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LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS - Page 15

  • Soliflore n°15 - Estelle Cantala

    La dame rose

     

    Une grande dame un peu rose

    Retirait sa veste

    Droite et verte

    Comme une fleur de jardin parisien

    Elle a orienté la paume de sa main droite en direction du ciel

    L'oeil droit fermé

    L'autre

    Voyait le vent

    Elle semblait attendre un cri jamais venu

    La dame un peu rose était un peu nue

    Un chapeau

    Juste

    Tulle gonflé comme fines voiles échappées de sur la mer

    Bleu clair

    Blanc vieilli

    Rose chair

    Une grande véronique vêtue de peau nue

    Elle avait ôté sa tige

    Fleur de Paris

    Sur la main de la grande dame comme un éclair d'instant

    L'aterrissage de quelque essence volatile

    Une disparition immédiate

    L'explosion minuscule d'une apparition

    L'ineffable accoutumance

    D'une étincelle en soie

    Voix soyeuse en elle

     

     

    www.estelle-cantala.com

     

     

     

  • NUMÉRO 46

                   

    Tibouchi_Monotype65.JPG

    Oct. Nov. Déc. 2013


     
      

    MERCI !!!

       
    En juillet dernier, la revue Nouveaux Délits a fêté ses 10 ans !
     
    Pari fou, pari tenu. 223 auteurs y ont été publiés à ce jour et certains d’entre eux nous ont malheureusement quittés depuis. 17 artistes l'ont illustrée, autant dire que certains plus d'une fois ! Je les remercie toutes et tous, car une revue c'est avant tout le fruit du généreux travail et de la douce folie de chacun. Si elle a réussi à perdurer jusqu'à aujourd'hui, c'est bien grâce à celles et ceux qui s'y intéressent, tous les abonné(e)s bien-sûr, mais aussi les lectrices et lecteurs occasionnel que je remercie également. Pour repartir de plus belle, en juillet, Les Soliflores ont vu le jour sur le blog de la revue. Il s'agit d’une publication en ligne de textes uniques d'auteurs, pour répondre à l'afflux toujours plus important de propositions, qui déborde largement ce que peuvent contenir trois numéros papier par an. Les Soliflores sont donc des clins d'œil pour encourager l’art poétique car oui, le poète est un artiste ! Le poète est un musicien, peintre, sculpteur de langue. Comme dans tout art, on y retrouvera toutes sortes de styles et du hors-style, du singulier, du brut et de vrais morceaux de vie posés ou crachés sur le papier (ou sur l’écran, modernité oblige).  Aussi, il n’est pas besoin de batailler pour savoir ce qu’est la vraie poésie. Il y en a simplement pour tous les goûts, y compris pour celles et ceux qui en manquent, et c’est tant mieux. Comme tout art, elle exprime la multiplicité, la diversité et la complexité humaine. Comme tout art, elle demande ouverture, curiosité, audace autant qu’humilité. Elle est en profonde relation avec la musique, puisqu’elle travaille comme elle avec un matériau intangible, vibratoire : le son. Elle construit, déconstruit et fait naître des étincelles aux points de friction de ces assemblages sonores et  elle use ou au contraire détourne le sens qui leur est généralement donné pour en inventer d’autres. J’ai donc une fois de plus le plaisir de vous présenter, dans ce 47ème  numéro (avec le numéro 0), quelques pièces choisies de cet art vivant, en espérant que vous les trouverez à votre goût.

     CG
        

     

    Quelques peuples seulement ont une littérature,

    tous ont une poésie.

    Victor Hugo in Océan prose

     

    Tibouchi_Monotype79.JPG

     

    AU SOMMAIRE

     
    Délit de poésie  :  Céline Rochette-Castel et Isabelle Delpérié

    Délit sensuel  :

    Afrique de mes baisers de Bénédicte Fichten

    Poèmes de Gisaeng, courtisanes coréennes, traduits du coréen par Henri-Charles Alleaume


    Délit de faciès :  Sénamé, Ce que j’ai vu (extraits)


    Délit malgache : Vérité sur parole et Mettons que je n’ai rien dit, deux nouvelles de Ben Arès

     

    Résonance :  Les esprits de la steppe de Corinne Sombrun

     
    Délits d’(in)citations  volent au bas des pages, détachées de leur texte-arbre, c’est de saison. Vous trouverez encore, mais oui, le bulletin de complicité au fond en sortant.

     

    Illustrateur : Hamid Tibouchi
          

    Tibouchi_Monotype62.JPG

     

    Né en 1951 en Algérie. Peintre et poète, il vit et travaille en région parisienne depuis 1981. Sa production, abondante, est protéiforme : poèmes, peintures, dessins, gravures, photos, livres d’artiste, livres-objets, décors de théâtre, vitraux, illustrations de livres et revues… Auteur d’une vingtaine de plaquettes et recueils de poèmes parmi lesquels on peut citer: Mer ouverte, Soleil d’herbe, Parésie, Nervures. Textes, dessins et peintures dans diverses anthologies ainsi que dans de nombreux périodiques (Esprit, Europe, Alif, Traces, Le Fou parle, Signes, Solaire, Fanal, Poésie 1, Le Journal des Poètes, Alimentation Générale, Impressions du Sud, 25 Mensuel, Athanor, Écriture, La Sape, Bacchanales, Poésie/Première, Horizons Maghrébins, L’Art Aujourd’hui, Artension, Liaisons, Area, Friches, Comme en Poésie, La Traductière, Le Frisson Esthétique, L’Étrangère, Phœnix, Les Archers, Il Particolare, Les Cahiers du Sens, Décharge, Incertain Regard, L’Établi …)
     

     

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    Certains voient les choses comme elles sont
    et se demandent "Pourquoi?"
    Moi je rêve les choses telles qu'elles n'ont jamais été,
    et je me demande "Pourquoi pas?"

    George Bernard Shaw 

     

     

     

  • Sur le point de paraître aux Ed. Nouveaux Délits

     

     

    POÈMES FOLLETS & CHANSONS FOLLETTES

    POUR GRANDS PETITS & PETITS GRANDS

     

    de Cathy Garcia

     

     

     

    la ronde du chat.JPG

     

    Illustrations originales en couleur  de 

     Joaquim Hock

    http://joaquimhock.blogspot.com

     

     

     

     

    Un recueil qui s’adresse avant tout aux enfants

     de 9 mois avant la naissance  à 99 ans et demi après

     

     

     

     

    « Dès fois on est content

    Dès fois on ne l’est pas

    Dès fois on est gentil

    Dès fois on ne l’est pas

     

    C’est la vie

    Et c’est comme ça

    C’est comme ça la vie

     

    (…)

    La vie c’est bien

    Et parfois ce n’est pas bien

    Mais c’est toujours beau la vie

    Mais parfois on l’oublie. »

     

    alcove-1.JPG

     

     

     

    Tirage sur papier recyclé limité et numéroté  

    56 pages,  15 €

     

    homme et son chat.JPG

     

      

    À commander à l’Association Nouveaux Délits

     

     Létou 46330 St CIRQ-LAPOPIE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Soliflore 14 : Bruno Toméra

    Polaroïd de vacances

    le soleil dessine des auréoles
    sur les lunettes couleur de nuit
    la chair brûlée et grasse
    s'expose devant les visages sans yeux
    les clones se mirent dans la même glace.
    La terrasse étale les bruit des couverts
    dans l'avidité des ventres ouverts.
    les couples satisfaits, de leurs doigts poisseux
    décortiquent des carapaces
    sirotent une quelconque vinasse
    qu'ils imaginent nectar.
    Fiers rusés renards
    leur langage en de ternes économies
    se glorifient de plates affaires
    et de rassurantes philosophies
    10 euros de rabais à " pigeon partenaire"
    15 sur une brinquebalante cuisine garantie
    le néant est une somme de petits prix.
    les hommes décousent les jupes de passage
    les femmes s'essoufflent à n'avoir plus d'âge
    les hommes rêvent les femmes de leurs amis
    les femmes se rêvent d'autres nuits.
    Puis ils promènent leur esprit repu
    sur le sable qui les maudit
    une pensée fluette vite interrompue
    leur fait espérer qu'ils ont côtoyés un autre éden.
    Parés pour défiler de l'ennui aux ennuis
    dans une année nouvelle ou blanchissent leurs membres
    accepter l'enfer ne leur est plus une gêne.
    Pendant ce temps l'océan attend septembre
    et pleure des débris.

     

    Bruno Toméra

  • Soliflore n°13 - Gérard Leyzieux

     

    *

     Je te ferai la vie là où la fumée s’envole

    Je te lame de fond futur sur la béance

    Tu le je dans la chute de l’abandon

    Où est le il, en nous des eux

    Je te ferai la vie par-delà les retours,

    y revenir

    Je te flamme encore délivrance de la détente

    Je la vie voirie du solstice moiré

    Au chant d’accords sismiques, la clef du sol

      

    Gérard Leyzieux

     

     

     

  • Soliflore n°12 : Jacques Ceaux

    Plénitude

     

    Souffler d'un nuage

    tombée à la pluie

    tendre douceur

    aux ailes mousse

    sucrée d'avoine

    en étés d'ocre

    embaumée libre

    dépliant à bonheur

    douce embellie

    sans la course

    jaune lumière

    et vertes routes

     Echapée.JPG

    enveloppe azurée

    aux plaisirs doux

    sieste d'amour

    sur son lit tendre

    fines embrasures

    de portes ouvertes

    angle vivant d'arrondi

    repas moelleux

    en agapes bonnes

    sirop du temps

    coule au long plaisir

     

     Jacques Ceaux

     

     

     

    photo (c)cathy garcia

     

     

     

     

     

  • Soliflore n°11 : Isabelle Grosse

     se faire des idées
    faire son cirque
    raconter des histoires
    faire du cinéma
        à quoi tu joues toi ?


    chercher des signes partout
    de vilains petits canards
    cachés ici ou là
    qui lui diraient
    quoi quoi quoi


    tremble et tressaute
    à la moindre trace
    tout petit pas de travers
    tout droit


    raye son nom sur le calendrier
    souffle coupé rature son prénom
    en oublie le jour et l'heure


    rêve entre aurore et crépuscule
    rêve que         et aussi que
    alors seulement peut dormir enfin


    keskessadi sadikoi
    ça dit que tu t'oublies
    ça parle de lumière et de beauté
    ça dit de foncer tête la première dans ce qui te rend heureux
    ça dit que ça peut aussi claquer fort et que si ça cogne la nuit c'est normal
    tout ira bien


    rassurez-vous madame
    écrire redevient possible

     

       

    Isabelle Grosse

     

     http://www.m-e-l.fr/isabelle-grosse,ec,494

     

     

     

     

     

  • Soliflore n°10 : Thierry Radière

    ARTICULATIONS

     

     craque les articulations

    de mes doigts que

    j’entende la première

    musique du réveil

    que je sente les extrémités

    de la mort au petit déjeuner

     


    Mémoire, traces III NB.JPG

    Cathy Garcia - Mémoire, traces III NB

     

     

    PENSÉE PORTUAIRE

      

    la vie dans un élan

    de carte postale écrite

    face à un port

    pourrait être simple

    si les bateaux

    ne tanguaient pas

    pour la photo

     

     

  • Soliflore n°9 : Michèle Rosenzweig

    Le psychiatre

     

    Dites-moi, c'est quoi, un psychiatre ?

    demanda la femme innocemment

    au retour d'un délire.

    Oh, non, ce n'est pas un ami

    plutôt un lointain parent

    un peu de ce père qu'on sauve et qu'on tue

    chaque jour un peu plus

    un peu de ce frère absent qui exerce ses talents.

    Un professeur de replis

    de replis stratégiques

    Un amateur d'oublis

    d'oublis systématiques.

    Un élève de nos vies

    qui laisse bien des maux en suspens

    comme on ménage un enfant

    (récalcitrant, l'enfant, surtout aux médicaments ...)

    Un rôdeur d'âme, un aspic rampant

    Un déverrouilleur de peines

    Un tâtonneur de vérités

    Un combattant dans le noir

    Un dérouilleur de mécaniques

    Un essayeur de clés, un horloger

    Un chasseur de gazelles

    Un trappeur du Grand Nord

    Un pourfendeur d'hydres à six têtes

    Un oiseleur en cage

    Un détrousseur d'images

    Un décortiqueur d'amandes

    Un drôle de type

    Un docteur bien énigmatique

    avec un léger accent

    (Très charmant, l'accent !...)

     

    Mais oui, un psychiatre c'est cela :

    Un docteur exotique ...

     

    Michèle Rosenzsweig

     

  • Joyeux Anniversaire !

    Dingue !

    La revue

    NOUVEAUX DÉLITS

    a dix ans !!!

     

    petite flamme restau Nant.JPG

     

    Pari fou, pari tenu

     

    218 auteurs y ont été publiés à ce jour, dont certains nous ont malheureusement quittés

    16 artistes l'ont illustrée, autant dire que certains plus d'une fois !

     

    Je les remercie toutes et tous, car une revue c'est avant tout le fruit du généreux travail et de la douce folie de chacun et si elle a réussi à perdurer jusqu'à aujourd'hui, c'est bien grâce à celles et ceux qui s'y intéressent, tous les abonné(e)s mais aussi les lectrices et lecteurs occasionnel que je remercie également, 

     

    MERCI

    MERCI 

    MERCI !!! 

     

     

    Petit rappel de mon tout premier édito en

    Juillet 2003 
     
    Pourquoi Nouveaux Délits ? Et pourquoi pas ?
    Voilà le point de départ de cette revue qui se lance, à l’eau ou par la fenêtre comme on voudra, l’essentiel étant l’élan, l’impulsion, l’envie de faire. Faire réfléchir plus que plaisir, faire connaissance, faire le lien entre tous et chacun, pourvu qu’il soit avide de paroles, fraîches ou chaleureuses c’est selon, mais dans tous les cas vivantes.

    Les auteurs sont lecteurs, les lecteurs auteurs et chacun contribue ainsi à poétiser le monde.
    Poétiser : nettoyer les regards de la poussière du conformisme ambiant, goûter des saveurs nouvelles. Nouveaux Délits aime les mélanges, les différences, les mots qui dérangent, qui grattent, qui démangent, pour ne pas céder au sommeil qui dissout les consciences.
    Nouveaux Délits à inventer, à commettre ensemble. Poétiser est un acte, pas un luxe.
    Soyez à l’écoute du vent qui passe, ignorant les frontières, colporteur de bonnes et mauvaises nouvelles. Confiez-lui vos textes, vos poèmes, vos délires, il en fera peut-être de la matière à Nouveaux Délits.
     
     
    CG

    "Un poète doit laisser des traces de son passage, non
    des preuves. Seules les traces font rêver"

    René Char
     
     
     
    Et bien, nous voilà donc prêts
    à  laisser quelques traces
    pour dix années de plus ?
     
     
     

     

  • Soliflore n°7 : Andrea d'Urso

    Next exit

     

    Prochaine sortie,

    il ya toujours une prochaine sortie,

    je le sais.

    Il y a toujours une prochaine sortie,

    même sur ces routes départementales,

    qui ne sont pas comme les autoroutes

    où il y a toujours une prochaine sortie,

    ici aussi il y a toujours une prochaine sortie,

    même si ça ne se voit pas toujours.

    Il y a une prochaine sortie,

    dans la lumière matinale sur le visage de la fille du bar,

    dans son sourire affable et provisoire,

    il y a une prochaine sortie

    dans les fleurs que tu n’as jamais achetées

    et que tu as offert en rêve à une femme distraite en vrai.

    Il y a une prochaine sortie

    sur les pancartes maisons à vendre le long de la route,

    maisons sur la colline, jamais habitées,

    patios et vérandas qui n’attendent que d’être ouverts

    dans les après-midi d’été finissants

    qui n’attendent que d’être fermés.

    Il y a une prochaine sortie

    dans le regard vif de la vieille femme de ménage

    qui vient dans nos bureaux le lundi matin,

    je l’ai vue se planter avec son balai-brosse

    devant une carte géographique

    et aller là où personne n’est jamais allé

    et revenir là d’où personne n’est jamais revenu,

    elle y compris.

    Elle ne m’achètera jamais de robinet,

    mais je l’aime bien quand même.

    Il y a une prochaine sortie,

    quand à la radio de ta voiture

    tu trouves la bonne chanson et tu montes le son,

    il y a une prochaine sortie

    quand tu écoutes Largo from Serse de Haendel,

    pas besoin de monter le son

    car on n’a plus besoin de rien

    quand on écoute Largo from Serse de Haendel,

    tout est parfait, tout est à sa place,

    tout prend une connotation différente,

    le ciel, la route, les voitures.

    et le type qui te coupe la route avec son Cayenne

    ne t’atteint pas, ne te concerne pas,

    il a son rôle, sa fonction,

    et même une forme de beauté,

    il y a toujours une prochaine sortie

    mais il faut se dépêcher

    car dès que le morceau s’achève

    tout redevient comme avant

    et le type qui te coupe la route avec son Cayenne

    redevient  juste un gros con.

    Il y a toujours  une prochaine sortie,

    le seul problème pour moi c’est de trouver l’entrée.

     

     

    Andrea d'Urso, Italie

    Traduction Muriel Morelli

  • Soliflore n°6 : El' Mehdi Chaïbeddera

    C'EST UN METIER D'ETRE DEBOUT

                                      DEBOUT C'EST NOTRE VOCATION

     

    Partout tant de monde debout

    Il y a debout et debout

     

    C'est du boulot d'être debout

    Un sacré taf d'être debout

     

    Surtout dans les butorderies

    Où l'on boute de deboutant

     

    Il y a du décès de bout

    Ce n'est pas tout d'être debout

     

    Il y a l'étalé - debout

    De la chefferie failliteuse

     

    Et puis le debout magistral

    De la valetaille étarquée

     

    A la galerie des succès

    Pour le maintien des litanies

     

    Il est du debout perturbant

    De la gent qu'on pousse à bout

     

    De celui qui joint les de(ux) bouts

    Et qui ne voit jamais le bout

     

    Il est du debout parasite

    Des ayants-tout du forestage

     

    Il y a du tapin debout

    En tapinois républicain

     

    C'est du boulot d'être debout

    Un sacré taf d'être au debout

     

    Venir à bout de son debout

    Il faut bien en connaître un bout

     

    Il y a du debout boutade

    Du bout au vent à la Quichotte

     

    Mais l'essentiel étant debout

    Cest de camper à son debout

     

    C'est ne plus jamais être dupe

    Aux rendez-vous des debouteux

     

    Il est des toqués du debout

    Aux grands pics de la deboutite

     

    C'est ne plus être débouté

    De son droit de vivre debout

     

    C'est un métier d'être debout

    Pour nous c'est une vocation

     

    Lyon. Lundi 25 octobre 2OIO

    El' Mehdi CHAIBEDDERA

     

  • Soliflore n° 4 : Jacques Laborde

     Je suis un lecteur
    Un lecteur de poèmes
    Un être rarissime et raffiné
    Qui n’écrit point
    Qui ne racole aucun éditeur
    Aucun imprimeur
    Ni ne convoite aucun auteur
     
    Je suis comme une gomme claire en plein jour
    Une tache obscure dans la nuit d’encre
    En somme un être d’exception
    Qui brille tout en discrétion
     
    Je ne drague aucun concours littéraire
    Ne charme point les revues bi-annuelles
    bimensuelles
    trimestrielles
     
    Je reste un simple lecteur
    Un esprit haut perché
    Sur son tabouret
    Dans son infinie rareté
     
    Je pratique
    En extérieur autant qu’en intérieur
    Selon l’humeur
    Et j’attends mes clients
     
    Ainsi cher édité, poète à tes heures
    Te lirai-je avec passion, curiosité
    Bonheur, amour et volupté
    Du bout des ongles
    Au bout des lèvres
    Attention je n’embrasse pas
    Il t’en coûtera cinquante euros la prestation
    Cinquante euros la page
    Protégée ou non par le copyright
     
    Car Je suis un lecteur
    Un lecteur de poèmes
    Et mes tarifs en vigueur
    Sont bien à la hauteur
    De ma singularité
    Sur le marché.


    Jacques Laborde

     

     

     

    http://www.bestiairedubasmontmartre.org/

     

  • Soliflore n°3 : Didier Trumeau

     

    La voyez vous derrière les joubarbes ?

    Non ?!

    Pourtant elle est là !

    Suivez la tige du milieu qui tombe

    vers les ténèbres et monte vers l’infini.

    Vous ne la voyez toujours pas ?

    Alors comptez trente huit pétales

    en partant de la gauche

    puis soustrayez la vache qui au loin

    broute l’herbe grasse du printemps

    avant de mugir au perdu

    pour attirer l’attention

    quelle frimeuse cette  belle Normande

    aux traits celtes aux yeux scandinaves,

    aux flancs larges.

    Alors vous la voyez ?

    Quoi ?

    L’imagination !

     Ah! bon...

     

     

    Didier Trumeau

    Extrait de Pacemaker Quark Pastel  

     

     

    DSCF0810.JPG

    (c) Didier Trumeau

     

    Didier Trumeau a créé et animé un bon zine musico-poético-artistico- anarcho pendant une dizaine d'années : L'Heure-Tard, Ed. Enitram Treab à Vierzon : http://www.enitramtreab.fr

     

     

  • Soliflore n°2 : Jean-Marc Gougeon

    rassurée

     

    Sur le dos de la nuit

    s’exhibent quelques chiens

    panse creuse ils accourent

    et toi tu les retiens

     

    Les crocs ont faim respire

    ils reviendront repus

    impose prends ta lyre

    ton chant est attendu

     

    Calmés ils auront gratté

    la peau de tes cauchemars

    au ventre chardons broyés

    tes aspérités sont douces

    et tu cours tu te fais tard

     

    Reconnaissante tu longes

    des restes de fossés vides

    franchis les talus en songe

    dors dans le baiser avide

    le drap te donne la source

     

     

    Jean- Marc Gougeon

     

     

     

     

  • Ouverture des Soliflores avec Stéphanie Cousin

    Aujourd'hui s'ouvre une annexe à la revue, ici même : Les Soliflores.

    Il s'agit de textes uniques d'auteurs, qui seront publiés ici. Ceci pour répondre à l'afflux toujours plus important de propositions, qui déborde largement de ce que peuvent contenir trois numéros papier par an. Inutile cependant d'envoyer des textes uniques à cet effet, il s'agit d'abord de donner de la visibilité à d'innombrables auteurs déjà en attente, et qui ne seront peut-être pas publiés ou republiés ultérieurement dans la revue papier. Les Soliflores sont donc des clins d'oeil pour encourager la création poétique et ne pas l'émousser en la faisant attendre des mois, parfois des années, pour une publication papier.

     

    Quant à la revue, elle continue son petit chemin, prochain numéro en octobre.

     

     

    Pour ouvrir donc le bal, un poème de Stéphanie Voisin, qui fait écho à Nuage rouge de Jean Azarel, publié dans le denier numéro : un hommage à la chanteuse trop tôt disparue, Lhasa de Sela.

     

     

    288208-lhasa-sela-spectacle-maison-culture.jpg

     

    Lhasa tu marches et tu appelles

    Celui qui froisse tes pieds sur des chemins de ronces

    Tes dents sont amoureuses ta bouche est sans racine

    Le désert tombe et ressuscite quand tu vacilles

    Quelqu’un vient

    Tu nages sur des braises

    C’est sûrement lui

    Et tes mains sont immenses même percées par la pluie

     

    Ton cri s’est allongé dans une roue de velours

    Comme un  feutre fragile

    Ta voix couleur de chair lève le pain de l’ombre

    La terre grogne et remplit la magie des oiseaux

    Qui redonne soif et faim

    Serre les poings sur ta fièvre

    La douceur et la pierre confondent leurs murmures

    Il y a tant de clarté dans l’obscur de ta voix

    Qu’un océan se glisse en travers de ma peau

     

    Lhasa laisse le vent marcher sur tes chansons

    Et convaincre la terre d’accueillir ta fraîcheur

    Car la nuit ce matin s’est trompée de fenêtre

     

    Sur la route ruisselle l’eau brève de ta vie

    Tel un souffle qui chasse             

    Lhasa laisse le vent dans l’étincelle des chats

    Car la nuit ce matin s’est trompée de fenêtre.

     

     

    Stéphanie Cousin 

     

     

     

     

     

    et une des chansons de Lhasa que j'aime tout particulièrement

     

     

     

  • Résonance 45

    L’éponge des mots – Saïd Mohamed – Les Carnets du Dessert de Lune – 2012. 128 pages, 12€.

     

     

     

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    L’éponge des mots est un livre sans commencement, ni fin, dans lequel on entre, puis on s’assoit et on écoute. On écoute un compagnon qui nous passerait la bouteille, on boirait à même le goulot, sans faire de manières, avant de la repasser à un autre, qui serait là aussi, quelque part au bord du monde, parce que toutes les routes ont déjà été arpentées, tout a été dit, et pourtant nul n’a encore trouvé le remède au mal de vivre.

     

    L’éponge des mots éponge le trop plein.

     

    Pas de gloire à se combler d’alcool

    Pour s‘inventer des cataplasmes.

     

    Boire encore et tordre le cou aux sortilèges.

     

    Capitaine au long cours veillant sur l’histoire du hasard.

     

    Taillader son chemin dans l’aventure des rues lisses.

     

     

    Tel un Ulysse qui ne retrouvera jamais son port. Les mots eux-mêmes deviennent éponge pour absorber le trop plein d’amertume, de vanités, de désillusions, de chagrins rouillés. Un trop plein qui n’a d’équivalent que la béance du manque d’amour.

     

    Revenir sur ton ventre noyer ma détresse à l’hôtel des carnages

    en soudoyant le gardien de nuit

    après une errance de bar en bar

    pour resquiller la lumière

     

    Lorsqu’on va chercher très loin ce que l’on ne trouvera jamais, le voyage devient errance, parce que depuis longtemps nous sommes perdus à nous-mêmes.

     

    Dans cette nuit espagnole, tu pointes un doigt vers le ciel

    et désignes l’aube avec sa rivière

    roulant des perles noires.

     

    (…)

    Je jure de ne plus savoir retourner chez moi.

     

    Car vivre c’est Être au monde avec ses pertes de lumière, des voiles trouées et ces haubans qui sifflent au moindre vent.

     

    Dans L’éponge des mots, Saïd Mohamed nous livre son désenchantement, et à chaque page pourtant, on trébuche sur des pépites. Si les larmes sèchent vite aux vents des quatre coins du monde, les mots eux, n’ont pas fini de couler.

     

    nous ne sommes pas devenus fou subitement,

    cela a demandé du temps.

     

    D’abord, on a vu l’étrange plaie

    qu’est la joie dans les yeux des autres.

     

    (…)

     

    Pris dans la tourmente des loups dépouillés

    qui guettent l’étrange et le dérisoire.

     

    Partout avec ces mots de pauvre, aller

    dans la perception des miroirs

    en traversant sur les passages cloutés.

     

     

    Les mots vomissent leur impuissance à changer le monde.

     

    Il n’est de sommeil plus puissant

    Que notre intelligence à ne pas vivre

     

    (…)

    L’idiot va à ses ratages comme à une science exacte,

    Seule raison valable pour achever cette bouteille.

     

    Quelle autre sagesse peut évoquer un tel carnage ?

     

     

    Le voyageur va chercher ailleurs quelque chose qui lui ferait croire qu’il vit plus intensément.

     

    La dentelle des jours nous pousse à faire escale

    dans les ports aux romances inachevées,

    à chercher dans la multitude des petits riens

    ces choses de peu qui manquent le plus.

     

     

    Plus c’est loin et plus on espère trouver cet autre chose qui nous ferait nous-mêmes autre.

     

    J’ai connu les ventres outragés et le rire des singes,

    L’ombre du feu avec dans la bouche

    Les cendres des morts comme seule preuve de vie

    Et combien de corbeaux, de singes, de najas,

    D’étranges banyans et d’immenses

    Oiseaux de nuit.

     

    Mais il y a quelque chose de définitivement voué à l’échec dans cette quête, des courants contraires aux chercheurs d’intensité, des trésors éphémères qui fondent comme goutte d’eau au soleil.

     

    Des éclats de possibles,

    des bribes de rien dans le silence résorbé des villes

    et des hommes de papier mâché

    au bar des illusionnistes.

     

    (…)

    Partout être à contretemps,

    à contre-emploi, à contresens du flux

    dans le décalage permanent,

    fuir quand tout converge.

     

    Grande est la désillusion, quand on découvre les coulisses de ce qui n’apparait au final, comme rien d‘autre qu’un grand cirque pathétique.

     

    Qu’auront nous dit vraiment ?

     

    Le silence est préférable à ces babils,

    ces faux-savoirs,

    ces mensonges appris comme une leçon.

     

    Ces bribes de rien, de tout, d’abject aussi, récitées par cœur

    quand le plus grand dénominateur commun ouvre sa gueule

    dans l’immonde barnum du tube cathodique,

    ce rectum de la pensée qui souille

    tout ce qu’il touche.

     

    Saïd Mohamed sait ce qui pousse à Parcourir le monde comme le sang bat les veines à la recherche de l’instant qui rend caduc tous les autres. (…) et la promesse toujours la promesse d’autres choses encore.

     

    Le voyage, la fuite, la solitude et l’oubli impossible.

     

    Accolé aux murs des villes, ton visage, ton sourire obsédant, ton ventre au mien accroché, où dedans le vent s’engouffre, dans le salpêtre, la crasse, l’odeur des poubelles, je t’ai cherchée.

    Dans le repli de l’indifférence j’ai appris à regarder avec cette habitude à qui rien n’échappe, en tous lieux j’erre seul, heurté à la raison qui maintient les êtres dans leur camisole. Partout où tu as posé les pieds, je retourne la terre. J’hésite à te nommer, pour laisser en friches ces souvenirs qui me reviennent, m’accablent et me jettent dans les bras d’hier.

     

    Saïd Mohamed sait qu’il est difficile de vivre en ignorant son ombre, elle se tord et crie si on marche dessus.

     

    Tout au long de son livre on sent peser cette ombre qu’aucune destination, si lointaine fut-elle, aucun alcool, ne sauraient dissiper.

     

    Tous ces arbres morts qui s’évertuent à lancer au ciel des branches pour s’y pendre…

     

    Et pourtant, nous confie t-il, ma raison demeure dans l’agitation du monde, de ces villes juchées les unes sur les autres, où dans l’ennui les hommes se laminent, se chevauchent.

     

    Dans la troisième partie du livre, il nous ramène à un « Ici et maintenant ». Une sagesse que connaissent tous ceux qui savent qu’il est vain de tenter d’être ailleurs, que dans ce laps de temps présent. Et si les souvenirs sont toujours là, en filigrane, il est temps de tirer un trait et Saïd Mohamed est sans doute un de ces êtres brûlés au feu de la passion comme de la lucidité, cette lucidité féroce qui pousse à n’importe quel extrême pour lui échapper, en vain.

     

    Nous n’avons pas grandi malgré le poids sur nos épaules.

    Prisonnier de l’enfance, on croit être devenu un autre

    en refusant l’idée que seul le corps change.

     

    L’éponge des mots est comme un fleuve qui s’écoule, qui déborde parfois, puis se calme à nouveau, qui remonte le temps aussi bien qu’il file vers une hypothétique embouchure.

     

    On relit ce qu’on a écrit sans le reconnaître.

    Ivresse de la prière païenne qui se nourrit d’elle-même

    À laquelle aucun parler n’est comparable.

    Ce mystère ne nous appartient pas.

    En bouche vient le fleuve,

    Message jamais interrompu ni commencé.

     

    Il y a l’ombre, mais aussi un flot de lumière, au sein même de ce qui peut sembler comme un constat désespéré.

     

    Dire l’instant émerveillé devient insolence

    Aux hommes obscurcis par trop de misère.

     

    L’auteur sait qu’avec les mots on peut tout inventer et il a gardé Des affamés (…) les vertus de l’illumination, les tenailles du silence et la tyrannie de l’aube.

     

    En d’autres termes, le chant et la soif du poète, mais il s’interroge sans cesse, il nous interroge.

     

    Comment apprécier l’insolence des moineaux et convaincre l’ombre du bien-fondé de la lumière

    Survivre aux ratages de l’existence et à cette nostalgie qui éreinte.

     

    Il faut avoir touché le fond pour en connaître la texture réelle et savoir si bien en rendre compte.

     

    Le mal de vivre n’a pas de nom, inquiétude rebelle, cœur sans raison.

     

    Le voyageur a vu la face périmée du rêve et le poète l’a bue jusqu’à la lie.

     

    L‘insulte nous a cueillis au cœur de la joie. Déplumé l’oiseau aux sept couleurs. Sidaïque l’oncle Jo des Amériques. La petite Jeanne s’injecte de l’héroïne.

    Comme des orphelins, efflanqués nous ne croyons plus en rien. Nous avons vu tant de désastres, de boue ruisseler des montagnes, de louves pleines les flancs ronds, de vagabonds pointer sur la carte du ciel une étoile rouge.

     

    Et comme ces marins condamnés à errer d’île en île, lui comme nous sommes étrangement ballotés entre l’histoire d’un monde aux urgences de grisaille et l’impatience de vivre.

     

    Saïd Mohamed n’a certainement pas fini d’essorer, encore et encore, L’éponge des mots, et c’est tant mieux !

     

     

    Cathy Garcia

     

     

    said_mohamed par bénédicte Mercier.jpg©photo de Bénédicte Mercier

     

    Saïd Mohamed, né en 1957, en Basse-Normandie, d’un père berbère, terrassier et alcoolique et d’une mère tourangelle lavandière et asociale, il a passé son enfance et son adolescence à la DASS. Nomade dans l’âme, il a été tour à tour, ouvrier imprimeur, voyageur, éditeur, chômeur, enseignant. Chef de fabrication dans le secteur éditorial, il a enseigné au BTS édition à Toulouse et poursuit désormais son enseignement à Paris, dans le cadre de la prestigieuse École Estienne.

     

    Romans
    Un enfant de cœur, Éditions EDDIF, Casablanca, 1997.
    La Honte sur nous, Éditions Paris Méditerranée, 2000. Éditions EDDIF, Casablanca, 2000 (réédition 2011, Ed. Non–lieu).
    Le Soleil des fous, Éditions Paris Méditerranée, 2001.
    Putain d’étoile, Éditions Paris Méditerranée, 2003.

    Poésie
    Terre d’Afrique, S’éditions, 1986.
    Mots d’absence, Le Dé Bleu, 1987.
    Délits de faciès, Le Dé Bleu, 1989.
    Femme d’eau, Polder, 1990.
    Le Vin des crapauds, Polder, 1995.
    Jours de pluie à New York, de cendres à Paris et de neige à Istanbul, Encres Vives, 1995. Réédition 2001.
    Lettres mortes, Poésimage, 1995.
    Chaos, Éditions Ecbolade, 1997.
    Point de fuite, Propos de Campagne, 1998.
    Instants fragiles, Le Maghreb Littéraire, Toronto, 1999.

    Liesse à Marrakech, Encres vivres, 2001.

  • Michel Host parle de la revue Nouveaux Délits

    Dans sa Chronique le Scalp en Feu (IV) in Recours au poème

    http://www.recoursaupoeme.fr/chroniques/le-scalp-en-feu-i...

     

     

    NOUVEAUX DÉLITSrevue de poésie vive –

     

    Numéros 44 (janv.-févr.-mars 2013) & 45 (avril-mai-juin 2013)

    Cathy Garcia (cf. Scalp III, Le Poète) œuvre à plein temps, nous le savons, pour faire vivre la poésie entre Dordogne, Auvergne, Charentes et Pyrénées, et ailleurs encore j’imagine. Elle-même vit en poésie et, spirituellement du moins, de la poésie. Sa revue aussi bien que ses recueils en témoignent avec vigueur et constance. Parvenir à « fabriquer » soi-même plus de 40 numéros d’une publication sans la moindre subvention, lui trouver des abonnés fidèles, y rester fidèle à quelques orientations majeures suppose une admirable endurance personnelle et quelques qualités remarquables. Si Nouveaux Délits a un aspect quelque peu austère, c’est que ses pages sont tenues au respect de la planète et de ses ressources naturelles, et que par ailleurs elles mènent non des combats, mais une action continue par ce que j’appellerai l’action des mots. C’est d’ailleurs une tradition qu’ont maintenue bien des publications anciennes, parfois disparues… je pense à un titre comme Action poétique, par exemple… Cathy Garcia a, outre son immense talent de poète, toute l’énergie qu’il faut, et des dents et des griffes,  ce que nous laisse entendre son éditorial du N°44 : « Nos façons de penser, de vivre, de consommer, la façon dont nous entrons en relation avec l’autre et avec nous-mêmes, participent, qu’on le veuille ou non, à l’immonde. Personne ne peut, à elle, à lui tout(e) seul(e), changer ce monde, mais chacun(e) d’entre nous a la possibilité de réfléchir à sa façon d’en être et il est temps, il est urgence, de changements radicaux. Les alternatives, les solutions, elles sont là, à portée de main, de clic, de choix, qu’elles soient citoyennes, écologiques, spirituelles…  […] il nous faut stopper l’immonde avant qu’il ne nous dévore. » Voilà la dame ! L’idée ! Le songe ! la volonté ! Quoique n’étant pas le modèle à suivre dans ce combat, j’approuve et je comprends pleinement. L’immonde, je le combats avec d’autres armes, mais qu’importe, ce combat ne peut m’indifférer. Il n’envahit d’ailleurs pas la revue, elle n’en est pas le drapeau levé à chaque page. Cela est selon le poète, la poétesse, et son inspiration fait loi.

    Dans ce numéro 44 (illustré par Jean-Louis Millet), j’ai aimé Le Locataire, de Fanny Shepper : « Un cendrier de béton / voilà son appartement / un plancher à échardes / un matelas molesté au sol… », et tout autant son Ange perché : « Mon petit cœur le fantôme / Mon amoureux le cinglé / Dans ton souffle les putains sont des reines égarées / et les ivrognes des capitaines de navires qui se brisent »… Et cette solitude à méditer : « Dans la nuit sans fond / je t’entends moi / parfois, tu fredonnes d’étranges complaintes / alors l’océan se calme / et il berce et il souffle doucement ». Qui ne trouve beauté et sens à ces mots, à ces vers ? Aimé aussi les fureurs de Pascal Batard, qui roule et tangue avec les pirates, « Pirates de soufre et de sang / brigands / de sable, de vent / sur l’océan / indien », aussi bien qu’il vacille en pensée regardant l’image d’un Christ dont les imbéciles, par conformisme et étroitesse de pensée, écartent jusqu’au nom : « Christ crucifié, / résistance du mort, dépossédé, / Stabat Mater / et renaît poussière, / riche du livre, / du savoir de ses pairs, / éteint. » J’aime que l’on rappelle qu’il y eut, après Socrate, ce grand philosophe de l’impossible amour. Et aussi que Jean Michel A Hatton nous raconte que le tort fut d’avoir laissé s’évaporer les antiques odeurs, « des odeurs d’étraves / et d’ancres, / quelques-unes oubliées / quelques-unes perdues. » Et non moins que Hosho Mccreesh, en anglais (mais avec traduction d’Éric Déjaeger), nous dise à nouveau que c’est par le « faire » d’abord que s’instaurent le poétique et sa puissante action : « BECAUSE VAN GOGH DIDN’T SIT IN THE ASYLUM WAINTING STARRY NIGHT TO PAINT ITSELF, BECAUSE MICHAEL ANGELO DIDN’NT SIT IN FLORENCE WAITING FOR THE PIETA TO CARVE ITSELF… It takes years for tree limbs to tear down powerlines, for roots to buckle concrete… … but they always do. » Il n’est pas inutile, loin de là, que cette “livraison” (quel mot, bien qu’il soit avéré !) que Cathy Garcia nous convie ensuite à goûter des proses romanesques grecques, chiliennes, Sud-Coréennes, et qu’elle nous gratifie de cette sentence aiguë d’Edgar Morin : « L’indifférence, ce gel de l’âme. » Nouveaux Délits ne tombe certainement pas dans ce vice majeur de notre temps, et peut-être d’autres temps… Qui sait ?

    Au numéro 45 (avril-mai-juin 2013 ; illustrations de Corinne Pluchart) je lis des poèmes « combattants » : ceux de Samuel Duduit, « pas encore mort »  - et il a raison de nous le confirmer -, quoique parfois orientés vers ce moi haïssable dont la prégnance absolutiste nous empoisonne : « Je vais et viens passé déjà / touriste survivant à ma propre existence / et qui visite les ruines déjà ennuyé… » ;  ceux de Patrick Tillard, évoquant LES SURVENANTS : « Ils sont maintenant vaccinés / cachés dans des réserves / remplis à plein bords d’essence ou de colle / de crack et d’amphés / prêts à sombrer dans ces puits empoisonnés  […] Désaveu mécanique / statut de victimes / Lanière qui étrangle / une histoire épurée / souffle le silence ». C’est bien là poésie dans la vie : « La vie est une maison comparable / à bien d’autres / dépeuplée d’aspirations / elle éjecte des corps / incertains. » Cette incertitude des corps ne traduit pas l’entier désamour, le vide tragique de l’existence, car cette maison reste « habitée d’amour / côte à côte du vivant… » Et c’est sans doute ce qu’à sa façon nous dit le poète néocalédonien Frédéric Ohlen évoquant l’homme qui, embarqué clandestin dans une soute d’avion, sait, bien sûr, « qu’on gèle / là-haut chez les anges / alors il a mis // du papier sous son tee-shirt / feuilles de canards dont les gros titres / dégueulent sur lui. » Car, à la fin, « S’en aller / marcher jusqu’à / disparaître // surfer l’infinie / répétition / du mouvement », n’est-ce pas la destinée de chacun ?  Jean Azarel, revenant aux terres d’enfances (j’imagine), aux territoires « de lauze et d’air », aux amours et aux nostalgies d’autrefois, ne quitte personne, et même demeure avec nous tous qui l’avons connue cette « douce aux jambes d’airelle… au ventre de tourterelle… » qui ne laissa « aucune autre trace que le souvenir d’elle / assise sur une balançoire / l’amie qui le restera… » Quant à Nicolas Kurtovitch, lui aussi « calédonien », s’il connaît les sources de l’enlisement, il tente de s’en arracher et de nous en arracher avec lui : « Il ne faut pas s’arrêter / à la première embûche / et contempler les feuilles mortes / au sol elles y sont bien / en oublier le besoin de silence… » « Laissons à la porte de la forêt / les éternels déboires / d’un mot mal compris / d’une phrase assassine / et les fougères ici par milliers nous protégeront. » NOUVEAUX DÉLITS est bien l’île Utopia de poésie, le lieu qui avance dans nos têtes encombrées de récifs et d’écueils, le lieu de l’Autre-Soi, l’autre sans qui je ne suis pas grand chose, et l’autre qui sans moi se diminue ou s’ampute de son autre à lui. Revue de la générosité et de l’humanisme (je sais qu’il y eut des raisons de rejeter cette belle idée) renouvelé.        

    Nouveaux Délits : http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/

     

     

  • Christian Saint-Paul et l'émission les Poètes

    Christian Saint-Paul encore une fois rend un bel hommage à la revue, au numéro 45 et a choisit de lire Jean Azarel. Vous y entendrez bien d'autres choses

    Une émission à écouter ici : http://les-poetes.fr/emmission/emmission.html

     

    En préambule Christian Saint-Paul signale que le N°12 de larevue Saraswati(revue de poésie d'art et de réflexion) vient de paraître : 130 pages (format A4), beaucoup de lecture en perspective donc. Les textes sont reproduits sur papier ivoire et les œuvres plastiques sur papier blanc glacé. Vous découvrirez dans ce numéro, entre autres, des textes inédits de Fernando Arrabal, Michel Butor, Michel Cosem, Michel Host, Luis Mizón et de d'autres poètes de grand talent. La thématique centrale est : La poésie hispanique contemporaine à travers deux hommes (le poète, dramaturge et cinéaste espagnol Fernando Arrabal et le poète argentin Luis Mizón) et deux femmes (Alicia Aza et Maria Baeza).
    Vous pourrez également lire de nombreux textes de réflexion sur la poésie en relation avec les autres arts - poésie et peinture, poésie et photographie, etc. -
    ou comme outil de connaissance de soi. Plusieurs intervenants, entre autres :
    E.Biedermann, B. Grasset, E. Hiriart, M. Host, C. Monginot, L. Podkosova...
    L'artiste invité est le photographe Maxime Godard (une vingtaine de pages de reproductions en couleur  une interview). Vous découvrirez aussi dans ce numéro l'actualité littéraire du moment (Canut, Lévesque, Keranguéven, Terrien, etc...) commentée de façon approfondie par divers chroniqueurs dont Christian Saint-Paul ainsi que la "revue des revues" par Georges Cathalo.

     

    Pour acquérir ce numéro, il suffit de faire parvenir un chèque de 18,00€ + 3,00€ de port, soit 21,00€ en tout à l'ordre du trésorier : "Samuel Potier"et à l'adresse suivante :
                   Revue Saraswati, B.P. 70041, 17102 Saintes cedex

    sans oublier de noter votre nom et votre adresse s'ils sont différents des mentions portées sur le chèque.
    La thématique du prochain numéro de Saraswati est notée sur la 3ème
    de couverture de ce N°12. N'hésitez pas à envoyer à la revue poèmes et textes
    de réflexion.

     

    Saint-Paul invite également les auditeurs et internautes à se procurer le n° 45 de la revue de poésie vive NOUVEAUX DELITS ; Cathy GARCIA y signe un éditorial où l’on reconnaît son humour et sa passion pour la poésie :

     

    « Vous avez remarqué, mis à part votre serviteuse et la merveilleuse illustratrice, nulle femme publiée dans ce numéro : QUE des hommes ! De quoi faire frémir le printemps féministe, un coup fatal aux normes de parité…  Alors ? Je ne sais pas, cela doit être le printemps justement, la montée de la sève, l’érection des petites pousses et des bourgeons, quelque chose de l’ordre de l’élan premier, la fougue du yang, le redressement des lingams… Des hommes donc, mais ces hommes cependant écrivent de la poésie, et si ça, ce n’est pas faire preuve d’une certaine sensibilité - sensiblerie diraient les jaloux ; si ça, ce n’est pas mettre à nu une certaine féminité ! Voilà donc des hommes dévoilés, qui se répandent en mots pleins de force, de chagrin parfois, de beauté, de compassion aussi, d’attention à l’autre. Ils sont magnifiques, les hommes, quand ils posent leurs joujoux de guerre, leurs pelleteuses et leurs calculettes, leur arrogance de garçonnets cravatés trop serrés, quand ils transforment des pulsions en poésie, des colères en coléoptères, des bottes de plomb en papillons de duvet. C’est beau un homme quand il tient debout tout seul, nu face au soleil, quand il respire amplement, les pieds ancrés à la terre mère. C’est beau un homme qui chante et qui pleure, qui tend la main vers d’autres hommes, vers des femmes, des enfants, un chat, une chouette, une fleur. C’est beau un homme qui ouvre ses bras, qui s’invente des ailes, pas pour aller plus vite ou plus haut non, mais pour accomplir des rêves qui donneront des fruits à offrir et partager. Oui, c’est beau un homme, et tout particulièrement quand il est une femme aussi, et un enfant encore. Pas pour faire des caprices ou ne jamais rien assumer, non, mais pour conserver intacte sa capacité à s’émerveiller et pouvoir offrir et partager ce qu’il a vu, entendu, senti, créé. C’est beau un homme, quand il vise haut et juste, avec sa conscience propre, quand il a le cœur au courage et le désir du vivant. Alors surtout, continuez, les hommes, soyez beaux, surtout du dedans ! »

     

     

     

    Trois pages sont consacrées à une note de lecture complète du livre de Saïd MOHAMED « L’éponge des mots » (Les Carnets du Dessert de Lune, 2012).

     

    Les poèmes choisis dans ce numéro, sont tous des textes forts, ce qui tendrait à démontrer que les hommes aussi tiennent une bonne place dans la poésie d’aujourd’hui, à l’égal, ou presque diront certaines, des femmes.

     

    Sans rire, il a été difficile à Saint-Paul de sélectionner un auteur pour lire un extrait. De façon arbitraire, c’est Jean AZAREL qui fait entendre sa voix ; né au Canada il s’imprègne de Jack Kerouac, de Luc Dietrich, de Jack Alain Léger, d’Alain Jégou ou de Marie Huot. Ses œuvres sont éclectiques, d’un romantisme baroque. Derniers ouvrages parus : Papy beat generation, Hors Sujet 2010, Marche lente, Samizdat 2011, Itinéraire de l’eau à la neige, Gros Textes 2012.

     

    Lecture d’extraits de « De Lauze et d’air ».

     

     

     

    Saint-Paul recommande également la lecture d’actualité sur le devenir de la poésie du livre  PAROLES DE POÈTES   POÈTES SUR PAROLE de Jean-Luc POULIQUEN  et Philippe TANCELIN. (13,50 € L’Harmattan)

     

     Lorsqu’un poète rencontre un autre poète au cours d’un festival de poésie au bord de la Méditerranée durant l’été 2012, sur quoi peuvent-ils bien échanger ?

     

    La parole que les deux poètes tiennent ici s’apparente autant à un dialogue socratique qu’à une incantation montant des intervalles de silence entre deux vagues de méditation sur l’engagement du poète de la scène de ses mots à la scène de l’histoire.  Voir doc  Ce livre qui s’inscrit dans nos interrogations permanentes, fera l’objet d’une prochaine émission.

     

     

     

    Saint-Paul révèle ensuite une des agréables surprises qui résulte très souvent de cette émission, cette fois-ci la réception parmi le courrier reçu d’un livre de poèmes de Jean-Paul ESCUDIER, avocat toulousain qui publie « poésies » aux éditions IXCEA  (2, rue d’Austerlitz 31000 Toulouse, 96 pages, 12 €). Depuis son plus jeune âge, cet auteur a éprouvé le besoin de livrer ses états d’âme à la feuille blanche, de « mêler son sang à son encre » comme il l’écrit dans un de ses poèmes.

     

    Par pudeur, cet avocat notoirement réputé dans la ville et dans sa profession, et dont le métier consiste à parler des autres, n’a jamais voulu ni peut-être jamais pu parler de lui. Sur les très nombreux poèmes qu’il a écrits, l’éditeur en a choisi une quarantaine qui représentent un condensé de quarante ans de vie.

     

    C’est la face intime de la personnalité « solaire qui s’est réchauffée au soleil noir de son écriture dont le terreau est le néant » qui apparaît, pour le plus grand bien de la poésie, dans ce livre. Alain BORNE aussi, qui fût bâtonnier à Montélimar, était réservé dans son expression poétique qu’il fallait décrypter pour en saisir la fabuleuse portée. Jean-Paul ESCUDIER a été invité à venir parler de sa création à cette émission.

     

     

     

    Le fascicule sur le Café TROBAR n° 2 consacré à Bruno DUROCHER (1919-1996) a paru et est présenté lors des animations de la Fondacion Occitània. Saint-Paul lit  en Oc et en français un poème de cet auteur atypique et exceptionnellement prolixe dont les éditions Caractères publie actuellement les œuvres complètes.

     

    C’est précisément la relecture des textes de DUROCHER  qui a orienté Saint-Paul sur l’œuvre poétique de Primo LEVI.

     

    En effet, les « politiques locaux » de Toulouse ont décliné l’invitation à la soirée Durocher, alors qu’ils étaient présents à la soirée précédente qui réunissait un poète iraquien et une poétesse occitane. Pour nos notables élus, l’évocation de la Shoa semble apparaître comme liée à un sentiment de propagande sioniste.

     

    Devant cette misère intellectuelle qui domine hélas une bonne partie de la classe politique, étrangement devenue de plus en plus dogmatique et sectaire, les poèmes de Primo LEVI devaient être rappelés. Rassemblés en un mince recueil « A une heure incertaine » avec une préface de Jorge SEMPRUN (Gallimard collection Arcades) ils nous offrent le témoignage bouleversant de la quintessence de la pensée sans fard de cet écrivain, qui paya de sa vie les tourments de la Connaissance de la condition humaine. Voici ce que l’on peut lire en résumé de sa biographie :

     

    « Primo Levi est né à Turin le 31 janvier 1919 dans une famille juive mais peu pratiquante. Sa judéité, Primo Levi n'en prendra réellement conscience qu'avec l'apparition de la mentalité antisémite en Italie, vers 1938. Après avoir suivi des études de chimie, il part s'installer à Milan. En 1943, il s'engage dans la Giustizia e Liberta (organisation antifasciste installée dans les Alpes italiennes) et se fait arrêter le 13 décembre de la même année, à l'âge de 24 ans, par la milice fasciste. Il est interné au camp de Carpi-Fossoli, tout près de la frontière autrichienne.

     

    En février 1944, le camp, qui était jusque-là géré par une administration italienne, passe en mains allemandes : c'est la déportation vers Auschwitz. Il est libéré le 27 janvier 1945, date de la libération du camp par les soviétiques. Une fois la guerre finie, il épousera Lucia Morpugo, aura 2 enfants et dirigera une entreprise de produits chimiques. Pendant les derniers mois de sa vie, Primo Levi fut très affecté par la montée du révisionnisme et de l'indifférence. Profondément déprimé, le 11 avril 1987, il se jette dans la cage d'escalier de son immeuble. Sur sa tombe sont inscrits son nom et 174 517, son matricule à Auschwitz.

     

    Les déportés ont parfois honte de ce qui leur est arrivé : Levi, quant à lui, utilise toute situation pour témoigner de ce qui lui est arrivé. C'est une façon de résister : un combat contre l'oubli au quotidien ; son langage, sa personne même, sont des preuves qui appuient ce qu'il a écrit. Ferdinando Camon décrit ainsi Primo Levi dans l'avant-propos de son recueil de conversations :

     

    "Levi ne criait pas, n'insultait pas, n'accusait pas, parce qu'il ne voulait pas crier, il voulait beaucoup plus : faire crier. Il renonçait à sa propre réaction en échange de notre réaction à tous. Son raisonnement portait sur la longue durée. Sa modération, sa douceur, son sourire -qui avait quelque chose de timide, de presque enfantin- étaient en réalité ses armes". »

     

    Lecture d’extraits d’ « A une heure incertaine ».

     

     

     

  • NUMÉRO 45

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    Avril-Mai-Juin 2013

     

    Vous avez remarqué, mis à part votre serviteuse et la merveilleuse illustratrice, nulle femme publiée dans ce numéro : QUE des hommes ! De quoi faire frémir le printemps féministe, un coup fatal aux normes de parité…  Alors ? Je ne sais pas, cela doit être le printemps justement, la montée de la sève, l’érection des petites pousses et des bourgeons, quelque chose de l’ordre de l’élan premier, la fougue du yang, le redressement des lingams… Des hommes donc, mais ces hommes cependant écrivent de la poésie, et si ça, ce n’est pas faire preuve d’une certaine sensibilité - sensiblerie diraient les jaloux ; si ça, ce n’est pas mettre à nu une certaine féminité ! Voilà donc des hommes dévoilés, qui se répandent en mots plein de force, de chagrin parfois, de beauté, de compassion aussi, d’attention à l’autre. Ils sont magnifiques, les hommes, quand ils posent leurs joujoux de guerre, leurs pelleteuses et leurs calculettes, leur arrogance de garçonnets cravatés trop serrés, quand ils transforment des pulsions en poésie, des colères en coléoptères, des bottes de plomb en papillons de duvet. C’est beau un homme quand il tient debout tout seul, nu face au soleil, quand il respire amplement, les pieds ancrés à la terre mère. C’est beau un homme qui chante et qui pleure, qui tend la main vers d’autres hommes, vers des femmes, des enfants, un chat, une chouette, une fleur. C’est beau un homme qui ouvre ses bras, qui s’invente des ailes, pas pour aller plus vite ou plus haut non, mais pour accomplir des rêves qui donneront des fruits à offrir et partager. Oui, c’est beau un homme, et tout particulièrement quand il est une femme aussi, et un enfant encore. Pas pour faire des caprices ou ne jamais rien assumer, non, mais pour conserver intacte sa capacité à s’émerveiller et pouvoir offrir et partager ce qu’il a vu, entendu, senti, créé. C’est beau un homme, quand il vise haut et juste, avec sa conscience propre, quand il a le cœur au courage et le désir du vivant. Alors surtout, continuez, les hommes, soyez beaux, surtout du dedans !

     

    CG

     

     

    homme rivière aux étreintes

    mille fois renouvelées

    homme si vaste

    aux bras de sable

    homme profond

    de sagesse infinie

    Cathy Garcia

    in Salines

     

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    AU SOMMAIRE

     

     

    Délit de poésie :

     

    Samuel Dudouit, Patrick Tillard (Québec), Frédéric Ohlen (Nelle Calédonie)

     

    Jean Azarel, Nuage rouge, un hommage à la chanteuse Lhasa de Sela et un extrait De lauze et d’air, un poème fleuve qui prend sa source en Lozère.

     

    Nicolas Kurtovitch (Nelle Calédonie), L’attente des hommes alentours

     

     

    Résonances : L’éponge des mots de Saïd Mohamed

     

     

    Le bulletin de complicité bloque la sortie avec des appels de sève.

     

     

    Illustratrice :

     

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    Corinne Pluchart

    pluchart.corinne@orange.fr

     

    « Toujours près du Mont, mon Lieu. La mer... j'écris, je marche, je m'arrête, je cherche. Poète surtout, avec la mer, le vent, le temps, la vie et la lumière. » 

     

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    L’homme du Tao aime le froid, il aime le chaud,

    il se rit de l’insuccès comme du succès, va son chemin, hilare.

     

    Nan Shan

    in Recueil de la colline du sud

     

  • CHAISE CONTRE BALAI

    LA chaise, sur laquelle se pose et se repose notre partie la plus charnue, LA chaise, une sorte de cul de remplacement en somme. Objet commun d’entre tous, objet d’une telle évidence et qui s’offre si généreusement « Prenez-donc une chaise. ». Quatre pieds bien ancrés, entre terre et ciel, nous offre une position qui n’a pas toujours été la nôtre, et qui d’ailleurs ne l’est toujours pas dans bien des endroits de notre planète. Quatre pieds bien arrimés, qui n’empêchent pas pour autant les enfants de s’en balancer, au risque de valdinguer, chaise et enfant confondus, six pieds en l’air. Serait-ce à dire que les enfants ont moins de respect pour ce si noble objet que nous, adultes, grands et responsables ? Les enfants préfèrent, à l’image de nos ancêtres et de nombreux peuples encore aujourd’hui, s’asseoir par TERRE. La chaise finalement ne serait-elle pas plus convenable que confortable ? Ce n’est pas Pharaon qui me contredirait qui fut sans doute le tout premier à vouloir affirmer sa puissance, en dominant un peuple accroupi aux dépends de son propre confort. En effet, les premiers sièges nous les devons aux Égyptiens, avant la klismos de la Grèce Antique, qui innove avec le siège ergonomique.

     

    À l'origine donc, la chaise était un privilège réservé aux élites. Les gens du peuple, chez nous par exemple, utilisaient le coffre, le banc ou le tabouret. Autant dire que de la chaise au pouvoir, il suffit de prendre place, et le must ce sont les chaises portées par d’autres, la sedia du Pape (habemus !) et autre chaises à porteurs qui sont souvent vite devenus le symbole de l’oppression dans les pays colonisés. Et nous pouvons pousser la réflexion jusqu’à l’inversion du symbole, quand la chaise fait déchoir l’être au plus bas, elle devient alors celle du condamné, la chaise punitive par excellence, la chaise électrique.

     

    Mais revenons à nos chaises à nous, nos chaises toutes simples, si familières dans les foyers même les plus modestes. Si pratiques certes, mais sont-elles vraiment à ce point, indispensables ? Si nous n’avons pas la grosse tête en y posant nos fesses, ne seraient-elles pas pourtant comme un obstacle immiscé entre notre rondeur postérieure et la rondeur de la Terre ? Nos fesses ne se plairaient-elles pas mieux au sol finalement et n’y aurait-t-il pas quelque chose à apprendre à s’asseoir de cette façon ? Quelque chose qui aurait à voir avec un peu d’humilité. Agenouillés, en tailleur, voire en lotus, est-il impensable d’imaginer que cela puisse nous libérer l’esprit ? Nous ramener à une plus juste mesure ? A une gymnastique à la fois morale et physique qui nous serait bénéfique ? Les Asiatiques semblent en savoir plus que nous en ce domaine et pour avoir pratiqué, je pourrais même dire que la posture assise au sol, lotus ou zazen, peut nous être extrêmement bénéfique, de même que tout simplement s’asseoir plus souvent dans l’herbe.

     

    J’écris tout ceci en buvant mon café, assise bien évidemment sur une chaise, une chaise en bois tout ce qu’il y a de plus classique. Alors plutôt que de bavarder plus longtemps, passons à la pratique justement. Me voilà assise sur le ciment de la terrasse. Première observation : il est frais et c’est agréable. Deuxième observation : le sol est sale. J’en arrive donc à cette conclusion, je vous l’accorde un peu hâtive, mais c’est un fait : si nous n’avions pas de chaises, nous passerions plus souvent le balai !

     

     

    Cathy Garcia, juillet 2010

     

     

  • Résonances 44

    Le vent d’Anatolie - Zyrànna Zatèli - Quidam éditeur (collection Poche) 2012 - Traduit du grec par Michel Volkovitch - 56 pages - 5 €

     

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    Sympathiques petits livres pour un prix plus qu’abordable, la collection Poche de Quidam séduit d’emblée. Un beau chat bleu en couverture de celui-ci. Le Vent d’Anatolie est une nouvelle de Zyrànna Zatèli, tirée du recueil Gracieuse dans ce désert.

     

    C’est un texte qui se lit d’un trait, d’une grande beauté, troublant, qui raconte dans une langue simple, très fortement empreinte de poésie, une étrange histoire d’amitié. Celle d’une jeune fille et d’une vieille tuberculeuse un peu folle. Mais est-elle réellement folle ou plutôt désespérément seule ? Isolée par la communauté qui craint sa maladie, mais la nourrit quand même par acquis, sans doute, de bonne conscience, elle meurt à petit feu dans sa maison, comme une pestiférée, brassant souvenirs et délires.

     

    Un jour, la jeune fille qui est la narratrice de l’histoire, est chargée d’apporter à manger à Anatolie, c’est le nom de la vieille malade. La nouvelle débute ainsi par le trajet qui mène à sa maison, un bref portrait de quelques personnages de ce coin perdu au nord de la Grèce : Naoum le bijoutier qui met des pompons aux oreilles des chats et qui vend aussi bien des bijoux que des fusils de chasse, le souvenir d’une jeune fille morte à 17 ans dans un sanatorium, un boucher cynique, pétomane, coureur de jeunes jupons et ainsi, on arrive chez Anatolie.

     

    « Je suis là » dit-elle sèchement, levant haut le menton. Puis elle tourna la tête et ajouta l’air songeur : « Gracieuse dans le désert… ».

     

    L’auteur a une façon de traduire le regard de la jeune fille sur Anatolie qui donne le ton de tout ce qui suivra, on est un peu chez la sorcière du conte de fée. La maladie, la différence, la solitude donnent à Anatolie une sorte d’aura magique, à la fois inquiétante et fascinante.

     

    « ses mollets luisaient comme la gélatine »

     

    « Sa démarche et son corps lui-même avaient quelque chose d’oblique, une ondulation incessante et fascinante en forme de huit… huit… huit… ».

     

    « Deux très grandes chaussures, presque autant que celles des clowns, vertes comme des poivrons et munies d’attaches rouges en corne ».

     

    Peu à peu, se tisse un lien entre Anatolie et cet enfant qui vient la nourrir, qui brave les interdits en demeurant auprès d’elle et qui, dès la première fois, va jusqu’à partager la nourriture à la même cuillère.

     

    « C’est Anatolie, on s’en doute, qui eut cette idée imprévue de manger ensemble, issue d’un désir pas vraiment clair et généreux mais plutôt cruel : celui de partager avec quelqu’un, avec moi, le poids de sa solitude, de cette maladie qui la torturait ».

     

    Parfois Anatolie souffre trop, délire ou se laisse aller à une certaine méchanceté, malice plutôt.

     

    « Tu veux donc voir une photo rouge ? demanda-t-elle quand la terrible toux se calma. Tiens ! Et elle déplia le mouchoir, plein de sang… Voilà mes rubis ! Tu en as, toi, des comme ça ? »

     

    D’autres fois elle raconte, son passé, son père, sa mère, sa sœur et son frère cadets. Bien qu’elle ne le montre pas, elle s’attache à sa visiteuse, celle qui ose rester avec elle et les deux finalement ont une certaine bizarrerie en commun.

     

    Un jour Anatolie parle du vent, ce vent qui devient parfois un homme et qui vient la chercher, la harcèle, mais elle lui résiste, alors il repart.

     

    Elle l’appelait le vent (…) il avait toujours le dos tourné ; elle voyait seulement son omoplate gauche, nue, son cou, une partie de sa tête, puis rien que le torse – il devait être assis au bord du lit, à sa droite –, tandis que l’autre côté se perdait dans les ténèbres.

     

    (…)

     

    Comme il doit se sentir seul de n’être désiré par personne… C’est pour ça qu’il vient vers moi comme un sauvage. Comme un mendiant.

     

    C’est que malgré tout elle est solide Anatolie, elle en a vu dans sa vie, cependant, vient le jour où elle arrête de manger. La jeune fille continue de lui rendre visite, de rester avec elle.

     

    Je précise que je n’ai jamais cru un seul instant que j’étais l’amie d’Anatolie par héroïsme. C’était ce charme surnaturel qui m’enveloppait quand je traversais sa cour, en arrivant ou en repartant (…). C’était cette image de la brume dorée, le premier matin, qui ne m’avait pas quittée depuis (…). C’était ses paroles, qui lorsqu’elles ne débordaient pas de méchanceté, étaient attirantes comme la nuit.

     

    Elle sera là jusqu’à la fin, jusqu’à ce que :

     

    « J’ai sommeil, dit-elle ».

     

    (…)

     

    Je me levai enfin pour partir. Le vent avait laissé la porte ouverte.

     

    Et on referme le livre, non sans une certaine émotion, ébloui par cette histoire si simple, mais que l’auteur, grâce à un véritable talent de conteuse, réussit à rendre absolument envoûtante.

     

    Cathy Garcia

     

     

     

     Zyrànna Zatèli.jpgZyrànna Zatèli est née en 1951 à Sohos, près de Thessalonique et vit à Athènes. Elle a reçu le Grand prix national du roman en 1994 et 2002. Du même auteur : Le Crépuscule des loups, le Seuil 2001 ; La Fiancée de l’an passé, Le Passeur 2003 - Publie-net 2009 ; La Mort en habits de fête, Le Seuil 2007.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Dernières nouvelles du Sud - Luis Sepúlveda et Daniel Mordzinski

    Métailié 2012 -160 pages - 19 €

     

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    1996. Le romancier Luis Sepúlveda et son ami photographe, Daniel Mordzinski, partent pour une longue virée sans but précis, ni contrainte de temps, au fin fond du continent américain, au-dessous du 42ème parallèle.

     

     « Nous avancions lentement sur une route de graviers car, selon la devise des Patagons, se hâter est le plus sûr moyen de ne pas arriver et seuls les fuyards sont pressés. »

     

    Ils nous livrent ici le concentré, l’essence même de ce qu’est le voyage : la rencontre avec l’autre. Et puis un constat, terrible, le constat d’une disparition. Patagonie, Terre de Feu, des noms qui pourtant évoquent encore tout un univers de mythes, d’aventures et de rêves, tout ça disparait, comme ont disparu les tous premiers habitants, « Les autres ethnies ont succombé aux règles d’un progrès dont nul n’est capable de définir les fruits », premières victimes d’un engrenage qui broie toujours plus vite, aussi féroce qu’aveugle, un monde emporté dans la grande gueule d’un capitalisme toujours plus vorace. Ainsi de carnet de voyage, le livre devient une sorte d’ « inventaire des pertes », et les superbes photos en noir et blanc de Mordzinski appuient sur cet aspect de monde dont il ne resterait que des ombres, un monde à l’abandon, échoué comme une baleine sur les rives d’une mondialisation dévorante et inhumaine.

    « (…) le mot voyageur semble déplacé, peut-être subversif. Nous ne sommes plus des personnes ou des citoyens mais les clients d’un lupanar transparent surveillé par des caméras vidéo. »

     

    C’est donc bien plus qu’un journal de voyage qui nous est donné à lire ici, mais un véritable témoignage critique et engagé.

    « Pour définir la capacité des armes on parle de pouvoir de destruction. Pour définir la  capacité de destruction de certains hommes il faut parler du pouvoir d’achat. »

     

    Et l’auteur n’hésite pas à citer des noms :

    « Les Benetton prétendaient apporter le progrès dans la région. Ils y ont apporté les clôtures en fil de fer barbelé, empêché la transhumance des gauchos et des rares espèces sauvages encore existantes, imposé des bornes absurdes dans une région où le ciel et la terre sont les seules limites. »

     

    S’y rajoutent d’autres noms comme celui de Ted Turner, Sylvester Stallone…

     

    Comme le dit Sepúlveda dans sa préface « A sa naissance, ce livre était la chronique d’un voyage effectué par deux amis mais le temps, la violence des bouleversements économiques et la voracité des vainqueurs en ont fait un recueil de nouvelles posthumes, le roman d’une région disparue »

    Des visages en émergent, des visages immortalisés par Mordzinski, qui a eux seuls racontent déjà une histoire, une histoire humaine, simple, émouvante. Des visages qui disparaissent aussi. C’est un livre dont on ne sort pas indemne. Le talent de Sepúlveda a fait de chacune de ces histoires, un conte, un roman, mais la réalité, comme on dit, dépasse et de loin la fiction. Comme l’histoire d’El Tano, qui cherchait un violon au milieu de la pampa :

    « - Ce violon, quand l’avez-vous perdu, l’ami ?

    - Qui vous a dit ça ? Je ne peux pas l’avoir perdu puisque je ne l’ai pas encore trouvé, déclare t-il dans une nouvelle démonstration de logique écrasante. »

     

    Ou encore la magnifique et très bouleversante histoire de doña Delia :

    « Je viens tout juste d’avoir quatre-vingt quinze ans, lui a-t-elle répondu avec une moue coquette.

    - Depuis quand ?

    - Maintenant, c’est aujourd’hui mon anniversaire. »

     

    Donã Delia, la dame aux miracles :

    « - Comment avez-vous fait ? a demandé mon socio.

    - Quoi donc ? s’est étonnée la vieille dame.

    - La fleur, ai-je ajouté en montrant le rameau qui avait fleuri entre ses mains.

    - Je ne sais pas. C’est un don, parait-il. Tout ce que je touche vit, a-t-elle répondu timidement. »

     

    On croise donc bien des visages, des personnages qu’on pourrait dire pittoresques tel El Duende, le mystérieux lutin d’El Bolsón, mais néanmoins bien réels, des personnes ayant vécu hier et faisant figure maintenant de légendes locales, tel Martin Sheffield, dit le Shérif, compère de Butch Cassidy et puis des gens bien vivants d’aujourd’hui, pas tous fréquentables d’ailleurs, mais des gens encore et tout simplement humains, il y en a, tels les hommes du rails du Patagonia Express.

     

    « Ce fut un voyage joyeux, très joyeux, car ce fut Le dernier Voyage du Patagonia Express. »

     

    Il est donc question de déclin dans ce livre, oui, mais aussi et surtout de dignité, et on se prend encore à espérer qu’il ne soit pas trop tard.

     

    « On a la nostalgie de ce qu’on vous arrache, non de choses imaginaires ».

     

    En ce monde dit moderne qui se resserre de plus en plus, jusqu’à nous étouffer, heureusement « Lire ou écrire, c’est une façon de prendre la fuite, la plus pure et la plus légitime des évasions. On en ressort plus forts, régénérés et peut-être meilleurs. Au fond et malgré tant de théories littéraires, nous autres écrivains nous sommes comme ces personnages du cinéma muet qui mettaient une lime dans un gâteau pour permettre au prisonnier de scier les barreaux de sa cellule. Nous favorisons des fugues temporaires. ».

     

    Cathy Garcia

     

     

    On peut voir une présentation en images de ce livre ici :

    http://www.dailymotion.com/video/xqbh2r_presentation-dernieres-nouvelles-du-sud-par-luis-sepulveda-et-daniel-mordzinski_travel

     

     

    Luis Sepúlveda est un écrivain chilien né le 4 octobre 1949 à Ovalle. Son premier roman, Le Vieux qui lisait des romans d’amour, traduit en trente-cinq langues et adapté au grand écran en 2001, lui a apporté une renommée internationale. 1975 : il a vingt-quatre ans lorsque, militant à l’Unité populaire (UIP), il est condamné à vingt-huit ans de prison par un tribunal militaire chilien pour trahison et conspiration. Son avocat, commis d’office, est un lieutenant de l’armée. Il venait de passer deux ans dans une prison pour détenus politiques. Libéré en 1977 grâce à Amnesty International, il voit sa peine commuée en huit ans d’exil en Suède. Il n’ira jamais, s’arrêtant à l’escale argentine du vol. Sepúlveda va arpenter l’Amérique latine : Équateur, Pérou, Colombie, Nicaragua. Il n’abandonne pas la politique : un an avec les Indiens shuars en 1978 pour étudier l’impact des colonisations, engagement aux côté des sandinistes de la Brigade internationale Simon-Bolivar en 1979. Il devient aussi reporter, sans abandonner la création : en Équateur, il fonde une troupe de théâtre dans le cadre de l’Alliance française. Il arrive en Europe, en 1982. Travaille comme journaliste à Hambourg. Ce qui le fait retourner en Amérique du Sud et aller en Afrique. Il vivra ensuite à Paris, puis à Gijon en Espagne. Le militantisme, toujours : entre 1982 et 1987, il mène quelques actions avec Greenpeace. Son œuvre, fortement marquée donc par l'engagement politique et écologique ainsi que par la répression des dictatures des années 70, mêle le goût du voyage et son intérêt pour les peuples premiers.

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    Daniel Mordzinski est né à Buenos Aires en 1960. Il travaille depuis trente ans à un ambitieux “atlas humain” de la littérature. Argentin ancré à Paris, il a fait les portraits des auteurs les plus connus des lettres ibéro-américaines. Il a exposé en Argentine, en Colombie, au Mexique, en Italie et en France. Il est actuellement le correspondant en France du journal espagnol El País.

     


     

     

     

     

    Ici comme ailleurs de Lee Seung-U - Zulma 2012 - Traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet – 220 pages – 21 €

     

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    Kafkaïen est le premier qualificatif qui vient à l’esprit en lisant ce roman, pour l’univers dans lequel il se déroule et l’absurdité qui émane du parcours du personnage principal. Yu est muté par sa boite, le Gangsan Complex Resort, à Sori, une ville perdue entre un lac et des montagnes à l’Ouest du pays. « Lorsque, dans son guide, il a lu que « la petite ville de Sori, du fait de sa topologie particulière avait servi de lieu de bannissement », son cœur s’est de nouveau mis à balancer ».

     

     

    L’histoire démarre sur ses mots qui donnent d’emblée le ton :

     

    « Le vent a des hurlements de bête féroce. Au moment de quitter sa voiture, Yu a l’impression qu’un molosse enragé se jette sur lui. Il a un mouvement de recul. Le long des rues, papiers sales et sacs plastique tourbillonnent sous la bourrasque. Quelques véhicules cahotent sur la chaussée éventrée en soulevant des nuages de poussière ocre. Les rares passants, silencieux, font la gueule. »

     

     

    Ici comme ailleurs est un roman hybride, indéfinissable. Il tient du polar, du roman noir, psychologique, métaphysique, à la limite du fantastique, et on pense à des films de cet extrêmement riche cinéma sud-coréen, en particulier ceux de Kim Ki-Duk, qui de même échappent à toute définition.

     

    Lee Seung-U raconte le parcours d’un homme qui arrive dans une ville inconnue en pensant y travailler et qui y perdra tout ce avec quoi il est venu : sa femme, avant même d’arriver, car elle ne le suivra pas mais retournera dans une autre ville s’occuper d’un ancien amant, son portefeuille, l’accès à son compte, sa voiture, la raison pour laquelle il est là et ainsi de suite, comme si le réel se dissolvait derrière lui à chacun de ses pas. Sori, cette ville grise, froide, venteuse, inhospitalière et même dangereuse est un piège, mais à vrai dire, cet homme là n’avait-il pas déjà tout perdu avant même d’y arriver ? En refermant les dernières pages du livre, où la nature dans une apothéose grandiose, met un point final à tout questionnement, toute corruption, à toute l’absurdité de la condition humaine qui est exprimée ici, c’est la question que l’on se pose. Ce roman est un véritable condensé critique du monde d’aujourd’hui, une allégorie inversée, et finalement c’est un roman initiatique. On se détruit ici-bas et le seul espoir, le seul moyen que les hommes ont trouvé pour ne pas sombrer totalement dans la folie, c’est de quitter ce monde avant que la mort les prenne, découvrir par la dépossession, la paix éternelle. La grotte où un vieux fou dénommé Noé construit des maisons de pierre, est le seul lieu par lequel on peut s’échapper, le double enfermement devient matrice. Les vivants sont morts et les morts sont éternellement vivants. Les hommes libres sont piégés par une ville entièrement corrompue dans laquelle ils s’enlisent, ceux qui ont tenté de résister sont enfermés dans une grotte et découvrent dans l’enfermement, la liberté du détachement suprême. Subtile hybridation là aussi entre la pensée occidentale et orientale.

     

    Ce roman austère, minéral, désespérant parfois, offre de par sa lecture elle-même, une étonnante expérience. Parfois, on voudrait poser le livre, le laisser tomber, mais il est impossible d’en sortir avant la fin car on la cherche, comme on cherche une goulée d’air. Par moment on s’ennuie,  on se sent morne et même quand la fin arrive, on reste hébété, comme choqué, voire insatisfait. La magie de Lee Seung-U, c’est de provoquer ainsi une réflexion, où soudain on accède à la compréhension de l’ensemble et on ne peut que saluer le génie de l’auteur. Ce n’est pas une lecture facile, une lecture de détente, si au départ nous pouvons être captivés comme on l’est par un polar, vers la fin, on s’enlise comme le protagoniste, on se sent gris. L’auteur nous fait traverser les états d’âme, les sensations de ce qu’il raconte, si bien que nous ne faisons plus qu’un avec ce que nous lisons. Avec le recul, c’est fascinant.

     

     

    Cathy Garcia

     

     

     

     

    lee seung-u.jpgLee Seung-U est né en 1959 à Jangheung, au sud-est de la péninsule, et a passé son adolescence à Séoul. Suite à une expérience religieuse, il entreprend des études de théologie ("Je ne me sentais pas heureux, je me suis lancé dans cette voie pour fuir ce malheur et cette pression"), bientôt interrompues ("J'ai réalisé que l'on ne pouvait aborder la théologie d'un point de vue mystique ou à la manière d'un refuge."). Le goût retrouvé de l'écriture se concrétise en 1990 par la parution d'un premier roman (Portrait d'Erisichton) qui lui vaut le Prix du jeune espoir littéraire de son pays. Majeure et unique dans la littérature contemporaine, sa voix est celle de l’intranquilité.

     

    Du même auteur :

     

    L’envers de la vie, Zulma, 2000


    La vie rêvée des plantes, Zulma, 2007

     

     

     

  • Revue Nouveaux délits n°44 lu par Patrice Maltaverne

    Publié le 13/01/2013 à 17:38 par poesiechroniquetamalle

    http://poesiechroniquetamalle.centerblog.net/rub-cathy-garcia-.html

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    Cathy Garcia, qui anime la revue "Nouveaux délits", avec ce 44e numéro, offre un coktail détonnant.

    L'occasion pour moi de relire avec plaisir des auteurs déjà publiés dans "Traction-brabant" : Fanny Sheper, mais aussi et surtout Jean-Michel Hatton, ainsi que Walter Ruhlmann, avec des extraits de son recueil "Post Mayotte Trauma", récit de son séjour à Mayotte. Des écritures claires comme le soleil et réveillées !

    J'ai aussi découvert deux autres auteurs que je ne connaissais pas du tout : Pascal Batard et Hosho Maccreesh, traduit par Eric Dejaeger.

    Le premier de ces poètes a une écriture qui sent le baston. Moi j'aime bien, ça ne consent pas au nul immuable, mais à la liberté, et pour moi, c'est essentiel. Extrait : "Armées en marche se retournant crosses en l'air contre ses assassins,/ Douleurs apaisées par le sourire d'une robe légère/ Visages contre visages, visage dans visage, / Graines s'ouvrant en mille tiges, tiges pliant sous mille pétales, et la fleur, et le fruit,/ Apothéose se fracassant contre un mur,/ Chemin battu, êtres aimés..."

    Le deuxième de ces poètes, Hosho Maccreesh, est un petit drôle dont les textes ont un titre presque plus long que le corps (du poème). Petit exemple : "LE SOLEIL SE CONSUMERA, & UN HIVER APOCALYPTIQUE, INFERNAL S'INSTALLERA & TUERA PRESQUE TOUT SUR CE STUPIDE ROCHER & TOUT CE QUI RESTE PEUT ATTENDRE PATIEMMENT QUE L'UNIVERS S'EFFONDRE A NOUVEAU SUR LUI-MÊME". Ah ben voilà, ça, c'est du titre ! De quoi faire baver le plus péteux des poètes français ! Il y en a ! Ah bon ? Pensez-vous ! J'aurais pas cru !

    Et le poème qui va avec, le voici, du moins un large extrait : "...la toute première,/ la plus fondamentale/ victoire/ est d'accepter / -sans crainte ni doute-/ que tu/ vas/ mourir/ & qu'une/ pierre tombale/ est une pathétique,/ foireuse/ excuse/ comme/ héritage...."

    Forcément, une fois qu'un texte comme ça est écrit, beaucoup d'autres paraissent moins utiles...Si seulement ils n'étaient pas écrits !

    Moi, même, je me sens tout chose là maintenant, mais il me faut signaler les illustrations de Jean-Louis Millet (http://jlmi22.hautetfort.com/), complice de Cathy Garcia pour ce numéro et pour d'autres publications (http://associationeditionsnouveauxdelits.hautetfort.com/), ainsi que les chroniques de lectures de Cathy Garcia herself...

    Pour en savoir plus sur la revue "Nouveaux délits", http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/ ...

     

    Patrice Maltaverne

  • NUMÉRO 44

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    Janv. fév. Mars 2013

     

     

    Stopper l’immonde

    Si vous avez cette revue entre les mains, c’est que nous aurons, une fois de plus, raté la fin du monde. C’est plutôt une bonne et non surprenante nouvelle, mais l’humanité a besoin de se faire peur, peut-être pour comprendre où est l’essentiel. Aussi, puisque nous sommes en l’an 1 après la non-fin du monde, ce qui serait merveilleux, ce serait d’assister cette année et les années qui suivent, à la fin de l’immonde. L’immonde, pas besoin d’en dresser la liste, nous la connaissons toutes et tous même si chacun(e) y va de ses variantes, mais peut-être n’avons-nous pas encore tout à fait conscience de la façon dont nous y participons ou pas. Nos façons de penser, de vivre, de consommer, la façon dont nous entrons en relation avec l’autre et avec nous-mêmes, participent, qu’on le veuille ou non, à l’immonde. Personne ne peut, à elle, à lui tout(e) seul(e), changer ce monde, mais chacun(e) d'entre nous a la possibilité de réfléchir à sa façon d’en être et il est temps, il est urgence, de changements radicaux. Les alternatives, les solutions, elles sont là, à portée de main, de clic, de choix, qu’elles soient citoyennes, écologiques, spirituelles, ces trois termes étant étroitement liés, c’est à chacun de s’y intéresser, d’en parler, d’y participer autant que possible - autant qu’il reste encore de possibles - parce que vraiment là, il nous faut stopper l’immonde avant qu’il ne nous dévore...

     

    CG

     

     

    Nombreux sont ceux qui disent :

    on ne peut pas aider tout le monde,

    et n'aident personne.

    Christiane Singer

     

     

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    AU SOMMAIRE

     

    Délit de poésie :

    Fanny Sheper ; Walter Ruhlmann ; Pascal Batard ; Jean-Michel Hatton ;  Hosho Mc Creesh (Usa)

     

    Résonance :

    Le vent d’Anatolie - Zyrànna Zatèli (Grèce)

    Dernières nouvelles du Sud - Luis Sepúlveda et Daniel Mordzinski

    Ici comme ailleurs de Lee Seung-U (Corée du Sud)

     

    Et quelques délits d’(in)citations tombés sur les coins de pages en flocons d’encre.

     

    Vous buterez sur le bulletin de complicité au fond en sortant, attention, il se peut qu’il cherche à vous séduire. Si ce n’est pas déjà fait, sortez abonnés, c’est bon pour la tête, surtout en hiver.

     

     

    Illustrateur :

    Jean-Louis Millet

    jlmillet@free.fr

     

    "jlmi ? Grand spécialiste en rien mais curieux de tout :

    dessin, peinture, photo, écriture, édition virtuelle, chasse aux alternatives…  

    le tout mis en actions très concrètes dans l'animation toute virtuelle de blogs et de sites :

     

    "Au hasard de connivences" un potlatch poético-artistique http://jlmi22.hautetfort.com/
    "Evazine", une petit île d'asile poétique http://evazine.com/
    "Zen-évasion", un egosite http://www.zen-evasion.com/
    La croisée des "Voix dissonantes" http://jlmi.hautetfort.com/
     
    Allez y faire un tour...
     

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