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LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS - Page 13

  • Soliflore n°37 - Anne-Marguerite Michel

     

     

    DANSER

     

    Je danse pour ne plus être,

    Seulement pour devenir,

    Un songe, une volupté,

    Rien qui ne puisse se saisir.

     

    Je danse en vérité,

    Brutale et décomplexée.

    Libre et déraisonnée,

    Offerte dans toute ma nudité.

     

    Je danse pour crier mon âme,

    La faire sortir au grand jour.

    La voir étendue là sans retenue,

    Faible, sans plus aucune vertu.

     

    Je danse pour oublier ce que je fuis

    Le passé, le présent, la vie.

    Seule dans la foule

    Reine de tous les oublis.

     

    Je danse pour perdre le sens.

    Pour être enfin fluide dans le temps.

    Ne plus vivre que l’instant.

     

     

     

  • Georges Cathalo à propos du n°53 sur le site de Texture

    Nouveaux délits N° 53

    Oui : ce numéro ne contient « que des plats de résistance » comme il est annoncé au menu de la page 2 pour présenter un sommaire original, « le tout relevé d’un goûteux mélange de Délits d’incitations  ». La revue s’ouvre sur une suite de poèmes que Lou Raoul a extrait d’un ensemble inédit consacré à l’oiseau pour aller vers « des fenêtres ouvertes sur des friches personnelles ». Suivent six poèmes de Mokhtar El Amraoui, poète tunisien d’expression française. Cathy Garcia a toujours l’art raffiné de la revuiste avisée capable de mener sa barque seule en assumant ses choix. Elle se tourne souvent vers les laissés-pour-compte, les délaissés, les oubliés. Ainsi l’illustratrice Ana Minski pour qui « l’errance est son dada » et qui a « découvert la bohème par la littérature » ou le jeune Julien Boutreux qui commence à se faire un nom à travers de nombreuses revues avec des écrits à fleur de peau. On croise encore Jean-Claude Goiri et ses consistants Copeaux contre la barbarie ou les fortes suites poétiques de Denis Wetterwald. La revue s’achève avec les textes chocs de Sammy Sapin et de Tom Buron, jeunes poètes très engagés. Quant à la maîtresse des lieux, elle émaille chacune de ses livraisons de fortes citations en fond de page en concluant par une Résonance où elle fait découvrir des ouvrages originaux comme ici « Les maîtres du printemps » d’Isabelle Stibbe.

    à lire sur  http://revue-texture.fr/lecture-flash-2016.html#lucarnes

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     
     
  • NUMÉRO 54

     

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    Avril-Mai-Juin 2016

     

     

    Exister est un écartèlement permanent. Entre spleen et idéal pensait Baudelaire, mais savoir vivre c’est savoir accepter sans se résigner, savoir lâcher-prise sans lâcher la main de l’autre. Renoncer au bonheur mirage, ces innombrables projections du système sur l’écran de nos désirs jusqu’au viol même de notre intégrité. Achète, consomme, travaille encore pour acheter, consommer sans poser de question et tu seras heureux. Pas encore aujourd’hui, mais demain, oui c’est certain. C’est prouvé par la science. Demain sera le grand jour, demain tu seras riche, le héros de ta vie, admiré, adulé, envié, car tu le mérites. Avec ce qu’il faut de peur pour avoir besoin de se protéger derrière des remparts d’achats sécurisants.

     

    Il y a les belles choses, les savoureuses et ce ne sont pas des choses, mais des êtres et des sentiments, des émotions, des sensations, des échanges, des partages, des solitudes aussi, pleines et débordantes de vie.

     

    Il y a les peurs oui, innombrables, envahissantes, les mauvais pressentiments, les ennuis à répétition, les injustices, les coups du sort qui s’acharne et tout ce qu’il faudrait comprendre pour transformer, se transformer soi sans savoir s’il faut avancer ou reculer, s’il faut ci, s’il faut ça…. La mécanique enrayée du mental. L’envie de dormir.

     

    L’argent reste le problème omniprésent, omnipotent, un piège infâme, le plus toxique des mirages, la plus cruelle des machettes. Cette peur de manquer, de chuter encore plus bas, cette tache sur soi qui s’agrandit et nous définit plus que n’importe quoi d’autre : pauvre. C’est immonde d’être défini par cette tache, tout le monde le sait, mais rien ne change, une seule chose compte : en avoir ou ne pas en avoir. Dans une société aussi férocement individualiste que la nôtre, ce qui fait lien c’est « en avoir », ce qui ouvre toutes les portes, aussi vaines soient-elles, c’est « en avoir beaucoup ».

     

    Une seule planète, plusieurs mondes qui ne se côtoient pas. L’un d’eux est en train de dévorer tous les autres.

     

    Cg, extrait de ©Ourse (bi)polaire

     

     

    Je suis pauvre et nu, mais je suis le chef de la nation. Nous ne voulons pas de richesse mais nous tenons à instruire correctement nos enfants. Les richesses ne nous serviraient à rien. Nous ne pourrions pas les emporter avec nous dans l’autre monde. Nous ne voulons pas de richesses. Nous voulons la paix et l’amour.

    Red Cloud Chef Sioux Oglala

     

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    AU SOMMAIRE

      

    Délit de poésie : Céline Escouteloup, Christophe Réal, Marine Gross, Vincent, Heptanes Fraxion

     

    Délit de phénomène au logis : quinze extraits de Vingt d’Hervé Jamin

     

    Résonance : Bienvenue à Calais – Les raisons de la colère, textes de Marie-Françoise Colombani, dessins de Damien Roudeau – Actes Sud, février 2016

     

     

    Comme toujours, les coins de pages se noircissent aux Délits d’(in)citations. 

    Et comme toujours vous trouverez le bulletin de complicité qui fait le malin à la sortie.

     

     

    Illustrateur : Henri Cachau

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    henricachau@free.fr

     

    Villeneuve-sur-Lot 1945, vit et travaille à Rambouillet. Peintre, sculpteur, nouvelliste et poète, a participé à diverses expositions, nationales et internationales ; publie dans de nombreuses revues, papier et 'net' ; organise des expositions, des ateliers ainsi que des soirées poétiques ; en 2003 a publié un recueil de nouvelles intitulé : Le quotidien des choses... Pour plus d'informations voir site : www.henri-cachau.fr

     

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    La femme cependant, de sa bouche de fraise,

    En se tordant ainsi qu'un serpent sur la braise,

    Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,

    Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc:

    -" Moi, j'ai la lèvre humide, et je sais la science

    De perdre au fond d'un lit l'antique conscience.

    Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants,

    Et fais rire les vieux du rire des enfants.

    Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,

    La lune, le soleil, le ciel et les étoiles !

    Je suis, mon cher savant, si docte aux voluptés,

    Lorsque j'étouffe un homme en mes bras redoutés,

    Ou lorsque j'abandonne aux morsures mon buste,

    Timide et libertine, et fragile et robuste,

    Que sur ces matelas qui se pâment d'émoi,

    Les anges impuissants se damneraient pour moi !

     

    Baudelaire

     

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  • SOLDE

     

    pour Aimé Césaire

     

    J’ai l’impression d’être ridicule

    dans leurs souliers

    dans leurs smoking

    dans leur plastron

    dans leur faux-col

    dans leur monocle

    dans leur melon

     

    J’ai l’impression d’être ridicule

    avec mes orteils qui ne sont pas faits

    pour transpirer du matin jusqu’au soir qui déshabille

    avec l’emmaillotage qui m’affaiblit les membres

    et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe

     

    J’ai l’impression d’être ridicule

    avec mon cou en cheminée d’usine

    avec ces maux de tête qui cessent

    chaque fois que je salue quelqu’un

     

    J’ai l’impression d’être ridicule

    dans leurs salons

    dans leurs manières

    dans leurs courbettes

    dans leur multiple besoin de singeries

     

    J’ai l’impression d’être ridicule

    avec tout ce qu’ils racontent

    jusqu’à ce qu’ils vous servent l’après-midi

    un peu d’eau chaude

    et des gâteaux enrhumés

     

    Jai limpression dêtre ridicule

    avec les théories qu’ils assaisonnent

    au goût de leurs besoins

    de leurs passions

    de leurs instincts ouverts la nuit

    en forme de paillasson

     

    J’ai l’impression d’être ridicule

    parmi eux complice

    parmi eux souteneur

    parmi eux égorgeur

    les mains effroyablement rouges

    du sang de leur ci-vi-li-sa-tion

     

    Léon-Gontran Damas, poète guyanais, 1937

     

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    Ce poème est extrait de

     

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  • Soliflore n°36 - Emmanuel Loyau

     

    Je suis partout et nulle part
    au delà de toutes les formes
    j´échappe à toutes les définitions
    je revêts tous les aspects
    sans me laisser
    enfermer dans aucun
    Je suis l´âme unique
    aux cent mille corps
    la multiplicité de chacun
    me ressemble
    mais je ne me retrouve
    en personne
    Transgressant l´ordre
    et la norme je m´envisage
    je suis la figure de l´Autre
    le sauvage et le civilisé
    l´insaisissable et déroutant
    dépassement de soi
    Je circule entre la vie et la mort
    sur les chemins du monde
    je suis l´errance apatride
    je suis partout et nulle part
    ici et ailleurs, jamais lá
    où je suis et pourtant
    les catégories, les oppositions
    s´estompent et fusionnent
    l´absence, la présence
    le lointain, le proche
    l´au delà, l´ici bas
    en moi et par moi

     

     

     

  • Résonances 53

    Les maîtres du printemps d’Isabelle Stibbe

    Serge Safran éditeur, août 2015 

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    181 pages, 17,90 €.

     

    « Ici vous entendrez parler acier, métallurgistes, syndicalistes, ici vous entendrez parler usines, nationalisation, chômage. Si pour vous ces mots sont synonymes de nuisances et de laideur, s’ils vous font l’effet de répulsifs, si vous prétendez qu’ils doivent être réservés aux colonnes des journaux, section économie ou société, refermez aussitôt ce livre ou, pour les plus modernes d’entre vous, éteignez votre liseuse, en tout cas passez votre chemin, ce texte n’est pas pour vous, autant vous prévenir tout de suite. Entre le ciel et la boue, préférez le ciel, c’est moins salissant. »

     

    Voilà, le ton est donné, ce livre qui a autant de corps que d’âme, une écriture travaillée à la hauteur du sujet, est dédié avant tout « aux combattants sincères de Florange », puis dédié plus largement à tous les travailleurs de ces hauts-fourneaux de Lorraine qui ont fermé, les uns après les autres et dédié encore plus largement à la mémoire ouvrière, sans misérabilisme, sans naïveté. Fouillé, il vise avec justesse son but, mettre en lumière la dignité de cette classe considérée comme une sous-classe, classe qui après avoir été exploitée pendant plus d’un siècle, se voit maintenant mise à la rue, comme un encombrant obsolète.

     

    Ici, il est question des hauts-fourneaux d’Aublange, une ville fictive qui rime avec « Hayange, Hagondange, Florange, Gandrange, Uckange », dans la très réelle vallée de la Fensch, sous les cieux gris d’une Lorraine fortement marquée par ses traditions minières et sidérurgiques.

     

    L’histoire on la connait, c’est celle de Florange, le choc des annonces de fermeture, ou de « mise en sommeil » comme on dit des activités d’un ou plusieurs hauts-fourneaux, décidées par un propriétaire qui vit à l’autre bout du monde, ne s’intéresse qu’au cours de la Bourse qui elle ne s’intéresse certainement pas aux êtres, aux personnes, aux familles que la valse pochtronne de ses cours, assassinent de la façon la plus cynique qu’il soit.

     

    Et puis il y a les médias avides de sensationnel, d’images fortes, mais rarement présents quand il s‘agit d’aborder le fond des sujets et les politiciens très poings levés en période électorale, promettant haut et fort ce qui deviendra ensuite vagues possibilités de relance « si l’horizon économique se dégage ». Ha, les jolies formules !

     

    Vos cœurs sont aussi durs que les talons avec lesquels vous marchez sur la figure des pauvres. Jack London, Le Talon de fer.

     

    La lutte acharnée de David contre Goliath, de l’ouvrier dont le statut a dégringolé du plus bas à plus bas encore : d’exploité il est passé à indésirable, quantité négligeable qu’on efface d’un clic de souris.

     

    « Les parents quand ils faisaient la grève, c’était pour des augmentations de salaire. Les fils, aujourd’hui, ils font grève pour continuer à travailler. »

    Certains se résignent, d’autres veulent prendre les fusils, ça finit par voter Front national, lequel se nourrit de la détresse comme le vautour de la charogne. Et puis d’autres, montent au front, au vrai front, celui qui demande de la détermination et du courage, car même lorsqu’on n’a plus rien à perdre, on peut encore perdre beaucoup. Pierre est l’un de ceux-là.

     

    Pierre, de famille espagnole, arrivée en France alors qu’il avait huit ans. Pierre qui se voyait plutôt prof de sport ou musicien, mais certainement pas ouvrier des hauts-fourneaux comme son père. « Je me suis juré : jamais de la vie j’irai bosser là, plutôt crever. ». Jusqu’au jour où il découvre la coulée, fasciné. « C’est extraordinaire quand tu vois la fonte en fusion qui jaillit, ce feu qui se déverse avec une puissance incroyable et que tu assistes à ça, c’est tellement plus grand que toi que tu ne voudrais être ailleurs pour rien au monde, et là tu l’aimes ton usine, tu l’as dans la peau. Après, tu as beau revoir ce spectacle cent mille fois, tu ne t’en lasses jamais. » Car le travail de l’ouvrier, ça peut aussi être ça, malgré les difficultés, la pénibilité : une histoire d’amour.

     

    Et puis des histoires d’amitié aussi, de la véritable cohésion sociale « toutes les nationalités rassemblées. Les Algériens, les Italiens, les Espagnols, les Portugais. (…) tout le monde se serrait les coudes  ». Il peut y avoir de la poésie dans les hauts-fourneaux comme partout, la poésie c’est dans le regard de celui qui regarde, dans la langue qu’on partage avec d’autres, avec des expressions comme vider le loup, pratiquer la sucette, faire une belle bonnette… Ce n’est pas seulement du rendement, de la sueur et des chiffres. C’est une aventure humaine, dangereuse aussi, on peut y laisser un pied, une jambe ou plus encore, et ça ne peut pas être juste balayé comme ça, d’un claquement de doigt, tout à la poubelle, sans autre justification que le cours de la Bourse.

     

    « Tout à coup le silence. La boucheuse a injecté la masse d’argile réfractaire dans le trou de coulée. Un couvercle sur leur tombe. Cette fois c’est vraiment la dernière coulée. »

     

    Friches industrielles et chômeurs longue durée.

     

    « La flexibilité du travail, vous savez ce que ça veut dire ? Du chantage : « Mes conditions ou rien. » La précarité légalisée, institutionnalisée pour au bout du compte en revenir au travail journalier. (…) C’est ça le progrès ? Moi j’appelle ça avoir le pistolet sur la tempe. »

     

    Le titre du livre, Les maîtres du printemps, fait référence à la citation de Pablo Neruda « Nos ennemis peuvent couper les fleurs mais ils ne seront jamais les maîtres du printemps ». Une phrase qui leur parle à ceux-là qui se battent pour leur usine « que le commun des mortels trouve laide, bruyante et sale ». Pour eux, « c’est une fleur qui a la robustesse d’une gentiane de montagne et qui aujourd’hui est devenue aussi fragile qu’une orchidée. »

     

    Dans Les maîtres du printemps, trois hommes s’expriment en alternance. L’auteur nous invite dans leur tête, dans leurs pensées, même les plus intimes : Pierre Artigas, le syndicaliste, qui lutte avec ses tripes, dont la belle gueule et la prestance plait, bien malgré lui, aux médias, alors que ce qui importe là ce n’est pas de plaire, mais d’être entendu ; Max Oberlé, l’artiste contemporain, qui déteste être vieux, qui a le cancer, qui ne ressent aucune motivation à réaliser l’œuvre monumentale qu’on lui demande pour le Grand Palais et c’est un reportage sur les hauts-fourneaux de Aublange qui va lui donner cette motivation, il va leur commander la fabrication des pièces et faire une œuvre, une Antigone monumentale, en soutien au combat de ces sidérurgistes. Une soudaine prise de conscience « J’ai eu honte de moi, de toute ma vie de privilégié, peut-être, de mon égoïsme sûrement. Petite crise d’humilité qui ne me ressemble pas. »; et enfin Daniel Longueville, député, politicien donc, un des rares de son espèce à être issu justement de la classe ouvrière, une classe qu’il a trahie en quelque sorte aux yeux de sa famille cévenole. Une origine qu’il dissimule, dont il a honte, mais qui stimule sans doute son engagement pour sauver les haut-fourneaux d’Aublange.

     

    C’est un puissant projecteur braqué sur la réalité sociale que nous livre ici Isabelle Stibbe, une réflexion sur l’humain, à travers les regards, les pensées et les souvenirs entrecroisés de trois hommes : l’ouvrier syndicaliste, l’artiste célèbre et le politicien ambitieux. Sont-ils au fond si différents ? Finalement celui qui doute le moins, c’est peut-être Pierre. Mais c’est surtout qu’il n’a pas le temps de douter, l’issue de son combat est une question de vie ou de mort sociale. Max lui ne bande plus, pense à la mort et pour la première fois de sa vie, son art lui parait secondaire. Daniel tremble à l’idée qu’on puisse voir l’ouvrier en lui, « cette angoisse pierreuse qui ne tarit jamais vraiment malgré les échelons gravis, les rêves réalisés », alors que lui se voit ministre, mais on ne peut complètement renier d’où l’on vient. Ambitieux Daniel, mais peut être pas totalement arriviste. C’est ce qui le différencie de ses pairs, car il a beau avoir emprunté l’ascenseur social, ça ne fera jamais de lui un des leurs. L’un de ceux qui n’ont jamais connu autre chose que l’univers étriqué de l’élite.

     

    Les maîtres du printemps est un livre qui fait du bien, qui redonne même de la dignité au lecteur. On n’a pas besoin de voter à gauche pour le lire, c’est un livre sur l’humanité, sur ce qui pourrait faire voler en éclat le système des castes, car c’est bien de cela qu’il s’agit, de castes plus encore que de classes. En réalité aujourd’hui, le sort des personnes, des entreprises, des municipalités, de régions entières, de pays même, comme des politiciens, se joue au casino boursier. Les joueurs n’ont aucun scrupule et aucun compte à rendre. Le combat semble perdu d’avance « car comment lutter contre l’avidité de la finance, cette soiffarde qui ne se repait jamais ? »

     

    Cela dit le dernier chapitre s’intitule « Espoirs ».

     

    Je sais bien qu’à la fin vous me mettrez à bas ;

    N’importe : je me bats ! je me bats ! je me bats !

    Edmond de Rostand, Cyrano de Bergerac

     

    Alors on laissera le dernier mot à Daniel, qu’on aimerait, non pas entendre dans la bouche des élus, on entend suffisamment de mensonges comme ça, mais qu’on aimerait voir dans leurs actes et plus encore dans les résultats de leurs actes :

     

    « On ne peut pas vivre toute la vie sous les lois du marché qui ne sont pas des lois, qui sont seulement l’incarnation des instincts les plus bas comme le profit et l’écrasement d’autrui. L’homme vaut mieux que cela non ? »

     

    Cathy Garcia

     

    isabelle stibbe.jpgIsabelle Stibbe est née à Paris en 1974. Après des débuts dans le droit international, elle est responsable des publications à la Comédie-Française puis au Grand Palais, critique d’opéra… Actuellement secrétaire générale de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, elle enseigne également à l’Institut d’études théâtrales de l’Université Paris-III.  Elle a publié Bérénice 34-44, son premier roman, chez le même éditeur en 2013.

     

     

    Cette note a paru sur http://www.lacauselitteraire.fr/

     

     

     

     

     

     

     

  • Christian Saint-Paul revient sur le n° 52 dans l'émission Les poètes sur Radio Occitania

    Un excellent numéro illustré avec force par Jacques Cauda cité dans une précédente émission, avec ces notes de lecture indispensables à la diffusion des ouvrages, un sommaire toujours riche, le tout sous le ton de la fraternité tendre et militante de Cathy Garcia. Ce sont des poèmes de Marie-Françoise Ghesquier qui sont lus à l’antenne. Cette hispanisante vit près de Chalon-sur-Saône et publie ses poèmes dans les revues Décharge, Comme en Poésie et Traction Brabant.  Elle publie son premier recueil chez Michel Cosem à Encres Vives, puis chez Bruno Msika aux éditions Cardère avec « A hauteur d’ombre », recueil illustré de photos en duo avec Cathy Garcia. Elle dit aimer les esprits frondeurs.

     

    Lecture d’extraits de « De tout bois si ».

     

     

    On tourne en rond

    dans notre bocal de ronces

    Se dessèchent noires pointées

    en sons filés assourdis

    contre les fonds d’herbes

    Les notes du chaos mineur s’égrènent

    en idiomes grumeleux

    ponctués noirs le long des failles

    Faillite du moi

    avec mots cadenassés

    dans l’intervalle

    Parole craquelée à la note forcée

    Tant d’effort pour vivre

    au travers des sons disjoints

    Je renonce note à note       M’

    évapore parmi ronces et fuite d’ailes

    au-delà des buissons démesurés

    ***

    Toute  cette grenaille crible

    au plus fort du silence

    Le sang s’étoile

    aux charnières livides

    des galaxies de paille

    Je décimé par tant d’illusions

    où je m’achève en éclosions

    mortes rouges

    Pétales glosés

    clous ou glaives

    dans la chair des chaumes

    La langue s’insère

    dans les versions

    primitives     glose entre les lignes

    Parole close à l’instant

    sur les lèves

    mangées de coquelicots

    Comment voulez-vous

    que toute notion d’incarnat ?

    Le poème en petite mitraille rouge

    où coupée court

    la phrase

     

    à écouter (émission du 7 janvier :

    http://les-poetes.fr/emmission/emmission.html

     

     

     

  • NUMÉRO 53

     

    Janv. fév. mars 2016

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    Après la panne d’édito, la panne de vœux ?

     

    Même quand je travaillais dans le spectacle, je n’aimais déjà pas les répétitions. Je préférais le moment vrai et unique du spectacle lui-même, car dans le théâtre de rue, chaque représentation est toujours unique, remplie d’imprévus, d’inattendu. On n’y est pas à l’abri de la pluie, du vent, de toutes sortes d’obstacles et surprises et surtout pas séparé d’un public par une scène, ou pire encore, par une fosse. On est avec et dans le public, parmi les gens qui font et défont le spectacle, tout autant que nous-mêmes. L’idée même d’un public disparait dans un échange interactif et vivant, une grande fête commune. C’est ça que j’aimais dans le théâtre de rue, le véritable théâtre de rue. Ce moment vrai qui nous mettait en danger. Et je continue à préférer le spontané, l’imprévu, le non-préconçu, et plus encore quand il s’agit de fêtes ou de belles déclarations. Faire un vœu, oui, pourquoi pas ! Parce qu’il nous vient à la bouche comme une source jaillissante ou parce que l’étoile filante… Si j‘avais un vœu à faire là maintenant, au moment précis où j’écris cet édito, ce serait : « délivrons-nous de nos certitudes ! ». On étouffe sous les certitudes, on en perd tout contact sensoriel avec la vie, toute capacité de penser de façon inédite et donc libre. Mes certitudes, vos certitudes, leurs certitudes. Les certitudes sont aussi nombreuses que les individus susceptibles de vous les asséner, même les certitudes d’un groupe sont en réalité un assemblage de certitudes uniques, chacune attachée à un seul individu. C’est comme les patates, les ensembles qu’on nous faisait faire à la maternelle. Alors oui, pour y voir plus clair, il y a des certitudes qu’on peut mettre dans une même patate, puis les patates empiètent sur d’autres patates, ce qui forme des espaces inter-patates, qui eux-mêmes empiètent les uns sur les autres, et au final on a de nouveau un grand bordel auquel on ne comprend rien du tout. Alors ouvrons toutes ces patates et délivrons-nous des certitudes ! Voilà, c’est mon vœu instantané et il a disparu aussi vite qu’il a été formulé. Les patates mathématiques ne sont rien d‘autres que des bulles qui nous éclatent au nez. Certaines sont très belles, tout dépend de comment elles prennent la lumière. Et voilà : tout dépend de comment on prend la lumière.

     

    CG

     

    Cet homme est comme une forêt, il se croit tout obscur,

    il est partout troué de rayons de soleil.

    Henri Gougaud in L'Expédition

     

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    AU MENU

      

    Un copieux Délit de poésie pour bien démarrer l’année :

     

    ● Lou Raoul, avec un extrait d’arrache moi fort la nuit

    ● Mokhtar El Amraoui (un grand salut à la Tunisie)

    ● Julien Boutreux

    ● Jean-Claude Goiri avec des Copeaux (contre la barbarie)

    ● Denis Wetterwald

    ● Sammy Sapin

    ● Tom Buron, avec entre autre des extraits d’un journal éthylo-poétique

     

    Que des plats de résistance !

     

     

    Le tout relevé d’un goûteux mélange de Délits d’(in)citations.

     

    Pour dessert, une Résonance : Les maîtres du printemps d’Isabelle Stibbe, Serge Safran, août 2015.

     

    Vous trouverez le bulletin de complicité tapi à la sortie, mais il ne mord pas, c’est à vous de le saisir à belles dents pour l’offrir à qui vous voudrez.

     

     

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    Illustratrice : Ana Minski

     

    Ana Minski a d'abord découvert la bohème par la littérature avant de vagabonder sous les ponts parisiens. Elle a tenté d'être libraire, documentaliste, archéologue, mais l'errance est son dada. Elle a publié quelques nouvelles chez Les Artistes Fous Associés et La lucarne des écrivains, ainsi que des poèmes dans les revues Les corrosifs, Le capital des mots, Les tas de mots et Créatures. Elle peint également depuis quatre ans : http://mitaghoulier.blogspot.fr/

     

     

     

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    Le bonheur est une petite chose que l’on grignote,

    assis par terre, au soleil.

    Jean Giraudoux

     

     

     

     

     

  • Le poète est un artiste

    Comme on pourrait dire d’une façon assez réductrice que le sculpteur est l’artiste de la forme, le peintre celui des couleurs, le musicien celui des rythmes, le poète est l’artiste du langage. Mais de même que la couleur n’est pas enfermée dans un tableau, la poésie n’est pas enfermée dans un livre.

    Il y a deux voies dans l’art, deux voies qui peuvent converger et souvent pour le meilleur: une voie artisane, technicienne, qui vise une certaine perfection dans la répétition du geste, une amélioration de la technique et une voie plus intuitive, plus chamanique, quand l’artiste devient une sorte de capteur. Lui-même ne sait pas trop ce qu’il capte, mais il tente de le retranscrire en formes, couleurs, sons ou langage, ou tout à la fois. L’artiste est un médium – un moyen – d’entrer en résonnance avec l’Universel. Tous les peuples, toutes les cultures sont entrées en résonance avec l’Univers à travers leur créativité, bien avant même que n’intervienne le concept d’art ou d’artiste. Tous ont confectionné de leurs mains de beaux et parfois étranges objets, pas pour les exposer mais pour les utiliser. Cette beauté et cette étrangeté, c’est ce qu’on pourrait appeler l’âme des objets. De même, tous les peuples n’ont pas eu de littérature, mais tous ont une poésie, comme l’avait très justement dit Victor Hugo.

    La poésie est un art holistique, elle est toute à la fois musique, peinture, sculpture, son matériau ce sont les mots, dont elle utilise avant tout l’impact vibratoire, le sens en est parfois pulvérisé pour devenir essence. La poésie est vibration et exaltation de tout ce qui ne peut être expliqué par les mots, mais seulement perçu et parfois percé par eux.

     

     cg, 18 août 2015

     

     

  • Soliflore n°35 - Laurent Dumortier

     

    Le reflet

     

     Demain n’est pas encore arrivé

    Qu’il est hypothétiquement passé,

    Tu vois…

     

    Mes yeux ne voient plus d’hier

    Qu’un monde sans couleur

    Même la lumière

    A perdu sa splendeur…

     

    Tu me demandes de rester,

    De ne pas basculer

    Mais je crois que le monde s’en fout

    S’il ne reste qu’un reflet après tout…

     

    Je suis si près du bord

    Le vent souffle si fort

    Je suis si bien…

     

    Encore un pas de plus

    Et je ne sentirai plus

    Que le froid du bitume

    Accueillant mon amertume…

     

    Tu me demandes de rester,

    De ne pas basculer

    Mais je crois que le monde s’en fout

    S’il ne reste qu’un reflet après tout…

     

    S’il ne reste qu’un reflet après tout…

     

    S’il ne reste qu’un reflet, après tout

    C’est peu et c’est déjà beaucoup…

     

    Tu me demandes de rester,

    De ne pas basculer

    Mais je crois que le monde s’en fout

    S’il ne reste qu’un reflet après tout…

     

    http://gsl.skynetblogs.be/

     

     

     

     

     

     

  • Résonances 52

    Indalo de Christian Saint-Paul – Encres Vives n°441

     

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    avril 2015. Format A4, 16 pages, 6,10 €.

     

    C’est à une très belle flânerie andalouse que nous convie Christian Saint-Paul dans ce 441ème Encres Vives, placé sous le signe de l’indalo, la figure préhistorique qui est devenu le symbole de la ville et de la province d’Almeria, et qu’on pouvait déjà voir peint sur les maisons en guise de protection contre les orages et le mauvais œil. Christian Saint-Paul a le don de nous faire vivre les paysages, les lieux et leur histoire au travers de son regard de poète doublé d’un talent de conteur, et il ne fait pas que raconter ce qu’il a vu, il nous le fait voir, littéralement, c'est-à-dire ressentir aussi.

     

    « La nuit encore/le soleil étouffant/mutile la fermentation du sommeil/Nous vivons désormais/lovés dans ce désert/où la terre n’est que/poussière montant au ciel/ »

     

    Christian Saint-Paul a le regard d’un poète convaincu, tel Machado, de l’absolu nécessité d’être homme, en toute humilité, un homme à qui rien n’échappe, ni la beauté des lieux ni « des îlots d’immeubles/parsemés le long d’avenues/vides – sans utilité-/témoignent de la chute folle de la finance. »

     

    Le poète ne fuit pas le malaise, il l’affronte, le dénonce et ainsi « Nous apprenons à apprivoiser le vide/créé par l’appétence de l’homme. »

     

    Pas d’Andalousie sans l’ombre de Llorca, pas d’Espagne sans le souffle fiévreux d’un Don Quichotte, les eaux fortes de Goya et les « yeux noirs de feu névrotique » d’un Cordobès. Christian Saint-Paul nous emporte à la rencontre de l’âme andalouse, du duende tapi dans ses tréfonds. Une âme trempée « dans le souffre du soleil ». Ombre et lumière, voilà l’Andalousie et « la Bible infinie des étoiles ».

     

    Des pierres, des fantômes et des Vierges tristes, des enfants vifs sous des peaux brunes, de la ferveur et des brasiers lumineux. Des plaies de guerre, le sang des fusillés et des religions qui se côtoient dans de grands jardins, où coulent des fontaines, des forteresses et « les indénombrables châteaux en Espagne ! », des prières et « des rancœurs d’un autre âge qui agitent les cargos aux amarres. »

     

    Indalo est un beau périple, oui, qui ne peut laisser indifférent, car pourrait-il y avoir meilleur guide qu’un poète amoureux de la terre qu’il foule, et dont il sait voir, tous temps confondus, l’endroit et l’envers, le visible et l’invisible, le bonheur comme les larmes ?

     

    Cathy Garcia

     

     

    St-Paul-200px.jpgChristian Saint-Paul, est un poète véritablement passionné de poésie, de la poésie qui met l’humain et la relation à l’autre au premier plan. Il anime depuis plus de 25 ans l’émission, « Les Poètes » (le jeudi de 20h30 à 21h) sur Radio Occitanie (98.3 Mhz) avec son compère Claude Bretin et de nombreuses émissions ont été consacrées à la poésie du monde. On peut les réécouter ici :

    http://www.lespoetes.fr/emmission/emmission.html

    Il avait créé sa revue, « Florilège », avec un autre poète, Michel Eckhard, dans le courant des années soixante. Brel avait accepté de les parrainer. Nous sommes encore avant 68, Christian Saint-Paul entre alors à Sciences Po, mais s’engage aussi activement dans la lutte antifranquiste. Il créera une autre revue, « Poésie toute » et plus tard encore en 1983, « Le Carnet des Libellules » où il publiera de nombreux auteurs.

     

    Christian Saint-Paul a publié :

     

    Les peupliers (Jeune Force Poétique Française éd., 1966) Les murènes monotones (Jeune Force Poétique Française éd., 1967) L’homme de parole (Caractères éd., 1983), préface de Michel Eckhard Prélude à la dernière misogynie (De Midi éd., 1984), avant-propos de Jean Rousselot, couverture illustrée par Gil Chevalier et illustrations intérieures de Jean-Pierre Lamon et de Lucie Muller. Les murènes noyées (Carnets des Libellules éd., 1985) Les murènes monotones (De Midi/Poésie Toute éd., 1987) Transgression (Carnets des Libellules éd., 1987), préface de Claude Vigée A contre-nuit (La Nouvelle Proue éd., 1988), préface de Jean-Pierre Crespel Tendre marcotte (Carnets des Libellules éd., 1988), avant-propos de Michel Eckhart Les ciels de pavots (Encres Vives éd., 1991) Pour ainsi dire (Encres Vives éd., 1992), préface de Jean Rousselot Akelarre, La lande du bouc (Encres Vives éd., collection Lieu N°108, 2000) L’essaimeuse (Encres Vives éd., 2001) Ton visage apparaît sous la pluie (Encres Vives éd., collection Encres Blanches N°61, 2001), couverture illustrée par Patrick Guallino, postface de Alem Surrre-Garcia L’unique saison (Poésies Toutes éd., 2002), préface de Gaston Puel, postface de Monique-Lise Cohen Des bris de jours (Encres Vives éd., 2003), couverture illustrée par Christian Verdun, postface de Michel Cosem L’enrôleuse (Encres Vives éd., 2006), postface de Georges Cathalo Tolosa melhorament (Encres Vives éd., collection Lieu N°184, 2006), édition bilingue occitan/français, postface de l’auteur. Entre ta voix et ma voix, la malachite noire de la voix d’une morte (Multiples, 2009) Les plus heureuses des pierres (Encres Vives éd. N°361, 2009) Vous occuperez l’été (Cardère éditions) Hodié mihi, cras tibi (Encres Vives éd., Collection Lieu n°217, 2010)

     

     

  • Résonances 52

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    Serge Safran éditeur – 5 mars 2015

    184 pages, 16,90 €.

      

    C’est un véritable et déconcertant régal que nous sert ici Jean-Luc d’Asciano, en sept nouvelles, ciselées comme des joyaux rares, sept nouvelles étranges, dérangeantes, on en frissonne souvent. C’est beau et puis noir et mystérieux comme un lac profond. On navigue entre portraits de personnages atypiques, réalité sociale et contes initiatiques forcément un peu cruels, et drôles aussi. L’enfance y est très présente avec tout son potentiel de création et de destruction et puis des animaux, beaucoup d’animaux. En fait, c’est difficile à classer car c’est vraiment très original, l’auteur nous embarque dans un imaginaire d’une très grande richesse et on comprend tout de même que c’est le réel qui a servi de matériel de base, le réel comme une vase épaisse où puiser des choses qui paraissent si invraisemblables qu’elles sont forcément vraies. Il y est question des folies de chacun, des différences qui font que chaque humain est un continent à lui tout seul et de l’acceptation aussi, de la force du lien et de l’amour. Ainsi on y rencontrera bien-sûr une cigogne, qui a donné son nom à l’ensemble, mais aussi des frères siamois, une superbe trilogie chamane, inclassable, entre chasse aux cerfs, cirques et corbeaux, et puis un sdf doté d’antennes ultrasensibles qui trouve un abri sous la protection de l’esprit des ronces et un schizophrène reclus qui tente d’être lui-même dans un monde qui a du mal à lui laisser une place. Différentes façons d’y être justement, différentes façon de l’aborder ce monde, de le comprendre et quand la magie opère alors « la grimace arrive, la grande grimace, sa préférée : tout son visage se plisse, s’illumine, puis s’apaise en un immense, unique et calme sourire. »

    Cathy Garcia

     

    Jean-Luc d'Asciano.jpgJean-Luc A. d’Asciano est né à Lyon, mais a grandi à Nantes. Passe un doctorat de littérature et psychanalyse. Écrit des articles sur le roman noir, l’architecture, les arts contemporains ou la cuisine. Fonde les éditions de L’Œil d’or où il publie Petite mystique de Jean Genet (2007). Cigogne est son premier livre de fiction, premier recueil de nouvelles.

     

     

     

     

     

  • Christian Saint-Paul dans son émission, revient sur le numéro 52

    Christian Saint-Paul revient sur le n° 52 de « Nouveaux Délits, revue de poésie vive ».

    C"ette semaine ce sont les textes de Corinne Pluchart qui sont lus à l’antenne. Elle vit en Bretagne. Marche. Chemine. Souvent face à la mer. Et jamais sans poésie. Vous pouvez visiter son blog : http://corinne.pluchart.over-blog.com

    (...)

    Ce n° de Nouveaux Délits, au sommaire bien choisi comme toujours, offre aussi l’avantage de comporter deux notes de lecture de Cathy Garcia qui excelle dans ce genre ce qui est l’apanage des artistes complets -ce qu’elle est authentiquement- qui sont les mieux autorisés à écrire sur la poésie.

    Lecture de la note sur « Cigogne » (nouvelles) de Jean-Luc A. d’Asciano, Serge Safran éditeur, 184 pages, 16,90 €. C’est le premier livre de fiction de ce docteur en littérature et psychanalyste qui a fondé les éditions de l’Œil où il a publié « Petite mystique de Jean Genet »."

     

    Pour écouter l'intégralité de l'émission du jeudi 26 novembre 2015, cliquez sur :  http://les-poetes.fr/son/son%20emision/2015/151126....

     

    On peut y entendre aussi des poèmes de Khalid El Morabethi, un jeune poète marocain

    (...)

    "Il m’a semblé que Khalid El MORABETHI était un homme qui régnait sur soi-même, nous dit Christian Saint-Paul. Ce que j’ai lu de lui, je crois pour la première fois précisément dans la revue Nouveaux Délits*, m’a tout de suite interpellé. Le regard qu’il lançait sur le monde était celui de l’intime qui restitue, par ce qu’il y a de plus personnel, la nature universelle de l’homme. Par la peinture de son entourage familier, Khalid El Morabethi nous fait pénétrer dans le plus secret microcosme de la société dans laquelle il évolue. Et ce faisant, il nous livre l’ensemble de la société marocaine et accède par la justesse de cette représentation, à l’universel.

    *voir : http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive... 

     

    On y entendra aussi des poème d'Eugène Savitzkaya qui "fait paraître aux Editions de Minuit « A la cyprine, poèmes » ( 100 pages, 11,50 €) ; des textes sensuels à l’érotisme subtil. Une langue revigorée par un regard débarrassé de tout préjugé qui a fait le constat que « sans la cyprine, point de bonheur en ce monde, ni d’appétit »."

    ainsi que d'Homero ARIDJIS, "né à Contepec, dans l’Etat de Michoacán au Mexique, en 1940, d’un père grec et d’une mère mexicaine, Homero Aridjis commence à écrire à l’âge de onze ans et obtient son premier prix treize années plus tard. Il a suivi des études de journalisme avant d’enseigner dans plusieurs universités en tant que professeur invité. Il est très impliqué dans la défense de la nature : il lutte activement contre la disparition des forêts et la préservation des animaux et a participé à la création du “groupe des cent”, groupe d’intellectuels partageant son avis. Il a publié plus de nombreux ouvrages de poésie et de prose traduits dans une douzaine de langues, dont La zone du silence, roman paru au Mercure de France en 2005. Durant six ans il a été président de l’International PEN, l’association mondiale des écrivains. Depuis avril 2007, il est ambassadeur du Mexique à l’Unesco.

    De lui, Yves Bonnefoy, dans sa préface à « Les poèmes solaires » (éd. Mercure de France,185 pages, 17,50 €) dit : « Homero est assurément très de son pays, qui est à la fois de langue indienne et espagnole. Il l’est comme Octavio Paz. Il l’est par un apport essentiel à cette conscience de soi dont il faut préserver la salutaire inquiétude »."

    Christian Saint-Paul  http://les-poetes.fr

     

  • Numéro 52, lu par Clauve Vercey pour l'I.D. n°594 de la revue Décharge

    I.D n° 594 : Cathy G. et le délit d’initié

    publié le 27 octobre 2015 , par Claude Vercey


    Ces Nouveaux délits, je les avais découverts à l’occasion de leur 33ème livraison, et dénoncé leurs forfaits dans l’I.D n° 222. En novembre 2014, ils étaient désignés comme Revue du mois par Jacmo. Ont depuis continué à se commettre, une rôdeuse en robe kraft, jusqu’à ce récent numéro 52, auquel je m’attache aujourd’hui.

    Délits ? Quels délits ? Je retiendrai entre autres à l’encontre de cette revue, et de Cathy Garcia, la cheffe de bande, le délit d’initié, qui est peut-être une des meilleures définitions possible de l’activité de revuiste. Nouveaux délits se caractérise en effet par son travail de découverte et de repérage, non au bénéfice d’un seul ou de quelques coquins, selon la pratique boursière du dit délit, mais au profit du plus grand nombre, - démarche assez semblable somme toute à celle de Traction-Brabant, pareillement hospitalière aux voix encore vertes ( et tant pis pour les goujats). A la différence que Traction-Brabant offre rarement plus d’une page au poète, et l’on retrouve peu ou prou à chaque livraison les mêmes noms : l’intérêt est de suivre au fil du temps les possibles évolutions de chacun, ou les changements d’intérêt. Tandis que Nouveaux délits présente chaque trimestre des sommaires différents, un petit nombre d’auteurs ( 6 à 8), à qui sont accordées 6 à 12 pages, en une première épreuve de vérité pour poète méconnu ou en devenir.

    Et comme Cathy Garcia fait montre de clairvoyance et d’une curiosité aiguë, les découvertes y sont fréquentes, mais aussi, égoïste petit bonheur, il nous plaît d’y trouver confirmation de nos propres intuitions : dans ce n° 52, où on y croise ainsi Jacques Cauda, le poème en petite mitraille rouge de Marie-Françoise Ghesquier qui fit ses premiers pas dans Décharge sous le nom de Di Fraja, Laurent Bouisset, dans un texte ici plutôt anecdotique, mais dont on ne tardera pas à prendre toute la mesure alors que s’annoncent conjointement un ensemble de poèmes, à paraître dans le prochain Décharge, et un recueil aux éditions du Citron Gare.

    Et maintenant /n’écrire/ que ce qui/ concerne/ la vie/ et ce qui vient/ parfois / se cogner/ tout contre /puisque vivre / alors c’est/ quand / ça cogne. Louable résolution de la part de Benoit Jantet, l’une des voix les plus attachantes qui s’expriment ici, aux côtés de celles de Corinne Pluchart, Gabriel Henry, Claire Lajus :

    Silencieux ici et là
    des hommes sur des bancs
    avec ou sans tabac
    Seuls
    Sur leur visage leur dos
    une grimace une misère
    au bord de l’insouciance des flâneurs

    Sans doute, Eté n’est pas vacances pour tous, selon le titre du poème. De Claire Lajus, nous aurons à reparler : traductrice de la poésie contemporaine turque et animatrice de la revue en ligne Ayna, elle nous apportera ses compétences pour des dossiers à venir sur cette poésie mal connue.

    Reste que la figure centrale du numéro est Jacques Cauda : peintre, il s’est vu confier les illustrations ; poète, douze pages lui sont attribuées, qui lui permettent de présenter une palette de ses écritures, d’un Carnaval haut en couleur, à ce poème d’une gravité et d’une sobriété inhabituelles, L’Hôpital :

    J’éprouve une certaine volupté
    A n’écrire que des faits
    « secs et crus » pour reprendre
    L’expression de Saint-Simon
    Volupté à se laisser aller
    A l’exactitude
    Parfois frappée
    Au coin de cette partialité
    Qui m’est précieuse

     

     

    Source : http://www.dechargelarevue.com/I-D-no-594-Cathy-G-et-le-delit-d.html

     

     

     

  • NUMÉRO 52

     Oct. Nov. Décembre 2015

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    En panne d’édito… Oui comme une fatigue de la tête, un encombrement de décombres, l’impression de ramer depuis des siècles dans une épaisse mélasse, où d’innombrables serpents passent leur temps à se mordre la queue. La sensation d’être toujours en retard, ou trop en avance, allez savoir, mais en décalage permanent ça oui. C’est peut-être ça « être poète », mais à vrai dire « être » suffirait, car les étiquettes collent mal ou collent trop, et elles ne servent à vrai dire qu’à rassurer le contenu du bocal qui nous sert d’identité. Époque de transition on appelle ça, je crois bien, mais toutes les époques ne sont-elles pas « de transition » ? Celle-ci est de grande confusion en tout cas. L’hyper-information, l’hyper-informatisation, la mondialisation de tout et n’importe quoi mais certainement pas de l’essentiel, les grands élans de solidarité commandités, la propagande qui ne dit plus son nom, on en vient à se méfier de ses propres pensées. En fait, non je n’ai plus rien à dire, je persiste à faire certaines choses, mais je n’ai plus envie d’en parler, j’ai le tournis là. C’est l’appel de la forêt, de la grotte, du silence…. La fatigue c’est aussi peut-être le début d’une forme de lâcher-prise, trop longtemps que j’obéis à la pression, à tenter d’être………….quelque chose, et en vérité sur l’échelle sociale, je suis tout en bas, écrasée sous le premier barreau, dans cette mélasse où j’ai depuis longtemps perdu mes rames, avec ces innombrables serpents qui se mordent la queue. Mais, j’ai encore ce qu’il faut pour faire une revue de poésie qui s’appelle Nouveaux Délits, c’est un clin d’œil auquel je tiens. Alors, merci à toutes celles et tous ceux qui font que ce clin d’œil ne meurt pas et merci à moi-même de m’accorder la liberté d’être en panne d’édito.

    CG

     

     

    Apprends à te respecter beaucoup plus devant

    ta propre conscience que devant autrui.

    Démocrite

     

     

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    AU SOMMAIRE

     

    Délit de poésie : Corinne Pluchart, Benoit Jantet, Jacques Cauda, Marie-Françoise Ghesquier, Gabriel Henry, Claire Lajus

     

    Délit d’oxygène : Nous sommes libres, Approche poétique d'un concert du duo Akosh S. et Sylvain Darrifourcq par Laurent Bouisset

     

    Résonance : Indalo de Christian Saint-Paul – Encres Vives n°441, avril 2015 et Cigogne (nouvelles) de Jean-Luc A. d’Asciano, Serge Safran éditeur – mars 2015

     

    Délits d’(in)citations virevoltent toujours au coin des pages.  Vous trouverez le bulletin de complicité au fond en sortant, toujours aussi sympathique, comme une idée de cadeau à faire ou à se faire. 

     

     

     

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    Illustrateur : Jacques Cauda

     

     

     

    J'ai tendu mon âme comme un câble au-dessus de l'abîme

    et jonglant avec les mots, je m'y suis balancé.

    Vladimir Maïakovski

     

     

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    Il n’y a rien de plus effrayant que l’ignorance à l’œuvre.

     Goethe

     

     

     

     

     

     

  • La moelle

     

     

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    (c) Jacques Cauda

     

     

    GEORGE
     Nous grattons tous des étiquettes, ma petite fille… Et quand on a gratté la peau, quand on a percé le cuir, toute la graisse, fouillé à travers les muscles et farfouillé à travers les organes (à NICK)… quand ils existent encore… (à HONEY) et quand on arrive enfin jusqu’à l’os… vous savez ce qu’on fait ?

    HONEY (très intéressée)
     Non.

    GEORGE
     Quand on arrive à l’os, il y a encore tout un travail à faire. (Il pointe un doigt, un léger temps, sadique.) Hé !... c’est qu’à l’intérieur de l’os il y a quelque chose qui s’appelle… la moelle… et c’est la moelle qui est bonne, délicieuse ! ... C’est ça qu’il faut extraire.

     

     


    Edward Albee
    in Qui a peur de Virginia Woolf ? (1962)

     

     

     

     

     

     

  • Soliflore n°34 - Didier Du Blé

     

     

    Laisse-moi le printemps fleurir 
    Comme une tiédeur sur la plage 
    Sûrement et principalement nu  
    Avec fragilité les fleurs dans la lumière   

    Alors les bourgeons craquent 
    Dans l’affleurement de l’espace  
    Floraisons dans le jardin qui renaît
    Immense tendresse pour le regard   

    Je vois alors l’étrange vie qui anime  
    Des flashs back oubliés en son théâtre   
    Réveiller des couleurs, des sons et des mots   
    Instants intenses à la périphérie du cœur

     

    www.didierdublé.fr

     

     

     

     

  • "Les poètes" de Christian Saint Paul sur Radio occitanie, invité : Marc Tison

    Un poète à découvrir, vraiment ! Marc Tison, publié dans le numéro 50, parle aussi avec Christian Saint-Paul de Nouveaux Délits et du travail poétique et militant de Cathy Garcia, MERCI à eux (et aussi du recueil Rester debout sur le trottoir de Murièle Modély !) :


    http://les-poetes.fr/son/son%20emision/2015/marc%20tison.wma

     

     

    Marc Tison qui organise aussi :

     

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    27 et 28 juin. Gratuit / Dans le village
    Samedi 27 à partir 19h : apéro textes / Red Bind http://www.kedzior-friedman.org/ / Courts métrages / Charles Pennequin http://www.charles-pennequin.com/
    Repas et buvettes sur place
    Dimanche 28 de 9h30 / 18h : Petite randonnée contée http://www.chergui.org/wp/
    Fanfare les belles gambettes http://www.pistilcircus.com/orchestres/fanfare-des-belles-gambettes /
    Lectures et rencontres d'auteurs : Pierre Domenges http://pierredomenges.com/
    Gilles Bouly
    http://www.expolibre.com/serigrap/bouly/bouly-p.htm
    Cathy Garcia http://associationeditionsnouveauxdelits.hautetfort.com/
    Francis Delabre /
    Yanis Youloutas http://youlountas.net/
    Concert Strange Enquête http://www.strang...eenquete.fr/
    Installations plastiques / animations sur la place du village.
    Invités (stands librairies / animation slam Babel Tchap...)
    Buvette et restaurations.

     

     

    La lettre de Christian Saint-Paul :

    Le cardinal Saliège disait en mars 1944 qu'il fallait "travailler comme si tout dépendait de nous, et il poursuivait : De quoi sera fait demain ? De nos actes". Plus tard, en décembre 1945 , il aura cette phrase : "Prudence, que de lâchetés on commet en ton nom !"

    La poésie est un art de faire, la poésie est acte. A lire les poètes cités dans l'émission du jeudi 21 mai consacrée en majeure partie à Marc TISON, il apparaît à l'évidence que tous, dans leurs actes, s'éloignent de la lâcheté par prudence. Pourtant notre époque, s'accorde à la crainte de notre courageux cardinal qui s'interrogeait déjà en octobre 1944 :" Ôte-toi de là que je m'y mette. Est-ce que la haine ne serait que la forme, le jaillissement des appétits ?"

    Vous pouvez écouter l'émission Marc TISON en cliquant sur :

     http://les-poetes.fr/emmission/emmission.html

    Le compte(rendu de l'émission :

    ***

    Cathy GARCIA poursuit don beau chemin et a fait paraître les n° 50 et 51 de sa revue "Nouveaux Délits  Revue de poésie vive". (Le n° 6 €, abonnement 28 €, chèque à adresser à Association Nouveaux Délits, Létou, 46330 Saint Cirq-Lapopie.)

     Des textes toujours intelligibles, ce qui ne nuit en rien à leur qualité, une relation éditoriale sympathique comme le confirme l'invité de la semaine Marc TISON. Une militante culturelle qui ne ménage pas son dynamisme militant, avec une générosité qui signe sa personnalité. A titre personnel cette artiste revuiste publie aux éditions Gros Textes : "TRANS(e)FUSEES  / 80 essais de décollage du réel 1993 - 2013"

    "Il y avait au fond de ma valise, un vieux brouillon, une veste d'homme, une bouteille, quelques fantômes et leurs bleus désirs de méharées. C'est de bon cœur que je m'apprêtais à les suivre, hélas, monsieur, en guise de départ, j'entendis pleurer les bombes et je vis l'automne passer sous les rails. Oui Monsieur ! J'ai donc ôté mes souliers et j'ai même ôté mes pieds avant de me glisser , sans rien de plus à dire, sous cet atôme de soupir où vous m'avez trouvée."

    Commande Gros Textes, Fontfourane, 05380  Châteauroux-les-Alpes (chéques à l'ordre de Gros Textes, 9 € + 2 € de port).

    *

    Denis HEUDRE vient de publier :

    Bleu naufrage  / Elégies de Lampedusa

    éditions La Sirène étoilée

    48 pages 12€

    à commander à :

    lasirene.etoilee@orange.fr

    Lecture d'extrait.

     

    Jeudi 3 octobre 2013

    -un fait divers

    -pour à jamais verser du noir

    -dans mon bleu

    --l’île des lapins

    -pays de vaste lumière

    -des hommes ont choisi le paradis

    -pour enfer

    --un bateau de 20 mètres

    -pour 500 migrants

    --l’horizon effondré

    -la mort y a jeté son suaire de sel

    --je ne sais rien de toi

    -je ne sais pas si tu es un garçon

    -je ne sais pas si tu es une fille

    -encore moins ton nom

    --à ton cercueil blanc

    -je te sais enfant

    --je sais que ta couleur noire

    -assombrit nos âmes de nantis

    -je t’appellerai Quinze

    -c’est peut-être ton âge

    -c’est le numéro sur ton cercueil

    --les hommes avec toi

    -voyaient les femmes d’ici

    -avec des baisers de coquelicot

    --s'ils pensaient réussir à apprivoiser

    -le cristal et l’acier de notre histoire

    -ils ont cru aux mensonges des miroitements

    -et au bleu de ce qu’on raconte

    --la mer d’ici n’a que faire de toi déjà oublié

    -moi je t’ai donné un nom

    -et jamais il ne tournera le dos à ma mémoire

    --il nous faudra toujours penser

    -à effacer méticuleusement les frontières

    *

    Murièle MODELY déjà citée dans des émissions précédentes est à lire; avant qu'une émission particulière lui soit consacrée, lecture d'extraits de "Rester debout au milieu du trottoir" Contre Ciel éditeur 12 €.

    Extraits d'un recueil précédent : "Je te vois" éditions du Cygne, 13 € :

     

    mordre

    le vide  mordre

    laisser tous

    les indispensables

    biens de consommation

    finir

    dans la gorge

    dans le creux du pantalon

    vomir pour se remplir encore

    *

    Christian Saint-Paul accueille son invité : Marc TISON.

    Il se présente aux auditeurs :

    1956 : Né entre les usines et les terrils, dans le nord de la France. Fondamental. A la lisière poreuse de la Belgique. Conscience politique et d’effacement des frontières.

    1969 : Lit un premier poème de Ginsberg. Electrisé à l’écoute de John Coltrane et des Stooges.

    1971 : Performe des textes de Jacques Prévert sur les scènes de collège. Premiers écrits.

    1977 : L’engagement esthétique est politique. Punk et free. Déclare, avec d’autres, la fin du punk en 1978. Premières publications dans des revues. 

    1977 – 1992 Il écrira et chantera plus d’une centaine de chansons dans plusieurs groupes.

    1980 : Décide de ne plus envoyer de textes aux revues, le temps d’écrire et d’écrire des cahiers de phrases sans fin. Cela jusque 1998 où Il jette tout et s’interroge sur un effondrement du « moi ». Part alors à l’aventure analytique.

    2000 : Déménage dans le sud ouest. Rend sa poésie de nouveau publique.

    Engagé tôt dans le monde du travail. A pratiqué multiples jobs : chauffeur poids-lourd, concepteur- rédacteur publicitaire, directeur d’équipement culturel…. Il s’est spécialisé dans la gestion de projet de l’univers des musiques d’aujourd’hui. A élargi depuis son champ d’action à la gestion et l’accompagnement de projets culturels et d’artistes.

    Programme aussi des évènements liés à l’oralité, la poésie dite, et la « poésie action ». 

    Ses publications :

    1977 - 1980 : Publié dans plusieurs revues (dont « Poètes de la lutte et du quotidien »)

    2000- 2015 : Publié dans diverses revues (« traction Brabant, Verso, Nouveaux délits, Diérèse,…).

    2008 : Recueil collectif « Numéro 8 », éditions « Carambolage ».

    2010 : Recueil « Manutentions d’humanités », éditions « Arcane 17 ».

    2012 : Recueil « Topologie d’une diaclase », éditions « Contre poésie ».

    Texte « Désindustrialisation », éditions « Contre poésie ».

    2014 : Recueil « L’équilibre est précaire », éditions « Contre poésie ».

              Trois affiches poèmes, éditions « Contre poésie ».

    2014 : Publications de quinze textes dans le livre d’artiste « Regards » du photographe Francis Martinal.

    2015 : Recueil « Les paradoxes du lampadaire + à NY ». édition « contre poésie »

    Depuis 2011 : Performances / installations d’action poésie (solo ou duo avec Eric Cartier).

    ***

    L'entretien entre Saint-Paul et Marc TISON est entrecoupé de lecture de textes par l'auteur.

    "L’amour, ça ne s’écrit pas / ça s’invente dans les nerfs", clame Marc Tison qui enrage dans l’observation du monde : ‘L’humiliation c’est tellement indolore / à regarder. » Il reste la colère qui « allume de petits phares épandus, mais « pourtant le ciel en feux ça ne suffit / plus. » La poésie de Tison est une poésie de dénonciation. Pour se révolter, donc agir, il faut d’abord affirmer son refus du monde tel qu’il est. C’est le rôle de la poésie que de changer le regard des contemporains sur le monde. Le poète accomplit le dessein de « L’homme révolté » de Camus :" Apparemment négative, puisqu'elle ne crée rien, la révolte est profondément positive, car elle révèle ce qui, en l’homme, est toujours à défendre. » « Il y a tant de révolutions / à faire » écrit Marc Tison dans « l’équilibre est précaire. » La première est celle de la langue. Même s’il utilise le mode de l’harangue, le langage n’est jamais un langage habitué. Les mots sont lavés de leur gangue de routine. Ils voyagent et sont comme les villes que le poète traverse pour en saisir l’éphémère quintessence. Milan, Barcelone, New York, Ostende, Hambourg, etc... la même mésaventure humaine.  Et l’univers invite à vivre « notre liberté inaliénable ».

     

    Textes de Marc TISON :

     

    J'engage aujourd’hui 06

    janvier 2009 celui qui m'a

    volé mes disques le 03

    décembre 1975 à me les

    ramener au plus vite ou en

    faire bon usage surtout le

    vinyle pressage 1957 du

    « Mulligan meets Monk »

    acheté chez un soldeur en

    Angleterre en 1974 l’année

    de mes 18 ans, disque dont

    le poids de matière comme

    l’épaisseur de la pochette

    cartonnée à la photo en noir

    et blanc si heureuse

    ajoutaient à la volupté de

    l’écoute de sa texture

    sonore

    *

    Extraits de "Les paradoxes du lampadaire  suivi de A NY :

     

    A NY j’ai entendu un quatuor d’afro-américains septuagénaires chanter à capella du Doo wop dans un wagon de métro le dimanche matin sur la ligne reliant Harlem

    Ils avaient des baskets neuves et deux des casquettes à longue visière

    Un avait un chapeau à bords ronds

    Et j’ai vu tous les passagers du wagon laisser des billets de 1, 5, ou même 10 dollars dans la petite boite en fer peinte maladroitement en rose et tendue par le plus costaud qui chantait la voix basse.

     

     

    A NY j’ai croisé des gens pauvres, beaucoup de gens pauvres.

    A NY j’ai aperçu des gens riches, beaucoup à « upper east side » .

    *

    A NY à l’aube laiteuse nous cherchions les enfants somptueux des Fleshtones 

                    Nous en avions perdu la trace dans nos pas insouciants lors de battues sonores et vaniteuses.

     

    Et puis dans ce qui n’est pas encore le matin

    A NY j’ai pris

    des taxis qui roulaient sur deux rails oranges

    la nuit bleue isotrope des lumières des yeux qui te regardent si loin d’où tu es

    un trait scintillant jusqu’à l’émoi sonore dans la gorge dans la poitrine qui résonne du mot évadé « monamour ».

     

    A NY j’ai vu un après midi ensoleillé une junky en trithérapie promener son chien et ramasser ses crottes avec un sac plastique fait pour ça

    Elle n’a pas vingt cinq ans.

            *A NY j’ai vu de mes yeux vu, le ciel si loin  - il s’habille des façades - se rapprocher auprès des  foules au fond noir des avenues transversales, jonchées des éclats trompeurs de rêves, poussières d’enseignes publicitaires

          Clinquantes et insomniaques.

     

    A NY j’ai vu des bibelots désuets

    surpris des siècles loin de moi

    à l’étal d’une brocante dans un entrepôt gris

    les vitrages sécurit des vasistas percés de trous

    impacts de balles comme des coups de pioches.

     

    Confusion harmonieuse des esthétiques mémorielles, revint en transparence la vitrine de ce magasin de montres soviétiques à Kotor, et les reflets de la poussière dans le maigre souffle de soleil

    Evaporation des pastels et les vendeurs qui souriaient.

    *

    Extrait de  "Manutentions d'humanités "

    Pierres

    Pierres qui calent mesures d'usines imbriquent des briques de terre de pierres pierres rouges les murs des maisons ouvrières des ouvriers effacés dans le canton de Denain désintégrés statistique sociale troisième page des misères du journal rouge maisons barricades planches aux fenêtres et les murs désertés rouges de pierres s'effritent sans fin recyclées et d'autres écrasées sans fin tapis des sols d'autoroutes sacrifices des os d'anciens locataires sidérurgistes au RMI offerts à la condition de poussières

    *

    Extraits de "L'équilibre est précaire" :

     

    Suivras tu dans la jungle ses pensées sombres sans fin. Croiras tu voir de l’or dans ses regards perdus.

         Rentreras tu dans le                   corps que tes bras enserrent.  Et la joie et la peine pagailles d’émois qui apeurent.

     

    Le chant frotté des    mains poignant des chairs, bat l’arythmie haletante des souffles. Moiteurs de suées aux ventres mélangées, et la bite dans le con défiant la mort de baisers.

         Il y a tant de révolutions        à faire.

    Tu seras le désir cette sorte de peine. 

    *

    Un inédit pour l'émission "les poètes" :

    Mostar : arrivée comme un road-movie

    40° à l’ombre et le ciel bleu

    cache les traces de l’enfer

     

    Pelure sèche c’est la terre

     

    Là autour d’un pont

    les prêches et les sermons

    des pervers religieux ont nourris les canons

    Ce jour de soleil

    Les imams et curetons

    Ferment enfin leurs gueules

    Paraît il qu’ils n’ont toujours pas honte

     

    Là au bas d’un pont

    Ce jour de soleil

    Un Dj hiphop mixe sur une plage de poussière

    des jeunes femmes en bikini ondulent

    quand des ados fins plongent en frimant

    La rivière redevenue bleue

     

    Combien d’assassinats snipers fallait il

    Retransmis en direct sur les télés du monde

    Un jeu de gloriole

    Les morts comme figurants

    On filme le poing haineux brandi en vociférant

    Le racisme nationaliste fait people

     

    Et dire qu’on promet des unes spectaculaires sur son retour

     

    Alors Mostar : 40° à l’ombre et le ciel bleu

    Y revenir

    Dans le miroir du présent

    Plus jamais ça

    Plus jamais ça

    Ad lib..

    *

    Marc TISON une voix témoin de son temps, totalement confondue et en mouvement avec l'art d'aujourd'hui, qu'il est bon de connaître et d' accompagner dans notre énigmatique époque.

     

     Amitiés à ceux qui se reconnaîtront,

    fraternité à tous,

    Christian Saint-Paul  

    http://les-poetes.fr

     

     

  • Soliflore n° 32 : Guillaume Basquin

     

    LE FOND DE L’AIR EST ROUGE

    (extrait d’un long Work in Progress, (L)Ivre de papier)

     

     

     

    un tweet peut-il rougir oh on doit pouvoir concevoir un pro­gramme pour ça en­voyons rouge dans le computer central et voyons ce qui sort de la couleur du sang du coquelicot o mio povero giardino tutto de pietra colori pochi solo un po’ di rosso ciel de mer doublé bleu violet rougi court-circuit entre le visuel et le sonore là-bas un disque énorme tourne assez vite on lui voit tout autour du vert avec au centre une teinte rougeâtre rougir de son immoralité rouge comme la couleur de la peinture qui finit par recou­vrir la totalité d’un drapeau français dans film-tract numéro 196 rouge 1968 coréalisé par jean-luc godard et gérard froman­ger on a brisé la glace avec des fers rougis ici souvenir d’un plan de coqueli­cots de bord du périph’ dans the old place de godard-miéville aussitôt monté en correspondance-collage avec un plan d’un défilé de drapeaux rouges soviétiques puis collé à une repro­duction d’un champ de pavots peinture de claude monet de la collection du moma fleur lumière écho des rouges et enfin ra­piécé avec le récit d’un témoin d’une bataille du 19esiècle il tourna la tête vers l’ennemi c’étaient des lignes fort éten­dues d’hommes rouges et avec ce texte d’un poète français mécon­nu du 20emille drapeaux rouges entrant en paix par la porte cé­leste respiration rouge des caractères com­battants his­toire populaire des soldats civils d’aujour­d’hui cal­ligraphié tempête ou bien étrange et parfaite cou­leur ou bien le vin a le rouge des roses et aussi partout où se trouve un par­terre de tulipes fut répandu jadis le sang d’un roi et encore ri­deau rouge déchiré du temple ou bien muleta carré rouge sur fond rouge très bien ça et surtout la des­serte rouge 1908 juste à côté untitled violet black orange yellow on white and red 1949 et aussi à ma droite de­vant le point mé­dian de la rangée d’arbres s’élevait semblable à un gui­gnol géant certain théâtre rouge incompréhen­sible sans oublier their lips were four red roses on a stalk parlez-vous le joyce yes when i put the rose in my hair like the andalusian girls used or shall i wear a red yes le non-sens passe dans le sens en­core mieux ces actrices aux yeux lascifs et relevés par le rouge ou bien elle éblouissait le re­gard avec la gorge chantée par le cantique des cantiques avec des jambes d’une élégance adorable et chaus­sées en soie rouge pas mal la rose celle qu’un sang farouche et ra­dieux arrose plis de sa robe pourprée moi aussi je suis poète rien que bouffon all’antico de nouveau la poussière rouge le délire de la raison l’érinye dans le cœur et aussi rouge de grenade rouge de piment roussi de rouget du midi rouge d’oursin rouge carmin san­guine moi aussi je suis peintre rien que poète rothko achilles forme centrale rouge embrasée parlo come pittore je devais cependant inventer un dispositif déformant constam­ment actif pliant et dépliant les racines des moindres signes de rouge et cet appareil était moi c’est lui qui vient d’écrire cette phrase et aussi ce qui suit rouge incan­descent vermi­glie come se di foco uscite fossero com­ment vous ne connaissez pas l’italien bah ça ne fait rien vous pouvez considérer ceci comme un chant glossolalique ça continue he must have redden’d pictorially and scientintically speaking six whole tints and a half if not a full octave above his natural colour oh par­fait pomme de reinette et pomme d’api tapis tapis rouge chanson imitée du voyageur polutropos aux mille tours song shaun song la ri­tournelle pour gilles deleuze c’est la ronde des passés qui se conservent ou bien la forme a priori du temps qui fabrique à chaque fois des temps différents ou encore la répétition du dif­férent étrange étrange chercher instinctive­ment le secret de cette mystérieuse envie en explorant la petite maison rouge fermée par deux volets blancs inquiétante de lisse et de fragilité comme écorchée tableau caché et aussi pressantes et lentes leçons d’anatomie de brigitte montrer expliquer le vrai rouge qui viendrait le noir déjà un peu là la mère en prescrira la lecture à sa fille fils rouge feu d’anna livia a e i u o voyelles a noir e blanc i rouge pourpres sang craché rire des lèvres belles u vert o bleu la le li lu lo la noire le blanc lit rouge lu vert lo bleu c’est clair non immense murmure en échos interminables modulation arrivant à la consonne et à la syllabe mais jamais jusqu’au mot c’est ainsi qu’apparaissent les couleurs et les couleurs précipitent un nouvel épanchement oui je tiens musée du rouge par exemple celui de la sangle qui permet au pierrot de la partie carrée de watteau 1714 de porter en bandou­lière une guitare les nœuds de cette sangle forment des roses écarlates c’est le punctum de ce tableau du miracle français plus grand que le grec cette inépuisable effusion de reconnaissance devant la nature faut-il le rappeler oui la peinture a disparu mais je la reprends à travers les mots bleu rose vert le bleu le rose le vert et le cramoisi j’ai vraiment su qu’il existait des couleurs quand j’ai éventré le garde champêtre mais aussi un village devenu une petite tache de sang rouge sur la carte ici l’œil de newman derrière le monocle inspectant la vaste surface rouge là rythme couleur n°1076 où le rouge-éclat domine un delaunay est bon à toute heure ailleurs pays rouge fleuve rouge océan surgissant partout à la fois on aime le rouge en france et on a raison car il anime o red october days lettres rouges sur fond de lettre volée quel colloque in short there is no end of it these unforeseen stoppages which i own i had no conception of when i first set out ici on écrit le caractère soleil dans un carré ou un cercle de neuf pouces en vermillon sur papier vert accord ton sur ton fondu au rouge sang comme dans cris et chuchotements 1972 d’un bord à l’autre du monde que la nuit est rouge maintenant on entend un immense feu qui gagne et qui crépite la lueur rouge atteint son apogée et reste ensuite elle s’éteint lentement en 1955 yves klein présente au salon des réalités nouvelles un monochrome orange réaction du jury une seule couleur unie non non non vraiment ce n’est pas assez c’est impossible ah tout tenter jusqu’à l’épuisement le passage suivant est sur fond rose texte peinture simultanés rythme sans fin 1926 ô sonia delaunay ce dire est une fontaine romaine le jet s’élève et puis retombe remplissant la vasque de marbre qui déborde dans l’espace d’une autre vasque celle-ci trop riche à son tour se répand encore en une autre et chacune à la fois prend et donne et verse et repose du mouvement dialectique des groupes naît la série et du mouvement dialectique des séries naît le système tout entier

     

    http://guillaumebasquin.wix.com/guillaumebasquin

     

     

     

     

  • Résonance 51

     

     

     

    le-memo-d-amiens-de-jean-louis-rambour.jpgLe mémo d’Amiens de Jean-Louis Rambour, éd. Henry, coll. La main aux poètes, octobre 2014. Vignette de couverture : Isabelle Clement. 96 pages, 8€.

     

    « C’est un pays étrange, cette ville, avec tous ces gens », c’est sur cette citation du Clézio que s’ouvre ce recueil, qui bien que tenant dans la poche, pèse son poids de vies humaines et d’un siècle condensé. 90 « poèmes-photos », 90 portraits de 14 lignes. Une ville, Amiens et des gens, des habitants. Des prénoms, quelques noms, des histoires, des rêves, des ambitions, des douleurs, des misères, des saloperies aussi de tout un siècle découpé en guerres, en entre-deux, en révolutions. « Ici Julia parle de la grande souffrance d’Amiens (…) La grande souffrance dit-elle Deux guerres mondiales À elle seule L’idée qu’on a pris forme humaine Pour vivre la somme des malheurs la note élevée Pris forme humaine pour offrir ses ruines » Toute cette grande machinerie de l’Histoire à coups de bottes, de pieds résolus, de pieds nus, de pieds noirs, d’escarpins tourbillonnant après l’amour, la grande marche de l’Histoire à coups de bombes, de bulldozers, de bâtiments qui s’effondrent, de bâtiments qui se dressent, de fermes qui disparaissent, de zones et d’entreprises aux noms anglo-saxons qui engraissent. Et les gens, les gens qui vivent tout ça, de gens qui habitent, font et défont la ville, des gens venus de là et d’ailleurs, tout plein de mémoire et de trous. On construit on construit Les ouvriers de Pi and Dji Ont besoin de murs autour de leurs lits De fenêtres pour imaginer des libertés Sans compter qu’il y a Good Year Cyclam Plastic Omnium Unither Scott Bader Vidam Whirpool Faiveley Mersen France Sans compter La guerre d’Algérie qui jusqu’ici distribue ses exils. Beaucoup de noms dans le mémo d’Amiens, un mémo c’est fait pour ça, pour ne pas oublier, les noms de personnes, noms de rues, de places, de quartiers et de ciel et de pays aussi laissés derrière, mais dont quelques graines sont venus les unes après les autres, fleurir la ville de couleurs nouvelles. De parfums nouveaux. Geneviève, Rémi, Georges, Laurent, Isabelle, Lucienne, Léon… A eux seuls, les prénoms, tout un poème. Nemrod venu du Tchad jusqu’à cette ville d’Amiens où L’eau ne fait que glisser dans les tuyaux de cuivre et où la misère pourtant est belle de ses salle de bains/Et ses terrasses de café où la bière est en or. Là où Boris flotte avec les nuages des gitanes/La bière sa petite odeur d’urine d’âne surie. Il y a le travail, ses travailleurs et ses exclus et il y a le foot.Daniel (…) estime qu’un ballon est un bon résumé/De l’aventure humaine Tous les globes d’ailleurs/Plus généralement Les globes et les nombrils. Jennifer, Chaïma, Yliès, Caetano, Germain, Gilles, Jacqueline. Gilles qui se fait appeler Njango. Habib, Jésus, Anna et puis les épiciers, Monsieur et Madame Tellier. On ne pèse plus les pâtes/Le riz, la levure On ne râpe plus le fromage/On ne surveille plus l’intégrité des grains de café/On ne se fait plus servir  C’est le début du non-partage/On apprend le mot de self-service On s’en repaît (…) Le curé tente d’excommunier le chewing-gum/Mais en vain/On entre dans l’ère du self et du look.

     

    Le château d’eau du Pigeonnier devient le poste de surpression d’eau potable dépendant du département eau et assainissement/De la mairie d’Amiens sous la responsabilité de l’agent Matthieu Bernard. Les temps changent, tout change mais la nuit a t’elle perdu la manie misérable d’accoucher ses cauchemars chats noirs/Ses ogres bossus aux manches de chandail/Luisantes de pailles et du mucus des limaces ?

     

     

     Amiens sous la plume de Jean-Louis Rambour nous laisse découvrir son intimité, les dessous de ses visages innombrables, son grand théâtre… Ch’est nous chés tchots/Conmédiens/Chés viux cabotants d’Anmiens*.Le mémo d’Amiens est un hommage poignant, sensible mais surtout pas mièvre, au contraire digne, lucide, sans concession, hommage aux femmes et aux hommes, d’où qu’ils viennent, qui forment le vrai ciment des murs d’une ville, qui la font tenir debout, en lui offrant encore un souffle d’humanité, aussi chargé soit-il. - Cg  -

     

      

    *(C’est nous les petits comédiens/les vieux cabotins d’Amiens, dans la chanson d’adieu des marionnettes traditionnelles picardes, par Maurice Domon)

     

     

      

    Jean-Louis Rambour né en 1952, à Amiens, vit toujours en en Picardie.

     

     

     

     

     

     

     

    r.jpgPieds nus dans R. de Perrine Le Querrec– Ed. Les Carnets du Dessert de Lune, collection Pousse-café, février 2015. 28 pages, 5 €.

     

     

     

    Petit joyau ce pousse-café là, tête-bêche en plus : Pieds nus dans R. ou Barefoot in R. dans sa version anglaise, traduit en anglais par Derek Munn. Petit joyau car la plume de Perrine Le Querrec quand elle ne la laboure pas, vole au-dessus de la page, et il pleut des mots, il pleut de la langue de poète, de celle qui enivre, que l’on boirait encore et encore, jusqu’à tomber par terre ivre vivant ! Ce livre dédié à N. parle d’un il qui revient de R. pieds nus : j’ai perdu mes chaussure à R., me dit-il en arrivant. (…) R. qui se targue d’être la Ville, une ville tout en cadres en bordures en netteté. Comment cela a-t-il pu arriver ? Comment perdre ses chaussures, sa raison, son assise et son apparence, comment se délacer - ô savoureux double sens -, s’égarer, se soustraire aux codes de R., nation d’ordre, de discipline où le premier pas de l’enfant est calculé à la courbe du rendement de R. ? Oui, comment ? Dans un rythme entrainant, envoûtant qui galope sur la page comme une épidémie de pieds nus justement, on se laisse gagner par l’exaltation liberterre de ce nudisme, deux pieds, nus de chair de veines et d’os, de pieds sans semblants, sans artifices ni parures. Ô délicieuse impudence, n’hésitez pas, emparez-vous de ces petites pages de rien du tout, énormes, qui dévalent, osez cette vision insupportable, crue, cruelle mordante, miraculeuse. N’hésitez pas, déchaussez vous !    - Cg -

     

      

    Perrine Le Querrec est née à Paris en 1968. http://entre-sort.blogspot.be/

     

     

     

  • Nouveaux délits n°51 lu par Patrice Maltaverne

     

     

    Le numéro 51 (14,3 cms X 20,7 cms) de la revue "Nouveaux délits", animée par Cathy Garcia vient de sortir.
     
    Avec des textes de d'Enrico Bertoncini, de Nicole Barromé, de Jean-Louis Llorca, d'Annabelle Verhaeghe, de Sadoum Nakib, Louise Sullivan, de Jean-Baptiste Pédini, de Jean Gédéon, de Michel Host, deux chroniques de Cathy Garcia sur des recueils de Jean-Louis Rambour et de Perrine Le Querrec.
     
    Les illustrations de ce numéro sont de Corinne Pluchart.
     
    Pour vous mettre l'eau à la bouche (enfin, je veux dire... une fois qu'elle est ajoutée au Pastis du numéro 51), voici un extrait du texte "Epingler des papillons", de Louise Sullivan : "Il est des endroits somptueux en dehors de la terre que vous ne pouvez pas connaître. Des endroits où le ciel vaporeux, parsemé de nuages gonflés de sanglots, ne fait qu'un avec le sol lévitant de sable rose..."
     
     
     
     
     
     
     
     
  • Numéro 51 lu par Christian Saint-Paul, Radio Occitania

    Cathy GARCIA a publié dans le mode original qui est sa signature, le dernier numéro de sa revue : " Nouveaux Délits, Revue de poésie vive " n° 51 , avril, mai, juin 2015, 6 € le volume, abonnement 28 € (4 n°s) à adresser à Association Nouveaux Délits, Létou - 46330 Saint Cirq-Lapopie. De la belle ouvrage comme toujours avec cette artiste qui met en page textes et illustrations, au cordeau dans un dépouillement et un ordre qui sont l'apanage d'une conception militante et fraternelle de l'action poétique. Lecture de "Mots sur les mots du poème" de Michel HOST que l'on retrouve dans cette revue, et dont le texte fait écho à l'édito de Cathy GARCIA du n° 50.

    "La question de Cathy Garcia a dès lors toute son acuité : "Que serait le poète sans les mots ... sans ses mots ?" Vendeur de chaussures ou comptable ? Mais voilà, c'est trop facile, ou trop difficile... Je n'ai pas de recette. On pense aux teinturiers qui ravivent et rendent leur grand teint aux tissus passés. On pense aux mots changés qui changent le discours, aux discours déplacés du soi vers l'autre ou l'ailleurs... A des allées et venues entre le nombril du diseur de mots et l'univers, avec les mots pour le dire. Offrir de nouvelles nourritures aux mots fatigués ? Leur rendre la santé. Ouvrir les portes et les fenêtres."

    (Ré)-écoutez en ligne sur Radio Occitania toutes les émissions de Christian Saint-Paul, toujours très riches en humanité : http://les-poetes.fr

     

     

     

  • Numéro 51 lu par Georges Cathalo

    Note publiée sur le site de la revue Texture : http://revue-texture.fr/lecture-flash-2015.html

     

     

    Avec un courage et une ténacité hors du commun, Cathy Garcia poursuit son aventure revuistique. Si elle fait en sorte que sa revue soit identifiable sur le plan formel (présentation, format, impression...), elle met un point d’honneur à choisir des textes originaux. Il lui est sûrement difficile de choisir parmi les centaines de textes reçus mais elle le fait sans tenir compte de la renommée (?) des poètes. Pour elle, seul le texte compte. On relèvera ici des écrits de jeunes tels que Louise Sullivan (née en 1985) avec une nouvelle étrange, « Épingler les papillons » ou de Jean-Baptiste Pedini (né en 1984) avec une belle suite océanique de poèmes en prose. On croise aussi dans ce numéro des gens plus âgés certes mais peu lus car discrets mais au talent indiscutable : Jean Gédéon et Jean-Louis Llorca par exemple. Quant à l’ancien Prix Goncourt Michel Host, il se voit offrir une page lumineuse pour compléter l’ éditorial de Cathy Garcia du N°50. On lira ensuite quelques brèves notes de lecture sur deux livres bien choisis (Jean-Louis Rambour et Perrine Le Querrec). Signalons enfin que Cathy Garcia rappelle l’adhésion de sa publication à l’association ARPO qui rassemble et répertorie plusieurs dizaines de milliers de revues de poésie en son Conservatoire carmausin depuis plus de 30 ans. Beau geste de reconnaissance !

     
     
     
  • NUMÉRO 51

     

     

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    C’est un numéro qui sent l’anisette, non ? Et pourtant l’été est loin, le printemps encore frileux, faut dire que ce n’est pas jojo l’ambiance, on s’attendrait presque à ne voir fleurir que des rosettes tricolores … La peur est depuis toujours une arme de persuasion massive. Il y a de la confusion, beaucoup de confusion dans l’air en ce moment, de menteries et de récupérations, tellement que ça donne envie de se taire pour ne pas en rajouter, se taire et prendre suffisamment de recul pour être capable de sourire encore à l’inconnu, de lui faire confiance, de lui ouvrir sa porte et l’inviter à boire un café bien noir ou un thé bien à la menthe, ou un coup de rouge bien biodynamique, ou une anisette tiens, pourquoi pas ? Même si l’été n’est pas encore là, que le printemps retient sa sève, sachant que même le vert, ça ne plait pas, au point qu’on lui fout du lisier plein la face à ce pialut* avec ses clochettes et ses fleurettes et toutes ces couleurs éclatantes, prêtes à s’exhiber sans pudeur. Donc, se taire oui, fermer sa bouche et déployer sa plume, car il y a bien « trop de chefs et pas assez d’Indiens », alors déployer sa plume, son art, sa syntaxe, sa différence et l’afficher bien haut, paf dans la cible-ciel, qu’il en pleure de joie pour arroser tout le monde, même les cons qui eux aussi ont la plume haute, la plume au fion.

    c.g.

     

    *un pialut est un terme dérivé de l’occitan pelut « poilu » utilisé dans le Quercy (pelut dans le Tarn) depuis les années 70 pour qualifier sans grande sympathie les babos à barbe et cheveux longs et aujourd’hui les néo-ruraux à tendance écolo quel que soit leur degré de pilosité… et sans forcément plus de sympathie.

     

     

     

    L'ennemi est con, il croit que c'est nous l'ennemi

    alors que c'est lui.

    Pierre Desproges

     

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    AU SOMMAIRE

     

     

    Délit de poésie :

     

    Hommage aux Ombres Vives d’Enrico Bertoncini

    Blue star de Nicole Barromé

    Jean-Louis Llorca

    Annabelle Verhaeghe

    Sang d’encre (extraits) de Sadoun Nakib

     

    Délit piquant : Épingler les papillons de Louise Sullivan

     

    Délit salant : L’océan par la vitre de Jean-Baptiste Pedini

     

    Délit d’homo bellicus : Les appâts rances de Jean Gédéon

     

     Mots sur les mots du poème de Michel Host en écho à l’édito du n°50

     

     

    Résonance : Le mémo d’Amiens de Jean-Louis Rambour, éd. Henry et Pieds nus dans R. de Perrine Le Querrec– Ed. Les Carnets du Dessert de Lune

     

     

    Délits d’(in)citations fleurissent, fleurissent…  Vous trouverez au fond en sortant le bulletin de complicité dans une posture très aguicheuse mais pas encore vulgaire, malgré que ses propositions qui se veulent toujours honnêtes soient contraintes de s’aligner sur la hausse des tarifs postaux.

     

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    Illustratrice : Corinne Pluchart

     

    Vit en Bretagne. De mer, de vent et d'ouest.

    Parce qu'un jour il y eut  rencontre,

    fulgurance abrupte,

    un temps de vent et de lumière vive.

    Traces, signes, empreintes et tout ce qui fait chemin.

    Pas de vie ni de sens sans poésie.

     

    http://corinne.pluchart.over-blog.com/

     

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    Oui, la vie porte l'absolu et il revient à l'homme de l'incarner ici, qui ne l'atteindra jamais.

     

    Oui, la beauté, la poésie, l'amour, l'éros, la joie, la subversion, l'autonomie, l'indépendance sont des valeurs contemporaines qu'il reste à défendre.

     

    Oui, le but de l'homme est l'amour, toujours plus d'amour. Oui, n'en déplaise aux marchands, aux esthètes, aux cyniques, aux épargnants, aux religieux et aux athées, la vie se conjugue dans la dépense, le don, l'ouverture, l'acceptation, la perte. Ceux qui l'osent ont appris que l'écriture est habitée de sexualité comme le ventre, et qu'il faut s'y enfoncer avec la même ardeur que les consonnes masculines fouaillent la béance des voyelles dans la phrase. C'est au prix de cette conscience-là, et de l'enjeu qu'elle représente, que l'esprit circule entre les lettres et porte le souffle.

     

    Les poètes le savent, les prophètes et les saints : que les mots sont aussi sexuels que le corps des femmes et que le souffle les fécondent s'ils se laissent épouser.

     

     Lorette Nobécou

     

    in La clôture des merveilles: Une vie d'Hildegarde de Bingen

     

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  • Vient de paraître aux Ed. Gros Textes

     

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    30 essais de décollage du réel

    1993-2013

     

    Il y avait au fond de ma valise, un vieux brouillon, une veste d’homme, une bouteille, quelques fantômes et leurs bleus désirs de méharées. C’est de bon cœur que je m’apprêtais à les suivre, hélas, monsieur, en guise de départ, j’entendis pleurer les bombes et je vis l’automne passer sous les rails. Oui Monsieur ! J’ai donc ôté mes souliers et j’ai même ôté mes pieds avant de me glisser, sans rien de plus à dire, sous cet atome de soupir où vous m’avez trouvée.

     

     

      

    40 pages au format 14 x 21

    orné de 12 pleines pages couleur avec des illustrations de l’auteur

    imprimé sur papier bouffant munken 90 g

    ISBN : 978-2-35082-273-0

     

    9 € (+ 2 € de port – port compris à partir de l’achat de 2 exemplaires)

     

    Commande à :

    Gros Textes

    Fontfourane

    05380 Châteauroux-les-Alpes

    (Chèques à l’ordre de Gros Textes)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Soliflore n°31 : Khalid EL Morabethi, Maroc

     

    Hier

    Le ciel a été vert,

    Il est jaune, aujourd’hui,

    Hier, la pluie n’a pas voulu tomber,

    Même si les nuages l'ont priée,

    Même si la terre vendue, l’a suppliée

    Et Le soleil bleu, le roi ne parle plus

    Depuis  longtemps déjà,

    Les étoiles qui apparaissaient pendant le jour,

    Savaient pourquoi,

    Ils savaient.

    Hier

    La lune rouge, vêtue d’une longue robe blanche,

    Déambula dans la ville sombre et silencieuse,

    Chercha tout ce qui pouvait lui permettre de continuer d’être lumineuse,

    Tout ce qui pouvait lui permettre d’être merveilleuse.

    Hier soir,

    L’oublié ivre avec un sourire charmeur,

    A regardé la lune et le peu de magie et sa douceur,

    Il a pu lui dire qu’elle brille encore,

    Il a eu le courage de lui dire qu’elle pouvait briller plus fort,

    Il a mis sa main sur son cœur, sans perdre l’équilibre,

    Et il est parti.

    Hier,

    Plus loin des explosions et des cimetières,

    Plus loin des soldats zombie et leurs cris qui polluent l’air,

    Loin des pressions qui s’accentuent,

    Loin des maisons ou les frères s’entretuent,

    Trop loin,

    Derrière,

    Le vend était taiseux,

    Les arbres à feuille caduques se regardaient,

    L’espoir essayait d’ouvrir ses yeux,

    Derrière les montagnes,

    Gavroche,

    A enfin vu, la Pureté,

    Elle a perdu la mémoire, jusqu'à oublier sa perfection,

    Jusqu'à oublier, que son cœur violet, avait des sentiments,

    Mais la présence d’une âme naïve,

    Lui a donné la force de prendre son oud,

    Et pour  la première fois, le rythme se joue,

    Et pour la première fois,

    L’homme entend à part la colère de la terre, un chant doux.