture indispensables à la diffusion des ouvrages, un sommaire toujours riche, le tout sous le ton de la fraternité tendre et militante de Cathy Garcia. Ce sont des poèmes de Marie-Françoise Ghesquier qui sont lus à l’antenne. Cette hispanisante vit près de Chalon-sur-Saône et publie ses poèmes dans les revues Décharge, Comme en Poésie et Traction Brabant.  Elle publie son premier recueil chez Michel Cosem à Encres Vives, puis chez Bruno Msika aux éditions Cardère avec « A hauteur d’ombre », recueil illustré de photos en duo avec Cathy Garcia. Elle dit aimer les esprits frondeurs.

     

    Lecture d’extraits de « De tout bois si ».

     

     

    On tourne en rond

    dans notre bocal de ronces

    Se dessèchent noires pointées

    en sons filés assourdis

    contre les fonds d’herbes

    Les notes du chaos mineur s’égrènent

    en idiomes grumeleux

    ponctués noirs le long des failles

    Faillite du moi

    avec mots cadenassés

    dans l’intervalle

    Parole craquelée à la note forcée

    Tant d’effort pour vivre

    au travers des sons disjoints

    Je renonce note à note       M’

    évapore parmi ronces et fuite d’ailes

    au-delà des buissons démesurés

    ***

    Toute  cette grenaille crible

    au plus fort du silence

    Le sang s’étoile

    aux charnières livides

    des galaxies de paille

    Je décimé par tant d’illusions

    où je m’achève en éclosions

    mortes rouges

    Pétales glosés

    clous ou glaives

    dans la chair des chaumes

    La langue s’insère

    dans les versions

    primitives     glose entre les lignes

    Parole close à l’instant

    sur les lèves

    mangées de coquelicots

    Comment voulez-vous

    que toute notion d’incarnat ?

    Le poème en petite mitraille rouge

    où coupée court

    la phrase

     

    à écouter (émission du 7 janvier :

    http://les-poetes.fr/emmission/emmission.html

     

     

     

  • NUMÉRO 53

     

    Janv. fév. mars 2016

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    Après la panne d’édito, la panne de vœux ?

     

    Même quand je travaillais dans le spectacle, je n’aimais déjà pas les répétitions. Je préférais le moment vrai et unique du spectacle lui-même, car dans le théâtre de rue, chaque représentation est toujours unique, remplie d’imprévus, d’inattendu. On n’y est pas à l’abri de la pluie, du vent, de toutes sortes d’obstacles et surprises et surtout pas séparé d’un public par une scène, ou pire encore, par une fosse. On est avec et dans le public, parmi les gens qui font et défont le spectacle, tout autant que nous-mêmes. L’idée même d’un public disparait dans un échange interactif et vivant, une grande fête commune. C’est ça que j’aimais dans le théâtre de rue, le véritable théâtre de rue. Ce moment vrai qui nous mettait en danger. Et je continue à préférer le spontané, l’imprévu, le non-préconçu, et plus encore quand il s’agit de fêtes ou de belles déclarations. Faire un vœu, oui, pourquoi pas ! Parce qu’il nous vient à la bouche comme une source jaillissante ou parce que l’étoile filante… Si j‘avais un vœu à faire là maintenant, au moment précis où j’écris cet édito, ce serait : « délivrons-nous de nos certitudes ! ». On étouffe sous les certitudes, on en perd tout contact sensoriel avec la vie, toute capacité de penser de façon inédite et donc libre. Mes certitudes, vos certitudes, leurs certitudes. Les certitudes sont aussi nombreuses que les individus susceptibles de vous les asséner, même les certitudes d’un groupe sont en réalité un assemblage de certitudes uniques, chacune attachée à un seul individu. C’est comme les patates, les ensembles qu’on nous faisait faire à la maternelle. Alors oui, pour y voir plus clair, il y a des certitudes qu’on peut mettre dans une même patate, puis les patates empiètent sur d’autres patates, ce qui forme des espaces inter-patates, qui eux-mêmes empiètent les uns sur les autres, et au final on a de nouveau un grand bordel auquel on ne comprend rien du tout. Alors ouvrons toutes ces patates et délivrons-nous des certitudes ! Voilà, c’est mon vœu instantané et il a disparu aussi vite qu’il a été formulé. Les patates mathématiques ne sont rien d‘autres que des bulles qui nous éclatent au nez. Certaines sont très belles, tout dépend de comment elles prennent la lumière. Et voilà : tout dépend de comment on prend la lumière.

     

    CG

     

    Cet homme est comme une forêt, il se croit tout obscur,

    il est partout troué de rayons de soleil.

    Henri Gougaud in L'Expédition

     

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    AU MENU

      

    Un copieux Délit de poésie pour bien démarrer l’année :

     

    ● Lou Raoul, avec un extrait d’arrache moi fort la nuit

    ● Mokhtar El Amraoui (un grand salut à la Tunisie)

    ● Julien Boutreux

    ● Jean-Claude Goiri avec des Copeaux (contre la barbarie)

    ● Denis Wetterwald

    ● Sammy Sapin

    ● Tom Buron, avec entre autre des extraits d’un journal éthylo-poétique

     

    Que des plats de résistance !

     

     

    Le tout relevé d’un goûteux mélange de Délits d’(in)citations.

     

    Pour dessert, une Résonance : Les maîtres du printemps d’Isabelle Stibbe, Serge Safran, août 2015.

     

    Vous trouverez le bulletin de complicité tapi à la sortie, mais il ne mord pas, c’est à vous de le saisir à belles dents pour l’offrir à qui vous voudrez.

     

     

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    Illustratrice : Ana Minski

     

    Ana Minski a d'abord découvert la bohème par la littérature avant de vagabonder sous les ponts parisiens. Elle a tenté d'être libraire, documentaliste, archéologue, mais l'errance est son dada. Elle a publié quelques nouvelles chez Les Artistes Fous Associés et La lucarne des écrivains, ainsi que des poèmes dans les revues Les corrosifs, Le capital des mots, Les tas de mots et Créatures. Elle peint également depuis quatre ans : http://mitaghoulier.blogspot.fr/

     

     

     

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    Le bonheur est une petite chose que l’on grignote,

    assis par terre, au soleil.

    Jean Giraudoux

     

     

     

     

     

  • Le poète est un artiste

    Comme on pourrait dire d’une façon assez réductrice que le sculpteur est l’artiste de la forme, le peintre celui des couleurs, le musicien celui des rythmes, le poète est l’artiste du langage. Mais de même que la couleur n’est pas enfermée dans un tableau, la poésie n’est pas enfermée dans un livre.

    Il y a deux voies dans l’art, deux voies qui peuvent converger et souvent pour le meilleur: une voie artisane, technicienne, qui vise une certaine perfection dans la répétition du geste, une amélioration de la technique et une voie plus intuitive, plus chamanique, quand l’artiste devient une sorte de capteur. Lui-même ne sait pas trop ce qu’il capte, mais il tente de le retranscrire en formes, couleurs, sons ou langage, ou tout à la fois. L’artiste est un médium – un moyen – d’entrer en résonnance avec l’Universel. Tous les peuples, toutes les cultures sont entrées en résonance avec l’Univers à travers leur créativité, bien avant même que n’intervienne le concept d’art ou d’artiste. Tous ont confectionné de leurs mains de beaux et parfois étranges objets, pas pour les exposer mais pour les utiliser. Cette beauté et cette étrangeté, c’est ce qu’on pourrait appeler l’âme des objets. De même, tous les peuples n’ont pas eu de littérature, mais tous ont une poésie, comme l’avait très justement dit Victor Hugo.

    La poésie est un art holistique, elle est toute à la fois musique, peinture, sculpture, son matériau ce sont les mots, dont elle utilise avant tout l’impact vibratoire, le sens en est parfois pulvérisé pour devenir essence. La poésie est vibration et exaltation de tout ce qui ne peut être expliqué par les mots, mais seulement perçu et parfois percé par eux.

     

     cg, 18 août 2015