Revue Nouveaux Délits n°61 - Arnaud Martin
Quelques-uns des très courts poèmes d'Arnaud Martin publiés dans ce numéro, eux-mêmes extraits d'un ensemble intitulé Renaissance des Lumières. Lus par Cathy Garcia Canalès.
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Quelques-uns des très courts poèmes d'Arnaud Martin publiés dans ce numéro, eux-mêmes extraits d'un ensemble intitulé Renaissance des Lumières. Lus par Cathy Garcia Canalès.
coll. Sur le billot, 2016, réimpression 2017
74 pages, 12 €.
« Rien ne dure éternellement, mais tout continue à continuer »
Lame de fond a quelque chose du carnet intime que l’on emporte partout avec soi pour y noter nos météos intérieures, sauf que dans Lame de fond, le besoin d’écrire est motivé par un évènement précis : la perte. La perte et l’absence définitive d’un être cher et ce besoin soudain, cette urgence de tout plaquer, pour aller le retrouver sur les lieux qui rallumeront la mémoire. Partir les mains vides avec cette part de soi plus ou moins enfouie que la douleur vient raviver.
Ici l’être cher — mais l’auteur ne le dit pas, on le devine au fil des pages — c’est un grand-père, un grand-père vieux loup des mers adoré, un homme des grands espaces, un homme libre.
« Avec toi, tout est permis. Avec toi, on chahute l’apparence des choses ordinaires, on colorie le monde. »
Mais il ne s’agit surtout pas de rendre un hommage édulcoré au disparu.
« Non, tu n’étais pas parfait. Mais c’est ainsi que je veux me rappeler de toi. Avec chacun des fils dont ta peau d’homme était tissée, les rêches comme les soyeux. »
Et le lieu vers lequel le deuil renvoie l’auteur est un espace-temps, celui de Cancale en Bretagne et celui de l’enfance. Car avec les êtres chers qui nous quittent, ce sont comme des parts de nous qui s’en vont et que seule la mémoire peut convoquer. L’écriture sert alors de catalyseur et de fixateur.
« Des détails en forme de graines semées dans le terreau de l’enfance. Giboulée de souvenirs. Tout cela me semble tellement loin et si présent pourtant. Comme un paysage miniature dans une boule à neige. »
L’écriture de Marlène a toujours été juste, précise, percutante. Dans Lame de fondelle se polit comme un galet roulé par la mer dans le sable. La douleur non seulement ramène à l’essentiel, mais dénude aussi ce qu’on pourrait appeler l’âme. Il est impossible de tricher avec la mort, elle met le doigt sur toute notre fragilité, met en relief tout ce qui est creux, vide et artificiel en nous et dans nos vies.
« Quel contrat tacite nous oblige à penser en terme d’avenir professionnel, de confort matériel, en termes de consommation, de concurrence, d’efficacité, de sacrifices, en termes de famille à fonder, d’enfants à éduquer, de vacances à planifier ? Doit-on nécessairement être raisonnable, responsable, capable d’adapter sa ligne de conduite à la société, se fondre dans la masse ? (…) Est-ce qu’on se laisse décolorer l’âme sans même le remarquer ? »
Dans toute famille, on peut espérer qu’il y ait au moins une personne qui nous transmette quelque chose qui a à voir avec l’essentiel, c’est le cadeau le plus précieux que l’on puisse faire à quelqu’un, c’est comme un nécessaire de survie. Le grand-père que Marlène évoque est de ceux-là, aussi son absence a la capacité de la rendre à elle-même avec une force et une acuité telle que la douleur de la perte devient une leçon de vie, intense.
« Cours ma belle ! Nage dans le ciel. »
La douleur anesthésie mais l’amour qui transcende la perte exacerbe au contraire tous nos sens, nous rend plus vivants que jamais. Et la mort du grand-père fait germer, dans le cœur de celle qui écrit, le noyau de l’enfance.
« Je marche à reculons, à rebrousse-temps et j’ai enfin l’impression d’avancer dans la bonne direction. »
Marlène nous offre un très beau livre, sensible, il ne peut laisser indifférent, il vient nous toucher, nous bouleverser, au plus secret de nous-mêmes, là où nous planquons nos plus grandes joies et nos plus grandes peines. Comme une lame de fond, il nous prend et nous retourne.
« Je trinque à ton éternité en buvant l’horizon, d’un trait. »
« Tu m’avais prévenue : “tout n’est que commencement.” »
Cathy Garcia
Marlène Tissot est venue au monde inopinément. A cherché un bon bout de temps avant de découvrir qu'il n'y avait pas de mode d'emploi. Sait dorénavant que c'est normal si elle n'y comprend rien à rien. Raconte des histoires depuis qu'elle a dix ans et demi et capture des images depuis qu'elle a eu de quoi s'acheter un appareil. Ne croit en rien, surtout pas en elle, mais sait mettre un pied devant l'autre et se brosser les dents. Écrira un jour l'odyssée du joueur de loto sur fond de crise monétaire (en trois mille vers) mais préfère pour l'instant se consacrer à des sujets un peu moins osés.
La sirène étoilée, novembre 2017
47 pages, 12 €.
« le bout du monde ressemble au début du monde »
Ce recueil est un hommage, un magnifique et poignant hommage à une terre et à ses habitants disparus.
« L’horizon les dents du vent
aimantent les solitaires
les rêveurs de rupture
ceux qui ne craignent de se rencontrer »
C’est ainsi qu’il faut comprendre le « ma » devant Patagonie : non pas une appropriation conquérante des lieux, pas comme un adjectif possessif donc, mais comme la perception très personnelle de l’auteur au-delà de ce qui se donne à voir aujourd’hui.
Devant l’immensité des paysages, la puissance de leur mémoire et leur beauté qui raconte ce qui fut, elle s’incline avec humilité et une grande sensibilité.
« savoir se taire quand on écrit »
Ce n’est pas le premier recueil de Guénane qui évoque la Patagonie, mais ici elle s’attache avec les maigres outils du poète — « en poésie aucun mot n’est cloué/ il n’a aucune prise » — à rendre âme et justice aux premiers habitants de ces terres :
« Indiens Tehuelche
nomades aux empreintes géantes
onze mille ans de présence
(…)
civilisation Évangiles tourments
hommes blancs qu’ils voyaient roses
les Yámana s’éteignirent en 15 ans
(…)
1839 « Créatures abjectes et misérables »
Darwin écrit dans son Journal
(…)
Indiens Ona
(…) 1880 carnage
Ona tous traqués immolés
Aucun exil possible sur une île
Toutes ces vies horriblement massacrées et l’arrogante bêtise des « découvreurs ».
(…)
Je voyage en silence
Dans la témérité des traces
Une main posée sur la grotte du cœur. »
Rendre justice aussi aux animaux en péril :
« je regarde cabrioler les baleines
dans un golfe - maternité
(…)
elles sombrent jaillissent
trente tonnes de graisse
de grâce
saluent le ciel replongent »
et à la nature défigurée :
« espérer que son souffle survive
sous les talons du tourisme
(…)
Lointain Sud engagé
dans la prolifération assassine
de nos inutilités ».
Ainsi l’auteur a su capter, non seulement les paysages, mais leur essence même, visions d’un monde disparu. Elle parvient à transmettre au lecteur tout le respect qu’ils lui inspirent, sans tomber dans l’aveuglement d’un romantisme exacerbé, bien au contraire, sa lucidité est vive et aiguisée comme le vent d’été austral « qui garde trace des sauvageries polaires ».
« la Patagonie épineuse érafle
les images faciles
mais elle attire
ses dix millions d’années apaisent
les esprits trop griffés
rassurent les insatiables
les soiffards d’horizon
(…)
La Patagonie c’est elle qui vous explore
ouvre vos brèches fouille votre cœur. »
Ma Patagonie a clairement une dimension écologique et politique engagée. Tout territoire a une histoire, celle de cette « Terre des feux éteints/des rêves consumés » est particulièrement cruelle.
« la colère du vent vient de loin
dans sa voix mugissent des ombres. »
Histoire d’un monde disparu :
« si aujourd’hui les chevaux fiscaux
hennissent sur la piste
la mémoire agrippe les cavaliers du passé
soudés à leur monture ponchos au vent
ils avaient des ailes. »
Et d’un monde sur le point de disparaître sous l’avancée d’un prétendu progrès :
« Le vent happe les dépotoirs sauvages
plaque les plastiques aux buissons
nos indestructibles macromolécules»
et d’un tourisme de masse, « paisible ravage ».
« si tu prononces
Humains
pourquoi cette impression toujours
que s’annonce un déclin ? »
(…)
comment fait-elle l’Histoire
avec ce perpétuel goût de l’échec en bouche
d’où tient-elle cet estomac d’acier ? »
Notre propre histoire finalement, à toutes et tous.
« Si ta mémoire mesure le temps
évite la dangereuse nostalgie
se pencher à la portière de sa vie
c’est déjà la Patagonie »
(…)
Nous gardons tous en nous des lieux que jamais
Nous ne foulerons le cœur tiède »
Ma Patagonie, incontournable.
Cathy Garcia
Guénane est née le 26 juillet 1943 à Pontivy (Morbihan), sa famille ayant quitté la ville de Lorient bombardée par les Alliés. Elle ne se souvient pas avoir appris à lire et à écrire. Elle a commencé à étudier le violon à 7 ans. Elle a grandi au bord du Blavet, un fleuve marin, et a vite compris que chacun porte en lui ses propres marées. Dans les années 1960, elle fait des études de lettres à Rennes ; elle fait aussi partie de la petite troupe de théâtre du Cercle-Paul-Bert et déclame avec le groupe Poésie Vivante de Gilles Fournel, le mot Résistance avait alors son sens fort. Le 24 juillet 1964, avec le poète avignonnais Gil Jouanard, elle rencontre René Char, chez lui, à L'Isle-sur-la-Sorgue, une rencontre intense. Son premier recueil, paru aux éditions Rougerie en 1969, s'intitule Résurgences, un mot emprunté à René Char. Resurgere / renaître ; insurgere / s'insurger : toute sa démarche d'écriture est contenue dans ces mots. Renaître toute la vie à sa manière. Elle a enseigné à Rennes puis elle a longtemps vécu en Amérique du Sud. Années de dictature mais aussi avec la sensation d'avoir foulé les derniers arpents du paradis originel avant l'emballement économique mondial. Elle vit là où le fleuve d'origine qui lui enseigna le large se jette dans l'océan. Dans Un Fleuve en fer forgé (Rougerie), elle évoque son enfance auprès du Blavet en termes durs et implacables. "On ne repeint pas ses lieux d'enfance" dit-elle. Dans La Ville secrète (Rougerie) et La Guerre secrète (Apogée), elle évoque Lorient sous les bombes. Son roman Dans la gorge du diable (Apogée) se déroule dans les dictatures sud-américaines des années 1970-80. Demain 17 heures Copacabana (Apogée) se situe au Brésil dans les années 1970-80. L'Intruse, roman historique (Chemin Faisant) plonge dans le 19 e siècle, du second Empire à la guerre de la Triple-Alliance, l'épopée la plus sanglante de toute l'Amérique du Sud. Le titre de son recueil Couleur femme a été pris comme thème du Printemps des Poètes 20101.
Dernières publications poétiques : Tangerine éclatée, livret, collection La Porte, 2017 ; En Rade 4, brèves de cale illustrées par Pascal Demo et Killian Duviard, édition associative Chemin Faisant, 2017 ; Atacama, éditions La Sirène étoilée, illustrations Gilles Plazy, 2016 ; Le Détroit des Dieux, livret, collection La Porte, 2016 ; La Sagesse est toujours en retard, Éditions Rougerie, 2016 ; Au-delà du bout du monde, livret, collection La Porte , 2015 ; En Rade 3, brèves de cale, illustré par NicoB, édition associative Chemin Faisant, 2015 ; L'Approche de Minorque, livret, collection La Porte, 2014 ; Un rendez-vous avec la dune, Éditions Rougerie, 2014.
octobre 2018
Quand j’ai commencé la revue, dans les premiers numéros, j’étais systématiquement au sommaire. C’était une façon de faire connaître mon travail en même temps que celui des autres auteurs que j’accueillais. Puis devant leur nombre sans cesse croissant et lassée aussi de ma présence, j’ai libéré la place avec joie. Mais le problème des poètes revuistes, comme ces cordonniers (quand il y en avait) mal chaussés, c’est qu’à force de se mettre au service de l’écriture des autres, ils n’ont plus beaucoup, voire plus du tout de temps pour la leur. Il y a aussi un fait : la réciprocité chez les êtres humains — et les poètes ne font pas exception — ne coule pas de source, c’est pourquoi le proverbial « jamais aussi bien servi que par soi-même » prend au final tout son sens.
Alors pour une fois, je reprends un bout de territoire ici, juste le temps de mettre un coup de projecteur entre autre sur la sortie d’un livre à lente maturation auquel je tiens et que publient les éditions Cardère, qui hébergent déjà trois autres de mes bébés. La bonne maison Cardère publie avant tout des ouvrages sur le pastoralisme, la poésie c’est en plus et elle n’a jamais eu l’imbécile idée de choper la grosse tête ou de s’illusionner sur un quelconque pouvoir d’éditeur, pas plus qu’elle ne s’illusionne sur les auteurs eux-mêmes. Une chose est essentielle en poésie — et qui dit poésie, dit vie — : une forme d’humilité. Pas une posture humble non, juste quelque chose de très naturel, humus, humilité, humain, cette racine plantée dans la terre qui nous nourrit et qu’il ne faut jamais oublier, quelle que soit la force et l’envolée de notre imaginaire ou de nos prétentions.
Écrire est une chose, être lu en est une autre. Entre les deux se tissent de fragiles et éphémères passerelles dans lesquelles se prend la rosée de l’aube, trésor qui scintille un instant — précieux instant — avant que le jour ne vienne le boire.
CG
monde de rosée
rien qu'un monde de rosée
pourtant et pourtant
Issa
AU SOMMAIRE
Délit de poésie : Arnaud Martin, Didier Trumeau, Jérémie Tholomé (Belgique) et Cathy Garcia Canalès
Délit de table : « Aujourd’hui c’est raviolis » extrait d’une pièce de théâtre de Marcel Moratal,
Délit de vagabondage : « Une vie de carton », récit nomade de Julien Amillard
Résonance :
Ma Patagonie de Guénane, La sirène étoilée, 2017
Lame de fond de Marlène Tissot, La Boucherie littéraire, 2017
Et un flash spécial sur Calepin paisible d’une pâtresse de poules, le n°2 de la série Délits vrais – poésie postale, qui est passé en format livre en septembre.
C’est aussi la rentrée des Délits d’(in)citation sagement installés au coin des pages et vous trouverez un bulletin de complicité qui n’a pas pris la grosse tête, toujours au fond en sortant.
Illustratrice : Muriel Dorembus
je balaie le sol, allume de l'encens et ferme la porte pour dormir
la natte, comme des rides dans l'eau, la tenture comme de la fumée
ici en étranger, je me réveille, où suis-je ?
je soulève le store de la fenêtre à l'ouest, les vagues rejoignent le ciel
Han Shan
Nouveaux Délits - octobre 2018 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits - Coupable responsable : Cathy Garcia Canalès - Illustratrice : Muriel Dorembus - Correcteur : Élisée Bec
Petite histoire essentielle de la futilité
textes de Bruno Toméra
illustrations originales de Jean-Louis Millet
« Au retour dans la bagnole, intercalé dans la file des pressurés
l'humanité klaxonnait, gueulait, les bras au ciel, pressés
de se jeter corps et âmes dans d'autres emmerdements.
Le connard de derrière habillé en voiture dernier cri
gesticulait dans le rétro, le poing brandi.
Garde toujours le piaf des urgences dans ton cœur
Garde toujours le piaf des urgences dans ton cœur.
Que je me suis dit. »
40 pages agrafées
tirage numéroté sur papier calcaire 100 % recyclé
90 g et couverture 250 g
10 € + 2 € de port
à commander à l'Association Nouveaux délits
http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/delits-buissonniers/
(c)photo de l'auteur
Aimer
La femme est un Temple,
Un lieu sacré à l'image de l'univers,
Un lieu de don de vie, de lumière.
Tu m'as donné un pouvoir
Celui de dédicacer ce sanctuaire.
C'est en toute liberté que je te voue un culte,
Sans liturgie, car tout se crée dans l'instant.
Rien n'est enfermé dans un cadre imposé
L'amour ne peut être emprisonné,
Il vit et se nourrit de chaque instant.
La vie triomphera de tout si nous y croyons,
Elle est pureté comme l'aurore naissante.
Le corps devient une oreille qui écoute l'âme,
Invite-moi au banquet des futures épousailles.
L'absolu du désir ne peut être violence
Il est cette juste certitude qui régit tout.
Cette vérité que l'homme cherche tant
Se situe dans son exacte liberté de conscience.
Allons là où se situe ce secret qui nous anime
Le reconnaître, c'est soulager son cœur.
(c)Alvaro Sanchez
Tu n'as pas d'empreinte
Hormis la cendre
Pas de nom
Excepté celui hurlé entre les dents dont tu es né
- L'injure de l'oubli dans ta gorge
Fore un puits de lave dans ta poitrine
Mais il faut bien s'empreindre d'un avenir -
Tu n'as de nom que celui écrit par dessus
Le tien le leur a eux qui t'appelaient
Par ce nom hurlé entre les dents
Qui devaient te déchirer
Dont tu devais mourir
Pas trace de toi avant que tu t'imprimes
Sur les murs et les pages et les écrans
Avant que tu détournes les voies toutes tracées
Par ton nom et ceux qui te nommaient alors
Vers d'autres lieux vers d'autres corps
Tu n'as d'empreintes
Que dans la cendre de qui tu fus
De qui tu fuis en lui fermant les yeux
Le laissant vivre de son aveuglement
Dans cet ailleurs qui fut toi
photo de l'auteur
elle mue d’arbre en arbre. apparition enlacée au cuivre du soleil. d’une marche lente. jamais à l’abri. majesté venue d’ailleurs. mal de rêveur, son agenda toujours ouvert. contre la pierre entrebâillée qui traîne sous la pluie. son brouillon épuisé de ville. ce quelque chose dans le pain. elle sauvera l’autre rêveur. qu’elle impose. au rythme de l’invisible ciel qui respire l’onde blonde, la présence, le geste libre. elle, la paix. elle anime le « i » d’aimer. se déporte avec le pollen et le vent. part encensée. passage secret. pour nous trouver enfin.
Ce n’est certainement pas à l’excellent qualité des contenus et des projets que renvoie le terme « pauvre » – mais comme pour ce qu’on nomme « l’art pauvre », je voudrais par ce titre souligner l’inventivité, les maigres ressources (les abonnements et l’investissement bénévole des revuistes), et ce génie de l’utilisation des bouts de ficelle qui permet de concocter des revues ne le cédant en rien aux plus connues, mais qui vivent à la marge, en raison de la confidentialité de leur diffusion.
« Nouveaux Délits, revue de poésie vive » en est un excellent exemple : de petit format (une feuille A4 pliée en 2), agrafée sous une couverture rousse, il offre 54 pages d’excellente poésie accompagnée d’illustrations en n&b – un illustrateur différent invité pour chaque numéro – imprimée sur papier recyclé : « Du fait maison avec les moyens et la technicienne du bord, pour le plaisir et le partage. » ainsi que le déclare la maîtresse d’œuvre, la poète Cathy Garcia, qui mène contre vents et marées cette entreprise depuis 15 ans, et à laquelle je cède la parole en recopiant l’édito du numéro 60, dans lequel on lit l’enthousiasme et les difficultés de l’entreprise. (...)
"Ce n’est pas quelque chose sur quoi j’aime m’étaler mais il faut savoir peut-être que si cette revue existe, c’est par une sorte de passion entêtée de ma part, car elle est réalisée (volontairement) sans subvention et bénévolement, dans un contexte de précarité permanente, qui a d’ailleurs tendance à s’accroître d’année en année et ce numéro 60 a eu un accouchement particulièrement difficile. Cependant, je crois bien qu’au final, c’est un beau bébé ! Un peu étrange, douloureux même, mais riche de toute sa complexité humaine et de cette énergie qui passe dans les mots, qui les traverse et parfois nous transperce, cet appel d’air, ce désir indéfinissable de saisir, en nous et hors de nous par les filets de la parole, ce qui le plus souvent demeure insaisissable.”
Feuilletons ensemble ce numéro fatidique : après l’édito que nous venons de citer in extenso, le sommaire : 7 poètes pour cette livraison, dans une partie intitulée « Délit de poésie » puis deux livres présentés dans la rubrique « Résonance ». Suit la mention intriguante « Délits d’’in)citations percent la brume des coins de page » : en effet, la revue est ponctuée de citations plus ou moins longues, dans l’angle des pages non numérotées : on trouve dans ce numéro un proverbe russe, Victor Hugo, Daniel Biga, un haïku de Sôseki… ou encore – en écho au poème de Valère Kaletka, « Le lieu », cette phrase de l’humoriste Pierre Doris : « C’est très beau un arbre qui pousse dans un cimetière. On dirait un cercueil qui pousse ». Car l’entreprise de Cathy Garcia, on le comprend vite, n’est pas dépourvue de cette distance souriante, qui lui a fait choisir le titre provocant de cette publication, liée à l’association et aux éditions Nouveaux délits, à Saint Cirq-Lapopie – rien de moins : revue pauvre, peut-être, mais au moins sous le regard tutélaire d’André Breton, qui y a séjourné après y avoir acheté une maison en 1950. D’ailleurs, si elle invite le lecteur à s’abonner, elle le fait en dernière page avec un « bulletin de complicité » qui vous propose de « blanchir (votre) argent en envoyant (votre) chèque à l’association – et comment résister à cet appel à soutien, lorsqu'on a pu constater la variété des textes publiés ? Dans cette livraison, outre Valère Kaletka, Pierre Rosin, dont on suit le parcours de peintre-poète dans Recours au Poème également, et dont je relève le post-scriptum à l’un de ses textes : « PS : nous pourrons garder les poètes et les peintres à condition qu’ils sachent jardiner ». Puis Daniel Birnbaum, Joseph Pommier, Florent Chamard, dont on peut écouter deux textes lus par Cathy Garcia sur la chaîne youtube « donner de la voix »
Puis Vincent Duhamel avec quelques proses poétiques, et Antonella Eye Porcelluzzi, dont la biographie succinte nous amène sur google à regarder les films ou écouter à travers la voix de Cathy sur la chaîne associée à la revue.
Vous ne connaissez pas la plupart de ces noms ? C’est qu’ils ont surtout publié en revue, et que les éditeurs ne les ont pas encore rencontrés, mais parcourez donc, sur le site, la liste des poètes publiés par la courageuse revue Nouveaux Délits – et : bonnes découvertes !
Pour lire l'intégralité de l'article : https://www.recoursaupoeme.fr/les-revues-pauvres-1-nouveaux-delits-et-comme-en-poesie/
(c)Alison Scarpulla
vagabond,
le sommeil flirtait avec la mort
crises justes, aiguisées
chose des morts
dans l’enfer des buissons !
images cuites des mots,
étoiles baignées d’ivresse…
les mots sucent la poussière
la bête approche
sur le sentier du dire
elle flanne
jusqu’au repère du poème
(…)
les nerfs besognent en terre de douleur
champs malades
l’existence use le poème
ailleurs,
mêmes les rêves meurent…
un sommeil rouillé
un mort lave la nuit
les flaques cassantes
du ciel
drainent les falaises
au hasard des pierres…
illustration de l'auteur
café 2
claque aux doigts
fringué de sa dégaine
coup d'œil qui délimite le territoire
claque la commande
se jette un verre
rituel
claque la langue
coude affirmé
billet désinvolte sur le comptoir
claque le fric
main qui s’impose paternaliste
droit de cuissage
claque la cuisse
le pas irrémédiable qui doit laisser un vide
claque la porte
Patrick Le Divenah a illustré le n°56 de la revue
http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive/2016/12/27/numero-56.html
(c)photo de l'auteur - La Roche-en-Ardenne, août 2018
Revenir à la source
Lumière pure entre les plus hautes déchirures
le vent la pluie la liberté
le chant et le silence
mon beau pays
de joie
Dieter Appelt - self-portrait - 1978
Le miroir te renvoie
des rides nouvelles
qui s’accentuent
avec ton sourire benêt.
Que s’est-il passé
pendant ton sommeil ?
Tu avais pourtant mis
une crème de nuit
dans le gouffre
de tes angoisses…
(c)Lucile Lert
Attaqué de tous les côtés,
Je suis une pile
d’accablement
étoile d’un filant
manque d’espoir
un dévorant
dévoré.
Mais je l’ai dit à votre juge,
amoureux.
J’ai répété, j’ai crié
la secousse
l’ouverture
qui m’habitait.
J’ai tenté la suturation,
J’ai même voulu écrire,
mais je ne suis pas un graveur de roche
Je suis une fumée habile
qui vibre
de toutes parts.
Je ne suis pas un fluide, un flux,
je ne coule pas.
Je suis une fumée en vibration
en expansion.
Mais tu m’assièges,
tu m’assènes
que la porte est fermée
et les clés, perdues
dans un lointain futur;
que nous sommes
une prison en démolition.
(c)Raphaël Fournier
L’ABSENCE
L’absence,
C’est une part de nous
Qu'on a éprouvé dans l’autre
Et qui se respire sans visage
L’absence,
C’est une veine
Qui se frotte à notre démouillée
C’est cet absurde grillé par l'absolu
De vouloir tout garder et grandir
Dans notre fragilité
L’absence,
C’est le satin de la branche
De nos racines
Où l’on ne voudrait que la cambrure
Sans la surface dessoudée
L’absence,
C’est ce voile
Qui trempe notre encre dans sa chair
L’absence,
C’est la terre brouillée
A l’indélébile de notre présent
L’absence,
C’est cette bulle couchée
Aux larmes épuisées de la nuit
L’absence,
C’est cette promesse que le buvard
Se remplira à nouveau
Dès l’aube de sa rosée
L’absence,
C’est ce miroir
Où le cœur se fond dans ses graines
De toiles de silence.
https://www.facebook.com/Anne.B.SOLEIL/
(c) Séverine Portejoie
Sagesse
Elle s'assied au pied d'un chêne centenaire,
Hume l'odeur du temps, fumant sa pipe en bois,
Fait bruisser les feuilles rouges entre ses doigts
Lève les bras, enlace le ciel salutaire.
Elle est le loup solitaire sur son rocher,
Celui veillant sur la meute juste en dessous.
La sagesse est le fil du temps, l'eau, ses remous,
Le ruisseau qui connait la mer et ses dangers.
Elle est dans le souffle du vent, dans les embruns,
Parfume les soupes, le pain des pauvres gens,
Dîne à la table sans nappe des indigents,
Puis, calme les colères de ceux qui ont faim.
Vous la trouverez au creux d'un arbre pourri,
Dans les pommes vertes, dans votre potager,
Dans les cimetières, au détour d'une allée,
Vous parlant de la mort, mais surtout de la vie.
https://www.facebook.com/jean.piet1967/
Christian Halna du Fretay
Prendre le parti du large
sans étroitesse ni a priori
Espérer la tempête
pour se hisser sur la pointe de l’eau
à flux tendu
Braver le ciel
les navires conquérants
et préférer toujours
au monde de terre
les horizons moqueurs
http://fredericvitiello.hautetfort.com
Cézanne - La montagne Sainte-Victoire
À celle qui
Verse l’eau fertile sur les sables de la nuit
Qui barre la route aux vaines encyclopédies
À celle des
Restanques lézardées sous l’effort de mémoire
Celles des
Villages perchés jeunes filles ou grand-mères loquaces
Leurs collines en marche vers des golfes rutilants
À celle des
Oiseaux prénommés de couleurs
Des ravines calcinées et leur bouche plus grave
Celle des
Portraits d’anonymes sous la plume désennuyée
Quand la pensée en panne se cherche un vocabulaire
Celle qui
Souligne les crêtes arpégées d’une glorieuse brume
À celle des
Parapluies emmurés qui désamorce les malheurs
Qui rapatrie dans leur brousse
Les taxis aux cœurs embouteillés
Celle qui
Rive les ciels nocturnes de réverbères-pleines lunes
Pour tous les mécréants qui craignent
Un jour de les voir s’écraser
À celle des
Abris-bus aux sans-abris parasités de matins clairs
Parasités du luxe de l’espoir
À celle qui
Revêt le vent de pardons jaunissants
Quand sous la porte il glisse paupières mi-closes
Celle qui
Garde-barrière se soulève
Quand passent les soleils couchants
À celle des
Volontés puissantes, des barrages défiant les montagnes
Celle des
Garrigues hiérarchisant les parfums les heures
Celle des
Après-midi incendiés de crépitements d’insectes
À celle qui
Écosse les jours et les délie de leur fil spatiotemporel
Celle des
Balustrades-belvédères où s’arrête la parole
Où le regard vient à nouveau tout unifier tout simplifier
Pour mieux partager l’éternité ainsi retrouvée
À celle qui
Coule l’horloge de cire dans nos cerveaux flottants
extrait de Vie d'origami et autres pliages (Édilivre)
https://www.facebook.com/CharlesOrlac/
(photo de l'auteur)
Chaleur suave et étrangeté de ce soir en pointillé
où rôdent les épaves. Que les yeux se plissent
aux immondices, que l'écarlate jaillisse
à l'horizon-délice.
Fais-moi silence pour ne plus voir l'orage et sa robe de plage,
fais-moi absence.
Retenons merveilles aux creux de l'océan,
sablons les courants des étoiles-vermeil
Et d'un ciel de feu, nous peindrons
les oraisons des nouveaux dieux.
Toulouse-Lautrec - La blanchisseuse, Rosa
je ne t’idéalise pas
d’une glaise de mots je sculpte ton retard
je vais t’inverser de couleurs
peau rousse et cheveux lactés d’alpaline
ta langue de feldspath marouflant l’espace de nos bouches
d’un millefeuilles la mienne ruant aux flux de tes secousses
à l’oraison de tes jambes
le rougeoiement des estrans
l’incendie joint à ses couleurs
ta langue de victoire des rapides du monde
ton sexe mont-cratère gorgé de cerises racines
beau de son ignorance pour l’ardeur du jour
pour la cannelle de tes yeux
pour le pluriel ovni de ton regard
belle d’inassouvance
pour ton gypse gitan dont je ne sais la saveur
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Dans le cadre de la 1ère édition du Printemps des paysages, le Printemps des Poètes joue du Hors Saison, en programmant sa première salve aux premiers jours de l'été 2018, les 29, 30 juin et 1er juillet. Le choix a été fait de retenir trois lieux réunis par un fil conducteur fort (la vallée du Lot) et révélateurs par ailleurs d’une pluralité de situations et de paysages (de confluence, industriels, préhistoriques…) : Aiguillon, Fumel et Cabrerets.
Et donc, voici le programme pour le 1er juillet, à Cabrerets, village pittoresque entre falaise et ruisseau :
14h Point de rendez-vous : Place de la mairie, où Cathy Garcia Canalès, poète, créatrice et responsable de la revue Nouveaux délits, tiendra un stand.
Cœur de Village, déambulation de la place du foirail au fil de La Sagne jusqu’au Célé ; présentation de Dominique Segond, maire de Cabrerets, et Emmanuel Prieur, paysagiste concepteur.
14h30 La légende de la chèvre blanche depuis les berges du Célé
Point de rendez-vous : Pont du Célé
Transmission audio de la légende de la Chèvre Blanche de l’autre coté du pont face au château du Diable.
15h La grotte et le sentier de Pech Merle
Point de rendez-vous : Église de Cabrerets
Initiez-vous à la lecture de paysage des Causes du Quercy, avec le PNR des
Causses du Quercy et le CAUE du Lot :
- le village de Cabrerets (Belvédère de l’église)
- le paysage du Causse depuis le sentier de la Grotte, avec halte à mi chemin
pour découvrir la vue plongeante sur le coeur de village niché au pied de la
falaise
Descente par groupe (sur inscription préalable auprès de la mairie) au sein de la grotte et lecture de Dominique Sampiero. Possibilité de retrouver le groupe sur l’esplanade en contrebas du grand escalier sur un espace plat herbé.
Le Printemps des Paysages est né de la rencontre du Printemps des Poètes et du Bureau des Paysages du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire. Cette initiative en partage entend donner à voir de façon originale la dimension sensible et poétique du paysage (qui en fait sa totale singularité par rapport à d’autres formes d’analyse ou d’aménagement de l’espace).
La brochure pour en savoir plus sur ces évènements : Brochure paysage - poésie A5 V4.doc
40 pages agrafées
tirage limité et numéroté
sur papier recyclé
offset 90 gr
couverture calcaire 250 gr
textes de Bruno Toméra
l’auteur présenté par Jean-Louis Millet :
Tom le malgré tout poète
Quelle est cette manie de vouloir coller une bio ? les poèmes se
suffisent, non ? Pour les bios je préfère l'intime à deux, dans un canapé
moelleux, prêts à se défenestrer l'ego et le corps, dans le duel de la
parade séductrice.... (non je rigole)
Mais, faut se méfier des chats acculés dans les coins de murs, balancent
toujours de foutus coups de pattes, enfin... je suis aux aguets des
pulsions de révoltes comme autant de petits espoirs de cette humanité
déchue.
Ce regard entrouvre la porte d'un désir
que nous n'aurons pas le temps de franchir
c'est le cambriolage d'une caresse
qui restera là, dérobée, sans adresse.
… mais, avec le recul, y a de quoi pondre quelques belles foutues
phrases sur le tapis savonneux de l'existence.
Mon rire délivre insolent et joyeux l'impertinence de vivre.
Tom
Ouvrier mécanicien pour la raison sociale, poète essentiellement
chercheur de vie et d’étonnement, chercheur de musicos chanteurs & enchanteurs aussi pour que les mots puissent vaincre les lois de la
gravité.
Bio recomposée par petits prélèvements dans l’œuvre et les échanges épistolaires avec « le malgré tout poète ».
illustrations originales de Jean-Louis Millet
Grand spécialiste en rien mais curieux de tout : dessin, peinture, sculpture, photo, écriture, vidéos, édition virtuelle, chasse aux connivences & alternatives… Ensemble de ‘’propos’’ mis en actes dans l'animation de blogs et de sites dont "Zen-évasion", site cave-grenier aux malles ego-mystérieuses : http://www.zen-evasion.com/. Il a déjà maintes fois illustré la revue ainsi que d’autres publications Nouveaux Délits comme Ailleurs simple ; Claques & boxons ; Guerres et autres gâchis (textes de Cathy Garcia) et ses encres sont à l’origine du livr’art : États du Big Bang. Il a illustré Le poulpe et la pulpe de Cathy Garcia également (Cardère éd., 2010) et Des brins et des bribes (éd. Du Cygne, 2011) de Werner Lambersy et Cheval rouge de Fanny Sheper, 2017 (thebookedition.com). Il a exposé ses travaux artistiques, notamment à Perros-Guirec, en Bretagne, sa terre évasion.
« Au retour dans la bagnole, intercalé dans la file des pressurés
l'humanité klaxonnait, gueulait, les bras au ciel, pressés
de se jeter corps et âmes dans d'autres emmerdements.
Le connard de derrière habillé en voiture dernier cri
gesticulait dans le rétro, le poing brandi.
Garde toujours le piaf des urgences dans ton cœur
Garde toujours le piaf des urgences dans ton cœur.
Que je me suis dit. »
Serrant mes mains dans ses mains
elle me dit :
“Gamin, c'est une bulle de savon, la vie,
ça pique les yeux et c'est fini.”
10 €
à commander à
Association Nouveaux délits
Letou
46330 St Cirq-Lapopie
Deux poèmes (extraits de "Papamaman 4") parmi les poèmes d'Antonella Eye Porcelluzzi publiés dans ce numéro.
Lus par Cathy Garcia Canalès.
"La Boîte", un des textes poétiques de Vincent Duhamel liés dans ce numéro.
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Deux des poèmes de Florent Chamard publiés dans ce numéro.
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Un des poèmes de Joseph Pommier publiés dans ce numéro.
Lu par Cathy Garcia Canalès.
Le tuk-tuk et Les ongles, deux des poèmes extraits de "Mada" de Daniel Birnbaum publiés dans ce numéro.
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Deux des poèmes de Pierre Rosin publiés dans ce numéro.
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