14/05/2018
Double fond d’Elsa Osorio
traduit de l’espagnol (Argentine) par François Gaudry
Métailié, 18 janvier 2018
400 pages, 21 €
« L’ananké. L’impossibilité d’échapper au destin. »
Sur la côte bretonne à La Turballe, proche de Saint-Nazaire, un pêcheur a retrouvé le corps d’une femme noyée. On découvre qu’il s’agit de Marie Le Boullec, un médecin apprécié, épouse d’Yves le Boullec, un photographe décédé quelque temps auparavant et issu d’une famille de notables locaux connue et respectée. La thèse du suicide semble la plus évidente et sans doute la plus arrangeante aussi pour cette famille sans histoire qui n’apprécie pas qu’on parle d’elle, si ce n’est pour en faire l’éloge, mais cette thèse ne satisfait pas Muriel, la jeune journaliste chargée d’écrire des articles sur la « femme de La Turballe » dans le journal local, depuis qu’elle a eu une conversation avec le commissaire Fouquet. Outre que le but d’un journal est forcément de capter et conserver l’attention des lecteurs, Muriel a un goût pour l’investigation et la vérité et Fouquet en lui révélant les origines argentines de la noyée, a aussi évoqué des assassinats jamais élucidés pendant la dictature, il la met sur une piste que lui-même, proche de la retraite, ne va pourtant pas creuser. Elle va donc mener sa propre enquête, même si elle ne pourra révéler publiquement toutes ses découvertes et encore moins quand l’affaire sera déclarée classée.
Ce qui a éveillé les soupçons du commissaire dans cette histoire de suicide par noyade, ce sont les fractures du corps de la noyée qui indiqueraient qu’elle soit tombée d’une certaine hauteur et les traces d’un anesthésique retrouvées elles aussi à l’autopsie. Marie Le Boullec étant médecin, cela pourrait confirmer la thèse du suicide, mais il se trouve que c’est du penthotal, exactement le même anesthésique utilisé par les officiers de la junte pendant la dictature argentine, lors de ce qu’ils appelaient des « transferts », ces vols de la mort qui consistaient à balancer des prisonniers vivants, conscients mais anesthésiés, du haut d’avions pendant des vols de nuit tous feux éteints au-dessus de la mer. Membres des FAR, des Monteneros, simples militants politiques, syndicalistes, artistes, étudiants, parents, religieuses ou autres soi-disant subversifs qui comptent au nombre des milliers de « disparus » de la dictature.
Mais quel rapport avec Marie Le Boullec, même si celle-ci à des origines argentines ? En menant son enquête, Muriel est aidée par Marcel, un ami très ou trop attaché à elle mais calé en Espagnol et Melle Geneviève Leroux, une voisine âgée de Marie de Boullec qui ne croit pas à la thèse du suicide, car cette dernière lui avait téléphoné pour l’appeler à l’aide le soir de sa disparition. Marie était venue parfois chez Geneviève pour consulter ses mails sur l’ordinateur de cette dernière et c’est en réussissant à avoir accès à cette boîte, que le trio tombe sur une correspondance avec un jeune homme dans laquelle il est question de la mère de ce dernier et où elle utilise un autre nom, Soledad Durand.
Double fond démarre sur un récit, que nous allons suivre simultanément avec l’enquête de Muriel, dans une sorte de patchwork vertigineux, un récit qui nous transporte des années en arrière, à la fin des années 70. Celle qui raconte, c’est une mère et elle raconte à son fils, tous deux sont Argentins et elle raconte pour qu’il sache que, malgré toutes les apparences, elle ne l’a jamais véritablement abandonné. Elle raconte sa participation à la lutte armée contre la dictature, lutte en laquelle elle croyait et comment elle fut contrainte à la clandestinité, elle raconte l’arrestation qui l’a conduite avec son fils alors âgé de 3 ans, au terrible centre secret de rétention, l’ESMA et son « avenida de la Felicidad », un couloir baptisé ainsi par les militaires à cause des hurlements des prisonniers torturés qui y résonnaient en permanence.
Elle aussi a été torturée sur un grabat de la cellule 13 et son fils à l’écart entendait ses cris, elle criait mais elle n’a jamais parlé. Elle s’appelle Juana, mais aussi Lucia, et elle raconte, elle raconte tout, elle écrit sur du papier.
« J’aime ce chuchotement de la plume sur le papier. Elle le caresse, l’égratigne, fait surgir des mots cachés, prisonniers. Comme ces noms que je comptais sur les doigts de la main gauche : ceux des nôtres, et sur la main droite ceux de nos ennemis. Des noms que je répétais sans cesse, comme une litanie, une prière païenne. Je m’en souviens encore, il y aura bientôt vingt-sept ans, depuis le 16 septembre 1978 où j’ai commencé à les mémoriser. »
Du sous-sol de l’ESMA à son antenne à Paris, le Centre de Pilote, où des prisonniers furent envoyés clandestinement pour infiltrer le COBA, les groupes d’exilés sud-américains qui luttaient depuis leur exil et tentaient de dénoncer les crimes de la dictature et puis à l’ESMA de nouveau et de là à un appartement à Buenos Aires, un autre genre de prison, où sa seule liberté fut de pouvoir suivre des études de médecine, elle raconte son destin de femme, de mère, une femme et une mère dont l’intelligence et le courage furent à la fois le salut et l’enfer. Une femme qui n’a jamais parlé mais qui a dû se compromettre au-delà de tout respect d’elle-même et s’arracher le cœur pour sauver des vies. Et si la dictature a eu une fin, son enfer lui n’en a pas. L’injustice et l’impunité continuent de régner 30 ans après et vont la rattraper, même si elle a tenté de sauver ce qu’il restait de sa dignité et ce qui a toujours été le plus cher à son cœur : son fils, dût-il la haïr pour toujours.
« (…) ce que fuyait la femme de la Turballe, un homme, un régime, une folie, une haine tenace, l’a poursuivie jusqu’ici et la tuée. Noyée. », écrira Muriel dans un de ses articles.
Il est question dans Double fond de ces circonstances qui permettent à des êtres humains de devenir des monstres sans culpabilité et d’autres qui combattent les monstres, bourreaux et victimes pris dans une même tourmente. Résonne douloureusement cette phrase de Nietzsche : « Quiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde, dans le combat, à ne pas devenir monstre lui-même. Et quant à celui qui scrute le fond de l'abysse, l'abysse le scrute à son tour. » Reste qu’il y a tout de même deux côtés de la barrière quand il s’agit de dictature, de torture et d’assassinats. Les faibles, les lâches, les opportunistes qui ont vendu leur âme sont souvent hélas du côté qui semble le plus fort et qui s’auto-justifie sans honte, et même si rien n’est jamais complètement noir ou complètement blanc, apparaît clairement dans ce livre — et dans toute sa pathétique et terrible indigence morale —, la folie humaine.
C’est tout un pan de l’histoire argentine qui est contenu dans ce livre, avec ses dessous les plus sales, les liens avec la France et les connivences entre militaires argentins et membres du gouvernement français, l’Ambassade argentine en France — comme dans d’autres pays — servant de centre de propagande et le Mondial de Foot en 1978 qui s’est déroulé en Argentine à la face du monde entier. Les hurlements des supporters couvraient ceux des torturés. Et n’oublions jamais qui a enseigné aussi aux militaires sud-américains leurs techniques de torture, à l’École des Amériques…
L’auteur nous livre une enquête romanesque mais fouillée dont les éléments n’ont rien de fictionnel, il s’agit de toute évidence pour Elsa Osorio, argentine elle-même, d’un devoir de mémoire dont on ressent pleinement la tension et la force émotionnelle et c’est en ce sens que ce livre, écrit lors d’une résidence à la Maison des écrivains et des traducteurs en France, en plus d’être réellement passionnant, est absolument indispensable. Il sert de cadre à une vérité qui n’a pas encore été assez dite, la plupart des coupables n’ayant pas été condamnés, les assassins dispersés dans la nature, sont devenus de redoutables hommes d’affaires, des maffieux avec pignon sur rue, enrichis grâce à leurs crimes, quand ils ne sont pas carrément réapparus dans les gouvernements soi-disant démocratiques qui ont succédé à la dictature. La mort de Marie Le Boullec dans le roman, survient un an après que les lois d'amnistie aient enfin été levées en Argentine par le président Nestor Kirchner, ce qui a permis de ré-ouvrir les dossiers judiciaires des militaires assassins et les conduire devant la justice, le procès le plus emblématique étant celui qui a concerné l’ESMA (École de mécanique de la marine) où plus de 5 000 victimes avaient été torturées puis éliminées.
Captivant, bouleversant, édifiant et incontournable, Double fond nous prend à la gorge et ne nous lâche plus. L’odeur de la mort, l’odeur de la peur.
« L’odeur de la peur grimpe aux murs, elle raréfie l’air, elle est plus forte que la saleté, que les torchons sales, plus forte que tout. »
Cathy Garcia
Née à Buenos Aires en 1952, Elsa Osorio est romancière, biographe, nouvelliste et scénariste pour le cinéma et la télévision. Elle a vécu à Paris et à Madrid, et réside actuellement à Buenos Aires. Elle a publié notamment de nombreuses œuvres en Argentine (Ritos privados, Reina Mugre, Beatriz Guido, Como tenerlo todo, Las malas lenguas). Elle est lauréate de plusieurs prix, dont le Prix National de Littérature pour Ritos Privados, le Prix Amnesty International pour Luz ou le temps sauvage. Ses romans sont largement traduits en Europe et dans le monde. Son œuvre est disponible en français chez Métailié, dont Luz ou le temps sauvage, Tango, Sept nuits d’insomnie, La Capitana (2012).
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08/05/2018
Marc Tison - Des abribus pour l’exode
images et peintures de Raymond Majchrzak
éditions Le Citron Gare, novembre 2017
82 pages, 10 €.
Sensations vivaces qui imprègnent le mental, maintiennent sous tension le réseau de nerfs, scarifications émotionnelles sur le corps de la mémoire qui n’accepte pas la reddition, ni la soumission. Mémoire du corps jamais rassasiée de cette ivresse qui nous propulse dans le corps de l’autre. Sexe, musique, jeunesse, pures sensations qui lancent les rêves à l’assaut des horizons, pied sur l’accélérateur.
On ne va plus dans les étoiles. Les fusées sont dépiécées. La tête en feu de joie c’était pourtant bien là, claquant le réel à l’enchantement du voyage.
Il y a si peu de temps. Il y a si peu de soi.
Mémoire du corps accro à l’intensité, à la sensation de liberté, aussi illusoire soit-elle.
Il y a tant d’espaces délabrés que tu revisites plein d’espoir, incrédule. L’avant ne s’est pas peint d’éternité.
Le passé n’existe plus, mais le monde a-t-il mieux à offrir ? Tel est le questionnement qui sourd de ce recueil de Marc Tison. Abribus pour l’exode, tentations en lignes de fuite.
L’alcool me flambe toujours au crépuscule
pour saluer les jours brûlés à l’ennui.
Je ne suis pas si fragile
Un recueil pas tout à fait nostalgique, ou pas seulement, même lors d’un retour dans le Nord, à Denain.
« Je reviens à mon pays, intérieur, affranchi, en orpailleur. (…) Entre les usines désarmées, les terrils décapités, il reste sur les bars de poussière, les traces rondes des bocks de bières. Les jukebox remisés chuchotent mémoriels des Ep gravés pour des bals rock et ouvriers. »
Le poète pratique un art magique. Avec ses mots, il peut souffler sur les braises, réanimer à volonté la flamme. Ce n’est pas sans danger d’user de ce pouvoir et l’hypersensibilité permanente lui interdit de s’abrutir dans un confort étanche. Convocation lucide de sensations dont le corps ne parvient pas à se défaire au point parfois de ne pouvoir dormir. La révolte est intacte, la conscience vive et les injustices demeurent insupportables.
« Au cœur de l’Europe chrétienne on aime son prochain. (…) Ha qu’est ce qu’on l’aime son prochain quand il est courageux et qu’il reste noyé dans la mer. »
Insupportable comme la tiédeur, la médiocrité, l’hypocrisie, le mensonge, le vide de sens contemporain.
« Les animateurs des émissions d’actualité et de divertissement des chaines de télévision ont des trous dans leurs mots. A travers passent d’immenses tristesses de rien. Alors les téléspectateurs tombent dedans.
Ceux qui n’ont pas de parachute s’écrasent méchamment le dedans de la tête. »
Même la musique est creuse. « Les notes juteuses - qui touchent le corps – se sont tirées des clips maniérés. Parties continuer la fête ailleurs.
(…) Nous appelons alors musiques les dérangements sonores qui habillent les cliquetis des caisses enregistreuses des supermarchés. »
« Au quotidien on se fait à toutes les crapuleries (!?!) » Ce n’est pas un constat résigné, mais un « !?! », car non poète, tant que ton corps est vivant, il vibre ! Il n’est pas dupe mais il sait encore ressentir.
« Prends le matin nu en embrassade. Tu l’effleures et tu lui souffles des siroccos. Ta bouche pleine du sucre des figues fraîches de l’aube.
Fais l’amour, alors fais l’amour comme se maquillent les rêves. Dans tes yeux explosent des couleurs, des rouges mélangées de jaunes et d’ailleurs. »
Mais il faut savoir qu’après chaque shoot de sensations intenses, il y a la redescente. Amertume et dégoût guettent l’insurgé, les focus sur le monde attisent la rage et la nuit, seul espace de rêve, exige l’insomnie.
« Une communication interlope avec les fantômes de tes désirs. (…) Le sommeil t’attend. Tu n’en veux pas. Pourtant les draps frais sentent si près la mélancolie de l’enfant. Cet état qui t’apeure.
Comme un licol sur l’encolure d’un mustang. »
Le poète est en cavale, ce n’est pas la mort qu’il fuit, ni même la vieillesse, mais bien ce licol à l’encolure. Semant au vent ses brassées de mots indomptables, cet « autochtone des plaines d’exodes » ne se rendra jamais, parce qu’ayant su saisir l’essentiel de sa vie et de ses folies, il le convoque autant qu’il lui plait pour des fêtes intimes subtiles qui passent au travers des mailles de n’importe quel filet. De toutes les pertes, il sort vainqueur. Il a gagné la plus belle des libertés, sa liberté intérieure.
« J’abandonne le champ des batailles en friches. J’abandonne la routine des ultimes charges.
J’en reviens à l’absolu.
L’absolu silence. D’où se recompose le mystère. La parole et le chant.
L’absolue virginité. D’où nait l’amour. La complexité absolue du vivant.
L’absolu lointain. D’où se mesure l’avenir. Son effacement conjuré de promesses.
(…) Toute disparition fera un renouvellement.
Pas de nostalgie donc, ou pas seulement. Trop de saveur encore dans la bouche, pour cultiver les regrets.
(…) Dans l’espace existentiel de millions d’années lumières, je ne saurais pas l’omniscience. Ça n’a pas d’importance.
Ma vie idiote est une merveille. »
Et quand c’est l’âme qui jouit, il n’y a plus aucune limite.
Cathy Garcia
Marc Tison est né en 1956 entre les usines et les terrils, dans le nord de la France. Fondamental. A la lisière poreuse de la Belgique. Conscience politique et d’effacement des frontières. Engagé tôt dans le monde du travail. Il a pratiqué dans un premier temps de multiples jobs : de chauffeur poids-lourd à rédacteur de pages culturelles, en passant par la régie d’exposition (notamment H. Cartier Bresson) et la position du chanteur de rock. Puis il s’est spécialisé dans la gestion et l’accompagnement de projets culturels et d’artistes. S’est mis à l’écriture de poésie très tôt comme la juste expression des sensations vivaces. Habite maintenant dans le Tarn où il continue, heureusement troublé, l’exploration des univers à réinventer.
Raymond Majchrzak est né en 1955 à Escaudain (59), pays minier et industriel, à quelques kilomètres de Denain. Il a fait les beaux arts à Valenciennes. Il peint et travaille des images numériques. Il déroule aussi de longues improvisations musicales plus ou moins électroniques pour lui même à longueur de temps.
Pour commander le recueil auprès de l'association le Citron Gare, p.maltaverne@orange.fr
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30/04/2018
Soliflore 58 - Pierre Aurélien Delabre
catania
j’arrive à catania
mais mon cœur est souillé
hésitant
à l’heure de vivre simplement
et tout dans ma vie
à ce goût de l’indifférence sordide
mais j’arrive a catania
qui m’invite à jeter
un verre d’eau fraiche sur mes regrets
pas envie de rire
pas envie de jouir
je tiens trop à mes regrets
et je tisse un monde
où même les ombres doutent de leurs effets
photo prise par l'auteur :
Ernest Pignon-Ernest Pasolini portant sa propre dépouille prise à quelques pas de Campo dei Fiori, Roma
11:52 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
16/04/2018
Revue Nouveaux délits n°60 lu par Patrice Maltaverne
12:53 Publié dans CE QU'ILS EN DISENT | Lien permanent | Commentaires (0)
10/04/2018
Le numéro 60 lu par Florent Toniello
Revue de revue : Nouveaux Délits
Par Florent Toniello le mardi 10 avril 2018, 14:22 - Notes de lecture - Lien permanent
Je l’avoue : déjà abonné à pas mal de revues et avec un budget poésie pas illimité — en tout cas pas aussi vaste que mon goût éclectique, parfois trop, je sais, pour le genre —, j’ai tendance à me reposer sur le grand nombre de revues que je reçois, sans trop regarder les autres maintenant. Eh oui, la poésie est aussi la vie, et il y en a une en dehors de la poésie. Je sais, je radote… Mais le sous-titre « revue de poésie vive » et un appel à soutien de Cathy Garcia, la taulière, qui a vu son vieil ordinateur cesser ses services aux vers et aux strophes inopinément, m’ont convaincu de tenter l’aventure. Peut-être aussi le fait qu’un numéro précédent a été consacré à la remuante poésie guatémaltèque traduite par Laurent Bouisset, allez savoir. Enfin bon : grand bien m’en a pris.
Le numéro 60 de Nouveaux Délits rassemble des textes de sept poètes, agrémentés par Cathy Garcia d’un court édito relatant la genèse (pas simple) de cet opus et d’une quatrième de couverture en forme d’extrait d’un essai sur la simplicité joyeuse et volontaire. Quand le politique s’en mêle, et bien tourné en plus... S’y ajoutent deux « résonances », notes de lecture aussi bien que jeux de miroir à l’écriture ciselée sur deux livres récents, également par la maîtresse des lieux, décidément productive et tellement amoureuse de la poésie que cet enthousiasme est particulièrement contagieux. Ah oui : de petites notes de bas de page, extraits de poèmes ou de romans, font aussi écho, comme des résonances, aux textes originaux publiés ; ces « délits d’(in)citation » confirment, s’il fallait encore la démontrer, la haute connaissance littéraire de Cathy Garcia, qui peaufine une revue franchement réussie tant sur la forme que sur le fond.
Car sur le fond, la cohérence de l’ensemble des sept poètes choisis est admirable, et l’exigence dans l’écriture est un dénominateur commun. Connu des amateurs de revues, Valère Kaletka ouvre le bal avec des textes à la nostalgie qui tourne à l’étrange et au fantastique parfois, avec des titres énigmatiques et décalés : « Ahan / Fils de Crâo / Sur la route du Run / Poumons-de-feu / Ahan / Guerre au gramme intégral / À l’anévrisme hautain en rupture / De son ban », peut-on lire dans « Ahan », savant détournement d’un personnage bien connu en « poésie de Cro-Magnon » (là, c’est moi qui invente, ce n’est pas une citation), pourrait-on dire. Pierre Rosin, lui, ose la poésie de science-fiction (on en publie trop peu, je trouve), même si ce n’est qu’un poème parmi les autres où peut-être sonne comme dénominateur commun « le malheur d’être un homme et de n’être rien » : « construisons un vaisseau / une flottille / une arche / semons les germes d’une nouvelle espérance ». Espérance que versifie Daniel Birnbaum, dans une série narrative qui décrit un voyage à Madagascar ; Daniel, comme souvent, y montre une empathie (« elle a les pieds infectés / suintants / sanguinolents / il faudrait les mettre à l’abri de la poussière / de la boue des ordures des mouches ») qui rend ses vers simples immédiatement assimilables sans cheminement intellectuel tarabiscoté : une poésie qui va droit au cœur. Joseph Pommier, lui, ne parle pas d’autre chose que d’espérance non plus quand, après avoir décrit en vers plus longs et plus fourmillants de cassures de rythme une vie au travail marquée par la servitude volontaire, il glisse qu’« Au prix d’un sommeil lourd on s’arrache / À ces pensées rageuses qui stationneront dans l’oubli ». Florent Chamard flirte (un peu, par rapport à ses prédécesseurs plus narratifs et moins métaphoriques) avec le surréalisme pour « réapprendre le silence des horizons sans but » et retrouver « la tentation du sel et des vagues » ; dans sa présentation, il avoue qu’il aime haïr… tout un programme ! Poésie rock’n’roll pour Vincent Duhamel, mon chouchou de ce numéro, avec un poème magistral et habité intitulé « La boîte » : « J’aurais voulu mourir à neuf ans lors d’un mercredi pluvieux ennuagé de flocons et de victoires avec sur le bord des lèvres l’amour d’une pêche ensoleillée de la veille et, dans le cœur, un oisillon s’étouffant d’un requiem enchanté. » Puis vient une étrange boîte offerte par la mystérieuse Matriochka, concentré de peurs et de fantasmes ; un texte puissant sur les attirances de l’enfance, qu’elle soit enchantée ou brisée. Enfin, dernière autrice et seule femme, Antonella Eye Porcelluzzi conclut par une poésie plus déstructurée où le langage se fait plutôt phonèmes que longs vers. C’est un de ses poèmes, court alors qu’elle peut aussi nous embarquer dans de longues variations hypnotiques sur un sujet donné, qui sera reproduit complet ci-dessous.
En un mot comme en cent : Nouveaux Délits, c’est une belle revue, bien conçue, bien réalisée, et ce numéro 60 en est la preuve.
Pour en savoir plus et surtout ! vous abonner, visitez le site internet de la revue Nouveaux Délits.
Love deux song n. 25 (Antonella Eye Porcelluzzi)
Pour ceux qui conduisent deux avions
qui dirigent deux industries
qui chevauchent deux chevaux
et tirent avec deux arcs
pour ne pas se retrouver avec
deux anus à soigner
en cas d’hémorroïdes.
je suis un monstre qui a tout osé
Source :
http://accrocstich.es/post/2018/04/10/Revue-de-revue-%3A-...
14:49 Publié dans CE QU'ILS EN DISENT | Lien permanent | Commentaires (0)
23/03/2018
Nouveaux Délits n°60
Avril 2018
Eh bien, voilà un numéro qui n’a pas été simple à réaliser, il a fallu que je m’adapte aux circonstances assez pénibles et aux données qui m’étaient accessibles. Aussi Je profite de cet édito pour remercier infiniment celles et ceux d’entre vous qui ont pu répondre présent(e)s à mon appel à soutien pour le rachat d’un nouvel ordinateur, indispensable, le mien ayant pris définitivement congé après une dizaine d’années de pas trop mauvais services. Merci donc, d’ici quelque temps, une nouvelle machine devrait permettre de poursuivre l’aventure dans de bonnes, voire de meilleures conditions et aussi de stocker à l’abri, entre autres, 15 années de Nouveaux Délits !
Ce n’est pas quelque chose sur quoi j’aime m’étaler mais il faut savoir peut-être que si cette revue existe, c’est par une sorte de passion entêtée de ma part, car elle est réalisée (volontairement) sans subvention et bénévolement, dans un contexte de précarité permanente, qui a d’ailleurs tendance à s’accroître d’année en année et ce numéro 60 a eu un accouchement particulièrement difficile. Cependant, je crois bien qu’au final, c’est un beau bébé ! Un peu étrange, douloureux même, mais riche de toute sa complexité humaine et de cette énergie qui passe dans les mots, qui les traverse et parfois nous transperce, cet appel d’air, ce désir indéfinissable de saisir, en nous et hors de nous par les filets de la parole, ce qui le plus souvent demeure insaisissable.
CG
Je pense donc j’écris. J’écris ce que je ne sais pas dire. Le gouffre entre le semblant et le réel. Réel morcelé, multiplié par un coefficient inconnu, un prisme, un miroir à mille facettes. Toute parole est attaquable, transformable, critiquable. Toute parole pourrait être vaine et pourtant nous avons besoin de ce moyen imparfait de communication, nous sommes des êtres communiquant, nous sommes même des vases communicants. La réalité est absurde. Parler de réalité est absurde. Alors, se raccrocher à quoi ?
À une fleur, à la graine qui va peut-être germer, au nuage qui passe. À un rayon de lune ou de soleil. C’est ça la poésie et pas autre chose, c’est trouver une réalité à laquelle s’accrocher. La nature, la douleur, l’amour, la haine. La possibilité d’échapper à sa propre carcasse.
Cathy Garcia in Journal 2001
AU SOMMAIRE
Délit de poésie :
፠ Valère Kaletka
፠ Pierre Rosin
፠ Daniel Birnbaum
፠ Joseph Pommier
፠ Florent Chamard
፠ Vincent Duhamel
፠ Antonella Eye Porcelluzzi
Résonance :
Des abribus pour l’exode, Marc Tison, Le Citron Gare éd.
Double fond, Elsa Orroyo (Argentine), Métailié éd.
Délits d’(in)citations percent la brume des coins de page.
Vous verrez le bulletin de complicité au fond en sortant qui vous fait de gros appels de phares, tout en résistant une fois de plus à la hausse des tarifs postaux (et du reste).
Illustrateur : Jean-Louis Millet
Grand spécialiste en rien mais curieux de tout : dessin, peinture, sculpture, photo, écriture, édition virtuelle, chasse aux connivences & alternatives… ensemble de ‘’propos’’ mis en actes dans l'animation de blogs et de sites dont "Zen-évasion", site cave-grenier aux malles ego-mystérieuses ; http://www.zen-evasion.com/. Il a déjà maintes fois illustré la revue ainsi que d’autres publications Nouveaux Délits.
Soir de printemps -
de bougie en bougie
la flamme se transmet
Yosa Buso
Nouveaux Délits - avril 2018 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits Coupable responsable : Cathy Garcia Illustrateur : Jean-Louis Millet Correcteur : Élisée Bec
15:31 Publié dans ÉDITOS & SOMMAIRES | Lien permanent | Commentaires (1)
La simplicité joyeuse et volontaire
La simplicité joyeuse et volontaire, comme je la vis et l’ai vécue avant même de l’avoir nommée, c’est de savoir apprécier ce qu’on a, quels que soient nos moyens, et ceci sur tous les plans. Pas dans l’idée d’une discipline qu’on s’impose, d’une vertu à cultiver, non, pas d’efforts qui finiront par nous dégoûter, nous révolter et nous faire retomber plus bas qu’au départ, c’est vraiment autre chose. C’est une sorte d’initiation à l’essence du plaisir. C’est d’abord apprendre à regarder les choses à la loupe et à amplifier nos sensations. Lorsqu’on passe près d’une plante à toutes petites fleurs, souvent elle est tellement insignifiante qu’on ne la remarque pas ou à peine, mais si on prend le temps de se pencher et de la regarder de près, alors se révèlent des trésors de nuances, de finesse, de beauté. C’est pourquoi j’aime faire de la macro en photo. En macro une punaise devient un joyau, mais la macro, c’est aussi une façon de voir que l’on peut appliquer à tous les domaines de notre vie. Pas seulement pour aller remuer ce qui ne va pas, ce qui manque, ce qui fait mal, ça en général on sait tous le faire et il faut parfois le faire, mais il faudrait aussi le faire pour aller arroser les minuscules graines de joie inconditionnelle qui n’attendent que notre attention pour s’épanouir. Alors, ça ne veut pas dire se forcer à être d’un optimiste béat ou se voiler la face, bien au contraire, plus on sait apprécier le minuscule, plus on voit aussi la moindre petite ombre triste de ne pas être prise en compte elle aussi, car la vie est faite d’ombres et de lumière et nous avons à apprendre des deux. Les deux sont nécessaires pour prendre conscience, terme emprunté au latin classique « conscientia », la « connaissance en commun », donc quelque chose qui va au-delà de l’individu, quelque chose que nous partageons et que nous devons chacun alimenter autant que possible, afin que l’humanité dans son ensemble puisse évoluer. Ainsi la simplicité joyeuse et volontaire pourrait s’apparenter à une sorte de travail d’alchimiste : en plongeant dans l’infiniment petit, on dégage les éléments les plus élémentaires du réel et il nous est alors possible de transformer le plomb en or. (…)
La simplicité ce n'est pas seulement faire des choses mais c'est aussi et surtout ÊTRE. Faire autant que possible des choix qui nous permettent d’être plutôt que de paraître et/ou d'avoir (deux redoutables diktats), donc que ce soit sur le plan pratique et matériel ou moral, toujours se poser la question de l'utilité, du sens de ce qu'on l'on fait, de ce que l'on achète, de ce que l'on possède, de ce que l'on pense, de ce que l'on dit. L'utilité d'une façon très vaste et le sens et l'impact des choix que nous faisons, comment nous utilisons notre temps et quelle place nous laissons dans notre vie pour l'essentiel. Ce qui veut dire déterminer déjà qu'est-ce qui est réellement essentiel pour nous et là nous trouverons ce qui est essentiel communément à la plupart des êtres humains et puis ce qui nous est essentiel à nous tout personnellement et particulièrement, et pour déterminer cela il faut se connaître, au-delà de ce que nous avons appris, au-delà de ce que nous pensons devoir être ou faire, au-delà de ce que nous pensons devoir prouver et au-delà des attentes que nous pensons être les nôtres ou celles des autres qui nous entourent et de la société elle-même.
Cathy Garcia
Vous pouvez lire l’intégralité du texte ici http://conscienceauquotidienaccompagnementpersonnalisepourconsommeraut.hautetfort.com/
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17/02/2018
"Morterranée", exposition d'Anabel Serna Montoya
Dans le cadre de la 2ème Nuit de la Poésie à Crest, le vendredi 2 février 2018, l'artiste mexicaine Anabel Serna Montoya qui avait illustré le numéro 59, spécial Guatemala, a présenté pour la première fois son installation "Morterranée" sur la thématique des réfugiés et migrants morts en Méditerranée. (Cyanotypes, aquarelles et encres de chines ont côtoyé un poème de Raúl Zurita cousu, ainsi qu'une installation au sol.)
13:57 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
14/02/2018
Soliflore 57 - Ivan Pozzoni
La ballata del Fantozzi - Paolo Villaggio
BALLATA DEGLI INESISTENTI
Potrei tentare di narrarvi
al suono della mia tastiera
come Baasima morì di lebbra
senza mai raggiunger la frontiera,
o come l’armeno Méroujan
sotto uno sventolio di mezzelune
sentì svanire l’aria dai suoi occhi
buttati via in una fossa comune;
Charlee, che travasata a Brisbane
in cerca di un mondo migliore,
concluse il viaggio
dentro le fauci di un alligatore,
o Aurélio, chiamato Bruna
che dopo otto mesi d’ospedale
morì di aidiesse contratto
a battere su una tangenziale.
Nessuno si ricorderà di Yehoudith,
delle sue labbra rosse carminio,
finite a bere veleni tossici
in un campo di sterminio,
o di Eerikki, dalla barba rossa, che,
sconfitto dalla smania di navigare,
dorme, raschiato dalle orche,
sui fondi d’un qualche mare;
la testa di Sandrine, duchessa
di Borgogna, udì rumor di festa
cadendo dalla lama d’una ghigliottina
in una cesta,
e Daisuke, moderno samurai,
del motore d’un aereo contava i giri
trasumanando un gesto da kamikaze
in harakiri.
Potrei starvi a raccontare
nell’afa d’una notte d’estate
come Iris ed Anthia, bimbe spartane
dacché deformi furono abbandonate,
o come Deendayal schiattò di stenti
imputabile dell’unico reato
di vivere una vita da intoccabile
senza mai essersi ribellato;
Ituha, ragazza indiana,
che, minacciata da un coltello,
finì a danzare con Manitou
nelle anticamere di un bordello,
e Luther, nato nel Lancashire,
che, liberato dal mestiere d’accattone,
fu messo a morire da sua maestà britannica
nelle miniere di carbone.
Chi si ricorderà di Itzayana,
e della sua famiglia massacrata
in un villaggio ai margini del Messico
dall’esercito di Carranza in ritirata,
e chi di Idris, africano ribelle,
tramortito dallo shock e dalle ustioni
mentre, indomito al dominio coloniale,
cercava di rubare un camion di munizioni;
Shahdi, volò alta nel cielo
sulle aste della verde rivoluzione,
atterrando a Teheran, le ali dilaniate
da un colpo di cannone,
e Tikhomir, muratore ceceno,
che rovinò tra i volti indifferenti
a terra dal tetto del Mausoleo
di Lenin, senza commenti.
Questi miei oggetti di racconto
fratti a frammenti di inesistenza
trasmettano suoni distanti
di resistenza.
[Scarti di magazzino, 2013]
*
BALLADE DES INEXISTANTS
Je pourrais tenter de vous conter
au son de mon clavier
comment Baasima mourut de la lèpre
sans jamais atteindre la frontière,
ou comment l’arménien Méroujan
sous un flottement de demi-lunes
sentit s’évanouir l’air de ses yeux
jetés dans une fosse commune;
Charlee, qui transvasée à Brisbane
en quête d’un monde meilleur,
conclut le voyage
dans la gueule d’un alligator,
ou Aurélio, nommée Bruna
qui après huit mois d’hôpital
mourut de sidaïe contractée
après s’être battu sur un périphérique.
Personne ne se rappellera Yehoudith,
ses lèvres rouges carmin,
effacées à boire des poisons toxiques
dans un camp d’extermination,
ou Eerikki, à la barbe rouge,
vaincu par l’agitation des flots,
qui dort, récuré par les orques,
sur les fonds de quelque mer;
la tête de Sandrine, duchesse
de Bourgogne entendit la rumeur de la fête
en tombant de la lame d’une guillotine
dans un panier
et Daisuke, samurai moderne,
comptait les tours du moteur d’un avion
transcendant un geste de kamikaze en harakiri.
Je pourrais rester à raconter
dans la chaleur étouffante d’une nuit d’été
comment Iris et Anthia, enfants spartiates
difformes furent abandonnées,
ou comment Deendayal creva de privations
imputables au crime unique
de vivre une vie de paria
sans jamais s’être rebellé;
Ituha, fille indienne,
menacée d’un couteau,
qui finit par danser avec un Manitou
dans l’antichambre d’un bordel
et Luther, né dans le Lancashire
libéré du métier de mendiant,
et forcé de mourir par sa majesté britannique
dans les mines de charbon.
Qui se souviendra d’Itzayana,
et de sa famille massacrée
dans un village aux marges du Mexique
par l’armée de Carranza en retraite,
et quoi d’Idris, africain rebelle,
assommé de chocs et de brûlures
alors qu’indompté par la domination coloniale,
il tâchait de voler un camion de munitions;
Shahdi vola haut dans le ciel
au-dessus des hampes de la révolution verte,
atterrissant à Téhéran, les ailes déchiquetées
par un coup de canon,
et Tikhomir, maçon tchétchène,
s’abîma devant les visages indifférents
sur la terre du toit du Mausolée
de Lénine, sans commentaires.
Des objets de récit
fractures aux fragments d’inexistence
qui transmettent des sons lointains
de résistance.
[Déchets de magasin, 2013]
traduction de Pierre Lamarque
https://independent.academia.edu/IvanPozzoni
12:08 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
08/02/2018
Nouveaux Délits n°59 - Pablo Gelgon
"Pisco" et "La poésie des choses simples", deux des textes & poèmes de Pablo Gelgon publiés dans ce numéro.
Lus par Cathy Garcia Canalès.
12:46 Publié dans POÉSIE VIVE | Lien permanent | Commentaires (0)
06/02/2018
Nouveaux Délits n°59 - Marc Guimo
Trois des poèmes extraits de "Réalité dispersée" publiés dans ce numéro.
Lus par Cathy Garcia Canalès.
18:50 Publié dans POÉSIE VIVE | Lien permanent | Commentaires (0)
04/02/2018
Nouveaux Délits n°59 - Jean-Louis Millet
Trois "Fragments" du "Psychorama holographique" de Jean-Louis Millet, parmi les sept présentés dans ce numéro.
Lus par Cathy Garcia Canalès.
13:57 Publié dans POÉSIE VIVE | Lien permanent | Commentaires (0)
03/02/2018
Nouveaux Délits n°59 - Benoit Arcadias
"L'entropie et la mort", un des poèmes de Benoit Arcadias publiés dans ce numéro.
Lu par Cathy Garcia Canalès.
19:39 Publié dans POÉSIE VIVE | Lien permanent | Commentaires (0)
31/01/2018
Numéro 59, revue du mois pour Décharge
Février, c’est
Nouveaux Délits n° 59
publié le 31 janvier 2018 , par dans Accueil> Revue du mois
Cinq auteurs sont conviés dans ce numéro à qui sont attribuées entre 7 et 12 pages, ce qui constitue un bel aperçu pour chacun.
Pénélope Corps. Les gens naissent avec des trous dans le ventre… Un langage oralisé qui ne s’embarrasse des conventions ni des conformités ordinaires. S’il y a figures de style, ce n’est pas par jeu mais par nécessité, entre anaphores et répétitions. D’une façon générale, les poètes choisis ici par Cathy Garcia ne sont pas économes de mots et usent de vers proches de la phrase et de strophes voisines de la période. Les titres des textes résumeraient à eux seuls l’angle assez brut de sa poésie : L’humanité est un trou, Super 8, J’écris pas, On n’est pas meilleurs, Dimanche en décembre.
Le passé de Benoit Arcadias, ancien interné des hôpitaux, résonne dans ses textes. Lesquels racontent chaque fois des rencontres dans le métro ou le train. Des choses qui lui sont arrivées, mettant en scène au final hostilité ou déception.
Jean-Louis Millet propose 7 fragments d’un « psychorama holographique ». Il s’agit de listes assez longues de ce qu’on pourrait appeler des données à la fois abstraites et précises. Exemples pris presque au hasard : La valise éventrée des restes du quotidien d’une vie ou La croûte d’une banquise dans la fermentation d’un rêve ou encore, avec, pour le coup, une image L’ombre d’un pommier vivante au moindre souffle d’air Cette accumulation de traits, ayant pour point commun l’article défini, tend à rendre réel un univers hétéroclite et poétique. Ajoutons que ces listes sont seulement interrompues parfois par un Question/ réponse ou la réponse vient avant la question. Réponse : dans l’ombre de la lumière / Question : Où est la seule réalité ?
Marc Guimo est l’auteur du tout récent Polder (Co-collection Décharge/Gros textes) : Un début de réalité. Il donne ici des extraits d’un ensemble dans la prolongation intitulé : « Réalité dispersée ». On reste dans la même logique. Le problème du mur, c’est qu’il ne croit pas naturellement à la fenêtre. On est toujours à la limité de l’absurde et du fantastique. On est allé trop loin / En ne bougeant pas L’auteur n’est pas fixé sur la forme, passant facilement de l’aphorisme au long poème, avec ce vers final : Voulez-vous qu’on rajoute une musique d’ascenseur qui descend ?
Enfin Pablo Gelgon qui, en tant que charpentier, sait parler des « Mains qui voyagent » : Elles n’en finissent plus de saigner sur le beau bardage d’épicéa / On voudrait bien avoir des mains comme un pied de biche et soulever / Agripper sans avoir peur de rien suinter / On voudrait bien l’oublier l’écorchure / La bonne vieille croûtasse / La main finit par ajuster la manière…
Deux résonances critiques à propos de recueils de Walter Rhuhlmann et Murièle Modély et le tour est joué.
Illustrations d’Arnaud Martin : sensible à l’expressionnisme et au romantisme sombre du XIX° siècle et à la mélancolie sous toutes ses formes…
Rappel : On se procure le polder de Marc Guimo : Un début de réalité contre 6 €, à nos éditions (4 rue de la Boucherie - 89240 - Egleny). Paypal possible : ici.
MERCI à Jacques Morin !
Lien : http://www.dechargelarevue.com/Nouveaux-Delits-no-59.html
11:45 Publié dans CE QU'ILS EN DISENT | Lien permanent | Commentaires (0)
26/01/2018
Nouveaux Délits n° 59 - Pénélope Corps
Deux des poèmes de Pénélope Corps publiés dans ce numéro. Lus par Cathy Garcia Canalès.
11:18 Publié dans POÉSIE VIVE | Lien permanent | Commentaires (0)
24/01/2018
Tu écris des poèmes de Murièle Modély
éditions du Cygne, novembre 2017
95 pages, 12 €.
« Tu écris des poèmes », écrit l’auteur, s’adressant à elle-même en usant de ce tu, ce tu qui résonne comme une affirmation ou une accusation, une violence ; aussi bien un silence épais qui vient boucher la sortie des mots qu’un débordement de mots pour recouvrir le silence. Le volcan revient souvent dans l’écriture de Murièle Modély, on pense bien-sûr à l’île de la Réunion, un volcan peut-être « vibrant et lumineux comme le mot racine| dissimulé dans ta première dent de lait ». Volcan métaphore aussi de ce qui couve dans les entrailles, sous la croûte du quotidien, ce qui brûle et déborde par la moindre fissure, tantôt montagne solide, muette et impassible, tantôt menace d’explosion quand le solide pris de fièvre intense se fait liquide, salive, sueur, sperme, cyprine, alors tout tremble et les mots dévalent « dans tous les sens| à bride abattue| jusqu’à respirer sur la table| l’odeur de langue coupée. »
Le poème sourd de l’intérieur, il vient dire quand dire est trop difficile, voire impossible. « Tu écris des poèmes| lorsque tu sens le réel se dérober| dès l’instant où personne ne te comprend| et vice et versa où tu ne comprends personne ». Alors le poème jaillit du cratère, du gouffre : « comme le poème, tu as un trou au milieu de la phrase ». Chez Murièle Modély, les poèmes suintent de ce trou, forment le corps du poète. « Tes poèmes sont n’importe quelle partie de ton corps| n’importe laquelle (…) sauf la tête. »
Le poème est l’hameçon — l’âme-son — au bout du fil, lancé à la mer des réseaux sociaux — à l’amer ? — où « le vers même minuscule » doit « s’ébrouer contre un dièse ». Et la poète du XXIe siècle pêche des émoticônes, elle n’écrit plus, elle tapote, elle a mal au clavier, mais reste « la danse des canines| leurs morsures affairées dans la pulpe des doigts » pour conjurer le banal qui tue.
Le banal et ses petites phrases assassines quand l’amour est un point d’interrogation. « Il dit – passe moi le sel | et la mer chavire le poème ». Pour ne pas sombrer, la poète n’en finit plus de rafistoler son radeau, elle fait corps avec lui. Le poème est son mat, sa colonne vertébrale, il est une « torsion vibrante au niveau du pubis » et dans le naufrage quotidien, il sublime son cri, tandis que « dans la vie de tous les jours », elle avale un cachet ou achète « des choses inutiles| en bonne jouisseuse compulsive d’objets. » Pour combler le gouffre, taire les angoisses, alors que le poème lui il sait. Il sait parce qu’il est le corps des angoisses, le corps qui dit, le corps qui suinte.
La poésie de Murièle Modély surgit d’un tréfonds moite et obscur, d’une préhistoire qui ne trouve pas sa place dans un monde aux lignes bien droites qui avance et « déroule sous ses semelles| les choses concrètes et laides ». Alors Murièle Modély écrit « avec la langue, à quatre pattes dans la rue », elle « lèche l’herbe, les cailloux, les traces de pas ».
Elle écrit des poèmes, des « poèmes rouges, menstrués et vibrants » et dit l’essentiel en trois lignes :
« tu as la sensation
quand tu écris
d’être. »
Et le lecteur à la lire, se sent lui aussi plus vivant, la poésie de Murièle Modély pulse et bat comme le cœur d’un volcan sous la terre.
Cathy Garcia
Cathy Garcia
Murièle Modély est née en 1971 à Saint-Denis, île de la Réunion. Installée à Toulouse depuis une vingtaine d'années, elle écrit depuis toujours, essentiellement de la poésie qu’elle publie régulièrement sur son blog : https://l-oeil-bande.blogspot.fr/. Elle présente un penchant fort pour les regards de côté, elle cherche encore et toujours la mer, elle guette sous la lettre le noir / le blanc... Elle a participé par ailleurs à des revues poétiques ou sites : Nouveaux Délits, Microbe, Traction Brabant, L'Autobus, FPDV, etc. Tu écris des poèmes est son troisième recueil publié aux éditions du Cygne, elle a publié également Rester debout au milieu du trottoir aux éditions Contre-Ciel et Sur la table chez Qazaq.fr, ainsi qu’un délit buissonnier de Nouveaux délits, Feu de tout bois, en 2016.
22:29 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
22/01/2018
Civilisé de Walter Ruhlmann
Urtica, juillet 2017
42 pages, 7 € (port inclus).
La tendreté est un mot de boucher
Civilisé est à prendre à rebrousse-poil, car ce terme prend ici une connotation péjorative. Walter Ruhlmann nous livre un recueil sans concession, sombre, parfois brutal et désespéré.
J’écrase les mégots dans des tasses de thé,
je sens le gaz souffler à mes narines,
un air marin de pacotille.
Éros et Thanatos se livrent à une danse plutôt macabre et c’est Thanatos qui mène. Civilisé fait partie de ces recueils qu’il est bon pour un auteur de cracher, le genre de crachat qu’on balancerait à son reflet dans la glace, un reflet que l’on a du mal à supporter. Éros ici est dénudé de ses rêves et parures, le reflet dans la glace est sans pitié, reste alors le sexe et la mort, et quand même le sexe a un goût trop amer, reste la mort qui nous dévisage. Civilisé, c’est déjà mourir à son être le plus profond, c’est peut-être le trahir. Walter Ruhlmann se dévisage lui-même ici, se débite même, corps tout entier, sucs et tripes. Un regard impitoyable qui englobe ses semblables et dissemblables.
Elle navigue en radeau sur des rivières d’éthers,
des lacs de méthadone brûlée,
des ruisseaux de lisiers.
Le glauque, l’infâme hantent ces pages, et la mort du père est une blessure qui demeure à vif.
Père
j’écris depuis le sac
enfermé comme un chat
prêt à être noyé
Le corps se délite et la peur, la douleur, deviennent rage.
J’aurais besoin de profondeurs,
De ces abysses incommensurables :
Les trous béants, les failles sans fond,
Les caves ouvertes comme des bouches prêtes à sucer.
(…)
Superficie douteuse, superficiel je suis,
les profondeurs me recrachent, elles me vomissent
Walter Ruhlmann comme le figure l’illustration de Norman J. Olson en couverture, se livre nu, plus encore, il nous déroule ses entrailles, matière et odeur et comme le hurle le titre du dernier poème « Tu pue sapiens ». Il y a pourtant comme une quête sous-jacente dans ce recueil, une quête de pureté sans avoir besoin de se trahir, pureté que l’auteur va chercher dans un passé mythique personnel où les princes auraient des ailes, mais toute histoire a une chute, tout nous ramène au sol et le sol à la pourriture. Difficile de trouver une rédemption à la condition humaine, le civilisé n’a jamais eu cette innocence originelle où les anges ne salissent pas leurs ailes et où la chair ne serait pas corruptible. Civilisé cherche à tâtons dans le noir, la moiteur, la profusion des corps, sa nature perdue et ce jusqu’à l’excès et la turpitude.
J’ai passé tant de nuits à baiser,
sucer des queues tendues,
caresser des peaux ternes, des poils gris
(…)
Un hôtel sans limite
le ciel seul comme frontière
(…)
Et j’attendais mon tour
le cul dressé à plaire
La nature qui elle-même dans ce recueil nous renvoie souvent une image sombre et abjecte.
Chacals, vautours, freux, scolopendres
tous viendront goûter à ma viande
Civilisé veut dire mentir et c’est de ce mensonge obligé que suppure la haine de soi. Ici les mots deviennent des armes de vérité, pour dire ce qui ne se dit pas, pour dire ce que le civilisé est censé taire.
Inspirer la fumée par tous tes orifices,
le cul branché en permanence sur les fourmilières chatoyantes
chatouillé des cuisses à la nuque
anus gonflé par les piqûres d’insectes,
ou par la bite de tes contemporains :
vas te faire enculer.
Il y a de la noirceur, de la lucidité et aussi beaucoup de tristesse dans ce recueil.
Tu ne détestes rien, tu aimes ce qui vient,
tu n’es qu’un trou de plus
avalant les ruisseaux gras,
goûtant leurs flots infâmes
Mais on ne peut s’empêcher de voir au-delà de cette obscurité, car la force qui habite ce recueil est de celle qui sait crever les ténèbres.
Cathy Garcia
Walter Ruhlmann enseigne l’anglais. Il a dirigé mgversion2>datura de 1996 à 2017 et les éditions mgv2>publishing de 2008 à 2017. Walter est l’auteur de recueils de poèmes en français et en anglais et a publié des poèmes et des nouvelles dans diverses revues dans le monde entier. Son blog : http://thenightorchid.blogspot.fr. Certains des textes de Civilisé sont parus dans Axolotl, Le capital des mots, Journal de mes paysages, Mes paysages écrits, Libellé, Le livre à disparaître, Microbe, Mots à maux, Nouveaux délits, Traction-Brabant & mgversion2>datura.
20:05 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
15/01/2018
Revue Nouveaux Délits n°59 lu par Patrice Maltaverne
article en ligne sur son blog : http://cestvousparcequecestbien.blogspot.fr/
L'édito et les chroniques (des livres de Walter Ruhlmann et Murièle Modely) sont de Cathy Garcia.
Les illustrations (dont celle de couverture) sont d'Arnaud Martin.
Extrait de ce n°59 de "Nouveaux Délits", un poème emblématique (au-delà de la revue même, je trouve), de Pénélope Corps :
"quand on en aura marre
de suivre le sens de la file
et de procéder comme indiqué sur les panneaux prévus à cet effet
quand on vomira la ville les murs les agents de sécurité
quand on aura pigé la dictature des images
les petits parasites vicieux
sous la peau dans la bouche et dans les trous
les salles de cinéma bondées
le besoin de se remplir les orifices pour avoir l'impression d'exister
quand de la pluie nous brûlera le visage
et que le vin n'aura plus d'effet
quand des bébés naîtront avec les bronches atrophiées
et qu'on sera devenu des animaux malades
quand les déflagrations nous amèneront au fond des forêts
nous et nos morceaux de corps
peut-être qu'on fermera nos gueules enfin
qu'on finira par entendre quelque chose
peut-être qu'on reviendra aux arbres
et qu'on arrêtera de faire semblant de savoir
à propos de rien
du silence et de l'eau
peut-être qu'on improvisera
quelque chose avec les pierres
avec les pieds
et la constance des oiseaux
et puis
un jour ils viendront tout raser
tout dévaster
tout détruire
fleurs sauvages ombres cailloux poumons
par transgression
par jeu
par nécessité
avec des pierres
avec les pieds
alors restera deux ou trois photos floues
sûrement mal cadrées
ce genre de photos qui fout un peu les boules
tu sais ?"
20:49 Publié dans CE QU'ILS EN DISENT | Lien permanent | Commentaires (0)
02/01/2018
Revue Nouveaux Délits n°59, éclosion !
Eh bien voilà revenue l’année nouvelle ! Nous savons que ça ne veut pas dire grand chose, mais si ça peut nous permettre de nous sentir de même un tant soit peu neufs, décidés à laisser derrière nous le pesant et l’obsolète... Une nouvelle chance, un nouveau départ, un peu de poudre de perlimpinpin qui brille, une virginité en toc, un lustre qui disparaitra en deux coups d’éponge, mais quelques secondes de rêve, ce n’est pas rien, alors on ne va pas se les gâcher en faisant du mauvais esprit, surtout quand on s’appelle « Nouveaux Délits ».
Si la lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil, comme l’écrivait Char, alors elle est au soleil pendant que d’autres sont au bureau, aussi spacieux soit-il. Alors, fait-elle vraiment souffrir cette lucidité ? Et si elle était justement la garante du rêve ? Entre la transparence et l’opacité, il y a la beauté de la translucidité, ce qui n’est pas sans rapport avec la poésie.
Aussi, je vous invite sans plus de blabla à la découverte des poètes de ce nouveau numéro. Je les ai choisis avec mon meilleur mauvais goût, clin d’œil à de pauvres petites idées fixes et préconçues et donc pas très neuves, de ce qu’est, doit être et ne peut pas être la poésie. Ne cherchez pas, la poésie n’y est déjà plus ! Souhaitons-nous plutôt de tirer le meilleur jus de cette année inédite et de le boire en chantant à tue-tête. Soyons sérieux : rions beaucoup et aimons plus encore !
Bonne année 2018 à vous toutes et tous et que la paix ferme le bec des imbéciles qui ne laissent pas passer la lumière.
CG
La poésie n’est pas un art pur, indépendant. Elle n’est que révélatrice. La poésie n’a pas besoin d’être, c’est tout le reste qui n’est pas, sans elle.
Cathy Garcia in Qué wonderful monde
(Nouveaux délits, coll. Les délits vrais éd. 2012)
AU SOMMAIRE
Délit de poésie dans l’irrespect total de la parité (mais c’est LA poésie) :
Pénélope Corps
Benoit Arcadias
Jean-Louis Millet avec six fragments de Psychorama holographique
Marc Guimo et des extraits de sa Réalité dispersée
Pablo Gelgon
Résonances :
Civilisé de Walter Ruhlmann, Urtica 2017
Tu écris des poèmes de Murièle Modély, Éd. du Cygne, 2017
Délits d’(in)citations, petits flocons mignons qui fondent au coin des pages.
Vous trouverez le nouveau bulletin de complicité au fond en sortant, il est en tout point pareil que l’ancien, en digne résistant à la hausse des tarifs postaux.
Illustrateur : Arnaud Martin
http://www.arnaudmartinpeintre.com/
L’homme d’Osa
Il descendait de la montagne,
il rentrait chez lui,
on lui a fait traverser le fjord
depuis Osa jusqu’à Öydvinstö.
Il avait la main ouverte,
il a offert de payer.
Mais l’homme d’Osa
Ne voulut rien entendre.
– Je veux payer ;
j’habite trop loin
pour te rendre la pareille.
– Eh bien, rends service
à un autre homme,
dit l’homme d’Osa,
et il reprit les rames.
Olav H. Hauge
in Nord profond
Et toujours de la poésie À ÉCOUTER (et autres délires vocaux) sur http://cathygarcia.hautetfort.com/donner-de-la-voix/
et sur la chaîne youtube Donner de la voix.
Du fait maison avec les moyens et la technicienne du bord, pour le plaisir et le partage.
Nouveaux Délits - Janvier 2018 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits Coupable responsable : Cathy Garcia Illustrateur : Arnaud Martin Correcteur : Élisée Bec http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com
16:32 Publié dans ÉDITOS & SOMMAIRES | Lien permanent | Commentaires (0)
Cathy Garcia - Sursis
Paru en octobre dernier
SURSIS
Treize micro-fictions poétiques, bizarres, décalées, dérangées… Dérangeantes ?
« Je l'observe avec étonnement et soudain, je vois ses lèvres venir s'écraser contre le rempart de verre et son regard virer au gris. Je la vois se retourner sur elle-même, cette crispation soudaine qui ne trompe pas. Je me demande, l’espace d’un instant, si elle pourra obtenir rapidement son sursis, puis je m'éloigne, je voudrais profiter du mien. »
10 € + 1,50 de port
neuf collages originaux (impression nb)
28 pages agrafées
papier 90 g calcaire,
couverture 250 g calcaire
100 % recyclé
autoédité à tire d’ailes
De cet ouvrage, a été réalisé un tirage de tête (épuisé) limité à 13 exemplaires, numérotés et signés avec illustrations en couleurs. Ces collages de format A4 sont maintenant en vente. Visibles sur http://ledecompresseuratelierpictopoetiquedecathygarcia.hautetfort.com/
Nouveaux Délits - Janvier 2018 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits Coupable responsable : Cathy Garcia Illustrateur : Arnaud Martin Correcteur : Élisée Bec http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com
16:30 Publié dans QUATRIÈMES DE COUVERTURE | Lien permanent | Commentaires (0)
26/12/2017
Soliflore 56 - Maxime Deprick
Edward Hopper - Chop suey, 1929
Le peintre de la terrasse
Je suis le peintre de la terrasse. Celui qui voit les gens à travers les culs de verres. Celui qui trompe son crayon dans les couleurs de la ville tentaculaire. L’aube et le crépuscule forment ma parenthèse. Avant, après, je disparais. Pendant, j’esquisse, je gribouille, je trafficote, je brouillonne, je mange des cacahuètes et j’observe.
J’observe tout, surtout les bouches. Une bouche guimauve, une bouche bavasse, une bouche pincée, une autre relâchée, encore une bouche triste, beaucoup de bouches tristes ces temps-ci. La bouche, c’est un peu comme le dernier tiroir de la commode, là où on planque son histoire : malléable au fil des récits mais jalonnée de faits essentiels à sa construction. La bouche, c’est la juxtaposition de toutes ces photos du dernier tiroir de la commode. C’est un aboutissement et une cacophonie. Une halle de marché et un grenier rongé aux mites. Et c’est ce que je dessine, la bouche et son histoire. Je m’assieds sur une terrasse chauffée et j’attends que les perles multicolores jaillissent de l’antre aux contes sans fin. Et alors j’esquisse, je gribouille, je trafficote et je brouillonne. Et je mange des cacahuètes. Mon vocabulaire se définit par les formes de ces perles : un elle, un lui, un on, un toujours, un jamais, un éclair, une madeleine ou un verre de cognac. Et parfois, j’ajoute un nuage.
Ça fait beau un nuage entre mes formes, ça fait respirer le dessin. J’ai tout un répertoire de nuages. Pour les colériques, il y a le nuage gros et gris, porteur de pluie et de remords que je dessine toujours en deux parties. Pour les amoureux, il y a le nuage duveteux, léger, effleuré par le soleil ; le nuage rose et violet, bleu et doré. Pour les simples d’esprits, il y a le nuage-mouton qui me plaît parce qu’il me dit que le ciel est toujours une cour de récré. Et puis, pour les gens importants, il y a le nuage pet-de-lapin, le nuage qu’on ose pas assumer, comme si on ne pouvait plus faire des nuages qu’on fumant des cigarettes à la pause. Et on s’efforce de faire le plus de nuages possible, mais le seul qu’on fait vraiment, c’est le nuage pet-de-lapin quand une fois par jour ou par semaine peut-être, on se permet de rigoler de quelque chose qui est drôle, et pas de quelque chose qui est triste. Pour les enfants, je fais quasiment que des nuages, mais dans ce cas, les formes sont des nuages, aussi grand, aussi colorés, aussi variés que les perles de leur imagination, quand par exemple ils expliquent avec leurs mots qu’ils ont vu une fée, une vraie, avec des ailes et qu’elle brillait, et que même s’ils l’ont pas vu longtemps, ils l’ont vu tout de même et maintenant plus de doute, les fées existent bien. Ou quand ils ont vu un gros monsieur se moucher avec un bruit de tonnerre et que le monsieur a regardé dans son mouchoir avant de le ranger, et qu’ils trouvent ça dégoûtant, mais qu’en cachette de leurs parents, ils t’en gobent une en passant, ni vu ni connu.
Je suis le peintre de la terrasse et je m’amuse de leurs vices, de leurs vertus, comme d’une araignée aux poils si longs qu’elle trébuche sans cesse et forme des lambeaux de toile le long de son logis – comme d’un monstre extraordinaire et malicieux, qui entre sans frapper dans vos rêves de vies sérieuses et n’en ressort que lorsque le tour est joué. J’interroge alors mon araignée : Tisse-perle, quel est mon nuage aujourd’hui ?
https://www.facebook.com/Mezimezak/
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02/12/2017
Nouveaux Délits n°58 sur Radio Galère (Poésie du Guatemala en version bilingue)
Dataplex / Résistances Musicales du mardi 28 novembre 2017 avec Damien Morel, Laurent Bouisset, Annette Zingle et Jean-Marie Nicolas, Antonella Porcelluzzi et Nicolas Guyot + les voix enregistrées de Cathy Garcia, Ana Minski et les auteurs guatémaltèques, par ordre d'apparition : Julio Serrano Echeverría, Regina José Galindo, Luis Carlos Pineda et Vania Vargas.
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27/11/2017
Numéro 58, live sur radio Galère, 28 novembre à 22h
Demain soir, c'est-à-dire mardi 28 novembre 2017 à 22h sur Radio Galère, en direct de La Friche de Marseille : émission DATAPLEX / RESISTANCES MUSICALES consacrée intégralement au numéro 58 de la revue Nouveaux Délits spécial Guatemala (celui que j'ai eu la chance de coordonner, traduire et préfacer, grâce à l'aide précieuse et dynamique de Cathy Garcia). Lectures d'Antonella Eye Porcelluzzi, d'Annette Zingle et Jean-Marie Nicolas, de Cathy Garcia et moi-même + tous les auteurs de la revue (ReginaJose Galindo, Julio Serrano Echeverría, Luis Carlos Pineda, Vania Vargas) ayant envoyé leurs textes enregistrés en VO pour l'occasion. Lectures bilingues et forcément intenses que l'on pourra écouter partout sur terre à l'adresse suivante :
Monterez-vous dans le train à temps ? Sinon, il y aura un podcast, ne vous en faites pas, il devrait arriver en fin de semaine au plus tard...
Laurent Bouisset
21:23 Publié dans POÉSIE VIVE | Lien permanent | Commentaires (0)
23/11/2017
Soliflore 55 - Évelyne Charasse
(photo : David Moynahan)
Quand
L'océan
S'éloigne
La plage
Se ride
Quand
Il revient
Elle rajeunit
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16/11/2017
Soliflore 54 - Jasmin Limans
(photo (c)Alain Hugonenc)
(Mimi, 18 cité Besson.)
Elle pleure en pelant des oignons. C'est une occupation précieuse, que trop de gens sérieux négligent. Elle avoue, au passage, qu'un de ses amis médecins, suite à ses recommandations, prescrit désormais à ses patients de peler et manger au moins deux fois par semaine, ses propres oignons. Elle dit ça fièrement, sans fausse humilité. Elle ne fait pas semblant. Il y a longtemps qu'elle n'a plus de prétention. Elle n'a pas de temps à perdre. Elle a 81 ans. Elle a, comme ça, des ordonnances étranges, que personne ne comprend. Elle dit que le monde meurt à cause de ça : des gestes de la main qui disparaissent ou que l'on oublie et des oignons qu'on ne mange jamais assez toute seule. Elle ne va pas plus loin. On n'en sait jamais plus.
Je mange mes oignons, moi. Tous les jours, alors, deux fois par semaine, quand même, vous pourriez faire de même.
Elle mange ses oignons de différentes façons : seule, dans le salon, après les avoir cuits à la vapeur, ou bien couchée dans son lit, coupés en petits dés, qu'elle dispose en cavaliers sur des tartines de beure. Parfois, elle se contente de les dévorer crus, assise en tailleur. Souvent, elle les accommode à une soupe aux orties. Quand elle n'a plus d'idée, elle les fait revenir. Elle dit que c'est moins saint, que c'est au poil, c'est tout. Elle ne s'attarde pas. Elle dit que les oignons, un rien les accompagne, qu'ils se marient à tout, qu’ils s’accommodent toujours, qu'ils sont faciles à vivre malgré nos sautes d'humeurs.
Elle dit que les oignons, c'est l'explication même du sens de l'univers. Elle en est sûre et certaine et selon elle, plusieurs textes sacrés, encore mal traduits, l'approuvent.
Elle fait famille, comme ça, depuis des décennies et des mauvaises décisions, des divorces et des morts avec les Amaryllidacées et les Asparagales.
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11/11/2017
Soliflore 53 - Jacques Lallié
Encens
Un thé du Luxembourg
Cheveux argentés
Yeux bleus vaporeux
La voix lente et suave de Jeanne
Et son parfum violet
Plus tard
Imprégné de l’odeur de cette rencontre
Retrouvaille remontant les âges
Le sourire solaire d’Alice
De femme à femme
Le chemin est tendre
(c)photo prise par l'auteur
10:43 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)
09/11/2017
Pas de soumission
Étonnante cette façon de formuler : soumettre des poèmes...
J'ai beau être revuiste, quand je lis comme objet de courrier "soumission de poèmes" ça me fait un peu mal....
Poètes, proposez vos poèmes, offrez-les, dites-les, chantez, hurlez, mangez, déchirez, brûlez vos poèmes mais ne les soumettez jamais !
21:11 Publié dans PAROLES VIVES | Lien permanent | Commentaires (0)
06/11/2017
Fête du livre et de l'image d'Arcambal, 24-26 novembre 2017
Cathy Garcia et Nouveaux Délits sont invités au salon du livre
dans le cadre de la Fête du livre et de l'image d'Arcambal, 3ème édition
12:19 Publié dans QUOI DE NEUF ? | Lien permanent | Commentaires (0)
05/11/2017
Soliflore 52 - Paul Dalmas-Alfonsi
photo de l'auteur
des giboulées de pluie
et de neige mêlées
jusque tard
hors-saison
renardeau vs rat – corneilles
en éveil au sommet
des lauzes
pour un écart au sens
des mots
une griffure qui s’emporte
et ton passé
mal résolu
sous arguments
d’autorité
renardeau vs rat – corneilles
en rappel au milieu
des toits
08:51 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (4)
02/11/2017
Soliflore 51- Marcel Moratal
(c)Sandrine Gateau
Condiments
Il n'y en a plus
plus de cornichons
Sont tous partis
sans dire au revoir
même pas un signe
au p'tit oignon blanc
resté tout seul
au fond du bocal
dans son vinaigre blanc
c'est peut-être çà la solitude
tout seul au fond d'un bocal
dans du vinaigre blanc
10:43 Publié dans LES SOLIFLORES | Lien permanent | Commentaires (0)