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LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS - Page 16

  • Ouverture des Soliflores avec Stéphanie Cousin

    Aujourd'hui s'ouvre une annexe à la revue, ici même : Les Soliflores.

    Il s'agit de textes uniques d'auteurs, qui seront publiés ici. Ceci pour répondre à l'afflux toujours plus important de propositions, qui déborde largement de ce que peuvent contenir trois numéros papier par an. Inutile cependant d'envoyer des textes uniques à cet effet, il s'agit d'abord de donner de la visibilité à d'innombrables auteurs déjà en attente, et qui ne seront peut-être pas publiés ou republiés ultérieurement dans la revue papier. Les Soliflores sont donc des clins d'oeil pour encourager la création poétique et ne pas l'émousser en la faisant attendre des mois, parfois des années, pour une publication papier.

     

    Quant à la revue, elle continue son petit chemin, prochain numéro en octobre.

     

     

    Pour ouvrir donc le bal, un poème de Stéphanie Voisin, qui fait écho à Nuage rouge de Jean Azarel, publié dans le denier numéro : un hommage à la chanteuse trop tôt disparue, Lhasa de Sela.

     

     

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    Lhasa tu marches et tu appelles

    Celui qui froisse tes pieds sur des chemins de ronces

    Tes dents sont amoureuses ta bouche est sans racine

    Le désert tombe et ressuscite quand tu vacilles

    Quelqu’un vient

    Tu nages sur des braises

    C’est sûrement lui

    Et tes mains sont immenses même percées par la pluie

     

    Ton cri s’est allongé dans une roue de velours

    Comme un  feutre fragile

    Ta voix couleur de chair lève le pain de l’ombre

    La terre grogne et remplit la magie des oiseaux

    Qui redonne soif et faim

    Serre les poings sur ta fièvre

    La douceur et la pierre confondent leurs murmures

    Il y a tant de clarté dans l’obscur de ta voix

    Qu’un océan se glisse en travers de ma peau

     

    Lhasa laisse le vent marcher sur tes chansons

    Et convaincre la terre d’accueillir ta fraîcheur

    Car la nuit ce matin s’est trompée de fenêtre

     

    Sur la route ruisselle l’eau brève de ta vie

    Tel un souffle qui chasse             

    Lhasa laisse le vent dans l’étincelle des chats

    Car la nuit ce matin s’est trompée de fenêtre.

     

     

    Stéphanie Cousin 

     

     

     

     

     

    et une des chansons de Lhasa que j'aime tout particulièrement

     

     

     

  • Résonance 45

    L’éponge des mots – Saïd Mohamed – Les Carnets du Dessert de Lune – 2012. 128 pages, 12€.

     

     

     

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    L’éponge des mots est un livre sans commencement, ni fin, dans lequel on entre, puis on s’assoit et on écoute. On écoute un compagnon qui nous passerait la bouteille, on boirait à même le goulot, sans faire de manières, avant de la repasser à un autre, qui serait là aussi, quelque part au bord du monde, parce que toutes les routes ont déjà été arpentées, tout a été dit, et pourtant nul n’a encore trouvé le remède au mal de vivre.

     

    L’éponge des mots éponge le trop plein.

     

    Pas de gloire à se combler d’alcool

    Pour s‘inventer des cataplasmes.

     

    Boire encore et tordre le cou aux sortilèges.

     

    Capitaine au long cours veillant sur l’histoire du hasard.

     

    Taillader son chemin dans l’aventure des rues lisses.

     

     

    Tel un Ulysse qui ne retrouvera jamais son port. Les mots eux-mêmes deviennent éponge pour absorber le trop plein d’amertume, de vanités, de désillusions, de chagrins rouillés. Un trop plein qui n’a d’équivalent que la béance du manque d’amour.

     

    Revenir sur ton ventre noyer ma détresse à l’hôtel des carnages

    en soudoyant le gardien de nuit

    après une errance de bar en bar

    pour resquiller la lumière

     

    Lorsqu’on va chercher très loin ce que l’on ne trouvera jamais, le voyage devient errance, parce que depuis longtemps nous sommes perdus à nous-mêmes.

     

    Dans cette nuit espagnole, tu pointes un doigt vers le ciel

    et désignes l’aube avec sa rivière

    roulant des perles noires.

     

    (…)

    Je jure de ne plus savoir retourner chez moi.

     

    Car vivre c’est Être au monde avec ses pertes de lumière, des voiles trouées et ces haubans qui sifflent au moindre vent.

     

    Dans L’éponge des mots, Saïd Mohamed nous livre son désenchantement, et à chaque page pourtant, on trébuche sur des pépites. Si les larmes sèchent vite aux vents des quatre coins du monde, les mots eux, n’ont pas fini de couler.

     

    nous ne sommes pas devenus fou subitement,

    cela a demandé du temps.

     

    D’abord, on a vu l’étrange plaie

    qu’est la joie dans les yeux des autres.

     

    (…)

     

    Pris dans la tourmente des loups dépouillés

    qui guettent l’étrange et le dérisoire.

     

    Partout avec ces mots de pauvre, aller

    dans la perception des miroirs

    en traversant sur les passages cloutés.

     

     

    Les mots vomissent leur impuissance à changer le monde.

     

    Il n’est de sommeil plus puissant

    Que notre intelligence à ne pas vivre

     

    (…)

    L’idiot va à ses ratages comme à une science exacte,

    Seule raison valable pour achever cette bouteille.

     

    Quelle autre sagesse peut évoquer un tel carnage ?

     

     

    Le voyageur va chercher ailleurs quelque chose qui lui ferait croire qu’il vit plus intensément.

     

    La dentelle des jours nous pousse à faire escale

    dans les ports aux romances inachevées,

    à chercher dans la multitude des petits riens

    ces choses de peu qui manquent le plus.

     

     

    Plus c’est loin et plus on espère trouver cet autre chose qui nous ferait nous-mêmes autre.

     

    J’ai connu les ventres outragés et le rire des singes,

    L’ombre du feu avec dans la bouche

    Les cendres des morts comme seule preuve de vie

    Et combien de corbeaux, de singes, de najas,

    D’étranges banyans et d’immenses

    Oiseaux de nuit.

     

    Mais il y a quelque chose de définitivement voué à l’échec dans cette quête, des courants contraires aux chercheurs d’intensité, des trésors éphémères qui fondent comme goutte d’eau au soleil.

     

    Des éclats de possibles,

    des bribes de rien dans le silence résorbé des villes

    et des hommes de papier mâché

    au bar des illusionnistes.

     

    (…)

    Partout être à contretemps,

    à contre-emploi, à contresens du flux

    dans le décalage permanent,

    fuir quand tout converge.

     

    Grande est la désillusion, quand on découvre les coulisses de ce qui n’apparait au final, comme rien d‘autre qu’un grand cirque pathétique.

     

    Qu’auront nous dit vraiment ?

     

    Le silence est préférable à ces babils,

    ces faux-savoirs,

    ces mensonges appris comme une leçon.

     

    Ces bribes de rien, de tout, d’abject aussi, récitées par cœur

    quand le plus grand dénominateur commun ouvre sa gueule

    dans l’immonde barnum du tube cathodique,

    ce rectum de la pensée qui souille

    tout ce qu’il touche.

     

    Saïd Mohamed sait ce qui pousse à Parcourir le monde comme le sang bat les veines à la recherche de l’instant qui rend caduc tous les autres. (…) et la promesse toujours la promesse d’autres choses encore.

     

    Le voyage, la fuite, la solitude et l’oubli impossible.

     

    Accolé aux murs des villes, ton visage, ton sourire obsédant, ton ventre au mien accroché, où dedans le vent s’engouffre, dans le salpêtre, la crasse, l’odeur des poubelles, je t’ai cherchée.

    Dans le repli de l’indifférence j’ai appris à regarder avec cette habitude à qui rien n’échappe, en tous lieux j’erre seul, heurté à la raison qui maintient les êtres dans leur camisole. Partout où tu as posé les pieds, je retourne la terre. J’hésite à te nommer, pour laisser en friches ces souvenirs qui me reviennent, m’accablent et me jettent dans les bras d’hier.

     

    Saïd Mohamed sait qu’il est difficile de vivre en ignorant son ombre, elle se tord et crie si on marche dessus.

     

    Tout au long de son livre on sent peser cette ombre qu’aucune destination, si lointaine fut-elle, aucun alcool, ne sauraient dissiper.

     

    Tous ces arbres morts qui s’évertuent à lancer au ciel des branches pour s’y pendre…

     

    Et pourtant, nous confie t-il, ma raison demeure dans l’agitation du monde, de ces villes juchées les unes sur les autres, où dans l’ennui les hommes se laminent, se chevauchent.

     

    Dans la troisième partie du livre, il nous ramène à un « Ici et maintenant ». Une sagesse que connaissent tous ceux qui savent qu’il est vain de tenter d’être ailleurs, que dans ce laps de temps présent. Et si les souvenirs sont toujours là, en filigrane, il est temps de tirer un trait et Saïd Mohamed est sans doute un de ces êtres brûlés au feu de la passion comme de la lucidité, cette lucidité féroce qui pousse à n’importe quel extrême pour lui échapper, en vain.

     

    Nous n’avons pas grandi malgré le poids sur nos épaules.

    Prisonnier de l’enfance, on croit être devenu un autre

    en refusant l’idée que seul le corps change.

     

    L’éponge des mots est comme un fleuve qui s’écoule, qui déborde parfois, puis se calme à nouveau, qui remonte le temps aussi bien qu’il file vers une hypothétique embouchure.

     

    On relit ce qu’on a écrit sans le reconnaître.

    Ivresse de la prière païenne qui se nourrit d’elle-même

    À laquelle aucun parler n’est comparable.

    Ce mystère ne nous appartient pas.

    En bouche vient le fleuve,

    Message jamais interrompu ni commencé.

     

    Il y a l’ombre, mais aussi un flot de lumière, au sein même de ce qui peut sembler comme un constat désespéré.

     

    Dire l’instant émerveillé devient insolence

    Aux hommes obscurcis par trop de misère.

     

    L’auteur sait qu’avec les mots on peut tout inventer et il a gardé Des affamés (…) les vertus de l’illumination, les tenailles du silence et la tyrannie de l’aube.

     

    En d’autres termes, le chant et la soif du poète, mais il s’interroge sans cesse, il nous interroge.

     

    Comment apprécier l’insolence des moineaux et convaincre l’ombre du bien-fondé de la lumière

    Survivre aux ratages de l’existence et à cette nostalgie qui éreinte.

     

    Il faut avoir touché le fond pour en connaître la texture réelle et savoir si bien en rendre compte.

     

    Le mal de vivre n’a pas de nom, inquiétude rebelle, cœur sans raison.

     

    Le voyageur a vu la face périmée du rêve et le poète l’a bue jusqu’à la lie.

     

    L‘insulte nous a cueillis au cœur de la joie. Déplumé l’oiseau aux sept couleurs. Sidaïque l’oncle Jo des Amériques. La petite Jeanne s’injecte de l’héroïne.

    Comme des orphelins, efflanqués nous ne croyons plus en rien. Nous avons vu tant de désastres, de boue ruisseler des montagnes, de louves pleines les flancs ronds, de vagabonds pointer sur la carte du ciel une étoile rouge.

     

    Et comme ces marins condamnés à errer d’île en île, lui comme nous sommes étrangement ballotés entre l’histoire d’un monde aux urgences de grisaille et l’impatience de vivre.

     

    Saïd Mohamed n’a certainement pas fini d’essorer, encore et encore, L’éponge des mots, et c’est tant mieux !

     

     

    Cathy Garcia

     

     

    said_mohamed par bénédicte Mercier.jpg©photo de Bénédicte Mercier

     

    Saïd Mohamed, né en 1957, en Basse-Normandie, d’un père berbère, terrassier et alcoolique et d’une mère tourangelle lavandière et asociale, il a passé son enfance et son adolescence à la DASS. Nomade dans l’âme, il a été tour à tour, ouvrier imprimeur, voyageur, éditeur, chômeur, enseignant. Chef de fabrication dans le secteur éditorial, il a enseigné au BTS édition à Toulouse et poursuit désormais son enseignement à Paris, dans le cadre de la prestigieuse École Estienne.

     

    Romans
    Un enfant de cœur, Éditions EDDIF, Casablanca, 1997.
    La Honte sur nous, Éditions Paris Méditerranée, 2000. Éditions EDDIF, Casablanca, 2000 (réédition 2011, Ed. Non–lieu).
    Le Soleil des fous, Éditions Paris Méditerranée, 2001.
    Putain d’étoile, Éditions Paris Méditerranée, 2003.

    Poésie
    Terre d’Afrique, S’éditions, 1986.
    Mots d’absence, Le Dé Bleu, 1987.
    Délits de faciès, Le Dé Bleu, 1989.
    Femme d’eau, Polder, 1990.
    Le Vin des crapauds, Polder, 1995.
    Jours de pluie à New York, de cendres à Paris et de neige à Istanbul, Encres Vives, 1995. Réédition 2001.
    Lettres mortes, Poésimage, 1995.
    Chaos, Éditions Ecbolade, 1997.
    Point de fuite, Propos de Campagne, 1998.
    Instants fragiles, Le Maghreb Littéraire, Toronto, 1999.

    Liesse à Marrakech, Encres vivres, 2001.

  • Michel Host parle de la revue Nouveaux Délits

    Dans sa Chronique le Scalp en Feu (IV) in Recours au poème

    http://www.recoursaupoeme.fr/chroniques/le-scalp-en-feu-i...

     

     

    NOUVEAUX DÉLITSrevue de poésie vive –

     

    Numéros 44 (janv.-févr.-mars 2013) & 45 (avril-mai-juin 2013)

    Cathy Garcia (cf. Scalp III, Le Poète) œuvre à plein temps, nous le savons, pour faire vivre la poésie entre Dordogne, Auvergne, Charentes et Pyrénées, et ailleurs encore j’imagine. Elle-même vit en poésie et, spirituellement du moins, de la poésie. Sa revue aussi bien que ses recueils en témoignent avec vigueur et constance. Parvenir à « fabriquer » soi-même plus de 40 numéros d’une publication sans la moindre subvention, lui trouver des abonnés fidèles, y rester fidèle à quelques orientations majeures suppose une admirable endurance personnelle et quelques qualités remarquables. Si Nouveaux Délits a un aspect quelque peu austère, c’est que ses pages sont tenues au respect de la planète et de ses ressources naturelles, et que par ailleurs elles mènent non des combats, mais une action continue par ce que j’appellerai l’action des mots. C’est d’ailleurs une tradition qu’ont maintenue bien des publications anciennes, parfois disparues… je pense à un titre comme Action poétique, par exemple… Cathy Garcia a, outre son immense talent de poète, toute l’énergie qu’il faut, et des dents et des griffes,  ce que nous laisse entendre son éditorial du N°44 : « Nos façons de penser, de vivre, de consommer, la façon dont nous entrons en relation avec l’autre et avec nous-mêmes, participent, qu’on le veuille ou non, à l’immonde. Personne ne peut, à elle, à lui tout(e) seul(e), changer ce monde, mais chacun(e) d’entre nous a la possibilité de réfléchir à sa façon d’en être et il est temps, il est urgence, de changements radicaux. Les alternatives, les solutions, elles sont là, à portée de main, de clic, de choix, qu’elles soient citoyennes, écologiques, spirituelles…  […] il nous faut stopper l’immonde avant qu’il ne nous dévore. » Voilà la dame ! L’idée ! Le songe ! la volonté ! Quoique n’étant pas le modèle à suivre dans ce combat, j’approuve et je comprends pleinement. L’immonde, je le combats avec d’autres armes, mais qu’importe, ce combat ne peut m’indifférer. Il n’envahit d’ailleurs pas la revue, elle n’en est pas le drapeau levé à chaque page. Cela est selon le poète, la poétesse, et son inspiration fait loi.

    Dans ce numéro 44 (illustré par Jean-Louis Millet), j’ai aimé Le Locataire, de Fanny Shepper : « Un cendrier de béton / voilà son appartement / un plancher à échardes / un matelas molesté au sol… », et tout autant son Ange perché : « Mon petit cœur le fantôme / Mon amoureux le cinglé / Dans ton souffle les putains sont des reines égarées / et les ivrognes des capitaines de navires qui se brisent »… Et cette solitude à méditer : « Dans la nuit sans fond / je t’entends moi / parfois, tu fredonnes d’étranges complaintes / alors l’océan se calme / et il berce et il souffle doucement ». Qui ne trouve beauté et sens à ces mots, à ces vers ? Aimé aussi les fureurs de Pascal Batard, qui roule et tangue avec les pirates, « Pirates de soufre et de sang / brigands / de sable, de vent / sur l’océan / indien », aussi bien qu’il vacille en pensée regardant l’image d’un Christ dont les imbéciles, par conformisme et étroitesse de pensée, écartent jusqu’au nom : « Christ crucifié, / résistance du mort, dépossédé, / Stabat Mater / et renaît poussière, / riche du livre, / du savoir de ses pairs, / éteint. » J’aime que l’on rappelle qu’il y eut, après Socrate, ce grand philosophe de l’impossible amour. Et aussi que Jean Michel A Hatton nous raconte que le tort fut d’avoir laissé s’évaporer les antiques odeurs, « des odeurs d’étraves / et d’ancres, / quelques-unes oubliées / quelques-unes perdues. » Et non moins que Hosho Mccreesh, en anglais (mais avec traduction d’Éric Déjaeger), nous dise à nouveau que c’est par le « faire » d’abord que s’instaurent le poétique et sa puissante action : « BECAUSE VAN GOGH DIDN’T SIT IN THE ASYLUM WAINTING STARRY NIGHT TO PAINT ITSELF, BECAUSE MICHAEL ANGELO DIDN’NT SIT IN FLORENCE WAITING FOR THE PIETA TO CARVE ITSELF… It takes years for tree limbs to tear down powerlines, for roots to buckle concrete… … but they always do. » Il n’est pas inutile, loin de là, que cette “livraison” (quel mot, bien qu’il soit avéré !) que Cathy Garcia nous convie ensuite à goûter des proses romanesques grecques, chiliennes, Sud-Coréennes, et qu’elle nous gratifie de cette sentence aiguë d’Edgar Morin : « L’indifférence, ce gel de l’âme. » Nouveaux Délits ne tombe certainement pas dans ce vice majeur de notre temps, et peut-être d’autres temps… Qui sait ?

    Au numéro 45 (avril-mai-juin 2013 ; illustrations de Corinne Pluchart) je lis des poèmes « combattants » : ceux de Samuel Duduit, « pas encore mort »  - et il a raison de nous le confirmer -, quoique parfois orientés vers ce moi haïssable dont la prégnance absolutiste nous empoisonne : « Je vais et viens passé déjà / touriste survivant à ma propre existence / et qui visite les ruines déjà ennuyé… » ;  ceux de Patrick Tillard, évoquant LES SURVENANTS : « Ils sont maintenant vaccinés / cachés dans des réserves / remplis à plein bords d’essence ou de colle / de crack et d’amphés / prêts à sombrer dans ces puits empoisonnés  […] Désaveu mécanique / statut de victimes / Lanière qui étrangle / une histoire épurée / souffle le silence ». C’est bien là poésie dans la vie : « La vie est une maison comparable / à bien d’autres / dépeuplée d’aspirations / elle éjecte des corps / incertains. » Cette incertitude des corps ne traduit pas l’entier désamour, le vide tragique de l’existence, car cette maison reste « habitée d’amour / côte à côte du vivant… » Et c’est sans doute ce qu’à sa façon nous dit le poète néocalédonien Frédéric Ohlen évoquant l’homme qui, embarqué clandestin dans une soute d’avion, sait, bien sûr, « qu’on gèle / là-haut chez les anges / alors il a mis // du papier sous son tee-shirt / feuilles de canards dont les gros titres / dégueulent sur lui. » Car, à la fin, « S’en aller / marcher jusqu’à / disparaître // surfer l’infinie / répétition / du mouvement », n’est-ce pas la destinée de chacun ?  Jean Azarel, revenant aux terres d’enfances (j’imagine), aux territoires « de lauze et d’air », aux amours et aux nostalgies d’autrefois, ne quitte personne, et même demeure avec nous tous qui l’avons connue cette « douce aux jambes d’airelle… au ventre de tourterelle… » qui ne laissa « aucune autre trace que le souvenir d’elle / assise sur une balançoire / l’amie qui le restera… » Quant à Nicolas Kurtovitch, lui aussi « calédonien », s’il connaît les sources de l’enlisement, il tente de s’en arracher et de nous en arracher avec lui : « Il ne faut pas s’arrêter / à la première embûche / et contempler les feuilles mortes / au sol elles y sont bien / en oublier le besoin de silence… » « Laissons à la porte de la forêt / les éternels déboires / d’un mot mal compris / d’une phrase assassine / et les fougères ici par milliers nous protégeront. » NOUVEAUX DÉLITS est bien l’île Utopia de poésie, le lieu qui avance dans nos têtes encombrées de récifs et d’écueils, le lieu de l’Autre-Soi, l’autre sans qui je ne suis pas grand chose, et l’autre qui sans moi se diminue ou s’ampute de son autre à lui. Revue de la générosité et de l’humanisme (je sais qu’il y eut des raisons de rejeter cette belle idée) renouvelé.        

    Nouveaux Délits : http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/

     

     

  • Christian Saint-Paul et l'émission les Poètes

    Christian Saint-Paul encore une fois rend un bel hommage à la revue, au numéro 45 et a choisit de lire Jean Azarel. Vous y entendrez bien d'autres choses

    Une émission à écouter ici : http://les-poetes.fr/emmission/emmission.html

     

    En préambule Christian Saint-Paul signale que le N°12 de larevue Saraswati(revue de poésie d'art et de réflexion) vient de paraître : 130 pages (format A4), beaucoup de lecture en perspective donc. Les textes sont reproduits sur papier ivoire et les œuvres plastiques sur papier blanc glacé. Vous découvrirez dans ce numéro, entre autres, des textes inédits de Fernando Arrabal, Michel Butor, Michel Cosem, Michel Host, Luis Mizón et de d'autres poètes de grand talent. La thématique centrale est : La poésie hispanique contemporaine à travers deux hommes (le poète, dramaturge et cinéaste espagnol Fernando Arrabal et le poète argentin Luis Mizón) et deux femmes (Alicia Aza et Maria Baeza).
    Vous pourrez également lire de nombreux textes de réflexion sur la poésie en relation avec les autres arts - poésie et peinture, poésie et photographie, etc. -
    ou comme outil de connaissance de soi. Plusieurs intervenants, entre autres :
    E.Biedermann, B. Grasset, E. Hiriart, M. Host, C. Monginot, L. Podkosova...
    L'artiste invité est le photographe Maxime Godard (une vingtaine de pages de reproductions en couleur  une interview). Vous découvrirez aussi dans ce numéro l'actualité littéraire du moment (Canut, Lévesque, Keranguéven, Terrien, etc...) commentée de façon approfondie par divers chroniqueurs dont Christian Saint-Paul ainsi que la "revue des revues" par Georges Cathalo.

     

    Pour acquérir ce numéro, il suffit de faire parvenir un chèque de 18,00€ + 3,00€ de port, soit 21,00€ en tout à l'ordre du trésorier : "Samuel Potier"et à l'adresse suivante :
                   Revue Saraswati, B.P. 70041, 17102 Saintes cedex

    sans oublier de noter votre nom et votre adresse s'ils sont différents des mentions portées sur le chèque.
    La thématique du prochain numéro de Saraswati est notée sur la 3ème
    de couverture de ce N°12. N'hésitez pas à envoyer à la revue poèmes et textes
    de réflexion.

     

    Saint-Paul invite également les auditeurs et internautes à se procurer le n° 45 de la revue de poésie vive NOUVEAUX DELITS ; Cathy GARCIA y signe un éditorial où l’on reconnaît son humour et sa passion pour la poésie :

     

    « Vous avez remarqué, mis à part votre serviteuse et la merveilleuse illustratrice, nulle femme publiée dans ce numéro : QUE des hommes ! De quoi faire frémir le printemps féministe, un coup fatal aux normes de parité…  Alors ? Je ne sais pas, cela doit être le printemps justement, la montée de la sève, l’érection des petites pousses et des bourgeons, quelque chose de l’ordre de l’élan premier, la fougue du yang, le redressement des lingams… Des hommes donc, mais ces hommes cependant écrivent de la poésie, et si ça, ce n’est pas faire preuve d’une certaine sensibilité - sensiblerie diraient les jaloux ; si ça, ce n’est pas mettre à nu une certaine féminité ! Voilà donc des hommes dévoilés, qui se répandent en mots pleins de force, de chagrin parfois, de beauté, de compassion aussi, d’attention à l’autre. Ils sont magnifiques, les hommes, quand ils posent leurs joujoux de guerre, leurs pelleteuses et leurs calculettes, leur arrogance de garçonnets cravatés trop serrés, quand ils transforment des pulsions en poésie, des colères en coléoptères, des bottes de plomb en papillons de duvet. C’est beau un homme quand il tient debout tout seul, nu face au soleil, quand il respire amplement, les pieds ancrés à la terre mère. C’est beau un homme qui chante et qui pleure, qui tend la main vers d’autres hommes, vers des femmes, des enfants, un chat, une chouette, une fleur. C’est beau un homme qui ouvre ses bras, qui s’invente des ailes, pas pour aller plus vite ou plus haut non, mais pour accomplir des rêves qui donneront des fruits à offrir et partager. Oui, c’est beau un homme, et tout particulièrement quand il est une femme aussi, et un enfant encore. Pas pour faire des caprices ou ne jamais rien assumer, non, mais pour conserver intacte sa capacité à s’émerveiller et pouvoir offrir et partager ce qu’il a vu, entendu, senti, créé. C’est beau un homme, quand il vise haut et juste, avec sa conscience propre, quand il a le cœur au courage et le désir du vivant. Alors surtout, continuez, les hommes, soyez beaux, surtout du dedans ! »

     

     

     

    Trois pages sont consacrées à une note de lecture complète du livre de Saïd MOHAMED « L’éponge des mots » (Les Carnets du Dessert de Lune, 2012).

     

    Les poèmes choisis dans ce numéro, sont tous des textes forts, ce qui tendrait à démontrer que les hommes aussi tiennent une bonne place dans la poésie d’aujourd’hui, à l’égal, ou presque diront certaines, des femmes.

     

    Sans rire, il a été difficile à Saint-Paul de sélectionner un auteur pour lire un extrait. De façon arbitraire, c’est Jean AZAREL qui fait entendre sa voix ; né au Canada il s’imprègne de Jack Kerouac, de Luc Dietrich, de Jack Alain Léger, d’Alain Jégou ou de Marie Huot. Ses œuvres sont éclectiques, d’un romantisme baroque. Derniers ouvrages parus : Papy beat generation, Hors Sujet 2010, Marche lente, Samizdat 2011, Itinéraire de l’eau à la neige, Gros Textes 2012.

     

    Lecture d’extraits de « De Lauze et d’air ».

     

     

     

    Saint-Paul recommande également la lecture d’actualité sur le devenir de la poésie du livre  PAROLES DE POÈTES   POÈTES SUR PAROLE de Jean-Luc POULIQUEN  et Philippe TANCELIN. (13,50 € L’Harmattan)

     

     Lorsqu’un poète rencontre un autre poète au cours d’un festival de poésie au bord de la Méditerranée durant l’été 2012, sur quoi peuvent-ils bien échanger ?

     

    La parole que les deux poètes tiennent ici s’apparente autant à un dialogue socratique qu’à une incantation montant des intervalles de silence entre deux vagues de méditation sur l’engagement du poète de la scène de ses mots à la scène de l’histoire.  Voir doc  Ce livre qui s’inscrit dans nos interrogations permanentes, fera l’objet d’une prochaine émission.

     

     

     

    Saint-Paul révèle ensuite une des agréables surprises qui résulte très souvent de cette émission, cette fois-ci la réception parmi le courrier reçu d’un livre de poèmes de Jean-Paul ESCUDIER, avocat toulousain qui publie « poésies » aux éditions IXCEA  (2, rue d’Austerlitz 31000 Toulouse, 96 pages, 12 €). Depuis son plus jeune âge, cet auteur a éprouvé le besoin de livrer ses états d’âme à la feuille blanche, de « mêler son sang à son encre » comme il l’écrit dans un de ses poèmes.

     

    Par pudeur, cet avocat notoirement réputé dans la ville et dans sa profession, et dont le métier consiste à parler des autres, n’a jamais voulu ni peut-être jamais pu parler de lui. Sur les très nombreux poèmes qu’il a écrits, l’éditeur en a choisi une quarantaine qui représentent un condensé de quarante ans de vie.

     

    C’est la face intime de la personnalité « solaire qui s’est réchauffée au soleil noir de son écriture dont le terreau est le néant » qui apparaît, pour le plus grand bien de la poésie, dans ce livre. Alain BORNE aussi, qui fût bâtonnier à Montélimar, était réservé dans son expression poétique qu’il fallait décrypter pour en saisir la fabuleuse portée. Jean-Paul ESCUDIER a été invité à venir parler de sa création à cette émission.

     

     

     

    Le fascicule sur le Café TROBAR n° 2 consacré à Bruno DUROCHER (1919-1996) a paru et est présenté lors des animations de la Fondacion Occitània. Saint-Paul lit  en Oc et en français un poème de cet auteur atypique et exceptionnellement prolixe dont les éditions Caractères publie actuellement les œuvres complètes.

     

    C’est précisément la relecture des textes de DUROCHER  qui a orienté Saint-Paul sur l’œuvre poétique de Primo LEVI.

     

    En effet, les « politiques locaux » de Toulouse ont décliné l’invitation à la soirée Durocher, alors qu’ils étaient présents à la soirée précédente qui réunissait un poète iraquien et une poétesse occitane. Pour nos notables élus, l’évocation de la Shoa semble apparaître comme liée à un sentiment de propagande sioniste.

     

    Devant cette misère intellectuelle qui domine hélas une bonne partie de la classe politique, étrangement devenue de plus en plus dogmatique et sectaire, les poèmes de Primo LEVI devaient être rappelés. Rassemblés en un mince recueil « A une heure incertaine » avec une préface de Jorge SEMPRUN (Gallimard collection Arcades) ils nous offrent le témoignage bouleversant de la quintessence de la pensée sans fard de cet écrivain, qui paya de sa vie les tourments de la Connaissance de la condition humaine. Voici ce que l’on peut lire en résumé de sa biographie :

     

    « Primo Levi est né à Turin le 31 janvier 1919 dans une famille juive mais peu pratiquante. Sa judéité, Primo Levi n'en prendra réellement conscience qu'avec l'apparition de la mentalité antisémite en Italie, vers 1938. Après avoir suivi des études de chimie, il part s'installer à Milan. En 1943, il s'engage dans la Giustizia e Liberta (organisation antifasciste installée dans les Alpes italiennes) et se fait arrêter le 13 décembre de la même année, à l'âge de 24 ans, par la milice fasciste. Il est interné au camp de Carpi-Fossoli, tout près de la frontière autrichienne.

     

    En février 1944, le camp, qui était jusque-là géré par une administration italienne, passe en mains allemandes : c'est la déportation vers Auschwitz. Il est libéré le 27 janvier 1945, date de la libération du camp par les soviétiques. Une fois la guerre finie, il épousera Lucia Morpugo, aura 2 enfants et dirigera une entreprise de produits chimiques. Pendant les derniers mois de sa vie, Primo Levi fut très affecté par la montée du révisionnisme et de l'indifférence. Profondément déprimé, le 11 avril 1987, il se jette dans la cage d'escalier de son immeuble. Sur sa tombe sont inscrits son nom et 174 517, son matricule à Auschwitz.

     

    Les déportés ont parfois honte de ce qui leur est arrivé : Levi, quant à lui, utilise toute situation pour témoigner de ce qui lui est arrivé. C'est une façon de résister : un combat contre l'oubli au quotidien ; son langage, sa personne même, sont des preuves qui appuient ce qu'il a écrit. Ferdinando Camon décrit ainsi Primo Levi dans l'avant-propos de son recueil de conversations :

     

    "Levi ne criait pas, n'insultait pas, n'accusait pas, parce qu'il ne voulait pas crier, il voulait beaucoup plus : faire crier. Il renonçait à sa propre réaction en échange de notre réaction à tous. Son raisonnement portait sur la longue durée. Sa modération, sa douceur, son sourire -qui avait quelque chose de timide, de presque enfantin- étaient en réalité ses armes". »

     

    Lecture d’extraits d’ « A une heure incertaine ».

     

     

     

  • NUMÉRO 45

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    Avril-Mai-Juin 2013

     

    Vous avez remarqué, mis à part votre serviteuse et la merveilleuse illustratrice, nulle femme publiée dans ce numéro : QUE des hommes ! De quoi faire frémir le printemps féministe, un coup fatal aux normes de parité…  Alors ? Je ne sais pas, cela doit être le printemps justement, la montée de la sève, l’érection des petites pousses et des bourgeons, quelque chose de l’ordre de l’élan premier, la fougue du yang, le redressement des lingams… Des hommes donc, mais ces hommes cependant écrivent de la poésie, et si ça, ce n’est pas faire preuve d’une certaine sensibilité - sensiblerie diraient les jaloux ; si ça, ce n’est pas mettre à nu une certaine féminité ! Voilà donc des hommes dévoilés, qui se répandent en mots plein de force, de chagrin parfois, de beauté, de compassion aussi, d’attention à l’autre. Ils sont magnifiques, les hommes, quand ils posent leurs joujoux de guerre, leurs pelleteuses et leurs calculettes, leur arrogance de garçonnets cravatés trop serrés, quand ils transforment des pulsions en poésie, des colères en coléoptères, des bottes de plomb en papillons de duvet. C’est beau un homme quand il tient debout tout seul, nu face au soleil, quand il respire amplement, les pieds ancrés à la terre mère. C’est beau un homme qui chante et qui pleure, qui tend la main vers d’autres hommes, vers des femmes, des enfants, un chat, une chouette, une fleur. C’est beau un homme qui ouvre ses bras, qui s’invente des ailes, pas pour aller plus vite ou plus haut non, mais pour accomplir des rêves qui donneront des fruits à offrir et partager. Oui, c’est beau un homme, et tout particulièrement quand il est une femme aussi, et un enfant encore. Pas pour faire des caprices ou ne jamais rien assumer, non, mais pour conserver intacte sa capacité à s’émerveiller et pouvoir offrir et partager ce qu’il a vu, entendu, senti, créé. C’est beau un homme, quand il vise haut et juste, avec sa conscience propre, quand il a le cœur au courage et le désir du vivant. Alors surtout, continuez, les hommes, soyez beaux, surtout du dedans !

     

    CG

     

     

    homme rivière aux étreintes

    mille fois renouvelées

    homme si vaste

    aux bras de sable

    homme profond

    de sagesse infinie

    Cathy Garcia

    in Salines

     

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    AU SOMMAIRE

     

     

    Délit de poésie :

     

    Samuel Dudouit, Patrick Tillard (Québec), Frédéric Ohlen (Nelle Calédonie)

     

    Jean Azarel, Nuage rouge, un hommage à la chanteuse Lhasa de Sela et un extrait De lauze et d’air, un poème fleuve qui prend sa source en Lozère.

     

    Nicolas Kurtovitch (Nelle Calédonie), L’attente des hommes alentours

     

     

    Résonances : L’éponge des mots de Saïd Mohamed

     

     

    Le bulletin de complicité bloque la sortie avec des appels de sève.

     

     

    Illustratrice :

     

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    Corinne Pluchart

    pluchart.corinne@orange.fr

     

    « Toujours près du Mont, mon Lieu. La mer... j'écris, je marche, je m'arrête, je cherche. Poète surtout, avec la mer, le vent, le temps, la vie et la lumière. » 

     

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    L’homme du Tao aime le froid, il aime le chaud,

    il se rit de l’insuccès comme du succès, va son chemin, hilare.

     

    Nan Shan

    in Recueil de la colline du sud

     

  • CHAISE CONTRE BALAI

    LA chaise, sur laquelle se pose et se repose notre partie la plus charnue, LA chaise, une sorte de cul de remplacement en somme. Objet commun d’entre tous, objet d’une telle évidence et qui s’offre si généreusement « Prenez-donc une chaise. ». Quatre pieds bien ancrés, entre terre et ciel, nous offre une position qui n’a pas toujours été la nôtre, et qui d’ailleurs ne l’est toujours pas dans bien des endroits de notre planète. Quatre pieds bien arrimés, qui n’empêchent pas pour autant les enfants de s’en balancer, au risque de valdinguer, chaise et enfant confondus, six pieds en l’air. Serait-ce à dire que les enfants ont moins de respect pour ce si noble objet que nous, adultes, grands et responsables ? Les enfants préfèrent, à l’image de nos ancêtres et de nombreux peuples encore aujourd’hui, s’asseoir par TERRE. La chaise finalement ne serait-elle pas plus convenable que confortable ? Ce n’est pas Pharaon qui me contredirait qui fut sans doute le tout premier à vouloir affirmer sa puissance, en dominant un peuple accroupi aux dépends de son propre confort. En effet, les premiers sièges nous les devons aux Égyptiens, avant la klismos de la Grèce Antique, qui innove avec le siège ergonomique.

     

    À l'origine donc, la chaise était un privilège réservé aux élites. Les gens du peuple, chez nous par exemple, utilisaient le coffre, le banc ou le tabouret. Autant dire que de la chaise au pouvoir, il suffit de prendre place, et le must ce sont les chaises portées par d’autres, la sedia du Pape (habemus !) et autre chaises à porteurs qui sont souvent vite devenus le symbole de l’oppression dans les pays colonisés. Et nous pouvons pousser la réflexion jusqu’à l’inversion du symbole, quand la chaise fait déchoir l’être au plus bas, elle devient alors celle du condamné, la chaise punitive par excellence, la chaise électrique.

     

    Mais revenons à nos chaises à nous, nos chaises toutes simples, si familières dans les foyers même les plus modestes. Si pratiques certes, mais sont-elles vraiment à ce point, indispensables ? Si nous n’avons pas la grosse tête en y posant nos fesses, ne seraient-elles pas pourtant comme un obstacle immiscé entre notre rondeur postérieure et la rondeur de la Terre ? Nos fesses ne se plairaient-elles pas mieux au sol finalement et n’y aurait-t-il pas quelque chose à apprendre à s’asseoir de cette façon ? Quelque chose qui aurait à voir avec un peu d’humilité. Agenouillés, en tailleur, voire en lotus, est-il impensable d’imaginer que cela puisse nous libérer l’esprit ? Nous ramener à une plus juste mesure ? A une gymnastique à la fois morale et physique qui nous serait bénéfique ? Les Asiatiques semblent en savoir plus que nous en ce domaine et pour avoir pratiqué, je pourrais même dire que la posture assise au sol, lotus ou zazen, peut nous être extrêmement bénéfique, de même que tout simplement s’asseoir plus souvent dans l’herbe.

     

    J’écris tout ceci en buvant mon café, assise bien évidemment sur une chaise, une chaise en bois tout ce qu’il y a de plus classique. Alors plutôt que de bavarder plus longtemps, passons à la pratique justement. Me voilà assise sur le ciment de la terrasse. Première observation : il est frais et c’est agréable. Deuxième observation : le sol est sale. J’en arrive donc à cette conclusion, je vous l’accorde un peu hâtive, mais c’est un fait : si nous n’avions pas de chaises, nous passerions plus souvent le balai !

     

     

    Cathy Garcia, juillet 2010

     

     

  • Résonances 44

    Le vent d’Anatolie - Zyrànna Zatèli - Quidam éditeur (collection Poche) 2012 - Traduit du grec par Michel Volkovitch - 56 pages - 5 €

     

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    Sympathiques petits livres pour un prix plus qu’abordable, la collection Poche de Quidam séduit d’emblée. Un beau chat bleu en couverture de celui-ci. Le Vent d’Anatolie est une nouvelle de Zyrànna Zatèli, tirée du recueil Gracieuse dans ce désert.

     

    C’est un texte qui se lit d’un trait, d’une grande beauté, troublant, qui raconte dans une langue simple, très fortement empreinte de poésie, une étrange histoire d’amitié. Celle d’une jeune fille et d’une vieille tuberculeuse un peu folle. Mais est-elle réellement folle ou plutôt désespérément seule ? Isolée par la communauté qui craint sa maladie, mais la nourrit quand même par acquis, sans doute, de bonne conscience, elle meurt à petit feu dans sa maison, comme une pestiférée, brassant souvenirs et délires.

     

    Un jour, la jeune fille qui est la narratrice de l’histoire, est chargée d’apporter à manger à Anatolie, c’est le nom de la vieille malade. La nouvelle débute ainsi par le trajet qui mène à sa maison, un bref portrait de quelques personnages de ce coin perdu au nord de la Grèce : Naoum le bijoutier qui met des pompons aux oreilles des chats et qui vend aussi bien des bijoux que des fusils de chasse, le souvenir d’une jeune fille morte à 17 ans dans un sanatorium, un boucher cynique, pétomane, coureur de jeunes jupons et ainsi, on arrive chez Anatolie.

     

    « Je suis là » dit-elle sèchement, levant haut le menton. Puis elle tourna la tête et ajouta l’air songeur : « Gracieuse dans le désert… ».

     

    L’auteur a une façon de traduire le regard de la jeune fille sur Anatolie qui donne le ton de tout ce qui suivra, on est un peu chez la sorcière du conte de fée. La maladie, la différence, la solitude donnent à Anatolie une sorte d’aura magique, à la fois inquiétante et fascinante.

     

    « ses mollets luisaient comme la gélatine »

     

    « Sa démarche et son corps lui-même avaient quelque chose d’oblique, une ondulation incessante et fascinante en forme de huit… huit… huit… ».

     

    « Deux très grandes chaussures, presque autant que celles des clowns, vertes comme des poivrons et munies d’attaches rouges en corne ».

     

    Peu à peu, se tisse un lien entre Anatolie et cet enfant qui vient la nourrir, qui brave les interdits en demeurant auprès d’elle et qui, dès la première fois, va jusqu’à partager la nourriture à la même cuillère.

     

    « C’est Anatolie, on s’en doute, qui eut cette idée imprévue de manger ensemble, issue d’un désir pas vraiment clair et généreux mais plutôt cruel : celui de partager avec quelqu’un, avec moi, le poids de sa solitude, de cette maladie qui la torturait ».

     

    Parfois Anatolie souffre trop, délire ou se laisse aller à une certaine méchanceté, malice plutôt.

     

    « Tu veux donc voir une photo rouge ? demanda-t-elle quand la terrible toux se calma. Tiens ! Et elle déplia le mouchoir, plein de sang… Voilà mes rubis ! Tu en as, toi, des comme ça ? »

     

    D’autres fois elle raconte, son passé, son père, sa mère, sa sœur et son frère cadets. Bien qu’elle ne le montre pas, elle s’attache à sa visiteuse, celle qui ose rester avec elle et les deux finalement ont une certaine bizarrerie en commun.

     

    Un jour Anatolie parle du vent, ce vent qui devient parfois un homme et qui vient la chercher, la harcèle, mais elle lui résiste, alors il repart.

     

    Elle l’appelait le vent (…) il avait toujours le dos tourné ; elle voyait seulement son omoplate gauche, nue, son cou, une partie de sa tête, puis rien que le torse – il devait être assis au bord du lit, à sa droite –, tandis que l’autre côté se perdait dans les ténèbres.

     

    (…)

     

    Comme il doit se sentir seul de n’être désiré par personne… C’est pour ça qu’il vient vers moi comme un sauvage. Comme un mendiant.

     

    C’est que malgré tout elle est solide Anatolie, elle en a vu dans sa vie, cependant, vient le jour où elle arrête de manger. La jeune fille continue de lui rendre visite, de rester avec elle.

     

    Je précise que je n’ai jamais cru un seul instant que j’étais l’amie d’Anatolie par héroïsme. C’était ce charme surnaturel qui m’enveloppait quand je traversais sa cour, en arrivant ou en repartant (…). C’était cette image de la brume dorée, le premier matin, qui ne m’avait pas quittée depuis (…). C’était ses paroles, qui lorsqu’elles ne débordaient pas de méchanceté, étaient attirantes comme la nuit.

     

    Elle sera là jusqu’à la fin, jusqu’à ce que :

     

    « J’ai sommeil, dit-elle ».

     

    (…)

     

    Je me levai enfin pour partir. Le vent avait laissé la porte ouverte.

     

    Et on referme le livre, non sans une certaine émotion, ébloui par cette histoire si simple, mais que l’auteur, grâce à un véritable talent de conteuse, réussit à rendre absolument envoûtante.

     

    Cathy Garcia

     

     

     

     Zyrànna Zatèli.jpgZyrànna Zatèli est née en 1951 à Sohos, près de Thessalonique et vit à Athènes. Elle a reçu le Grand prix national du roman en 1994 et 2002. Du même auteur : Le Crépuscule des loups, le Seuil 2001 ; La Fiancée de l’an passé, Le Passeur 2003 - Publie-net 2009 ; La Mort en habits de fête, Le Seuil 2007.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Dernières nouvelles du Sud - Luis Sepúlveda et Daniel Mordzinski

    Métailié 2012 -160 pages - 19 €

     

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    1996. Le romancier Luis Sepúlveda et son ami photographe, Daniel Mordzinski, partent pour une longue virée sans but précis, ni contrainte de temps, au fin fond du continent américain, au-dessous du 42ème parallèle.

     

     « Nous avancions lentement sur une route de graviers car, selon la devise des Patagons, se hâter est le plus sûr moyen de ne pas arriver et seuls les fuyards sont pressés. »

     

    Ils nous livrent ici le concentré, l’essence même de ce qu’est le voyage : la rencontre avec l’autre. Et puis un constat, terrible, le constat d’une disparition. Patagonie, Terre de Feu, des noms qui pourtant évoquent encore tout un univers de mythes, d’aventures et de rêves, tout ça disparait, comme ont disparu les tous premiers habitants, « Les autres ethnies ont succombé aux règles d’un progrès dont nul n’est capable de définir les fruits », premières victimes d’un engrenage qui broie toujours plus vite, aussi féroce qu’aveugle, un monde emporté dans la grande gueule d’un capitalisme toujours plus vorace. Ainsi de carnet de voyage, le livre devient une sorte d’ « inventaire des pertes », et les superbes photos en noir et blanc de Mordzinski appuient sur cet aspect de monde dont il ne resterait que des ombres, un monde à l’abandon, échoué comme une baleine sur les rives d’une mondialisation dévorante et inhumaine.

    « (…) le mot voyageur semble déplacé, peut-être subversif. Nous ne sommes plus des personnes ou des citoyens mais les clients d’un lupanar transparent surveillé par des caméras vidéo. »

     

    C’est donc bien plus qu’un journal de voyage qui nous est donné à lire ici, mais un véritable témoignage critique et engagé.

    « Pour définir la capacité des armes on parle de pouvoir de destruction. Pour définir la  capacité de destruction de certains hommes il faut parler du pouvoir d’achat. »

     

    Et l’auteur n’hésite pas à citer des noms :

    « Les Benetton prétendaient apporter le progrès dans la région. Ils y ont apporté les clôtures en fil de fer barbelé, empêché la transhumance des gauchos et des rares espèces sauvages encore existantes, imposé des bornes absurdes dans une région où le ciel et la terre sont les seules limites. »

     

    S’y rajoutent d’autres noms comme celui de Ted Turner, Sylvester Stallone…

     

    Comme le dit Sepúlveda dans sa préface « A sa naissance, ce livre était la chronique d’un voyage effectué par deux amis mais le temps, la violence des bouleversements économiques et la voracité des vainqueurs en ont fait un recueil de nouvelles posthumes, le roman d’une région disparue »

    Des visages en émergent, des visages immortalisés par Mordzinski, qui a eux seuls racontent déjà une histoire, une histoire humaine, simple, émouvante. Des visages qui disparaissent aussi. C’est un livre dont on ne sort pas indemne. Le talent de Sepúlveda a fait de chacune de ces histoires, un conte, un roman, mais la réalité, comme on dit, dépasse et de loin la fiction. Comme l’histoire d’El Tano, qui cherchait un violon au milieu de la pampa :

    « - Ce violon, quand l’avez-vous perdu, l’ami ?

    - Qui vous a dit ça ? Je ne peux pas l’avoir perdu puisque je ne l’ai pas encore trouvé, déclare t-il dans une nouvelle démonstration de logique écrasante. »

     

    Ou encore la magnifique et très bouleversante histoire de doña Delia :

    « Je viens tout juste d’avoir quatre-vingt quinze ans, lui a-t-elle répondu avec une moue coquette.

    - Depuis quand ?

    - Maintenant, c’est aujourd’hui mon anniversaire. »

     

    Donã Delia, la dame aux miracles :

    « - Comment avez-vous fait ? a demandé mon socio.

    - Quoi donc ? s’est étonnée la vieille dame.

    - La fleur, ai-je ajouté en montrant le rameau qui avait fleuri entre ses mains.

    - Je ne sais pas. C’est un don, parait-il. Tout ce que je touche vit, a-t-elle répondu timidement. »

     

    On croise donc bien des visages, des personnages qu’on pourrait dire pittoresques tel El Duende, le mystérieux lutin d’El Bolsón, mais néanmoins bien réels, des personnes ayant vécu hier et faisant figure maintenant de légendes locales, tel Martin Sheffield, dit le Shérif, compère de Butch Cassidy et puis des gens bien vivants d’aujourd’hui, pas tous fréquentables d’ailleurs, mais des gens encore et tout simplement humains, il y en a, tels les hommes du rails du Patagonia Express.

     

    « Ce fut un voyage joyeux, très joyeux, car ce fut Le dernier Voyage du Patagonia Express. »

     

    Il est donc question de déclin dans ce livre, oui, mais aussi et surtout de dignité, et on se prend encore à espérer qu’il ne soit pas trop tard.

     

    « On a la nostalgie de ce qu’on vous arrache, non de choses imaginaires ».

     

    En ce monde dit moderne qui se resserre de plus en plus, jusqu’à nous étouffer, heureusement « Lire ou écrire, c’est une façon de prendre la fuite, la plus pure et la plus légitime des évasions. On en ressort plus forts, régénérés et peut-être meilleurs. Au fond et malgré tant de théories littéraires, nous autres écrivains nous sommes comme ces personnages du cinéma muet qui mettaient une lime dans un gâteau pour permettre au prisonnier de scier les barreaux de sa cellule. Nous favorisons des fugues temporaires. ».

     

    Cathy Garcia

     

     

    On peut voir une présentation en images de ce livre ici :

    http://www.dailymotion.com/video/xqbh2r_presentation-dernieres-nouvelles-du-sud-par-luis-sepulveda-et-daniel-mordzinski_travel

     

     

    Luis Sepúlveda est un écrivain chilien né le 4 octobre 1949 à Ovalle. Son premier roman, Le Vieux qui lisait des romans d’amour, traduit en trente-cinq langues et adapté au grand écran en 2001, lui a apporté une renommée internationale. 1975 : il a vingt-quatre ans lorsque, militant à l’Unité populaire (UIP), il est condamné à vingt-huit ans de prison par un tribunal militaire chilien pour trahison et conspiration. Son avocat, commis d’office, est un lieutenant de l’armée. Il venait de passer deux ans dans une prison pour détenus politiques. Libéré en 1977 grâce à Amnesty International, il voit sa peine commuée en huit ans d’exil en Suède. Il n’ira jamais, s’arrêtant à l’escale argentine du vol. Sepúlveda va arpenter l’Amérique latine : Équateur, Pérou, Colombie, Nicaragua. Il n’abandonne pas la politique : un an avec les Indiens shuars en 1978 pour étudier l’impact des colonisations, engagement aux côté des sandinistes de la Brigade internationale Simon-Bolivar en 1979. Il devient aussi reporter, sans abandonner la création : en Équateur, il fonde une troupe de théâtre dans le cadre de l’Alliance française. Il arrive en Europe, en 1982. Travaille comme journaliste à Hambourg. Ce qui le fait retourner en Amérique du Sud et aller en Afrique. Il vivra ensuite à Paris, puis à Gijon en Espagne. Le militantisme, toujours : entre 1982 et 1987, il mène quelques actions avec Greenpeace. Son œuvre, fortement marquée donc par l'engagement politique et écologique ainsi que par la répression des dictatures des années 70, mêle le goût du voyage et son intérêt pour les peuples premiers.

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    Daniel Mordzinski est né à Buenos Aires en 1960. Il travaille depuis trente ans à un ambitieux “atlas humain” de la littérature. Argentin ancré à Paris, il a fait les portraits des auteurs les plus connus des lettres ibéro-américaines. Il a exposé en Argentine, en Colombie, au Mexique, en Italie et en France. Il est actuellement le correspondant en France du journal espagnol El País.

     


     

     

     

     

    Ici comme ailleurs de Lee Seung-U - Zulma 2012 - Traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet – 220 pages – 21 €

     

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    Kafkaïen est le premier qualificatif qui vient à l’esprit en lisant ce roman, pour l’univers dans lequel il se déroule et l’absurdité qui émane du parcours du personnage principal. Yu est muté par sa boite, le Gangsan Complex Resort, à Sori, une ville perdue entre un lac et des montagnes à l’Ouest du pays. « Lorsque, dans son guide, il a lu que « la petite ville de Sori, du fait de sa topologie particulière avait servi de lieu de bannissement », son cœur s’est de nouveau mis à balancer ».

     

     

    L’histoire démarre sur ses mots qui donnent d’emblée le ton :

     

    « Le vent a des hurlements de bête féroce. Au moment de quitter sa voiture, Yu a l’impression qu’un molosse enragé se jette sur lui. Il a un mouvement de recul. Le long des rues, papiers sales et sacs plastique tourbillonnent sous la bourrasque. Quelques véhicules cahotent sur la chaussée éventrée en soulevant des nuages de poussière ocre. Les rares passants, silencieux, font la gueule. »

     

     

    Ici comme ailleurs est un roman hybride, indéfinissable. Il tient du polar, du roman noir, psychologique, métaphysique, à la limite du fantastique, et on pense à des films de cet extrêmement riche cinéma sud-coréen, en particulier ceux de Kim Ki-Duk, qui de même échappent à toute définition.

     

    Lee Seung-U raconte le parcours d’un homme qui arrive dans une ville inconnue en pensant y travailler et qui y perdra tout ce avec quoi il est venu : sa femme, avant même d’arriver, car elle ne le suivra pas mais retournera dans une autre ville s’occuper d’un ancien amant, son portefeuille, l’accès à son compte, sa voiture, la raison pour laquelle il est là et ainsi de suite, comme si le réel se dissolvait derrière lui à chacun de ses pas. Sori, cette ville grise, froide, venteuse, inhospitalière et même dangereuse est un piège, mais à vrai dire, cet homme là n’avait-il pas déjà tout perdu avant même d’y arriver ? En refermant les dernières pages du livre, où la nature dans une apothéose grandiose, met un point final à tout questionnement, toute corruption, à toute l’absurdité de la condition humaine qui est exprimée ici, c’est la question que l’on se pose. Ce roman est un véritable condensé critique du monde d’aujourd’hui, une allégorie inversée, et finalement c’est un roman initiatique. On se détruit ici-bas et le seul espoir, le seul moyen que les hommes ont trouvé pour ne pas sombrer totalement dans la folie, c’est de quitter ce monde avant que la mort les prenne, découvrir par la dépossession, la paix éternelle. La grotte où un vieux fou dénommé Noé construit des maisons de pierre, est le seul lieu par lequel on peut s’échapper, le double enfermement devient matrice. Les vivants sont morts et les morts sont éternellement vivants. Les hommes libres sont piégés par une ville entièrement corrompue dans laquelle ils s’enlisent, ceux qui ont tenté de résister sont enfermés dans une grotte et découvrent dans l’enfermement, la liberté du détachement suprême. Subtile hybridation là aussi entre la pensée occidentale et orientale.

     

    Ce roman austère, minéral, désespérant parfois, offre de par sa lecture elle-même, une étonnante expérience. Parfois, on voudrait poser le livre, le laisser tomber, mais il est impossible d’en sortir avant la fin car on la cherche, comme on cherche une goulée d’air. Par moment on s’ennuie,  on se sent morne et même quand la fin arrive, on reste hébété, comme choqué, voire insatisfait. La magie de Lee Seung-U, c’est de provoquer ainsi une réflexion, où soudain on accède à la compréhension de l’ensemble et on ne peut que saluer le génie de l’auteur. Ce n’est pas une lecture facile, une lecture de détente, si au départ nous pouvons être captivés comme on l’est par un polar, vers la fin, on s’enlise comme le protagoniste, on se sent gris. L’auteur nous fait traverser les états d’âme, les sensations de ce qu’il raconte, si bien que nous ne faisons plus qu’un avec ce que nous lisons. Avec le recul, c’est fascinant.

     

     

    Cathy Garcia

     

     

     

     

    lee seung-u.jpgLee Seung-U est né en 1959 à Jangheung, au sud-est de la péninsule, et a passé son adolescence à Séoul. Suite à une expérience religieuse, il entreprend des études de théologie ("Je ne me sentais pas heureux, je me suis lancé dans cette voie pour fuir ce malheur et cette pression"), bientôt interrompues ("J'ai réalisé que l'on ne pouvait aborder la théologie d'un point de vue mystique ou à la manière d'un refuge."). Le goût retrouvé de l'écriture se concrétise en 1990 par la parution d'un premier roman (Portrait d'Erisichton) qui lui vaut le Prix du jeune espoir littéraire de son pays. Majeure et unique dans la littérature contemporaine, sa voix est celle de l’intranquilité.

     

    Du même auteur :

     

    L’envers de la vie, Zulma, 2000


    La vie rêvée des plantes, Zulma, 2007

     

     

     

  • Revue Nouveaux délits n°44 lu par Patrice Maltaverne

    Publié le 13/01/2013 à 17:38 par poesiechroniquetamalle

    http://poesiechroniquetamalle.centerblog.net/rub-cathy-garcia-.html

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    Cathy Garcia, qui anime la revue "Nouveaux délits", avec ce 44e numéro, offre un coktail détonnant.

    L'occasion pour moi de relire avec plaisir des auteurs déjà publiés dans "Traction-brabant" : Fanny Sheper, mais aussi et surtout Jean-Michel Hatton, ainsi que Walter Ruhlmann, avec des extraits de son recueil "Post Mayotte Trauma", récit de son séjour à Mayotte. Des écritures claires comme le soleil et réveillées !

    J'ai aussi découvert deux autres auteurs que je ne connaissais pas du tout : Pascal Batard et Hosho Maccreesh, traduit par Eric Dejaeger.

    Le premier de ces poètes a une écriture qui sent le baston. Moi j'aime bien, ça ne consent pas au nul immuable, mais à la liberté, et pour moi, c'est essentiel. Extrait : "Armées en marche se retournant crosses en l'air contre ses assassins,/ Douleurs apaisées par le sourire d'une robe légère/ Visages contre visages, visage dans visage, / Graines s'ouvrant en mille tiges, tiges pliant sous mille pétales, et la fleur, et le fruit,/ Apothéose se fracassant contre un mur,/ Chemin battu, êtres aimés..."

    Le deuxième de ces poètes, Hosho Maccreesh, est un petit drôle dont les textes ont un titre presque plus long que le corps (du poème). Petit exemple : "LE SOLEIL SE CONSUMERA, & UN HIVER APOCALYPTIQUE, INFERNAL S'INSTALLERA & TUERA PRESQUE TOUT SUR CE STUPIDE ROCHER & TOUT CE QUI RESTE PEUT ATTENDRE PATIEMMENT QUE L'UNIVERS S'EFFONDRE A NOUVEAU SUR LUI-MÊME". Ah ben voilà, ça, c'est du titre ! De quoi faire baver le plus péteux des poètes français ! Il y en a ! Ah bon ? Pensez-vous ! J'aurais pas cru !

    Et le poème qui va avec, le voici, du moins un large extrait : "...la toute première,/ la plus fondamentale/ victoire/ est d'accepter / -sans crainte ni doute-/ que tu/ vas/ mourir/ & qu'une/ pierre tombale/ est une pathétique,/ foireuse/ excuse/ comme/ héritage...."

    Forcément, une fois qu'un texte comme ça est écrit, beaucoup d'autres paraissent moins utiles...Si seulement ils n'étaient pas écrits !

    Moi, même, je me sens tout chose là maintenant, mais il me faut signaler les illustrations de Jean-Louis Millet (http://jlmi22.hautetfort.com/), complice de Cathy Garcia pour ce numéro et pour d'autres publications (http://associationeditionsnouveauxdelits.hautetfort.com/), ainsi que les chroniques de lectures de Cathy Garcia herself...

    Pour en savoir plus sur la revue "Nouveaux délits", http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/ ...

     

    Patrice Maltaverne

  • NUMÉRO 44

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    Janv. fév. Mars 2013

     

     

    Stopper l’immonde

    Si vous avez cette revue entre les mains, c’est que nous aurons, une fois de plus, raté la fin du monde. C’est plutôt une bonne et non surprenante nouvelle, mais l’humanité a besoin de se faire peur, peut-être pour comprendre où est l’essentiel. Aussi, puisque nous sommes en l’an 1 après la non-fin du monde, ce qui serait merveilleux, ce serait d’assister cette année et les années qui suivent, à la fin de l’immonde. L’immonde, pas besoin d’en dresser la liste, nous la connaissons toutes et tous même si chacun(e) y va de ses variantes, mais peut-être n’avons-nous pas encore tout à fait conscience de la façon dont nous y participons ou pas. Nos façons de penser, de vivre, de consommer, la façon dont nous entrons en relation avec l’autre et avec nous-mêmes, participent, qu’on le veuille ou non, à l’immonde. Personne ne peut, à elle, à lui tout(e) seul(e), changer ce monde, mais chacun(e) d'entre nous a la possibilité de réfléchir à sa façon d’en être et il est temps, il est urgence, de changements radicaux. Les alternatives, les solutions, elles sont là, à portée de main, de clic, de choix, qu’elles soient citoyennes, écologiques, spirituelles, ces trois termes étant étroitement liés, c’est à chacun de s’y intéresser, d’en parler, d’y participer autant que possible - autant qu’il reste encore de possibles - parce que vraiment là, il nous faut stopper l’immonde avant qu’il ne nous dévore...

     

    CG

     

     

    Nombreux sont ceux qui disent :

    on ne peut pas aider tout le monde,

    et n'aident personne.

    Christiane Singer

     

     

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    AU SOMMAIRE

     

    Délit de poésie :

    Fanny Sheper ; Walter Ruhlmann ; Pascal Batard ; Jean-Michel Hatton ;  Hosho Mc Creesh (Usa)

     

    Résonance :

    Le vent d’Anatolie - Zyrànna Zatèli (Grèce)

    Dernières nouvelles du Sud - Luis Sepúlveda et Daniel Mordzinski

    Ici comme ailleurs de Lee Seung-U (Corée du Sud)

     

    Et quelques délits d’(in)citations tombés sur les coins de pages en flocons d’encre.

     

    Vous buterez sur le bulletin de complicité au fond en sortant, attention, il se peut qu’il cherche à vous séduire. Si ce n’est pas déjà fait, sortez abonnés, c’est bon pour la tête, surtout en hiver.

     

     

    Illustrateur :

    Jean-Louis Millet

    jlmillet@free.fr

     

    "jlmi ? Grand spécialiste en rien mais curieux de tout :

    dessin, peinture, photo, écriture, édition virtuelle, chasse aux alternatives…  

    le tout mis en actions très concrètes dans l'animation toute virtuelle de blogs et de sites :

     

    "Au hasard de connivences" un potlatch poético-artistique http://jlmi22.hautetfort.com/
    "Evazine", une petit île d'asile poétique http://evazine.com/
    "Zen-évasion", un egosite http://www.zen-evasion.com/
    La croisée des "Voix dissonantes" http://jlmi.hautetfort.com/
     
    Allez y faire un tour...
     

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  • Ailleurs Simple de Cathy Garcia, illustrations de JL Millet

     Vient de paraître aux Éd. Nouveaux Délits

     

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     Poèmes de Cathy Garcia
    Illustrations de Jean-Louis Millet
     

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    ABSENCE
     
    Chemin cagneux
     Soleil de chevrotine
     Vent cailloux
     Poussière
     
    Une maison blanche
    Un chien
    Endormi
     
    Sous le ciel cru
     L'ombre d'un serpent
     L'arbre tordu
     
    Au vent claque
     Une boîte
    Aux lettres
     
    Et sur la table branlante
     De l’unique pièce
     Juste un courrier
     De sable

     

     

     

     


    40 pages

     

        Tirage limité et numéroté

     

    Impression sur papier recyclé

     


      13 €  (+ port)
      

     

    http://associationeditionsnouveauxdelits.hautetfort.com/

     

     

     

     

     

  • RÉSONANCES 43

    Aller simple d’Erri de Luca – Gallimard 2012 - édition bilingue – traduit de l’italien par Danièle Valin – 16,50 €

     

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    « Aller Simple, des lignes qui vont trop souvent à la ligne », marquées par le point final, le point fatal quelque part entre les deux rives méditerranéennes, cette grande bleue qui sépare le Sud, sa misère, ses tragédies, d’un Nord porteur de rêve, d’opulence et de liberté. C’est sur cette entre deux que se déroule ce long et poignant poème d’Erri de Luca. Plus qu’un poème, c’est une ode mais aussi hélas un chant funèbre, découpé en voix et en chœur.

     

    Ce chant prend source là-bas de l’autre côté, de là où les hommes, les femmes, les enfants, partent, quittent, prennent exil comme un oiseau prendrait envol, mais avec la mémoire des fers aux pieds. Ils viennent des « hauts plateaux incendiés par les guerres et non par le soleil », avec en tête une terre espoir, une terre accueil, une terre de paix. Italie, un mot « ouvert, plein d’air »…

     

    Finie l’Afrique semelle des fourmis,

    par elles les caravanes apprennent à piétiner.

     

    Sous un fouet de poussière en colonne

    (…)

    le voyage à pied est une piste d’échines. 

     

    Le Sud, un terme pratique pour y caser tout ce qui attire et en même temps tout ce qui fait peur au Nord, bien confortablement installé dans ses chaussons soi-disant civilisés…

     

    Nous nous détachons de la moitié du monde, non pas du Sud.

     

    Et c’est la mer qui est la première destination, la mer qui accueille, la mer qui porte, la mère qui berce et sauve de l’invivable.

     

    Bien des jours avant de voir la mer, elle était une odeur,

    une sueur salée, chacun imaginait sa forme.

     

    (…)

     

    L’ancien près du feu discute avec les marchands

    le prix pour monter sur la mer de personne.

     

    Le prix non discuté de la traversée, c’est l’impossibilité de laisser derrière soi la peur, on embarque avec la mort.

     

    « Le marin est armé, il a peur de nous, sortis du désert,

    il a des gestes de menace, les femmes couvrent leurs oreilles.

     

    (…)

     

    Ils ont déjà tué, on le sent au relent de leur peur,

    la nuit renforce l’odeur des assassins.

     

     

    Le temps devient alors incertain comme la terre se fait liquide, il faut faire confiance. Quelque chose est là de l’autre côté, une idée à laquelle il faut se raccrocher.

     

    Nuit de patience, la mer voyage avec nous,

    À l’aube l’horizon coule dans la poche des vagues.

     

     

    Il n’y a « Pas d’oiseaux,  ni de papillons, l’air sur la mer est stérile de vols » mais il y a la fatigue, la faim, la soif.

     

    « Des poissons d’un saut de queue sortent comme un crachat » et l’on constate que « la mer se referme plus rapide que le désert ».

     

    Et tout devient signe prémonitoire.

     

    Impératif de sommeil, un de nous s’allonge,

    ils le repoussent au-delà de l’espace interdit.

     

    Ainsi sera la terre de l’arrivée, terrain clos interdit,

    notre sommeil qui se heurte contre elle.

     

    (…)

     

    Nous y arriverons avec des enfants endurcis plus que des cals,

    vagabonds avec leurs pères sur les écorchures de la terre.

     

    La tension monte, Erri de Luca la traduit admirablement bien, sa poésie toute entière mis au service de cette histoire dramatique, une histoire qui se répète, un refrain maudit devrait-on dire, au rythme de la mer qui « monte et cogne, un de nous roule vers eux, l’autre pointe son fusil, le nôtre lève les mains. (…) Sans soir est arrivé son jour. »

     

    Une violence en entraine d’autres, et voilà que « Nous sommes sans gardiens et sans guide (…) Le bateau est un bout de terre pris à coups de bêche, les voyageurs dénouent leurs jambes, occupent les mètres. »

     

    La mort y prend aussi ses aises.

     

    Nous ne mettons pas les morts à la mer, ils servent pour la nuit

    leurs corps préservent du froid, la mer est sans mouches.

     

    (…)

     

    À l’aube nous léchons la rosée sur la toile, sur le bois.

     

    Solidaires et unis par le même espoir, si ténu soit-il, « Nous sommes égaux, la plus stricte égalité, jusqu’à la dernière goutte de buée ».

     

    Le bateau est un radeau pour les naufragés du monde et arrive le moment où « Des mains m’ont saisi, douaniers du Nord, gants en plastique et masque sur la bouche. Ils séparent les morts des vivants, voici la récolte de la mer, mille de nous enfermés dans un endroit pour cent. »

     

    La voici donc la terre d’accueil, la terre qui concentre tous les rêves, mais ce n’est même pas encore la véritable terre, c’est une île, un enclos, « une île n’est pas une arrivée ».

     

    « Surveillés par des gardiens, nous sommes coupables de voyages, », alors on en revient aux prières vers l’Orient, « leurs voix est le bruit des abeilles qui remercient les fleurs. »

     

    Levain d’humanité pétri par la douleur,

     

    Nous racontons les routes parcourues,

    Des pas sur des millions de kilomètres finis face aux murs.

     

    (…)

     

    Nos enfants acrobates de voyage,

    clowns, sorciers, petits soldats. 

     

    Ce sont eux, les enfants, qui portent ce qui reste de force et de courage, « ils se contentent même de rien (…). Ils brillent de sueur plus acharnés que nous, ce sont des buissons d’épines, la mort ne s’approche pas. »

     

    Il n’y a donc nulle arrivée, nulle hospitalité, nul havre de paix.

     

    Ils veulent nous renvoyer, ils demandent où j’étais avant

    Quel lieu laissé derrière moi.

     

    Je tourne le dos, c’est tout l’arrière qu’il me reste

     

    (…)

     

    Vous pouvez repousser, non pas ramener,

    le départ n’est que cendre dispersée, nous sommes des allers simples. 

     

    Car ils ne sont pas venus pour prendre mais pour offrir, pour s’offrir corps et âme, chair à travail, boucs émissaires.

     

    Vous êtes le cou de la planète, la tête coiffée,

    le nez délicat, sommet de sable de l’humanité.

     

    Nous sommes les pieds en marche pour vous rejoindre,

    nous soutiendrons votre corps, tout frais de nos forces.

     

    Avec la ténacité, l’obstination du désespoir, ils sont les sacrifices humains de notre époque qui se croit au-dessus de ça.

     

    L’un de nous a dit au nom de tous :

    D’accord, je meurs, mais dans trois jours je ressuscite et je reviens. »

     

     

    Après un texte d’une telle force, d’une beauté époustouflante à la hauteur du courage et des souffrances, pourtant innommables, que peuvent endurer celles et ceux que l’on appelle jamais par leur noms, car ce sont les anonymes, les sans-papier, les clandestines et clandestins de la terre, il est sans doute plus difficile d’apprécier à leur juste valeur les textes qui suivent dans la seconde partie de ce livre. Une partie divisée en Quatre quartiers avec des poèmes très diversifiés, qu’Erri de Luca présente comme des feuilles qui seraient le pays où il a « essayé d’habiter ». Dans  le Quartier des pas reclus, il s’agit principalement de poèmes destinés à ce que l’on n’oublie pas ce qui ne doit pas être oublié, avec un hommage au prisonnier Ante Zemjlar, ce poète yougoslave qui au début des années cinquante, passa cinq ans « sur l’Île Nue à casser des pierres blanches et les jeter ensuite dans la mer, dans l’Adriatique, car la peine est pure, sans valeur pratique, et la mer ne se remplira pas. L'Île Nue, Goli Otok, la plus  terrible des colonies pénitentiaires sous Tito. On notera aussi l’hommage aux Tsiganes d’Europe partis en fumée dans les camps de haute Silésie, ainsi qu’à d’autres prisonniers de différentes périodes comme Vincenzo Andraous, Paolo Persichetti, extradé en 2002 et condamnée à 22 ans de prison pour sa participation aux luttes des années de plomb, mais aussi au poète bosniaque Izet Sarajlic, mort en 2002, qui a vécu le siège de Sarajevo et bien d‘autres poèmes encore, évoquant aussi bien la seconde guerre mondiale que celle des Balkans.

     

    Dans le Quartier d’histoires naturelles, Erri de Luca rend hommage aux mineurs du charbon, Courrière, Pas de Calais, 1906 et à la nature.

     

    Dans le Quartier de l’amour sidéré, ce sont des poèmes d’amour ou à propos d’amour, un hommage à la Femme.

     

    Et enfin, dans le Quartier du dernier temps, le poème se fait plus métaphysique, pour « serrer dans la bouche un psaume comme les dents du chien sur un os », et un hommage à la simplicité, à l’humilité, à ces valeurs qui font l’homme vrai, humain, « Vis en déserteur d’une guerre, proclame les vaincus non pas le vainqueur, trinque à l’insurrection des cibles », l’humain dans toute sa beauté mais aussi dans sa fragilité, sa chute, «  ce soir parmi nous moi j’aime l’ivrogne qui perd le chemin de sa maison ».

     

    On peut percevoir aussi un hommage à l’utopie dans le plus beau et véritable sens du terme, comme le présentait Théodore Monod,"L'utopie ne signifie pas l'irréalisable, mais l'irréalisé.".

     

    Cela prend un ton prophétique dans le poème « Après ».

     

    «  L’humanité sera rare, métisse, bohémienne

    Et elle ira à pied. Elle aura pour butin la vie

    La plus grande richesse à transmettre ses fils. »

     

    Quelques poèmes épars encore, dans une dernière partie nommée L’hôte impénitent qui semble avoir été rajoutée au tout dernier moment, où l’on peut croiser aussi bien Chaplin que Guevara. C’est donc aussi toute une époque que l’on revisite à travers ces textes, d’un auteur sans doute aussi volubile que talentueux.

     

     

     

    deluca_b_b0fa71e967697ab23cc9cfa18a8a3e07.jpgErri de Luca, né à Naples en 1950, est l’un des écrivains italiens les plus lus dans le monde. Il vit à la campagne, près de Rome.

     

     

     

     

     

     

     

    Bashō – Seigneur Ermite – L’intégrale des haïkus. Edition bilingue par Makoto Kemmoku & Dominique Chipot. Edition de La Table Ronde -Mars 2012. ISBN 978-2-7103-6915-8 - 480 pages - 25 €

     

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    Quel bel objet déjà ! Un écrin à la hauteur du contenu, la couverture est  d’un vert qui fait aussitôt penser au jade, ce même vert se retrouve à l’intérieur pour le texte en version japonaise. Ce livre, dédié aux victimes  et sinistrés du grand tremblement de terre du Tōhoku, région que Bashō a visité lors de ses voyages, s’ouvre sur une note concernant la traduction. Elle commence ainsi, ce qui résume bien le propos, « Traduire c’est trahir » et expose les difficultés auxquelles ont été confrontés les traducteurs et donc leurs partis-pris. Ensuite, une introduction aborde en un tour rapide, mais instructif, l’histoire de la poésie japonaise, suivie d’une biographie détaillée de Bashō, illustrée par quelques haïkus. Indispensable pour la compréhension de son œuvre. Nous entrons alors dans la chair même de l’ouvrage : l’intégrale des haïkus du maître en la matière, souvent précédé par des avant-propos de Bashō lui-même, classés par ordre chronologique.

     

    Le premier est daté de 1663 :

     

    La lune pour guide –

    restez donc un peu avec nous

    dans cette auberge !

     

    Bashō ne s’appelle pas encore ainsi, il a vingt ans (en tenant compte, comme l’ont fait les traducteurs, de l’ancien principe japonais en vigueur jusqu’aux environs de 1945, qui voulait qu’un enfant ait un an le jour de sa naissance), il se prénomme Munefusa depuis peu (car ce fils de petit samouraï, et travailleur de la terre en tant de paix, est d’abord né sous le nom de Kinsaku). Son père étant décédé, il est depuis un an au service d’un fils de châtelain de deux ans son ainé, qui par amitié l’a invité à l’accompagner dans ses études, dont celle des premiers rudiments du haïkaï. Munefusa a alors pris le pseudonyme de Sōbō. En 1664, un premier hokku de Sōbō est publié dans un recueil de l’école Teimon, inestimable honneur pour un si jeune poète :

     

    Très vieux cerisier en fleur –

    cette femme bien conservée

    aimerait aussi refleurir

     

    La mort prématuré de son ami en 1666, l’oblige à quitter le clan. On sait peu de choses de cette période sauf le fait qu’il a probablement épousé une bonzesse, Jutei, qu’il continue à écrire de la poésie et qu’il est présent dans plusieurs anthologies, et ainsi sa réputation commence à se faire.

     

    Les gens pauvres

    peuvent voir aussi les esprits

    dans les fleurs de chardon-ogre

     

    Le goût pour la contemplation est là, ainsi que l’appel au voyage.

     

    Distrait

    par la fleur de calebasse

    longtemps

     

    La lune des moissons

    si claires ce soir…

    vivre n’importe où

     

    Fleur, lune, des éléments récurrents dans la poésie traditionnelle japonaise, comme les saisons et d’autres éléments de la nature. Déjà on sent aussi chez lui une aspiration à la solitude, il fuit les mondanités.

     

    Trop de fêtards

    pour admirer les fleurs

    à Hatsuse

     

     

    En 1672, il s’installe à Edo (aujourd’hui Tôkyô), où il devient fonctionnaire tout en continuant la poésie.

     

    Enchanté par la valériane

    comme par une belle femme,

    perdant patience, je l’ai cassée

     

     

    De 1672 à 1675, il côtoie différentes écoles, celle de ses débuts, l’école de Teimon, qui influençait la poésie à Kyoto, mais aussi celle de Danrin (la Forêt des bavardages), plus libre, venue d’Osaka, et qui a supplanté le Teimon à Edo. C’est d’ailleurs Bashō qui mettra un terme au conflit entre les deux écoles, en élevant le haïkaï (moins raffiné que le renga – art poétique très ancien autorisé seulement pour l’élite à la Cour) au rang de véritable poème.

     

    La maison bourgeoise,

    pour quêter le médecin

    elle envoie un cheval !

     

    Bashō se retrouve écartelé entre une carrière de fonctionnaire et le désir de se livrer tout entier à la poésie. Certains de ses nombreux admirateurs sont fortunés et peuvent lui permettre donc de lâcher sa carrière sans trop se soucier de problèmes d’argent, problèmes dont il ne se soucie guère de toute façon. Il est naturellement plus attiré par le spirituel que le matériel, ce qui a d’ailleurs donné à croire à ceux qui, plus tard, ont étudié sa vie, qu’il avait été moine, alors que son sacerdoce était uniquement littéraire.

     

    C’est en 1675 qu’il change de pseudonyme en prenant celui de Tosei.

     

    Contemplant la lune près des montagnes,

    elle est rarement si claire

    vue d’Edo, polluée

     

    En 1680, il a 37 ans, il abandonne son métier de fonctionnaire pour ne vivre que de son art et il créé sa propre école, le Shōmon (l’École de l’authenticité) dont l’enseignement se base sur la profondeur spirituelle et la subtilité esthétique. La même année, un de ses disciples, riche marchand, lui offre un ermitage dans les faubourgs de Fukagawa, une ville de la banlieue d’Edo. Un lieu parfait pour le poète, peu à l’aise avec sa notoriété grandissante et son aisance financière, et qui commençait à se tourner vers le zen.

     

    Nuit sous les fleurs –

    ascète raffiné à l’excès

    je me surnomme « Seigneur ermite »

     

    Un an plus tard, un autre disciple lui offre un bananier et l’ermitage est baptisé bashō-an, l’ermitage au bananier. C’est ainsi que vient le nom de plume par lequel il sera immortalisé : Bashō, le Maître « bananier ».

     

    Violent typhon dans les feuilles de bananier –

    toute la nuit le rythme de la pluie

    dans la cuvette

     

    En1682, l’incendie qui détruit Edo n’épargne pas le monastère, le temps que ses disciples le reconstruisent, Bashō entame le premier d’une longue série de voyages spirituels et poétiques, mais ce n’est que deux ans plus tard qu’il commencera à noter ses impressions dans des journaux.

     

    N’oublie pas mon haïku

    Dans la fraîcheur du col

    de Sayo no Nakayama

     

    Voyager lui permet de se recueillir sur des lieux célébrés par ses prédécesseurs poètes, retrouver sa famille, des amis et ses disciples, mais avant tout à se frotter à l’impermanence, en risquant ses os sur les routes, pour peaufiner son art, comme l’indique le titre de son carnet de voyage à Ueno : Journal d’un voyageur résigné à y laisser ses os. Bashō a une santé fragile, il souffre de maladies chroniques et de plus les routes à cette époque sont peu sûres, il y a là un véritable défi d’aventurier, mais il faut voir dans ce choix, une dimension tout à fait initiatique au sens spirituel.

     

    Le vent me transperce

    résigné à y laisser mes os

    je pars en voyage

     

    Son regard sur le monde, contemplatif bien-sûr, est aussi empreint de compassion :

     

    Poètes émus par les cris des singes

    Entendez-vous l’enfant abandonné

    Dans le vent d’automne ?

     

    Et non dénué d’humour :

     

    Les nuages défilent -

    Un chien qui pisse partout

    cette averse d ‘hiver.

     

    Après le voyage à Ueno, il reste deux ans sédentaire à l’ermitage reconstruit, ce sera sa période la plus longue sans voyager. Il se consacre à l’enseignement de son art et à une perpétuelle recherche pour l’améliorer. Il lui arrive cependant souvent de souffrir de la solitude.

     

    Lune et neige

    mes seuls compagnons de l’année –

    Fin de l’année

     

    C’est durant cette période, en 1686, qu’il publie son poème sans doute le plus célèbre :

     

    Vieil étang -

    Une reinette y plongeant,

    chuchotis de l’eau

     

    En 1687, il reprend la route. Son amour de la nature est de plus en plus présent dans son art mais aussi un intérêt pour l’esthétisme du Furyu, un idéal artistique du moyen-âge. Cette année là, il écrit aussi des haïkus où il se décrit lui-même :

     

    Cheveux longs

    et visage pâle -

    La pluie de juin

     

     

    Soleil d’hiver

    je suis une ombre gelée

    sur son cheval

     

    Il serait trop long de détailler encore sa biographie, mais à la lecture de ces haïkus, on apprend beaucoup sur la vie, les traditions, les mœurs de l’époque, y compris la nourriture et les tenues vestimentaires. 973 notes indispensables en fin d’ouvrage permettent d’approfondir la compréhension de ces haïkus, de percevoir leur subtilité et de tout ce qu’ils évoquent du quotidien de cette époque.

     

    Bashō ne cessera plus de voyager, malgré les maladies, de ville en ville, de temples bouddhistes en sanctuaire shintoïstes. Souvent il rédigera un haïku à la mémoire d’un(e) défunt(e).

     

    Ces carnets de voyages sont un hymne permanent à la « beauté émouvante et mélancolique des choses » (awaresa ou encore mono no aware).

     

    La bise semble

    aiguiser les rocs

    entre les cèdres

     

    Le voyageur toujours en mouvement tend vers l’équilibre entre vide et profusion, au rythme de l’alternance des saisons.

     

    Saumon séché

    et maigreur du bonze vagabond

    dans les grands froids

     

    La lune, la pluie, le froid, les fleurs, le vent, habitent une majorité de poèmes et les maladies qui l’affectent, Bashō les efface d’un seul haïku :

     

    De toute façon

    il ne m’est rien arrivé –

    Herbes de pampas fanées sous la neige

     

    Il a alors 48 ans. Il mourra sur la route, à Osaka, en 1694 à l’âge de 51 ans, laissant pour ultime consigne à ses disciples :

     

    « La fleur du haïkaï est dans la nouveauté »

     

    Il est reconnu comme étant le père du haïku et le plus grand poète du genre, mais suite à un délitement de son école après sa mort, c’est le peintre et poète Buson (1716-1788), qui cinquante ans plus tard, redonnera son blason au Maître.

     

     

    Les traducteurs :

     

    Dominique Chipot. Haïjin français, auteur du guide d'écriture Haïkudo, la voie du haïku (Ed. David et Tire-Veilles 2011), il est cofondateur de Gong, la première revue francophone de haïku, et fondateur de l'Association pour la promotion du haïku francophone. Fondateur de l'association pour la promotion du haïku (www.100pour100haiku.fr)), il anime des conférences, des ateliers, des expositions et dirige Ploc! la lettre du haïku.

     

    Makoto Kemmoku est membre de la revue de haïku Ashibi (Azalée) et traducteur en japonais de plusieurs livres, entre autre, Le Roman de la rose. Il a publié avec Dominique Chipot deux autres ouvrages, en plus de celui–ci : Du rouge aux lèvres. Haïjins japonaises (La Table Ronde, 2008 et Points 2010) et La lune et moi. Haïkus contemporains (Points 2011).

     

     

    Eaux promises de Porfirio Mamani-Macedo- Traduit de l’espagnol par Max Alhau – Edilivre 2011 – 44 pages – 10 €

     

    Mon vieux visage amoureux continuera d’être orphelin de tout, quelque part où personne ne se souviendra de lui. (…) Maintenant, je cherche seulement un visage dans la neige, un signe, une étreinte pour apaiser l’hiver de mon être.

     

    Ainsi débute Eaux Promises de Porfirio Mamani-Macedo.

     

    Exil, errance, solitude, boue, poussières, vent, fleuve, rêve et mémoire, et comme une marche forcée qui n’arrivera jamais nulle part, car nulle issue possible à la douleur et à la perte imposée par l’exil.

     

    Le premier recueil de Porfirio Mamani-Macedo que j’ai lu il y a quelques années, lorsque j‘avais publié Porfirio dans la revue Nouveaux Délits (n°5, mai 2004), c’était Voix au-delà des frontières, dans lequel il raconte son arrivée en Espagne, après avoir quitté le Pérou, et cette terrible et double peine de celui qui est à la fois l’étranger en territoire inconnu et l’exilé d’un pays aimé mais désormais interdit. Dans Eaux Promises, Porfirio reprend ce thème si important de son vécu, toute la douleur associée et se fait porte-voix de cette condition d’exilé, errant, clandestin, fuyard, de tout temps et de partout. Ode universelle à ceux, toujours plus nombreux, qui ne sont sur cette terre plus que des ombres en transit.

     

    Seules tes traces diront que tu es passé

     

    Je retrouve dans ce recueil cette belle voix, amoureuse de beauté et de fraternité, hantée par la déchirure et une immense solitude.

     

    Combien nous désirons la pluie en chemin, combien nous cherchons l’amour, seuls, parmi les heures interminables lorsque nous traversons un pont, un parc, une montagne pour voir ce qu’il y a de l’autre côté !

     

    Cette douce voix d’homme qui implore que cesse enfin la violence.

     

    La parole, pas la guerre. La voix, pas les armes. Plus de bruit, mon âme est brisée. Plus de chemins à travers les montagnes de la haine et de la douleur.

     

    Porfirio Mamani-Macedo nous renvoie l’écho de ce vide vertigineux qu’est celui de l’errance, le désert sans consolation du déracinement et la si frêle béquille de l’espoir.

     

    Faisant route vers des terres inconnues, des hommes et des femmes, malheureux, vieux, malades, doivent encore marcher attendant le soir ou l’aube qui les sauvera.

     

    Arrachés à leur vie comme des pierres par un fleuve en furie, il leur faut marcher, marcher toujours, fuir l’intolérable, l’injustifiable, l’atroce.

     

    Que n’éclate plus, ô mon dieu, le feu dans la chair, que l’on n’entende plus le bruit d’un homme tombant, le corps criblé.

     

    (…)

     

    Que d’enfants sans lumière sur les chemins ! Que de cadavres serrés dans la terre comme une boue maudite ! O vent, éloigne ce siècle en ruine rempli de honte et de folie !

     

     

    Il faut marcher encore et encore, hommes, femmes, enfants, jetés hors de leur foyer, de leur pays, poussés sur les routes, broyés contre les frontières, dispersés dans les brumes de contrées où ils ne sont pas les bienvenus, les yeux emplis de peur et le cœur en miettes.

     

    Sur le chemin glissant et étroit, ombre après ombre, s’avancent les pas des exilés.

     

    (…)

     

    Etire ton cou, cygne enchaîné, pour voir ceux qui s’éloignent. Le chemin qu’ils suivent ne les conduits vers aucune porte.

     

     (…)

     

    Que te dire, cloche ancienne, en ce soir de printemps, car ce ne sont pas des ombres qui passent mais des plaies ouvertes qui cheminent ; ce sont des rêves brisés que les vents obscurs soufflent.

     

     

    Et Porfirio Mamani-Macedo aussi, continue à marcher et à maintenir vive la mémoire, à ressasser, car il le faut, le souvenir.

     

    Qu’elle est loin la mer que je ne vois pas ! Qu’elle est loin la vieille montagne où je suis allé m’asseoir après un après-midi interminable ! Qu’elles sont loin ces aubes sans mère, sans fruit, sans café !

     

    (…)

     

    Quelque part je resterai, vieille montagne. Toi qui m’as vu franchir la frontière comme le vent entre la pluie, préserve mon silence dans un bois.

     

    Car le souvenir, aussi douloureux soit-il, ne doit pas s’effacer, car à l’auteur comme à tous les exilés, la mémoire est tout ce qui leur reste, le souvenir, leur seul et unique bagage.

     

    Tu avances, absorbé, silencieux, tu te consumes jour après jour. Tous les tiens ne vont pas avec toi. Peut-être un jour les rencontreras-tu, peut-être un jour te rencontreront-ils, peut-être ne vous rencontrerez-vous jamais.

     

    Et Porfirio Mamani-Macedo marche et mâche le chagrin et l’indéfectible solitude.

     

    Les pas gris que je fais et qui m’attendent, rue après rue, sont des épines qui emmêlent mon âme.

     

    (…)

     

    Car malgré l‘appel des Eaux Promises,

     

    Il n’y a pas de rivages sur cette mer que je traverse. Toute parole prend l’eau et tout écho s’éloigne avec les vents. Il pleut des souvenirs oubliés, des chemins que l’on ne parcourra plus, des paysages dont mes yeux noirs ne pourront plus jouir.

     

    Nulle issue à l’errant sinon de marcher encore et encore et la boucle incessamment est bouclée autour du cou de l’espoir.

     

    Un spectre m’arrête derrière chaque porte. Là, j’attends encore que tu sortes ou que tu arrives, voix humaine, pour consoler mon âme.

     

     porfirio mamani macedo.jpgPorfirio MAMANI MACEDO est né à Arequipa (Pérou) en 1963. Docteur es lettres à la Sorbonne Nouvelle. Il a obtenu son diplôme d’avocat à l’Université Catholique Santa María, et a fait ses études de Lettres à l’Université Nationale de San Agustin (Arequipa).

     

    Ses blogs :

    http://porfiriomamanimacedo.blogspot.com/ et http://letrasdeporfirio.blogspot.com/

     


    Bibliographie :


    La Luz del camino. (poésie) Lima, Hipocampo Editores, 2010.
    Tres poéticas entre la guerra civil española y el exilio (essai): Miguel Hernández, Rafael Alberti, Max Aub. Lima, Fondo Editorial de la Universidad Mayor de San Marcos, 2009
    Lluvia después de mi caída y un Requien para Darfur, (poésie) Lima, Hipocampo Editores, 2008.
    La sociedad peruana en la obra de José María Arguedas (essai), Lima, Fondo Editorial de la Universidad Mayor de San Marcos, 2007
    Représentation de la société péruvienne au XXème siècle dans l'œuvre de Julio Ramón Ribeyro. (essai)Paris, Editions L'Harmattan, 2007
    Avant de dormir,(nouvelles) L’Harmattan 2006.
    Poème à une étrangère. (poésie) Editinter, 2005.
    Un été en voix haute, (poésie) Trident neuf, 2004.
    Voix au delà des frontières, (poésie) L'Harmattan 2003.
    Flora Tristan : La paria et la femme étrangère dans son œuvre, (essai) Editions L'Harmattan, 2003.
    Voix sur les rives d'un fleuve, (poésie) Editions Editinter, Paris, 2002.
    Le Jardin et l'oubli, (roman) Editions L'Harmattan, Paris 2001.
    Au-delà du jour, (poèmes en prose) Editions Editinter, Paris 2000.
    Début de la promenade, (poésie) Editions Encres Vives, France.
    Les Vigies (nouvelles) Editions L’Harmattan, Paris 1997.
    Dimanche, (récit) Editions Barde la Lézarde, Paris 1995.
    Ecos de la Memoria, (poésie) Editions Haravi, Lima, Pérou 1988.

     

     Notes de CATHY GARCIA

     

  • NUMÉRO 43

    Oct. - Nov. - Décembre 2012 

     

    cairn10.jpg

    ©Jean-Louis Millet

     

     

     

    Voici donc un numéro spécial. En plus des auteurs que j’ai, comme toujours, le grand plaisir de vous présenter, il s’agit donc d’un spécial Tarn en Poésie. Tarn en Poésie est une manifestation annuelle autour de la poésie et des revues de poésie qui se déroule sur Albi, Carmaux et Gaillac depuis 1983. Des poètes de renom y sont invités tels Pierre Gamarra, Jean-.Marie Le Sidaner, Eugène Guillevic, Jean Rousselot, Léopold Sedar Senghor, Andrée Chedid, Joseph Joubert, Michel Deguy, Lorand Gaspar, Bernard Noël, Salah Stétié, Christian Hubin, Pierre Dhainaut, Gérard Engelbach, Frédéric Jacques Temple, Pierre Oster, P.A. Tâche, Jeanine Baude, Charles Juliet, Charles Dobzynski, André Velter, Guy Goffette, Vénus Khoury-Ghata, Jean-Michel Maulpoix, Lionel Ray, Adonis, Jean-Baptiste Para... C’est l’occasion chaque année de faire des rencontre entre le public et une œuvre poétique en présence de son auteur, et de sensibiliser à la poésie les élèves des écoles, collèges et lycées du département, par la mise en place de projets pédagogiques soutenus et coordonnés par ARPO. Cette année l’invité était Kenneth White. J’étais donc chargée de suivre cet évènement, ce que très malheureusement, et pour des raisons indépendantes de ma volonté comme on dit, je n’ai pu faire. Ce fut donc Alain Curato qui s’est proposé pour me remplacer au pied levé ou plutôt donc à la main levée, pour rendre compte, et avec talent, de tous les riches moments qui ont ponctué les journées bien pleines de ce 30ème Tarn en Poésie. Je l’en remercie encore.

     

    CG

     

      

    Le champ de conscience de la poésie,

    c'est l'infiniment ouvert à l'intérieur de la langue

    comme un "trou" dans la langue

    Michel Camus
    in Transpoétique. La main cachée entre poésie et science

     

     

    AU SOMMAIRE

     

     

    Spécial Tarn en Poésie 2012

     

    Avec Kenneth White

    Compte-rendu d’Alain Curato et l’Association ARPO.

     

     

    Délit de poésie :

     

    François Teyssandier a la Mémoire de l’oubli

     

    Éric Barbier se croit le Poète le Plus Plat de Midi-Pyrénées

     

    Hervé Merlot est de « Passage à Kermouster, escale à Mexico »

     

    Camille Loivier fait sa Miss Taipei

     

    Cathy Garcia la joue Fugitive

     

     

     

    Résonnance :

     

     

    Aller simple d’Erri de Luca

     

    Bashô – Seigneur Ermite – L’intégrale des haïkus

     

    Eaux promises de Porfirio Mamani-Macedo

     

     

    Illustrateur : Jean-Louis Millet

    jlmillet@free.fr

     

    ''Le cairn est un signe, un signe de piste, de chemin de traverse.

    Il a ici toute sa place à la croisée des pages et des mots.

    Il peut devenir œuvre d'art éphémère.

    Ceux proposés ici ont été saisis sur une grève de galets face à la mer,

    à l'île Grande dans les Côtes d'Armor.

    C'est aujourd'hui un ensemble de plusieurs centaines de cairns.

    disposés là par des passants anonymes... ''

     

    http://jlmi22.eklablog.com/

    http://www.zen-evasion.com/

    http://evazine.com/

     

    cairn2.jpg

    Nouveaux Délits fait partie du fond de l’ARPO, à Carmaux (81)

    http://www.arpo-poesie.org/

     

     Une association qui travaille à faire connaître et reconnaître la poésie et qui a fondé une bibliothèque spécialisée de revues poétiques, présentées également sur son site internet. Ce numéro consacré en partie à Tarn en Poésie, la manifestation annuelle organisée par ARPO, sera exceptionnellement imprimé par l’ATELIER GRAPHIQUE SAINT-JEAN à ALBI et sera diffusé également aussi par ARPO à ses adhérents.

     

    Coupable responsable : Cathy Garcia

     

    cairn9.jpg

     

    Illustrateur : Jean-Louis Millet

  • Revue La femme Réelle, sommaire, juillet 2023

    Anticipation, bientôt, dans le saisissement de ce qui est indéniablement là
    ou ce que nous pouvons concevoir, Revue La femme Réelle, sommaire, juillet 2023


    FEMME RÉELLE S'ENGAGE/Des no-child osent s'exprimer ; interviews en toute liberté


    MODE/Cet été on craque pour les iris à rayures appareillés à la box de son headphone


    AMOUR/L'amincissement du vagin ; une opération sans douleur qui fera le plaisir de vos complices


    CULTURE/Le nouveau roman de Miss Lou "l'homme est l'avenir de la femme"


    PRATIQUE/Gérer sa vie virtuelle ; pièges à éviter


    SANTÉ/Le risque-bénéfice des terminaux sous-cutanés; les études récentes sont rassurantes.


    PSYCHOLOGIE/I) Rebondir après une désemployabilité  2) Pourquoi êtes-vous une nomaphobe ?


    ÉCONOMIE/L'eau est précieuse ; de bons éco-placements à réaliser


    HOMMES/Ils préfèrent les femmes jeunes sans ovaires


    PRÉVOYANCE/Pensez à vos proches ; sauvegardez vos données mémorielles


    NEWS/Comment Andela Scruize est devenue une chienne en 2 mois


    DÉSIGN-MINCEUR/1)Faire peau neuve avant la saison sèche avec l'hydro-massage du colon 2) Les vertus de la dialyse


    L'ACTU/L'incroyable poussée d'arbres végétaux dans une région rebelle du globe


    BIEN-ÊTRE/Les 5 clefs pour réussir sa simplification sensorielle


    TÉMOIGNAGE/L'accouchement par les voies naturelles ; des femmes relatent

     
    SEXE/Progrès dans les prothèses ; gardez celui que vous aimez en vous


    ASTUCES/Reprendre le contrôle de sa vie réelle


    ENFANTS/Parlez leurs, il se pourrait qu'ils vous comprennent


    JOB/Lancez-vous dans une activité lucrative ; faites du bien à un autre individu

     

     

    Corinne Le Lepvrier corinne.lelepvrier@orange.fr

     

     

     

     

    http://corinnelelepvrier.hautetfort.com/

     

  • NOUVEAUX DÉLITS n° 42 lu par Jacmo

    La revue de Cathy Garcia se montre toujours riche. Trois choses, entre autres, à retenir. Un retour sur Fukushima, par Taro Aizu, en prolongement du dernier n°, avec une alternance de prose et de gogyohshi, strophes de cinq vers, sans contrainte, qui en l’occurrence reprennent d’une autre manière, épurée et condensée, ce qui a été dit dans le paragraphe précédent. Pour suivre, Jacques Coly, virevoltant et vibrionnant, avec ses listes longues comme le bras, à la Bernard Bretonnière, et ses textes improbables et espiègles. Enfin clin d’œil à notre récent Polder : Guillaume Decourt.

    Jacmo dans la rubrique Vrac sur le site de la revue Décharge 

    Allez-y faire un tour, c'est riche : http://www.dechargelarevue.com/

  • Michel Host dans le Scalp en feu

    Chronique de Michel Host dans Recours au poème, un nouveau webzine consacré intégralement à la poésie
     

    Le Scalp en feu est une chronique irrégulière et intermittente, dont le seul sujet, en raison du manque et de l’urgence, est la poésie. Elle ouvre six fenêtres de tir sur le poète et son poème. Selon le temps, l’humeur, les nécessités de l’instant ou du jour, son auteur, un cynique sans scrupules, s’engage à ouvrir à chaque fois toutes ces fenêtres ou quelques-unes seulement.

     

    (...)

     

    Lieu 3

    La revue

    NOUVEAUX DÉLITS est régulièrement publiée par Cathy Garcia, qui est une poétesse que je considère comme l’une des plus grandes et lumineuses de notre époque. D’elle LE SCALP EN FEU sera amené à parler plus longuement dans quelque temps. Vient de paraître le n° 42 de sa revue (avril, mai, juin 2012) : on y lit l’aujourd’hui, l’urgence, le rire, les larmes, les charmes…
    Aller sur le site : http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/
    et sur : http://www.arpo-poesie.org/

    Fin de Scalp 1


     

  • Le numéro 41 lu par Basile Rouchin, auteur publié dans ce numéro

    "En effet, en dépit de tes bons vœux en langue Navajos, ce numéro 41 est celui d'un triste anniversaire : le Japon un an après la catastrophe nucléaire.  Ton engagement pour différentes causes donnent lieu à des contacts variés (Georgie Viccini et les Roms pour le n° 39, ici, cercle de faiseurs de haïkus pour ce numéro). Et si l'on ne peut embrasser toutes les causes (appelées bêtement "perdues" ou "désespérées" souvent par ceux qui refusent la lutte), il importe de rester fidèle à celles que l'on choisit. Et de les faire entendre, tu le dis toi-même : ces voix pourraient disparaître. La poésie comme un carnet de circulation des idées, des pensées et des actes. Une poésie qui n'est pas déconnectée de son temps (mais pas trop "connectée" non plus, dans un autre registre). Bien que très inquiétant, j'ai apprécié « Après Fukushima » : ce recueil de haïkus du cercle Seegan. La responsabilité de chacun qui en découle se mesure à l'échelle planétaire : on n'y coupera pas. Difficile de mesurer les conséquences d'une telle tragédie : les chiffres nous dépassent ! 24 000 ans, ça met le vertige ?  A la suite, les textes d'Alain Gourhant et ses extraits de « la poésie du désastre et de la guérison » semblent constituer une prise de léger recul. J'ai été sensible à cette conception de la promenade comme manière de se retrouver : c’est un temps solitaire, hors production, sans concession (technologies) - l’ultime promenade étant la mort. Enfin, dans un genre différent, j'ai été désarçonné par le style d'écriture de Timotéo Sergoï et « Le diagonaute amouraché ». Son autoportrait en spectateur : « ai-je d’autre pouvoir que celui d’applaudir » reste dans la lignée de la sidération provoquée par les 3 auteurs précédents. Enfin tes résonances documentées sont toujours très instructives et originales. J'ai donc été content de figurer parmi ces auteurs : le sujet que je traite n'étant pas non plus très réjouissant. Mais ne parle-t-on pas de fission du couple ? Il restait donc quelques repères culturels, à la geisha évoquée dans mon dernier texte. J'avais noté dans le "purgatoire du quotidien"*, cette ouverture aux autres cultures et probablement ces pensées notées lors ou après un voyage. Notamment à travers le respect tout oriental de toute forme de vie. Il est des cultures où l'on n'attente pas à la vie des insectes, je crois."

     

     Merci Basile, c'est toujours très agréable d'avoir des retours !

    Purgatoire du quotidien, voir ici : http://cathygarcia.hautetfort.com/archive/2012/01/07/microbe-69-et-mon-purgatoire-du-quotidien.html

  • Numéro 42 lu par Fabrice Marzuolo

    JE PISSE EN FLEUR

    Publié le 09/04/2012 à 10:15 par ravenchar
    JE PISSE EN FLEUR

    Je suis indécrottable et pourtant je fais des efforts pour moins puer.

    Je viens de lire dans le numéro 42 de Nouveaux Délits,la revue de Cathy Garcia , cette phrase-poème, de Thomas Vinau :

    Le jour

    où je marcherai

    sur les premiers bleuets

    sans frisson ni sourire

    pour la beauté sauvage

    des mauvaises herbes

    n’hésite pas à essuyer

    le cul de ton chien

    sur mon visage

     

    Qu’est-ce que j’ai culpabilisé du coup ! Quel rustre je fais ! Et, une fois de plus, on me met le nez dessus !

    Oui, je marche sur les bleuets sans état d’âme, j’avoue même qu’il m’arrive de m’essuyer dessus quand je pose un pied dans une de ces merdes qui ne portent pas bonheur – c’est toujours le cas (…) puisque quand je ne m’essuie pas, j’me fais salopementenguirlander.

    Reste le cul du chien…Bof, là vraiment, c’est un peu raide. Y aurait pas une peine intermédiaire, un avertissement avant…Pas du bleuet au rouge, comme ça, direct ! Un truc qui fasse moins de mal, J’sais pas moi, comme m’essuyer plutôt avec celui de Cathy, le numéro 42 de sa revue j’entends,…En plus, c’est du papier recyclé…

    Avant, on sait jamais, je vais le lire, ce Nouveaux délit. Et pendant que j’lis, j’marche pas dans les platebandes des autres…

     

    Au sommaire du 42 :

    Taro Aizu , Fukushima Renaissance

    Jacques Coly, poèmes

    Rémy Durand, Je me souviens - Venezuela

    Aymen Hacen, extrait du Journal du ramadan (2009-1430)

    Guillaume Decourt, poèmes

    ET

    Cathy Garcia, les Mots Allumettes

     

    plus les illustrations de Joao Carlos Chave-Lopes

     

    http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/

    NB

    Quand j’ai lu les textes de Taro Aizu,sur Fukushima, j’faisais moins le malin, j’avais la thyroïde qui m'pendait comme un coucou suisse étranglé.

    illustration, Balthus, Alice

  • Hommage à Jean-Lucien Aguié, fondateurde ARPO

     

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    Jean-Lucien Aguié, Président d'Honneur fondateur de ARPO,
    nous a quittés ce mercredi 4 avril 2012, à l'âge de 96 ans.


    " Il n'y a rien d'autre maintenant qu'un ciel serein
    une étoile qui n'en finit plus de tomber

    la terre nous attend

    il faut accomplir le geste qu'elle espère
    jusqu'à l'épuisement de notre sève
    jusqu'au cri final
    jusqu'à la hantise du lendemain"
    Jean-Lucien Aguié
    (Face au monde à l'envers)

    http://www.arpo-poesie.org/

     

  • RÉSONANCES 42

     magnificopw3.jpg1 film : Magnifico de Mario J. Delos Reyes. Ce film philippin sorti en 2003 porte bien son nom, car magnifique il est, bouleversant, profondément humain, un hymne lumineux à l’enfance et à sa générosité. Ce film a reçu 50 prix bien mérités dans des festivals du monde entier. Magnifico est un petit garçon de neuf ans, sa famille a beaucoup de difficultés, qui ne vont qu’en empirant, et ce petit garçon, grâce a sa bonté infinie et son courage, va transformer et illuminer la vie de celles et ceux qu’il approche, y compris sa famille qui pourtant ne compte pas le moins du monde sur lui. Cette bonté incroyable ne lui épargnera pas le pire et pourtant là encore, la magie de Magnifico opère. Cet enfant est habité par un tel amour d’autrui, un tel désir d’aider que cela dissout toutes les frontières, tous les obstacles. Portrait d’un quotidien difficile d’une famille aux Philipines, aux liens parfois conflictuels aussi entre frère, sœur, père, mère et la grand-mère en fin de vie, autre personnage central du film. Magnifico parle de beauté intérieure, d’humanité, le film lui-même est d’une belle simplicité, il ouvre une véritable réflexion sur nos rapports aux autres et c’est un vrai souffle d’air dont on ne devrait pas se priver même presque 10 ans après sa sortie. On  ne peut qu’en ressortir touché, touché par un ange.

     

     zoli.jpg1 livre : Zoli de Colum Mc Cann – (Irlande 2006 - Belfond 2007). 1930 - Zoli Novotna avait six ans, mais elle n’était heureusement pas là quand sa famille se retrouve bloquée sur les glaces par la Hlinka, qui allume ensuite des feux sur la berge. Elle n’était heureusement pas là quand sa mère, son frère, ses deux sœurs et toute la famille, roulottes, chevaux, quand tout part englouti sous les eaux. «Lorsqu'il a commencé à faire moins froid dans l'après-midi, les roulottes, bien obligé, se sont déplacées vers le milieu du lac. Mais la glace a fini par craquer, les roues se sont enfoncées et tout a coulé en même temps, les harpes et les chevaux». La Hlinka c’est la haine. La milice fasciste de Slovaquie. La petite Zoli et son grand-père fuient sur les routes, fuient la Hlinka, fuient la haine et la mort, avec pour leitmotiv cette phrase qui reviendra tout au long du livre et qui pourrait finalement presque tout résumer : « Avance mon cheval et chie ». Chie au nez de la haine, chie au nez de ceux qui voudraient enfermer, sangler, anéantir ton peuple libre et nomade. « Grand-Père disait que nous étions faits pour le ciel, pas pour les plafonds. » Mais, grand-père aime la connaissance et il va briser un tabou énorme, que lui-même a brisé plus ou moins en cachette, il va apprendre à sa petite fille à lire et à écrire. Alors, la petite fille va écrire par exemple la liste des choses à faire pour survivre : «Lave ta robe dans une eau qui court. (…) Rappelle-toi le temps qu'il fait au son de la roue. Change de nom. Perds tes chaussures. (...) Garde-toi de la Hlinka, les massacres ont toujours lieu la nuit». Très vite, la petite Zoli prendra goût à l’écriture et en plus des chants que tous connaissent, elle en invente d’autres et en écrit les paroles. Zoli Novotna se découvre poétesse et dans la Tchécoslovaquie communiste de l’après-guerre, qui souhaite intégrer les Roms à sa nouvelle et égalitaire vision du monde, elle deviendra une égérie du régime. Soutenue par un poète déjà glorifié et complètement exalté par cette « découverte », elle fréquente également l’ami de ce dernier, Stephen Swann, un jeune anglais trop romantique, que la jeune veuve rendra fou d’un amour impossible. Elle bravera pourtant là encore l’interdit ancestral, mais y renoncera très vite.  « Avant de repartir chez les siens, elle cousait des pages sous la doublure de son manteau, dans les poches de ses robes. (…) Elle se promenait avec ses chants d'amour collés aux hanches, et j'ai appris par cœur des poèmes entiers pour les lui réciter à voix basse lorsqu'on prenait le risque d'un moment entre nous. Elle conservait dans diverses autres poches des ouvrages de Krasko, Lorca, Whitman, Seifert, et même un Tatarka récent. Quand elle posait son manteau à l'imprimerie, elle faisait tout de suite plus mince ». Portée par ce succès qu’elle ne comprend pas vraiment, Zoli sera produite en public, sera adulée, hissée au sommet d’un monde auquel elle n’appartient pas et ne pourra jamais appartenir, et croyant un instant qu’elle pourrait aider ainsi son peuple, elle sera trahie par Swann l’éconduit et en paiera la déconvenue au prix fort. Même si son peuple, secoué par les évènements de la guerre, « Il y a des choses qu'on peut voir et entendre - encore aujourd'hui, longtemps après : les fosses qu'on creusait, la terre qui tremblait, les oiseaux qui ne volent plus au-dessus de Belsen, ce qui est arrivé à nos frères de Tchéquie, sœurs de Pologne, cousins de Hongrie, quand nous autres Slovaques avons survécu, bien qu'ils nous aient frappés, torturés, jetés en prison. Ils nous ont volé notre musique, nous ont bouclés en camp de travail », même si les siens donc tolèrent pour un temps cette transgression, vient le moment où l’intransigeance des règles revient la prendre de plein fouet. Zoli qui a livré aux gadže, avec sa poésie enregistrée et publiée, l’âme de son peuple, est bannie, devenant selon la coutume, pour tous et à tout jamais, une paria. Alors que les siens sont immobilisés de force dans des tours d’immeubles, Zoli, pour leur épargner la honte, et particulièrement à celles et ceux qui lui sont chers comme Conka, son amie d’enfance, entame une errance sans retour dans l’Europe. Une longue et rude errance d’une femme exceptionnellement digne et courageuse, qui supportera sans broncher et sans jamais perdre son goût inné pour la liberté, toutes les souffrances, les privations, jusqu’à ce qu’un amour paisible croise son chemin, un gadže différents des autres. « J’ai demandé à Enrico pourquoi il n’avait pas demandé si j’étais gitane. Il m’a demandé pourquoi je n’avais pas demandé s’il ne l’était pas. C’est peut-être la plus belle réponse qu’on m’ait jamais faite. » Alors Zoli peut se reposer un temps, « tout cela pour dire čhonorroeja, que l’envie d’aller plus loin venait de s’évanouir. Selon un vieux proverbe rom, la rivière n’est jamais où elle commence, jamais où elle finit, mais il me semblait être arrivée au bout de quelque chose. » Mais, cet amour aussi lui sera brutalement enlevé, lui laissant une fille. Une fille que Zoli à la fin du livre, ira rejoindre pour quelques jours à Paris, nous sommes en 2003, un bond dans le temps et les temps s’emmêlent, mais Zoli n’a pas changé. « Avance mon cheval et chie. » Colum McCann, écrivain né à Dublin en 1965 et vivant aujourd’hui à New York, est l'auteur de très beaux romans (le Chant du coyote, Les Saisons de la nuit, Danseur) et de deux recueils de nouvelles, La Rivière de l’exil et Ailleurs en ce pays. Zoli a pris racine à partir d'une photo de la poétesse tzigane polonaise Papusza, sur laquelle Colum McCann est tombé, en lisant Enterrez-moi debout ! L'Odyssée des Tziganes, d'Isabel Fonseca (livre que je vous recommande aussi fortement). Obsédé par cette image, il n'a pas pu faire autrement que de se plonger dans le monde des Tziganes d'Europe centrale et d’écrire ce très beau roman, «à mi-chemin de la fiction et de la non-fiction». Zoli n'est pas Papusza, mais elle lui ressemble.

     

    Bruce Clark couverture_728.jpg1 artiste : Bruce Clark Né en 1959, à Londres. Plasticien et photographe (reportages sur l'Afrique du Sud, la reconstruction du Rwanda, le retour des réfugiés Libériens), il expose depuis 1989 en France (où il est installé) et à l'étranger. Militant anti-apartheid au temps de l'apartheid en Afrique du Sud. Auteur du projet : "Le Jardin de la Mémoire" sculpture mémorielle sur le génocide rwandais soutenu par l'UNESCO et les associations de la société civile rwandaise.

    Sa matière donc, c’est l'histoire contemporaine dans toutes ses problématiques. Son art n’est ni complaisant ni décoratif, seulement un moyen d’expression et d’information, car les mots ne suffisent pas. Un regard sur le monde et un questionnement surtout. J’ai découvert ses œuvres dans  son livre Dominations (textes français et anglais et 140 tableaux en couleur), publié en 2006 aux éditions Homnisphères, très représentatif je crois de l’ensemble de son travail. Thématiques omniprésentes : le racisme, l’exploitation, l’asservissement, la pauvreté, l’injustice, l’errance. Beaucoup de visages dans son art, qui évoque parfois comme des affiches superposées, il a d’ailleurs créé quelques affiches de films également. Mélange de textes, déchirures de presse, couleurs parfois comme délavées, très contrastées et des visages, beaucoup de visages, comme pris sur le vif, tout s’imbrique, se superpose, en couches successives d’histoires, son travail est très dense, la densité de l’humanité, et porteur d’un engagement profond. Les titres de ses séries parlent d’eux-mêmes : Mémoires changeantes, Peintures noires, La foule, Se déplacer parmi les ombres,  Portraits effacés, Sur les frontières, Hommes debout, Dérives, Boxeurs/lutteurs, Les marcheurs, Fragments d’une histoire de demain, Homme masse, Le regard, Portraits anonymes, Nostalgies Impériales, Glissements, Tous différents, tous pareils, Une bombe de…, un monde pas très clair. A découvrir sur http://www.bruce-clarke.com/

     

  • NUMÉRO 42

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    Avril-Mai-Juin 2012

     

     

    Urgence poéthiques

    Parler de politique, sûrement pas ! Marre ! Du cirque moche, du vilain cinoche, du cigare qui fait pouèt ! Marre des simagrées, des citernes, des sitcoms, des si demain c’était hier ! Marre des ciboulots qui sonnent creux, des si boulot y’avait, des si tu m’aimes je te nique, du cimetière de l’éthique et des si je te le dis, c’est toi qui payes. Marre des silures de salons, des cireurs de pompes funèbres, des citadindes et dindons de la farce ! Marre des cibles trop ciblées, des cyborgs et des cyclopes borgnes. Marre, marre, marre ! Alors stop, ne faisons pas scie de tout bois ! Alors oui, Nouveaux Délits pratique la discrimination dès qu’il s’agit de politique ! Parfois la poésie est trompeuse, l’art aussi, mais ici penseurs nauséabonds, même poètes, non acceptés… Je respecte votre liberté d’être con(ne)s, mais ici c’est mon temps qui passe à votre service, m’sieurs, dames, alors pas d’entourloupe, si besoin je recule et ça cafouille un peu, ça merdouille, ça citrouille. Veuillez descendre du carrosse. Des revues y’en a pléthore, ici on s’affiche avec des valeurs plutôt surannées, démodées : humaines encore quoi ! Pas dogmatiques, ni racistes, ni sexistes, plutôt attirées par la simplicité du genre universel, l’authenticité pas forcément terroir, les esprits clairvoyants grands ouverts, le cœur intelligent qui ne bat pas seulement pour lui-même...

    Sur ce, que le printemps vous printanise, que le soleil vous exalte, car lui il est bien exalté et ce n’est qu’un début. Lâchez du lest, nous allons grimper !

     CG

     

     

    Je suis contre tous les systèmes politiques qui croient détenir le monopole de la vérité. Je suis contre tous les monopoles idéologiques. (...) Je vomis toutes les vérités absolues et leurs applications totales. Prenez une vérité, levez-la prudemment à hauteur d'homme, voyez qui elle frappe, qui elle tue, qu'est-ce qu'elle épargne, qu'est-ce qu'elle rejette, sentez-la longuement, voyez si ça ne sent pas le cadavre, goûtez en gardant un bon moment sur la langue – mais soyez toujours prêts à recracher immédiatement. C'est cela, la démocratie. C'est le droit de recracher.
    Romain Gary - 1957

     

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    AU SOMMAIRE

     

    Délit d’espérance : Fukushima Renaissance de Taro Aizu (Japon)

    Délits et des listes : poèmes de Jacques Coly

    Délit de mémoire : Je me souviens – Venezuela de Rémy Durand

    Délit de vin, délit divin : Aymen Hacen (Tunisie), un extrait du Journal du ramadan (2009-1430)

    Délit de poésie : Cathy Garcia, Guillaume Decourt

    Résonances : 1 film, Magnifico de Mario J. Delos Reyes (Philippines) ; 1 livre, Zoli de Colum Mc Can ; 1 artiste, Bruce Clark.

     

    C’est un fait, vous tomberez nez à nez avec le bulletin de complicité au fond en sortant.

     

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    Illustrateur :

    Joao Carlos Chaves-Lopes

    jc.c.l@orange.fr

     

    Né en 1964. Vit dans le Lot depuis 1999. Bricoleur et ébéniste à ses heures perdues. Adepte de la procrastination et de la réflexion horizontale. Veut travailler quand il sera grand. A gribouillé dans un élan non contrôlé quelques dessins qui se retrouvent, il ne sait comment, dans une revue de poésie.

     

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    Courir dans les champs,
    sentir le vent,
    ce n'était pas assez.
    ...Comme tous ceux
    qui n'ont rien dans la tête,
    moi aussi j'ai cru
    qu'il fallait faire des choses.

    Alexandre Romanès

     

     

     

     

     

     

     

  • Qué wonderful monde - Délit Vrai n°1

    Nouveaux Délits

     

    présente le n°1 de la collection

     

    « Les Délits Vrais »

     

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     Qué wonderful monde !

     

     

     

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    Textes et illustrations en couleur de Cathy Garcia

     

     

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    Un recueil de 12 pages, format A5

     

    Livré sous enveloppe transparente personnalisée.

     

     8 €

     

     Voir : http://associationeditionsnouveauxdelits.hautetfort.com/

     

     

     

     

  • Tarn en poésie 2012 avec Kenneth White

    Cette année c'est la revue Nouveaux Délits, en la personne de Cathy Garcia, qui assure le compte-rendu de Tarn en poésie. L'invité est Kenneth White.

    J'en profite pour rappeler ce texte qui a inauguré en quatrième de couverture le numéro 0 de cette revue, en juillet 2003 :

     

    "Ce que je recommande en définitif, sur le plan du comportement, c'est un mélange de résistance, d'indifférence et de rire. Résistance à la bêtise, au système de crétinisation mis en place par une grande partie des médias. Indifférence à tant de discours qui, au nom du Progrès, de l'Avenir, de l'Humanité invitent à une participation sentimentale et aveugle à des mouvements de foule. Rire (sans en faire une profession) devant le faux sérieux, le prétentieux creux, la guimauve sentimentale. Ensuite, je propose d'entrer dans le champ du grand travail, par la porte d'un questionnement radical et par l'intermédiaire de la littérature mondiale. Pour la première fois dans l'histoire du monde, les ressources de pratiquement toutes les cultures sont là, à notre disposition. A l'individu de chercher, en utilisant les institutions. On pourrait aussi envisager la création de groupes, des groupes d'amis, d'esprits chercheurs, pour la discussion de textes radicaux et séminaux, pour l'échange d'informations, pour veiller sur la biosphère, sur l'éco-région. De tels groupes formeraient comme un archipel de vie à l'intérieur de la masse amorphe (ou régimentée) de notre civilisation. Il faut surtout être sur le qui-vive pour tout signe de métamorphose de cette civilisation. Et puis, le plus souvent possible, l'œil et l'esprit ouverts, emprunter n'importe quel sentier dans le bois, suivre n'importe quel ruisseau jusqu'à la mer"

     

    Kenneth White(poète, écrivain écossais)

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  • Mon ombre épaisse et lente de Juliette Schweisguth

    J'apprends indirectement à l'instant via un mail de Thierry Cazals que Juliette Schweisguth, dite "Clochelune", n'est plus.

    C'est arrivé en fait en juillet et je ne l'ai pas su, je connaissais peu Juliette mais j'avais eu de bons échanges avec elle via Francoplois et je l'avais publiée dans le numéro 15 (Les moments de Liette).

    Ce mois de juillet 2011 a vu partir deux de mes amie(s) poètes, Ben Kabahn et Yann Orveillon, et voilà donc que Jullette, la toute jeune Juliette, à peine un an de plus que Beb, s'est envolée aussi.

    Belles pensées d'amour pour elle et toutes celles et ceux qui nous précèdent dans ce voyage, un voyage qui, j'en suis certaine, continue !

    J'en profite donc pour passer le message de Thierry Cazals :

    "le vœu de Juliette Schweisguth,
    dite "Clochelune"
    (1973-2011)
    de voir ses haïkus publiés
    est enfin exaucé !

    MON OMBRE EPAISSE ET LENTE
    paraîtra le 3 mai 2012
    (jour-anniversaire de Juliette)
    aux éditions Pippa.

    Merci de diffuser au maximum
    le bon de souscription
    ci-joint autour de vous !

    Je suis heureux que la poésie de Juliette puisse enfin fleurir
    aux yeux du plus grand nombre…

    De tout cœur
    Thierry Cazals"

    Bon de souscription : bon_souscription_Juliette[1].pdf

  • N°41 lu par Christian Saint-Paul

    Toujours égale à elle-même la revue « NOUVEAUX DELITS  Revue de poésie vive » fait paraître son n° 41 (6 € abonnement 25 € pour 4 n° , chèque à adresser à Association Nouveaux Délits Létou -  46330  Saint-Cirq-Lapopie) avec des illustrations originales de Karolinda ( http://karolinda.pagesperso-orange.fr), un recueil de haïkus du cercle japonais Seegan sur l’Après Fukushima, des textes d’Alain GOURHANT, de Basile ROUCHIN, du belge Timotéo SERGOÏ. Une poésie militante et pertinente qui réchauffe l’amitié des peuples comme Cathy GARCIA, inlassable revuiste, en a le talent. La présentation est réussie avec une économie de moyens et s’améliore encore puisque les exemplaires sont maintenant massicotés. Un moment agréable et fort assuré à la lecture de cette revue.

     

    Christian Saint-Paul

    http://www.lespoetes.fr/emmission/emmission.html

     

     

     

  • Nouveaux Délits N°41 lu par Georges Cathalo

    Note parue sur : http://revue-texture.fr/spip.php?article486

     

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    Sans se présenter sous la forme d’un « numéro spécial », cette livraison est une singularité, même si elle s’inscrit dans le droit fil de la ligne éditoriale impulsée par Cathy Garcia. En effet, après un original éditorial, on peut y lire des ensembles de textes cohérents autour de ce que l’on pourrait nommer : la menace nucléaire et la survie sur la planète. Avec « Après Fukushima », on peut lire une brassée de haïkus japonais présentés par Seegan Mabesoone, pour qui « la menace nucléaire n’est comparable à aucune autre ». Suit un bel ensemble de poèmes d’Alain Gourhant extraits de « Poésie du désastre et de la guérison ». De la même veine mais d’un tout autre aspect formel, viennent ensuite de troublants poèmes de Basile Rouchin et une étonnante suite de Timoteo Sergoï. L’ensemble de cette livraison est de bonne facture et la lecture est aérée par les discrets accompagnements graphiques de Karolinda et par d’opportunes citations. Allons, suivons Cathy Garcia qui nous adresse ce vœu des Indiens Navajos : « Hozho ! Que le monde soit hozho ! » c’est-à-dire qu’il nous apporte à la fois beauté et santé.

     

    GC

     

     

  • Vient de paraître : Le diagonaute amouraché de Timotéo Sergoï

    Vous en avez aimé les extraits dans le dernier numéro de la revue ? Le NOUVEAU recueil de textes de Timotéo Sergoï est sorti aux éditions Fram, à Liège.

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    Il s'agit d'une correspondance imaginaire entre une certaine Rose Vinaigre et un incertain Monsieur Confetti. On y parle d'amour et de voyage, de guerre, d'enfance et de poésie, en une verve souriante et désespérée. Quoi de mieux que de sourire devant les blessures ?

     

    Rose, je mourrai de guerre  (Le savais-tu ? Le savais-tu ?)

     

    Et je mourrai idiot, ignorant tout de l’art de tuer.

     

    Un char me passera sur le corps et ca fera un grand

     

    « SCRNOPRTUSNILZTSCHAK »

     

    (Quatre syllabes qui n’existent pas en français)

     

     

     

    Rose, je mourrai de vent (Le savais-tu ? Le savais-tu ?)

     

    Et je mourrai idiot, ignorant tout de l’art de t’aimer.

     

    Un cerf-volant m’emmènera, puis je pourrai tomber

     

    Et ca fera un grand  « AAAAAAAAAAAAAAAAAAAKRNAK »

     

    (Deux syllabes qui n’existent en aucune langue)

     

     

     

    Rose, ô Rose, je mourrai de silence (Le savais-tu ? Le savais-tu dans ta science?)

     

    Et je mourrai idiot, ignorant tout de l’art de décéder.

     

    Seul au milieu de l’Antarctique, gelé, cassé, brisé, ça fera un grand   " ________________________________________"

     

    De ces mots qui n’existent qu’en la langue des Augustes.

     

     

    11 € + 2€ port

    Pour commander envoyer un mail à :

    stephane@cheminsdeterre.be