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LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS - Page 14

  • Soliflore n°27 : Ana Minski

     

    obstinément
    la tête
    battements jugulaire
    tendons et nerfs
    implosion

    sur le visage de métal et de silice
    plus de cercles et de chutes
    la bouche
    échappée des marges

     

    Ana Minsky Le ciel renversé, huile sur toile.jpg

    Le ciel renversé, huile sur toile



    humaine encore
    aveuglée, éperdue...
    assaillie
    dévorée par des ciels sans lune
    dans des paysages d'ogre
    affamé de nuits
    de tempêtes et de déluges

     

    http://anaminski.eklablog.com/

     

     

     

     

     

     

  • Résonance 49

      

    Ed. Sulliver, septembre 2013

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    110 pages, 11 €.

     

      

    Les Chroniques du Diable consolateur est un monologue du Bourven, l’auteur, qui s’adresse ici à sa compagne de malfortune : « Je nous vois cernés et haletant dans ce grand lit, Inhès ». Inhès aux adorables petites fesses. Un monologue poétique tout sauf monotone, qui prend sa source dans la chambre et le quotidien d’un couple, artiste, rsa, taf alimentaire, galère… dans Paris, or si la poésie a souvent pour fonction de transfigurer, ici c’est une transfiguration inversée, vers la face obscure. En effet, ce récit se place sous le signe des Ombres et de la lune avorteuse, des nuits insomniaques et des sommeils bavards. Les Chroniques du Diable consolateur sont le livre des terreurs nocturnes mais aussi celui de la fureur, où l’auteur enchaîne des textes-spasmes, oniriques et hallucinés qui parlent de la Réalité-nuit (saturée d’Ombres perverses), entre bad-trip et delirium tremens, pour exorciser une Réalité-jour, bien pire encore. Réalité-jour que l’on me tend et que l’on voudrait m’imposer par la force où même les campagnes sont tristes, jonchées de cadavres de chevaux, de vaches et de vieillards aux dos tout tordus. C’est donc et surtout aussi un livre-colère contre une société et une époque qui ne savent procurer qu’angoisses destructrices et impuissance désespérée et même si l’auteur s’enfonce dans la nuit-foutre-fugue-nuit, cela ne suffit pas pour apaiser la colère et la trouille. Voyage entre deux mondes, « Voyageant d’une douleur à l’autre ! D’une jouissance à l’autre !  Avec au bout du Fleuve Noir, quand la Seine devient Styx, Pluton et Proserpine fornicateurs, faisant cargaison de chair fraîche à bord de leur sombre péniche.

     

    Yann Bourven dans la lignée des écrivains-poètes que l’on disait maudits, les visionnaires torturés, les mystiques contrariés, le regard exorbité sur l’invisible sans pour autant échapper à la merditude du réel, nous évoque des Baudelaire, Burroughs « J’étais là, une barre au crâne, comme nu, et les passants ressemblaient à des limaces géantes qui défilaient en rampant et en grognant dans la boue, survolées par des hiboux klaxonnant. » ou Lautréamont, Artaud, qui auraient longuement macéré à la sauce punk. « Non, je ne suis pas un ado attardé, merde !... ».

      

    « C’est l’avenir qui nous torture ».

     

    Le lit, le couple, le radeau de survie, le couple solaire malgré tout par opposition au couple maudit infernal et dévorateur, mais comment échapper aux cauchemars de la Réalité-jour sinon en se maudissant pour y échapper par la Réalité-nuit. « Caresse-moi et je te dirai comment je vomirai cette société et cette Europe mal famée. Je t’expliquerai ma politique sanglante, tu verras ! »  La Vraie-Vie ou le désert au bout du Fleuve Noir ? Lequel des deux est le pire ? Faut-il écouter Proserpine ?

     

    - Cette Vraie-Vie est un leurre ! Si tu restes ici je te prédis une vie bête et sans saveur ! Une vie de routine et d’asservissement, d’ennui et de surconsommation ! Sois mignon, reviens ! Allez ! Au pied ! Tu feras partie de ma légende putréfiée ! »

     

    Puisque Vie et Beauté sont tant malmenées dans la Réalité-jour aux écrans de nausée sexuelle, où l’amour balancé sur les trottoirs est dévoré par des chiensqui le chient quelques heures plus tard dans les jardins d’enfants,

     

    « C’est la nuit (pilotée par la lune avorteuse) qui nous intéresse ! La nuit qui nous hurle ses poèmes épileptiques ! »

     

    Et les amants s’accrochent l’un à l’autre. « Tes caresses sont précises et elles me lisent à tombeau ouvert. La mort, c’est ma peau que tu tends comme un voile dans la nuit. »

     

    Ce sont des enfants en « folles virées dans Tragédie City. Enfants dépourvus d’innocence qui partent en vrille ».

     

    « Nos noms s’affichent sur les murs de la ville froide. Avis de recherche. Perdus à jamais. Dans des nids de frelons. Dans la Réalité-nuit. On nous oubliera vite, tu sais. On nous oubliera. »

     

    Et les amants baisent et baisent encore, le sexe comme flambeau d’amour rédempteur, « Je ne débande plus, regarde-là, elle est dure comme du bois ! Tâte ces veines diurnes qui surgissent une à une gonflées à mort ! De vraies racines qui palpitent ! ». Sexe défonce, antidote au venin de la trouille, au feu dévorant de la rage, mais pas assez puissant puisque « L’homme tourne en rond dans la pièce, marche autour du lit en se grattant le menton, en se claquant les joues et en se grondant la bite. Puis il se jette par la fenêtre. »

     

    « Ci-gît l’espoir, ils ont assassiné la poésie-vérité ! me disais-je enfiévré. Ils m’ont eu, mais qui ? Qui tire les ficelles de la résignation ».

     

    Portrait sous acide-vitriol et paradoxalement extralucide de notre époque, où « des vigiles métalliques nous expliquent qu’ils lacèreront nos enfants si jamais nous en faisons », ne passez pas à côté de ces Chroniques du Diable consolateur qui sonnent comme une alarme salutaire de poésie-vérité.

     

      

    Cathy Garcia

     

     

     

    sans-titre.pngYann Bourven est un écrivain français né le 17 octobre 1978 à Rennes. Il a déjà publié Face à la Mer (2001), Mon Héroïne (2003), La Course Éperdue du Gosse Enflammé (2004) et Les Fantômes te détestent (2006), parus aux éditions Diabase. Puis : Le Dérèglement (2009), Maclow, Ville-Fièvre (2011) et Chroniques du Diable consolateur (2013), parus aux éditions Sulliver.

     

  • Numéro 49, délit de coquilles récidivistes !

    Décidément, un des auteurs publiés dans ce numéro Paul Fréval, a un quasi homonyme : Paul Féval, auteur également, défunt celui-là, qui a semé bien malgré lui la confusion.... et pas qu'une fois, c'est la multiplication des coquilles là ! L'auteur publié dans ce numéro donc est bien Paul Fréval et non pas un hommage à l'écrivain de cape et d'épées qui semble pourtant vouloir faire parler de lui...

    Le blog de Paul Fréval est donc bien http://frevalites.blogspot.fr/

    Pour me faire pardonner, je vous invite à aller voir les vidéos de Paul FRÉVAL que vous trouverez sur viméo et youtube, comme celle-ci :

     

     

    ou celle-là

     

     

     

     

     

  • NUMÉRO 49

     

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    Oct. nov. déc. 2014

     

     

    En guise d’édito :

     

    Le missionnaire européen était assis accroupi avec les Indiens Hurons en grand cercle autour d’un feu de camp. C’était une position à laquelle il n’était pas habitué, et il avait le sentiment qu’elle ne l’aiderait pas à convaincre les Indiens de partager son point de vue. Néanmoins il leur a exposé courageusement l’idée selon laquelle il n’était pas un mais deux. En l’entendant les guerriers ont éclaté de rire et ont commencé à jeter de gros bâtons et de la poussière dans le feu. Un étrange mélange de terreur et de ressentiment a alors envahi le cœur du missionnaire. Lorsque les rires ont cessé, il a poursuivi son exposé. Avec patience, il a expliqué aux sauvages que ce corps fait de chair et de sang qu’ils voyaient assis devant eux n’était qu’une coquille extérieure, et qu’en lui un corps invisible plus petit habitait, qui un jour s’envolerait pour vivre dans les cieux. Les Hurons ont gloussé de plus belle, en se faisant des signes de tête entendus tout en vidant les cendres de leurs pipes en pierre dans le feu crépitant. Le missionnaire avait le sentiment d’être profondément incompris, et était sur le point de se lever pour regagner sa tente, vexé, lorsqu’un vieil homme près de lui l’a arrêté en lui saisissant l’épaule. Il lui a expliqué que tous les guerriers et les chamans présents dans le cercle connaissaient l’existence de ces deux corps et qu’ils avaient également de petits êtres qui vivaient en eux, au cœur de leurs poitrines, et qui s’envolaient eux aussi au moment de la mort. Cette nouvelle a réjoui le missionnaire, et l’a convaincu que les Indiens étaient désormais sur le même chemin spirituel que lui. Avec un zèle renouvelé, il a demandé au vieil homme où, selon son peuple, ces petits êtres intérieurs s’en allaient. Les Hurons ont tous recommencé à rire, et le vieil homme a désigné du doigt la cime d’un énorme cèdre millénaire dont la silhouette se dressait dans la lueur du feu. Il a dit au missionnaire que ces « petits êtres » allaient au sommet de cet arbre puis descendaient dans son tronc et ses branches, où ils vivaient pour l’éternité, et que c’était pour cela qu’il ne pouvait pas l’abattre pour construire sa petite chapelle.

    Sam Shepard in Chroniques des jours enfuis

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    AU SOMMAIRE

     

     

    Délit de poésie : Thomas Sohier, Patrick Devaux (Belgique) et Jean-Jacques Dorio

     

    Délit de poèse : Paul Fréval

     

    Délit de réponse : Pascale de Trazegnies & Cathy Garcia,

    Poème  pour  deux  voix  ou  deux  mains

     

    Délit de suite dans les idées : Cyril C. Sarot, Ces traces laissées dans le sable

     

    Résonances : Chroniques du Diable consolateur de Yann Bourven

     

     

    Les Délits d’(in)citations sont aux petits coins.

    Vous trouverez le bulletin de complicité. Bien-sûr que vous trouverez le bulletin de complicité !!

     

     

    Illustrateur : Jean-Louis Millet

     

    Les illustrations ont été réalisées par détournements d’œuvres de van Gogh, Rodin, Schiele, Drakkar, van Malderghem, anonymes préhistorique, celte, hopi, internet, cg & jlmi.

     

     

    Et si vous alliez faire un tour au Musée Improbable ?http://jlmi94.hautetfort.com/

     

     

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    Mon tragique à moi, c'est la vie quotidienne : la muflerie, la stupidité, le comportement de l'homme moyen, une sorte de méchanceté uniforme et institutionnelle.

     

    Francis Blanche

     

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  • Fred Vargas - Nous y voilà, nous y sommes (2007)

    Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes.

    Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal. Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance.

    Nous avons chanté, dansé.

    Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine.

    Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout du monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusé.

    On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.

    Franchement on s’est marré. Franchement on a bien profité.  Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre. Certes.

    Mais nous y sommes. A la Troisième Révolution.  Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie. « On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.

    Oui.

    On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis.  C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies. La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.  De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau.

    Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse).  Sauvez-moi, ou crevez avec moi.

    Évidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux.

    D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance. Peine perdue. Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais.

    Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, - attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille - récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés).

    S’efforcer. Réfléchir, même.  Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.  Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde.  Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.  Pas d’échappatoire, allons-y.

    Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante.  Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible.  A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie - une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut-être.  A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.  A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

     

     

     

     

     

     

     

  • Soliflore n°24 : Fabrice Farre

      

     Fabrique



     Tu me parles :
     c’est le bruit
     de tes talons sur
     le carrelage. A chaque
     rainure du sol que je
     fixe par le carré de l’habitude
     je dialogue avec
     la nervure du dessin
     issu d’une usine lointaine,
     respire avec le fabriquant
     haletant et reste de faïence jusqu’à
     ce que cède le carreau cuit
     quand tu claques la porte et
     que je te suis des yeux
      à travers les murs.

     

    In Le chasseur immobile,

    éditions Le Citron Gare, 2014

     

    disponible ici : http://lecitrongareeditions.blogspot.fr/2014/06/le-chasseur-immobile-de-fabrice-farre.html

     

     

     

     

  • Soliflore n°23 : Nicole Barromé

     

    Travelling arrière

     

    Parfum fortuit de papier d'Arménie

    Les ombres ressuscitent

    S'emparent du corps

     

    Éclats de voix, paradoxes, comédies

    Afin d'influencer la narration

    Rendre au perfide vécu

    Sa patine

     

    La chaumière chaulée de blanc

    Brillant sur le ru

    Les rideaux à grosses fleurs bleues

    Côté orée de la forêt de Crécy

     

    Quand les rhubarbes colonisent les fonds

    Matent les haies de chèvrefeuilles

     

    Le crépitement du feu devant le lit de camp

    Où, nues, sous les duvets réunis

    Les blessures de l'enfance se referment

    Au claquement des bouchons de cidre

     

    Le génie d'une vie à dérouler

    Scintillante de bocage

    De fulgurantes latitudes

     

    Nulle ombre si ce n'est la voisine, sorcière

    La qualité d'une femme, dit-elle en picard

    C'est la propreté des carreaux

     

    Chaque barrière franchie met le cœur

    Jusqu'à lâcher

    Ouvre un champ d'ivresses et succincts griefs

     

    L'éducation pendue au porte-manteau

    Offrandes toutes entamées

    L'entraide au moindre bout d'être

     

    Courbes emboîtées hérissant le poil

    On grelotte de postillons, de sucs

    Les gorges prises par des bonheurs rauques

     

    Pénultième empathie

     

    Déboussolés par les possibles

    Les sens se bousculent

    Pour entrer dans les flammes

     

    D'une cheminée ancienne

    Qui en a déjà assez vu

    Pour geindre aux étreintes des bûches

    À périr, à jouir

     

    Car tout est bandé,

    Les hêtres, les charmes, les pierres, les nerfs

    La croyance au Chevalier de la longue borne

    L'aventure enivrante sous la futaie

    Si apparaît un sanglier

     

    Les relents de coupe

    Champ de bataille ancien et nouveau

    Sur lequel s'empilent les fougères

     

    Son haleine d'humus et de corydrane

    Sur le visage

    Au pied du Revenant, un chêne vénérable

    Qui irrigue de ses nœuds ignobles et protecteurs

     

    Les performances où l'on ne dort plus

    De peur de laisser filer le temps

    De peur de se perdre

    Dans la pesanteur de la vie toc

     

    Au lieu du tapis d'anémones

     

     

  • Festival de Lectures et Poésie à Maurs (15)

     

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    Cathy Garcia a le plaisir d'y faire l'auteur

    avec bouquins et d'y exposer des gribouglyphes... 

    mais aussi la revue et les publications de Nouveaux Délits.

    Rendez-vous samedi après-midi au salon ?

     

     

    Renseignements :
    Les Encantades, Pradeyrols, 15600 Boisset
    Contacts : 06 79 61 65 06 (Luc Guérant)
    06 29 91 50 57/ 04 71 45 10 75 (Arnaud Péan)
    encantades@free.fr

     

     

  • L’Anthologie de la Poésie mauricienne contemporaine d’expression française

     

    vient de paraître aux éditions Acoria

     

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    Textes réunis par Yusuf Kadel
    Préface Eileen Lohka
    Introduction Robert Furlong

    Existe-t-il, comme pour la mesure du progrès humain, des paramètres, des indices permettant de mesurer le développement poétique ? Probablement pas, car la poésie transcende le temps et un poème d’il y a mille ans peut paraître plus contemporain qu’un poème tout juste accouché… L’outil pouvant faciliter à la fois une vision panoramique, voire une lecture diagonale d’échantillons d’une production littéraire tant romanesque que poétique reste l’anthologie. Même si celle-ci n’est jamais totalement exempte de directivité, l’anthologie reste un acte littéraire fondateur en soi, car, à travers elle, un auteur ou un collectif d’auteurs considère que telle ou telle somme de production littéraire est représentative d’un génie particulier et/ou reflète une maturité littéraire suffisante… En quelque sorte, elle est une vitrine rassemblant de façon quasi muséale ce qui mérite d’être pérennisé en bloc et qu’il convient de considérer comme emblématique.

     

    Y figurent donc avec bien d 'autres à découvrir, trois auteurs publiés dans la revue Nouveaux Délits : Yusuf Kadel, Alex Jacquin-Ng et Umar Timol.

     

    Pour commander : http://www.acoria.site-fr.fr/produit/210040/

     

     

     

  • A l'ami Pierre Colin, belle route vers Avalon...

     

     

    Voyage, vers telle ou telle éternité.
     
      
    Perçant et expugeant l’alphabet de la fièvre, craquements, mandibules,

     

    Ordre et désordre du chant d’amour,

    Goutte à goutte que plume,

    Perle à perle que dieux.

     

    (…)

     

    brûle, ondule, l’œil pullule !

    l’à l’endroit, là l’envers, tout est rues d’univers.

    Garde l’or. Garde l’œil.

    Ce qui vient entre nous sur terre.

    Xam ! Xam ! C’est un rêve surnuméraire.

    Il fait lèvre. Il fait froid. Sur ta peau d’hortensia.

    Dans la rue du vagin, chevelure et brûlure.

    O mon corps, loup de joie.

    Fais-moi signe dans l’ici-bas.

     

    (…)

     

    Nous savons témoigner des mots lovés dans

    les terriers de chair. Mots désastres du corps perdu.

    Mots qui n’ont plus leur place dans la bouche…

     

    Nous sommes des brûleurs d’eau froide.

    L’aube est sans laisse, et le cœur est immense.

    L’âge du monde est notre voie.

     

    (…)

     

    Le cœur descend de tout, échassiers des chimères.

     

    (…)

     

    Les mots sont l’océan de nos barques de pierre.

    Nous avons mis des siècles à dépouiller la nuit de nos chimères.

     

    Car nous avons gagné le droit du large, chacun

    Dans son manteau d’écailles et d’horizons.

    Chacun dans le gisant des mots, l’étoile au sec.

     

    La nuit dort sur le flanc, vieux chien de nos poitrines.

     

    (…)

     

    Nos mains s’agitent, cages intimes, où sont les anges fous, nos sibylles vaincues. Voyage dans la blancheur du corps, voix délicieuses, premières perce-neiges au-delà du pubis. Premières étoiles sur la peau. Les sexes fusent. Fatigues des maquis de bouches, des jardins sous l’aisselle. Fatigue des parfums en déroute. La perle du matin sur son dernier rivage.

     

    (…)

     

    Autant de hanches, autant de gorges sur l’horizon. Autant de tailles cernées par l’océan, l’ambre et la pulpe des mots. La mer s’est retirée, découvrant l’étendue de la nuque, les halos de l’échine, la lune attardée des yeux dans les saules. Ce quelque chose qui fait de nous des puits, des corps tourbillonaires dans le chaos des rêves. Ecrire c’était hier, renaître c’était demain. L’océan quelquefois se noie ans nos suaires.

     

    (…)

     

    Les passereaux emportent les destins, frères aux jabots de feu, fées aux longs yeux d’amantes, pluies sacrées. L’étreinte à l’âge des clavicordes.

     

    Chants de nos cygnes intimes, trouvés morts dans l’aurore, quand le ciel lentement se défait de ses linges de femmes sur le seuil.
     
      
      Ce goût de vieux futur dans la bouche indécise.

     

    (…)

     

    Nous cherchons Aphrodite, elle est dans nos poussières. Sa taille et son nombril, les sources de sa nuque. Le matin n’a plus d’âge, l’oiseau quitte nos laines. Notre étoffe de chair se froisse sur la berge.

     

    Nous traquons l’éphémère, le ventre du ciel pur. L’oubli ne nous sied plus. Un jour, nous renaîtrons de ses restes barbares. Rien ne sera trop pur, trop loin, trop improbable.
     
      
      Ce que nous avons fait, nous savons le défaire.



    (…)

     

    Ecrire est un pays qui n’a plus d’horizon.
     
      
       
     
    (…)

     

    Tout l’eau n’est que ruine et caresse. Il faut faire allégeance à ces femmes de source et d’estuaire. Il faut plonger en soi dans les vagues et la fièvre des poissons vainqueurs.

     

    Tout cela, tu le sais, mais tu nages en eau blême, frère du chêne et du houx. Quand tu es arrivé n’aies pas peur, le rivage est une frontière de soi à soi, laissé dans l’or et l’éblouissement du corps.

     

    Après l’amour, nous parlerons. Après l’amour obscur.

     

    (…)

     

    Tout revient pour germer. Tout revient pour gémir.

     

    Le corps enchevêtré du monde est sur nos pas, brûlant ses hanches, mendiant sa nuque, tirant les oripeaux du sexe sur la route. Etreinte aux ailes de grand froid.

     

    Peut-être saurons-nous un jour qui est l’âme du bleu ? Des mots, des rêves, d’autres mots, d’autres rêves, des écorces, des branches, l’en marche du désir, l’en marche de la pluie, les horizons errants sur chaque lèvre…

     

    Tout l’impensé du monde est sur nos traces.
     
      
     
       
    (…)

     

    Le grain des rêves est humide. Sable et rêve génèrent la même eau, la même femme à la voix de ténèbres. Il faut sans fin lever sa peau entre les sables de la nuit, effacer cette trace de ciel dans nos poitrines.

     

    (…)

     

    Dans la cour, les guerriers mangent la chair des tours. Buvez, mangez. Anne est nue dans sa tour.

     

    Anne au genou fier, aux chevilles légères. Anne du vent. Mais de la nuit, que savons-nous, bergère des ifs blancs ?



    (…)

     

    La nuit entre par tous les mots. Car la nuit trompe ses vieux amants.

     

    (…)

     

    S.o.s. à la mer. S.o.s. à la pluie. Au suaire du vent qui nous colle à la peau.

     

    Nous savons tous que les mots sont fossiles.

    Ecailles d’un autre âge.

     

    Il ne reste presque plus rien des rêves. Seulement l’inachèvement des tempêtes, le bleu déchu du ciel dans nos vertèbres.

     

    Chaque jour le judas du temps montrant ses traces.
     
      
     
      (…)

     

    Depuis toujours, je polis l’airain noir de ton corps

    De tous mes mots, je pèse sur le fléau des villes

    Tout ce qu’on peut tirer d’un arbre au crépuscule

     

     

    Pierre Colin, extraits de Je ne suis jamais sorti de Babylone

     

     

    * * * * *

     

     

    Pierre s'en est allé, emportant avec lui sa fougue, ses élans  et sa passion de l'Autre qui, j'en suis certaine, sauront éclairer sa route. Sa présence et ses mots demeurent, à jamais gravés dans le cœur de ses proches et amie(e)s et tous celles et ceux qui ont et auront la joie de lire sa poésie puissante comme le granit de cette Bretagne qu'il aimait tant et lumineuse comme l'écume à la crête des vagues. Les hommes vont, les paroles restent et à travers elles, le poète nous convie au banquet d'une immortelle liberté.

     

     

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    Librairie des Beaux Jours, Tarbes, Avril 2012

     

     

     

     

    Et un grand et du fond du cœur MERCI !! Pierre Colin et sa compagne Maïté font partie de ceux qui n'ont jamais cessé de soutenir et encourager mon travail autant poétique qu'artistique et qui ont généreusement invitée la revue et moi-même à plusieurs reprises dans le cadre des cafés littéraires de leur association Thot'M. Ce sont des choses qui comptent et ne s'oublient pas. 

     

    Cathy Garcia, 6 mai 2014

     

     

     

  • NUMÉRO 48

      

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    Avril-Mai-Juin 2014

     

      

    Éclosion presque tardive pour ce numéro de printemps,  pour cause de grand remue-ménage. C’est la vie comme on dit, avec ses accidents, ses dégringolades, mais on ne peut qu’aller de l’avant vu que la marche arrière n’existe pas… Et tant mieux, notre temps est trop court, même si « le temps des hommes est de l’éternité pliée » (Cocteau). Pas grand-chose à dire du coup, mais des mots vous en avez plein la revue déjà et l’Amour demeure, quoiqu’il arrive, tel le ciel derrière les nuages.    

     

    CG

      

     

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    Chacun contient en lui des galaxies de rêves et de fantasmes, des élans inassouvis de désirs et d'amours, des abîmes de malheur, des immensités d'indifférence glacée, des embrasements d'astre en feu, des déferlements de haine, des égarements débiles, des éclairs de lucidité, des orages déments....
    Edgar Morin  

     in Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur

     

     

     

     

     

     

    AU SOMMAIRE

     

     

     

     

    Délit de poésie : Élisa Parre, Cécile Coulon, Hamid Tibouchi, Rodrigue Lavallé

     

     

    Délit de vagabondage : Sylvère Moulanier (Québec)

     

     

     

     

    Délits d’(in)citations au renouvellement des pensées, c’est le printemps !

     

    Bulletin de complicité toujours frais et dispo au fond en sortant.

     

     

     

     

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    Illustratrice : Cathy Garcia

     

     

     

    Gribouglypheuse, elle s’adonne à l’art vénal = œuvres à vendre :

     

    http://ledecompresseuratelierpictopoetiquedecathygarcia.hautetfort.com/

     

     

     

     

    Le génie n'est que le chant du rouge-gorge

    à l'aube d'un printemps indolent.


    Khalil Gibran 

     

     

     

     

  • Soliflore n° 21 : Walter Rulhmann

    Nu sur la terrasse

     

    Nu sur la terrasse, il tond sa poule aux yeux d'or, s'endort et joue l'autruche face au déluge.

    Il touche du doigt son sexe tendu, se frotte aux épines d'aubépine dressées dans les pots de terre: révolution espiègle.

    La poule caquette et, plumes aux vents bressans, vents écarlates et douloureux, vents des monts du Jura, du Bugey, de Savoie, elle s'épouille et s'ébat sans se soucier nullement des saletés semées à ses pattes.

    Il devient blême, il bêle. Il s'habille de soie, le soir, se détend dans un bain de lait tiède, amande et coquelicot. Infusion d'illusions,

     

    La baronne conduit vers les gorges et le sourire commercial manque à l'appel. Il semble qu'elle ait effacé le mot patience de son vocabulaire, son dictionnaire ne compte donc plus les mots nécessaires, les mots sincères, tous ceux qu'une relation naturelle et honnête serait en droit d'attendre.

     

    Parcourir les chemins, les chem-trails, les canaux du temps assassin. Recycler les poncifs d'un passé pas si lointain et pourtant momifié. Les reliques d'une autre vie, d'un temps fécond, abscons et moribond.

     

    Subir l'excuse, la platitude et les caprices d'un enfant-roi. Sa loi. Son droit.

    Devoir composer avec ses humeurs, porter des masques aux sourires à l'endroit et accepter de ne jamais se plaire plus que nécessaire dans le trou où ses envies nous auront faits choir.

     

    Pourtant le sexe dur pénètre encore ses entrailles, son anus chaud, sa bouche moite. Les yeux moirés voient cet organe avec envie et la main douce, câline et ferme  l'enferme, le serre et le compresse. Ce lent mouvement, ce va-et-vient appelle l'orgasme et l'explosion d'un jus visqueux, tiède et salé, qui coule et qui s'étale sur un lit anthracite.

     

    Les nuits apaisent les désirs, rendent possibles les envies, annoncent les orgasmes gris, les liqueurs du délit.

     

    (texte inédit extrait du recueil Civilisé, en cours d'écriture)

     

     

  • Fugitive

     

    Douce musique, si douce, mais la berceuse ricoche, crible le cœur.

     

    La folie est à quelques cellules à peine, trois fois rien.

    Le refuge du placard est vain.

     

    Traquée, détraquée. Ça me hurle.

     

    Ma lèvre tremble, le ciel est tombé en cataracte de verre. En granit fracassé à la mer.

    Tant de pêcheurs encombrent la rive et le soleil veut sa part de crème géologique.

     

    Je glisse, toboggan, vers l’abime entraperçu sous la couture des océans.

     

    (…)

     

    Patience, mon âme. Tu veux fendre muselière, je te parle sagaie, flèche, rasoir.

    Obscure arborescence dissimulée dans le filet.

     

    Je flotte dans le corps, bascule les câbles. Étrange toupie, coque scindée.

     

    Déroulée la houle, découpée la coupe, démolis les mots.

    Nous cumulons les éternités comme un enfant empile ses cubes.

     

    Mais dans le chiffon de l’univers, la mort serait-elle un trou de ver ?

     

     

     

     

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    Fugitive de Cathy Garcia, maintenant disponible chez Cardère éditeur

    Illustrations originales de l’auteur, 64 pages, 12 €

    http://www.cardere.fr

     

     

     

  • Résonance 47

                                            

    Le plancher de Perrine le Querrec

    Éditions Les doigts dans la prose, avril 2013.

     

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    134 pages, 15 €.

     

     

     

    Le plancher est un livre d’une densité singulière, qui au fur et à mesure confine à l’étouffement, et pour cause, l’histoire peinte ici raconte le basculement dans la folie de toute une famille. Peinte, car la langue dont use l’auteur est un matériau quasi organique qui est à elle toute seule, une œuvre d’art. La poésie n’y est pas un décorum, mais véritablement la seule langue possible pour formuler l’indicible, pénétrer l’intolérable et infuser la folie dans les tripes même du lecteur. Car si dans la première partie nous sommes encore dans la narration, dans la seconde nous culbutons du côté où la langue elle-même s’affole. Une langue pleine de terre, taillée au couteau, absolument magnifique cependant, flamboyante comme un crépuscule d’automne. Dans la troisième partie, elle nous immerge pour de bon dans un bourbier de démence.

     

    La première partie est intitulée La souche. La souche, ce qui reste d’un arbre que l’on a coupé, les racines toujours plongées dans la terre, nourricière ou collet, c’est selon. Ici cette terre, cette terre de paysans, passera de nourricière à cocon toxique, jusqu’à ce que piège, elle se referme définitivement. Nulle métamorphose heureuse n’en sortira.

     

    La famille, ils sont six. Le père, la mère et les enfants : Paule, Simone, Jeannot et Mortné.

     

    L’histoire commence en 1930 quand Joséphine et Alexandre, le père et la mère, achètent une ferme dans le Sud, fuyant des problèmes avec les autres, là-haut dans le Nord. Joséphine, avec ses deux frères à l’asile, porte déjà en elle les germes d’une impossibilité de s’entendre avec qui que ce soit. Ils achètent donc une grande et belle ferme et en tant qu’estrangers, s’attirent immédiatement la haine et la jalousie des Deux-cents, les villageois d’à côté.

     

    Dans cet univers déjà clos, trois enfants de plus viendront au monde. Paule était déjà née dans le Nord. Le dernier est mort né en plein champ.

     

    Jean, qui ne sera jamais que Jeannot, est né en 1939, pour éviter au père la conscription, ce qui ne fait qu’alimenter sales murmures et jalousie du côté des Deux-cents. Quand aux six, « ils ont tous un air de famille, un air de désastre ».

     

    La guerre passe et « Les années passent et avec elles les coups de hache, les éraflures, les entailles, les éviscérations. Les années avancent et elles essaient, les filles, de courir insouciantes, d’étudier bienveillantes, de grandir insouciantes. Les années passent et Jeannot tente de comprendre, d’aimer et de parler. Les années passent et les parents poursuivent l’œuvre de destruction, souterrainement aidés par les Deux-cents qui n’en finissent pas de maudire, de cracher, d’envier. 

     

    (…)

     

    Ce n’est pas un père, juste une forme de violence

    Ce n’est pas une mère, juste une forme d’indifférence

    Ce n’est pas une famille, juste une forme de récit

    (…)

    Une longue cohabitation avec l’inhabitable. »

     

    (…)

     

    Les parents ne sont jamais d’accord. Sur rien. Sauf pour persécuter les enfants. »

     

     

    Et puis il y a ce jour funeste où Jeannot pénètre dans la grange et qu’il voit…

     

    « - Tu n’as rien vu !

     

    Je n’ai rien vu. Verrai rien. Jamais. Ni dans la grange, ni dans la chambre, ni dans le champ. La bête je la vois pas. La bête aux yeux dilatés de peur. »

     

    Alors Alexandre, le père, le colosse, l’abuseur, deviendra l’ENNEMI. L’ENNEMI qui commande au cerveau de Jeannot. Ne rien voir.

     

    « Alexandre bine et bêche et sillonne, brutalise. Passe et repasse sa charrue. Paule a de la terre plein la bouche, plein les yeux, jupe relevée sur son ventre neuf. »

     

    Jeannot a dix-huit ans, il est amoureux. Amoureux de Destinée. Fille du village des Deux-cents qui ne voient pas cela d’un bon œil. Jeannot a dix-huit ans, son cœur sera pulvérisé. Il va partir, il part, ira verser plus de saloperie encore sur ses plaies. Il part pour l’Algérie.

     

    Jeannot parti tuer, Simone partie avec un mari pour ne plus jamais revenir, Paule restée avec la graine de douleur que l’ennemi a semé en elle, l’EnfantX et les voix des Deux-cents qui vipèrent plus que jamais, jusqu’à l’agression physique. Paule, la labourée, commence à basculer. Le père rattrapé par le bouche à oreille, l’irracontable qui s’ébruite à tout va, le père : pendu dans la grange. Jeannot doit rentrer.

     

    « Jeannot sera toujours le mutilé, suspendu au crochet, sur les murs épais de la ferme, blessé aux épines de silence cloués aux portes des granges pour éloigner le mal qui est le bien, mais qui le dit ? »

     

    Nous entrons alors dans la deuxième partie, Les branches, où « s’ouvre le gouffre des douze longues années de solitude »

     

    « Tout ce qui était au père, tout ce qui était le père, Jeannot le laisse pourrir. » Ce qui reste de la « famille » se referme sur elle-même, « mi-humains, mi-bêtes, ils n’existent plus, deviennent innommables, désintégrés, sauf à visser plus fort leur masque de fou. »

     

    Tout ira alors crescendo dans le non-sens de la désintégration, de la dissolution, de la décomposition, jusqu’à la troisième partie, où la mère déjà enterrée sous le plancher, où Paule erre dans ce qui reste de la ferme envahie par la végétation et la putréfaction. Jeannot lui, ne décolle plus du plancher, à plat ventre, il grave dans les planches, au couteau, à s’en faire saigner les mains, il grave tout. Parce qu’il n’a pas trouvé un seul bout de papier dans toute cette désolation et qu’il doit conjurer trente-deux ans de silence. Il grave, saigne à blanc le plancher.

     

    « Si Jeannot le veut, bois devient papier. »

     

    « Ceci est malangue !

     

    Allongé dans ma litière de copeaux je touche les lettres, je sais ce que je dis. Je dis que j’ai vu. Je dis que ma rétine, ma vue, mon œil et les images. Je dis les abus. Je dis noir sur noir. Je dis et ne vacille pas. Je dis ce qu’ils ne m’ont pas raconté. Leurs interdits. Je dis à leur place, je dis à leur faute, je dis à leur face, je dis à leur tête. Je dis ma puissance. C’est à vous de me regarder maintenant. »

     

    Cinq mois de travaux forcés à plat ventre sur le plancher, à plat ventre sur le corps pourrissant de la mère. Jusqu’à la mort.

     

    Restera Paule, SURVIVANTE, la première et la dernière.

     

    Le plancher de Jeannot a été présenté lors de l’exposition Écriture en délire à la collection de l’Art Brut, à Lausanne, du 11 février au 26 septembre 2004. Ce plancher existe et il est placardé sur les murs de l’hôpital Sainte Anne, dans le 14è arrondissement de Paris, où il est toujours visible et rend justice à tous les Jeannot, toutes les Paule, tous les enfantsX et les Mortnés… On en trouvera des photos à la fin de ce livre.

     

    Un livre d’une beauté saisissante, portrait choc d’une certaine réalité du monde rural d’antan, entre autre, un livre hybride dans sa construction, qui dissout les frontières entre prose et poésie et met comme le souhaite ses éditeur, les doigts dans la prose. Nous en ressortons absolument électrifiés, ébahis et profondément fouillés de l’intérieur.

     

    Cathy Garcia

     

     

     

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    Le plancher photographié par Martin d'Orgeval

     

     

     

     

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    Perrine Le Querrec est née à Paris en 1968. Elle hante les bibliothèques et les archives pour assouvir son appétit de mots et révéler les secrets oubliés. De cette quête elle a fait son métier : recherchiste. Les heures d’attente dans le silence des bibliothèques sont propices à l’écriture, une écriture qui, lorsqu’elle se déchaîne, l’entraîne vers des continents lointains à la recherche de nouveaux horizons. Perrine Le Querrec est une auteure vivante. Elle écrit dans les phares, sur les planchers, dans les maisons closes, les hôpitaux psychiatriques. Et dans les bibliothèques où elle recherche archives, images, mémoires et instants perdus. Dès que possible, elle croise ses mots avec des artistes, photographes, plasticiens, comédiens.

    Bibliographie :

     

    « Jeanne L’Étang »,  Bruit Blanc, avril 2013

    « De la guerre », Derrière la salle de bains, 2013
    « No control », Derrière la salle de bains, 2012
    « Bec & Ongles », Les Carnets du Dessert de Lune, 2011
    « Coups de ciseaux », Les Carnets du Dessert de Lune, 2007


    Site :
    http://www.perrine-lequerrec.com/
    Blog: http://entre-sort.blogspot.com/

     

     

     

  • L'émission Les Poètes de Christian Saint-Paul

    Le scénario de l'émission que vous pouvez partiellement écouter en cliquant sur : http://les-poetes.fr/emmission/emmission.html 

     

    L’émission diffusée le jeudi 9 janvier 2014 avait été enregistrée, ce qui est exceptionnel, les émissions étant réalisées normalement en direct. Toutefois, avant le passage du document sonore, et alors en direct, Christian Saint-Paul a fait quelques annonces à l’antenne. Ces annonces n’ont pas été enregistrées et n’ont pu être écoutées que par les auditeurs présents ce jeudi à 20 h. Pour mémoire et bien entendu pour incitation à la lecture, voici ces annonces :

     

    Lecture de l’éditorial de Cathy GARCIA : 

    Lecture de « Signes de mon vieillissement » d’Eric DEJAEGER.

      

    Et parce que Cathy GARCIA dans son éditorial évoque l’année 1972, Saint-Paul revient sur ces années soixante dix et en particulier sur ces années en Espagne et sur une jeunesse déboussolée qui entrera avec un désespoir aveugle dans le terrorisme. Epoque douloureuse. Pour Saint-Paul la lutte antifranquiste de l’extérieur et de façon active se devait de cesser dès 1970. La transition démocratique, voulue par l’Espagne qui désirait entrer dans l’Europe ne laissait aucune place à une action clandestine dirigée depuis les pays étrangers, comme l’URSSS par exemple. Toulouse, plaque tournante de ces actions clandestines et qui s’était si bien illustrée, devait céder le terrain de la lutte politique aux forces de l’intérieur. Toute obstination compromettait la rapidité et le succès du changement vers un état démocratique. Pourtant, des groupes se sont constitués après 1970 refusant le capitalisme et prônant la lutte armée. Et l’amiral CARRERO BLANCO pouvait assurer une continuité édulcorée du régime en place. L’action réussie de l’ETA a rendu drôlement service aux partis démocratiques de transition, toujours officiellement clandestins mais déjà représentatifs et dans l’action politicienne classique qui sied en Europe. Cette année 2014, il y aura 40 ans que les velléités utopiques de jeunes anarchistes fourvoyés dans une action de guérilla, furent stoppées dans le sang. Toulouse fut une des villes les plus impliquées dans l’inutile protestation internationale qui s’en suivit. Le consulat d’Espagne de la ville rose fut plastiquée, avec, c’est vrai, de bien maigres dégâts. Mais la voix toulousaine se faisait entendre. Elle avait intégré dans sa mémoire politique humaniste le nom de Salvador PUIG ANTICH, militant du Mouvement Ibérique de Libération (MIL) impliqué lors de son arrestation à Barcelone, d’échange de coups de feu qui coûtèrent la vie à un inspecteur de police. Six mois après cette arrestation, PUIG ANTICH né en 1948 fut garrotté à la prison Modelo de Barcelone. Son supplice dura vingt minutes. Le même jour, à la prison de Tarragone, Heinz CHEZ  un activiste polonais qui avait tué un garde civil fut lui aussi garrotté, mais dans l’indifférence de l’opinion internationale. L’année suivante, en septembre 1975, cinq autres militants de la lutte armée furent fusillés car l’Espagne ne possédait pas assez de garrots pour les exécuter en même temps. L’Espagne est entrée dans l’Europe en 1986. La peine de mort y est abolie. Mais le nom de Salvador PUIG ANTICH symbole d’une répression brutale qui fut celle, terrifiante, de la dictature franquiste doit demeurer dans nos mémoires, non comme un exemple, mais comme « una putada » une saloperie qui déshonore, s’il en était besoin, les hommes de pouvoir de ces années.

     

    Les prisonniers qui étaient dans la galerie d’où partit Salvador PUIG ANTICH pour le supplice, dont il ne découvrit la nature qu’au dernier moment, composèrent sur cette mise à mort des chansons. Lecture de l’une d’elles :

     

      

    Ferme la porte

    Tire le verrou 

    Maton !

      

    Attache ferme cet homme-là

    Avec des chaînes, avec des cordes 

    Ces chaînes aux anneaux

    Ensanglantés qui forment 

    Des nœuds de sang

     

    Attache ferme et serré 

    Cet homme là, maton

    Tu n’attacheras jamais son âme

    Nombreuses sont les serrures

    Nombreuses sont les clefs, maton 

    Mais tu n’as pas celles de son âme

      

    Un homme attend

    Dans son confinement

    L’oreille à l’écoute 

    C’est le prisonnier Salvador

    Le peuple criera peut-être 

    Ce peuple, le nôtre, qui réclame la liberté

    Et alors voleront les serrures 

    Voleront les prisons


    Attache ferme et serré 

    Cet homme-là, maton 

    Tu n’enchaîneras jamais son âme

    Putain de vie, le garrot l’a emporté !





     

  • Soliflore n°19 - Florian Tomasini

    CHIRICO

     

     La sensation opère dans le bloc

    De béton natif

    Les distances s’étirent jusqu’où pique

    L’anonyme qui les a vues naître

     

    Nourri par le sable et les gravillons

    Nourri par le liant de ciment

    Qui lentement lui ont plombé la cervelle

    Lentement lui ont fait assimilé

    La parfaite solitude où il s’est collé

     

    Ni le temps ni rien n’altèrent la texture

    De l’océan mort où la ligne d’horizon

    Taquine comme un venin stérile

    L’étendue avide de cerveaux anonymes

     

    Depuis qu’on a fondu ce prodige moderne

    Depuis qu’on a fondu la modernité

    Dans les cervelles des anonymes




     

  • NUMÉRO 47

     

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     Janv. Fév. Mars 2014

     

     

     

    « Dernier noël capitaliste » lançait le journal Hara Kiri en décembre 1972… Visionnaire, non ? Mais ils n’avaient pas prévu entre autre le retour des tablettes (depuis le bon vieux temps de l’argile) et des téléphones plus intelligents que leurs utilisateurs… Flonflons, cotillons, soyons mignons, la même rengaine encore et toujours, joyeux naufrage et bonne bourre 2014 !?

     

    Oh bien-sûr, ça n’empêche pas les vrais sentiments, les vœux vraiment les plus sincères, ça n‘empêchera pas non plus les gens de mourir de froid dans la rue, noyés en Méditerranée, bombardés par ci, découpés par là, balayés par les statistiques, ça n’empêchera pas les trafics en tout genre, d’influences ou d’organes, mais on se plie bon gré, malgré, à la tradition, à l’habitude, au désir aussi, toujours un peu suspect, de capter un peu de joie précieuse entre deux factures.

     

    Et puis on peut aussi lire ce numéro. Il est sans flonflons, sans trompettes, il est même un peu triste, un peu noir, un peu trash… Et pourquoi pas ? S’exprimer c’est aussi ne pas laisser dans l’ombre ce qui pourrait déranger, c’est affronter le malaise, ouvertement, ça peut même en devenir libérateur. Être libre de flonflons et de trompettes, prêt à accueillir chaque instant qui passe, avant ou après minuit, sans vouloir changer hier, sans craindre de ne pouvoir changer demain, mais simplement être ici et maintenant, heureux ou malheureux, amer ou amoureux, en pleine forme ou sur les genoux, pessimiste ou optimiste, lâche ou courageux, gagnant ou perdant, qu’importe ! Juste être là, laisser les sourires se poser sur nos lèvres s’ils le veulent et repartir quand ils auront envie d’aller fleurir d’autres bouches, laisser nos mains s’ouvrir et se fermer comme des battements d’ailes, en attendant le printemps qui revient toujours, même si tout se détraque, même si les coutures craquent et patatrac !

     

     

     

    Se dire que plus on prend de claques, plus le sang circule…  et la vie va !

     

    C.G.

     

     

     Être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes,

     c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres.

    Nelson Mandela

     (18 juillet 1918- 5 décembre 2013)
     

     

     


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      AU SOMMAIRE

     

     Délit de poésie : Carl Sonnenfeld, Stéphane Bernard, Murièle Modély, Jérôme Pergolesi, Thierry Roquet.

     

    Délit-foutoir : quelques streets imaginaires, un poète, un prisonnier et des signes de vieillesse, le tout passé au shaker d’Éric Dejaeger.

     

    Suivi d’un Déli(t)re  au clavier de Léon Maunoury

     

    Résonance : Le plancher  de Perrine le Querrec aux Ed. Les doigts dans la prose, 2013.

      

     

    Délits d’(in)citations quelques touches supplémentaires de féminin dans ce numéro qui se moque un peu de la parité. On n’en pense pas moins.

     

      

    Vous trouverez le bulletin de complicité au fond en sortant et vous l’offrirez à vos meilleur(e)s ami(e)s comme à vos pires ennemi(e)s, le commerce ne prend jamais parti, seulement la monnaie.

     

     

     J Pergolesi je ne quitte.jpg

     

     

     Illustrateur : Jean-Louis Millet

     

     "jlmi ? Grand spécialiste en rien mais curieux de tout : dessin, peinture, photo, écriture, édition virtuelle, chasse aux alternatives… le tout mis en actions concrètes dans l'animation virtuelle de blogs et de sites :

     

     

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  • À paraître chez Cardère éditeur en mars 2014

     

     

     

    FUGITIVE

     

    de Cathy Garcia

     

     http://www.cardere.fr

     

     

    Fugitive est un ouvrage en vers libres qui nécessite une lecture chronologique. Comme dans les deux premiers recueils de Cathy Garcia que nous avons publiés (Le poulpe et la pulpe en 2011, Les mots allumettes en 2012), on est dans un récit abstrait, avec un axe fort, de l’action, et ici une exhortation quasi externe : je marche, je dois marcher ! En miroir, le lecteur pourrait/devrait entendre : reconstruit ton propre récit, avance ! Ce texte court tire sa force de sa cohérence essentiellement. Le vocabulaire est riche, « brut », plutôt terrestre (pollen, étoiles, silex, transhumances, tourbe, loups, humus, rosée, glaise, vendanges, jachères, sources, rapace, moisson, rocaille, granit…) Les expressions sont souvent violentes, de l’ordre du tragique ou de la tragédie (Les bêtes désarticulées ; Visions éclatées de l’oracle ; Un corps de femme à lapider ; sinistres bouillies de chimères) ; on respire toutefois avec de rares mots tendres (la douce chair des roses ; la nacre d’un ange). On est parfois au bord de la provocation, de l’outrance sulfureuse (La meute aime le rut ; Je suis la sorcière parfumée d’épices. Voyez les déluges rougissant entre mes seins d’ambre ; Allongée. Au bord de la jouissance ; ouvrir mes cuisses libère mes odeurs de femme). On y trouve quelques constructions originales mais parlantes (liturgies volcaniques ; je panthère avec la mort). La situation de fuite, de traque, donne à ce recueil-récit une grande énergie où transpirent la colère, la frustration, la hargne, la révolte, mais aussi la soif de (sur)vie, l’animalité, une sorte d’optimisme quasi atteint. Nous avons avec l’écriture de Cathy Garcia, le côté féminin de celle de Serge Bec, en particulier dans Psaume dans le vent.

     


    illustrations originales de l’auteur
    64 pages, prix public 12 €
    ISBN 978-2-914053-74-7

     

     

     

     

  • Soliflore n°18 - Daniel Birnbaum

    Jours d’hiver

     

     1

     

    Un jour désagrégé

    rien ne va rien ne sert

    je jette les morceaux

    qu’ils pourrissent au dépotoir

    où vont tous les passe-temps

    en train-train de misère.

    *

    Le vent souffle en rafales

    sur les hauts peupliers

    qui peignent le ciel

    inutilement

    Le temps vire à l’orage

    et je voudrais soudain

    marcher sous les éclairs

    pour ne plus avoir à déchirer la nuit

    de rêves ajourés.

    *

    Un regret passe, malhabile

    et puant la sueur froide

    un deuxième passe, fébrile

    un troisième, incertain

    et puis un quatrième

    et une palanquée

    une foule en délire

    un désir refoulé

    un fou en liberté

    un autre sur ses gardes

    et puis un garde-fou

    et quand la scène est pleine

    alors subitement

    les regrets regrettent

    d’occuper le terrain

    et le laissent

    à regret.

     

     

    2

     

    La neige tombe jusqu’au silence

    couvrant les champs

    et leurs barrières

    laissant de but en blanc

    tout un champ du possible

    où les pas des enfants

    feront de beaux desseins

    Les corbeaux s’y découpent

    comme des pointillés

    On garderait le tout

    y compris le silence.

     

    *

                                                  

    Sous les nuées d’étoiles

    insensibles au vent

    mais vaincues par le jour

    je prends un air léger

    contourne les nuages

    vole sur l’incertitude du vent

    et cherche un regard

    pour marcher avec lui

    le long des crépuscules





  • Soliflore n°17 : Fanny Sheper

    Le vent des seuls

     

    J’ai marché dans les blés des petits matins

    J’ai marché dans des nuits de goudron bleu

    En espérant le trouver assis là, sur un banc près d’un saule

    Ou marchant tranquille dans une rue de sable

    On se serait de suite reconnu

     

    Mais sur le seuil de ma maison

    Je ne vois que le vent

    Que le vent des seuls qui me suit

     

    J’ai cherché partout

     Trainé sous les boules à facettes

    Avec mes colliers de plumes

    Et mes boucles brillantes

    J’ai mis du rouge à lèvre exprès

    Et j’ai même dansé

     

    Mais sur le seuil de ma maison

    Je ne vois que le vent

    Que le vent des seuls qui me suit

     

    J’ai erré un peu désaffectée

    Sur les trottoirs des rencontres

    Je me suis tortillée et j’ai souri bêtement

    J’ai fait comme tout le monde

    J’ai pris l’air bête

    Je pris l’air qu’on a quand on n’ose pas

     

    Mais sur le seuil de ma maison

    Je ne vois que le vent

    Le vent des seuls qui me suit

     

    J’ai soulevé des charognes éteintes

    J’ai  côtoyé les vermines grouillantes

    Je l’ai cherché partout

    Dans les jardins silencieux, dans les rue folles

    et les plages oubliées

    Jusqu’au fond de chacun de tous les verres que j’ai bu, je l’ai cherché

    Une fois, j’ai même bien cru l’avoir trouvé

     

    Mais sur le seuil de ma maison

    Je ne vois que le vent

    Que le vent des seuls qui me suit

     

    J’ai pourtant bien rêvé d’un matin

    Où  je n’aurais pas eu besoin de rêver

    Pour le voir séjourner à coté

    Un matin où il aurait été assis là,  près d’un saule sur un banc

    Ou dans un café au soleil avec son air tranquille

    On se serait de suite reconnu

     

    Mais sur le seuil de ma maison

    Je ne vois que le vent

     Le vent des seuls qui me suit

     

     

  • Résonance 46

     

    corine-sombrun_les-esprits-de-la-steppe_ed-albin-michel_2012_perspective.jpg

     

    Albin Michel octobre 2012.

     

     

     

    Si on a eu la chance de suivre Corine Sombrun depuis le début de ses incroyables, mais bien réelles aventures, nous ne pourrons qu’apprécier au plus haut point ce nouveau livre, qui raconte la vie d’Enkhetuya. Cette femme chamane tsaatane a initié pendant de longues années Corine Sombrun, après que celle-ci soit inopportunément, et bien malgré elle, se soit retrouvée en transe dans la peau d’un loup, alors qu’elle participait à une séance chamanique chez un autre chamane, afin d’en faire des enregistrements sonores pour la BBC. C’est ce que Corine Sombrun raconte dans son livre Mon initiation chez les Chamanes (Une Parisienne en Mongolie) paru chez Albin Michel en 2004. Cela dit son séjour d’alors en Mongolie n’était pas totalement dû au hasard. Si on lit son tout premier livre, Journal d’une apprentie chamane, paru en 2002, on apprendra que lors d’un séjour chez un ayahuascuero en Amazonie, où elle était partie suite à la perte d’un être très cher, elle s’était mise à chanter, lors d’une cérémonie sous ayahuasca, des chants diphoniques qu’elle ne connaissait pas du tout, mais qui lui avait indiqué sans qu’elle comprenne pourquoi, la voie vers la Mongolie où est pratiquée cette technique de chant traditionnelle. Ce qui est bien avec Corine, c’est que toute son histoire, depuis le départ et dans chacun de ses livres, elle nous la raconte avec simplicité, beaucoup d’humour, malgré la grande douleur qui en est à l’origine, et aussi une grande humilité. C’est une femme intelligente, sensible, douée, la tête bien sur les épaules et ses livres sont bien loin des ouvrages new-ageux un peu foireux et racoleurs. Ses aventures sont authentiquement extraordinaires, de l’Amazonie à la Mongolie, où elle reviendra tous les ans pour continuer sa formation de chamane, en passant par son face à face avec elle-même à Paris, qu’elle raconte dans Les tribulations d’un chamane à Paris (Albin Michel, 2007), avec toutes les peurs et les doutes que ne pouvait manquer de provoquer ce grand écart entre une culture moderne et une culture puisant ses savoirs au fin fond des âges les plus reculés de l’humanité, mais cependant des savoirs aux conséquences et aux répercussion bien réelles, jusqu’à la rencontre, qui elle non plus n’est pas hasardeuse, avec Harlyn Geronimo, l'arrière petit-fils du célèbre apache qui a lutté pour la liberté des natifs américains à la fin du 19ème siècle et qu’elle raconte dans Sur les pas de Geronimo (Albin Michel 2008). Corine Sombrun fait ainsi office de passerelle entre la Mongolie et les cultures amérindiennes, qui ont sans aucun doute de lointaines origines communes. Aussi, pour en revenir à L’esprit des steppes, après avoir raconté sa propre histoire et les rencontres qui ont suivi, il est naturel que Corine Sombrun ait eu envie de raconter Enkhetuya, de raconter qui est cette incroyable femme chamane qui l’a initiée tout au long de ces années, plusieurs mois par an, au milieu de la steppe et des rennes.

     

     

    Après avoir posé le contexte historique depuis 1915, Corine Sombrun nous entraine donc en 1964, en pleine taïga et en plein communisme, où la petite Enkhetuya âgée de 7 ans, vit avec sa famille, des Tsaatans nomades et éleveurs de rennes. A travers la rude vie de la fillette, puis de la femme au caractère exceptionnel, Corine Sombrun nous raconte aussi le sort de ce peuple nomade, qui en quelques décennies, a basculé d’un mode de vie autarcique identique depuis des millénaires à une société de consommation et de tourisme, subissant les ravages de la télévision et de l’alcoolisme, après avoir traversé non sans mal les persécutions et l’oppression du régime communiste, qui punissait les pratiques chamaniques de la peine de mort. Cependant la mère d’Enkhetuya, elle-même chamane ayant continué de pratiquer dans le secret, voyant que sa fille ne pourrait pas faire autrement que de répondre à l’appel des esprits, sans quoi elle tomberait gravement malade, la fera initier par un vieux chamane. Lorsque Corine bien plus tard, sera amenée chez elle par le chamane Balgir, l’ayant reconnu comme une des leurs, le chamanisme en plus de l’élevage de rennes, sera au contraire devenu un moyen de subsistance pour les Tsaatans, grâce au tourisme, mais les pratiques culturelles encore très présentes  disparaissent cependant à grande vitesse  et c’est aussi le but de ce livre, témoigner d’une culture qui après avoir survécu à 70 ans de communisme, risque de disparaître à jamais, avalée par une mondialisation galopante. Quand Corine Sombrun rencontre Enkhetuya, en 2001, elle « vivait sur la rive ouest du lac Khovsgol, à cent quatre-vingt quinze kilomètres au sud-ouest du lac Baïkal. (…) Les Tsaatans ne comptaient plus alors qu’une trentaine de familles, réparties de part et d’autre de la rivière Shisged. Une population et une culture en voie de disparition, m’avait-on dit. Mais j’étais loin d’imaginer qu’en seulement dix ans, j’allais être le témoin d’un effacement bien plus rapide que celui annoncé par les prévisions les plus pessimistes ». L’écriture de Corine Sombrun a le pouvoir de nous captiver, Les esprits de la steppe se lit et se savoure comme un roman, on pense d’ailleurs à l’écrivain mongol Galsan Tschinag, mais il faut aussi en comprendre l’importance, car justement si la réalité dépasse bien souvent la fiction, il faut que cela puisse aussi faire prendre conscience de l’état du réel et de la nécessité urgente de préserver la richesse des diverses cultures et savoirs de l’humanité. Il faut de même lire les autres livres de Corine Sombrun, si on veut saisir l’envergure de cette aventure à la fois extérieure et intérieure, une aventure qui est loin d’être terminée. Après avoir frappé à pas mal de portes de chercheurs et scientifiques qui lui ont donné des adresses de psychiatres, Corine qui entre temps est passée par l’Alaska où elle a rencontré le chef d’une communauté d’Indiens Athabaskans, a enfin trouvé un chercheur digne de ce nom : Pierre Etevenon, ancien directeur de recherche de l’Inserm, et qui a déjà fait de nombreuses recherches sur l’état du cerveau des méditants et de ce qu’on appelle les « états modifiés de conscience ».

     

     

     

    Il l’a mise en contact avec d’autres chercheurs, et Corine a dû apprendre à reproduire la transe induite par le tambour chamanique, celui grâce ou à cause duquel elle devient loup, bond et hurlements à l’appui, mais sans tambour, afin de pouvoir être étudiée en laboratoire, ce qu’elle a réussi à faire. La voilà donc maintenant cobaye, car les fait sont là, sous l’effet de la transe Corine a des capacités qu’elle n’a pas dans la vie de tous les jours, et les résultats des premières expériences ayant eu lieu en 2007, qu’elle nous livre à la fin du livre, ne sont que le début du nouvelle histoire à venir, une plongée dans l’esprit humain, dans ces capacités ignorées, le lien entre savoirs immémoriaux et ce que nous sommes aujourd’hui. C’est plus que passionnant, c’est énorme ! Oui Corine Sombrun a un destin hors du commun, son loup fait le pont entre les cultures chamaniques qui nous relient à la source originelle de l’humanité et le monde d’aujourd’hui auquel elle appartient entièrement. Merci à elle d’aider ainsi au ré-enchantement du monde. Nous attendons la suite avec une très vive impatience !

     

    Cathy Garcia

     

     

     

     

    corine-sombrun.jpgCorine Sombrun passe son enfance en Afrique à Ouagadougou (Burkina Faso). De retour en France elle se consacre à des études de Musicologie, piano et composition. Lauréate de concours nationaux et internationaux, elle obtient une bourse de l’Office Franco Québécois pour la Jeunesse et part à Montréal, étudier auprès de performers multimédia et de compositeurs. En 1999 elle s’installe à Londres, où elle travaille comme pianiste et compositrice : Sacred Voice Festival of London (Création d’une pièce pour piano préparé et percussions iraniennes avec Bijan Chemirani), Drome London Bridge Theater («The Warp», pièce-performance de 24h mise en scène par Ken Campbell), BBC World Service, Turner Price, October Gallery, 291 Gallery, Price Water House Cooper Atrium Gallery… Puis fait des reportages pour BBC World Service, dans le cadre d’un programme sur les religions. En 2001, au cours d’un reportage en Mongolie, le chamane Balgir lui annonce qu’elle est chamane. Dans cette région du monde, les chamanes accèdent en effet à la transe grâce au son d’un tambour spécifique. Un son auquel, lors de cette première expérience, elle réagit violemment, jusqu’à perdre le contrôle de ses mouvements. Pour Balgir, elle a bien les capacités chamaniques et « sa voie » dit-il, sera de suivre leur enseignement pour les développer. Elle va ainsi passer plusieurs mois par an à la frontière de la Sibérie, auprès de Enkhetuya, chamane de l’ethnie des Tsaatans, chargée de lui transmettre cette connaissance. Après huit années d’apprentissage – au cours desquelles elle sera un sujet d’étude pour les anthropologues Lætitia Merli (EHESS, Paris) puis Judith Hangartner (Université de Berne) – elle devient la première occidentale à accéder au statut d’Udgan, terme mongol désignant les femmes ayant reçu le « don » puis la formation aux traditions chamaniques. En 2002 elle publie chez Albin Michel le premier récit de ses aventures, Journal d’une apprentie chamane (Albin Michel 2002, Pocket 2004), traduit en plusieurs langues.  Suivront, Une parisienne en Mongolie (Albin Michel 2004, Pocket 2006), Dix centimètres loi Carrez (Belfond 2004), Les tribulations d’une chamane à Paris (Albin Michel 2007, Pocket 2009), Sur les pas de Geronimo (Albin Michel 2008, Pocket 2013) bientôt traduit en américain,  et Les esprits de la steppe (Albin Michel 2012). En 2005 elle part au Nouveau Mexique rencontrer Harlyn Geronimo, medicin-man et arrière petit-fils du célèbre guerrier Apache. Selon une légende Apache en effet, ce peuple serait originaire de Mongolie. Ensemble, ils vont échanger leurs connaissances respectives sur les traditions Apaches et Mongoles et faire un voyage-pèlerinage jusqu’aux sources de la Gila, le lieu de naissance de Geronimo. De ces mois de complicité va naître l’idée du livre  Sur les pas de Geronimo, l’histoire de cette rencontre et l’unique récit de la vie de Geronimo, racontée par l’un de ses descendants directs. Parallèlement à ses voyages d’étude, Corine Sombrun est compositrice pour différentes sociétés de production, donne des conférences et poursuit son travail sur les États Modifiés de Conscience. Son expérience dans la pratique de la transe chamanique et sa capacité à l’induire par la seule volonté  intéresse désormais les scientifiques. Elle collabore depuis 2006 avec le Dr Etevenon, Directeur de recherche INSERM honoraire. Il l’a mise en relation avec différents chercheurs dont le but est de découvrir les mécanismes physiologiques liés à cet état de Transe (État de conscience volontairement modifié) et son influence sur le fonctionnement des hémisphères cérébraux. Les premiers résultats (obtenus en 2007 par analyses d’EEG sous la direction du Pr. Flor-Henry / Alberta Hospital – Canada) ont montré que cette transe chamanique, dont les mécanismes d’action sur le cerveau restent inconnus, modifiait effectivement les circuits du fonctionnement cérébral. En repoussant les limites des connaissances actuelles, ces résultats ont ouvert de nouvelles perspectives et sont à l’origine du premier protocole de recherche sur la transe chamanique mongole étudiée par les neurosciences ; Une tentative d’exploration des phénomènes liés aux capacités du cerveau humain et des fondements neuronaux de la Conscience.  (Source : site de l’éditeur)

     

     

     

    Site de l’auteur : http://www.corinesombrun.com/

     

     

     

     

     

     

  • Soliflore n°16 : Sandrine Davin

     

    Lettre d’un soldat

     

     Sur un sol nauséabond
    Je t'écris ces quelques mots
    Je vais bien, ne t'en fais pas
    Il me tarde, le repos.
    Le soleil toujours se lève
    Mais jamais je ne le vois
    Le noir habite mes rêves
    Mais je vais bien, ne t'en fais pas …

    Les étoiles ne brillent plus
    Elles ont filé au coin d'une rue,
    Le vent qui était mon ami
    Aujourd'hui, je le maudis.

    Mais je vais bien, ne t'en fais pas …

    Le sang coule sur ma joue
    Une larme de nous
    Il fait si froid sur ce sol
    Je suis seul, je décolle.

    Mais je vais bien, ne t'en fais pas …

    Mes paupières se font lourdes
    Le marchand de sable va passer
    Et mes oreilles sont sourdes
    Je tire un trait sur le passé.

    Mais je vais bien, ne t'en fais pas …

    Sur un sol nauséabond
    J'ai écrit ces quelques mots
    Je sais qu'ils te parviendront
    Pour t'annoncer mon repos.

    Je suis bien, ne t'en fais pas …

     

     

     

    http://plumie.blog.mongenie.com/

     

     

  • Vient de paraître : Buk you ! Un hommage à Bukowski chez Gros Textes

     

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    par Hervé Merlot

     

     

    avec Hélène Dassavray (France) – Éric Dejaeger (Belgique) – Henry Denander (Suède) – Cathy Garcia (France) – Frédérick Houdaer (France) – Gerald Locklin (USA) – Patrice Maltaverne (France) – Adrian Manning (Royaume Uni) – Renaud Marhic (France) – Hervé Merlot (France) – Owen Roberts (Canada) – Thierry Roquet (France) – Ross Runfola (USA) – Marlène Tissot (France).
    Poème-préface inédit de Dan Fante.


    Traduction des six auteurs anglo-saxons : Éric Dejaeger.

     

    Quatorze auteurs, dont pas mal que j'ai eu le plaisir de publier dans Nouveaux Délits, fans de Bukowski proposent des textes en hommage au grand Hank, non pas « à la manière de » mais plutôt « dans la mouvance de ».

     

    Gros Textes (2013)
    160 pages
    14 € (12 € pièce à partir de deux exemplaires)
    ISBN : 978-35082-233-4
    L’avis de parution est ici
    Le blog de l’éditeur