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LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS - Page 2

  • Fée d’hiver d’André Bucher

    En hommage à l’auteur qui s’est envolé vers le territoire d’au-delà le 1er octobre dernier et qu’il ne sera jamais trop tard de lire, une note de lecture rédigée en 2012.

     

    fee-dhiver.gifFée d’hiver d’André Bucher. Le Mot et le Reste, décembre 2011


    Pour celles et ceux qui ne connaitraient pas encore le talent d’André Bucher, voici une bien belle façon de le découvrir. Dans Fée d’hiver, on sent le souffle d’un Jim Harrison, dont André Bucher est grand lecteur, mais l’écriture de cet écrivain poète paysan est unique. Elle sent le vécu, le territoire arpenté, la solitude affrontée. Fée d’hiver est un roman à la fois âpre et magnifique, austère et puissamment physique, comme les lieux dans lesquels il prend place dans ce sud de la Drôme, à la limite des Hautes-Alpes. Des lieux sauvages, entourés de montagnes, désertés par les hommes partis rejoindre les villes, où la vie, croit-on, offrirait plus de facilités. 

    Le roman démarre sur un prologue, un article paru dans le journal Le Dauphiné libéré, daté du 31 août 1948. Un fait divers, « Drame de jalousie dans le sud de la Drôme », qui fait écho au titre du livre : Fée d’hiver. Cette fée d’hiver qui vient comme pour rompre une malédiction, une sorte de réparation d’accrocs dans les mailles du destin.

    La première partie du roman est un journal intime à deux voix, s’étalant entre 1965 et 1988. Une façon de présenter les lieux, le contexte, les personnages. Daniel et Richard sont deux frères, l’un géant et l’autre court sur pattes, l’un parle peu, l’autre ne parle plus du tout. Ce sont les deux enfants laissés orphelins par le drame familial évoqué dans l’article du journal. Placés en famille d’accueil par la D.D.A.S.S., ils ont grandi et retournent maintenant vivre dans la ferme familiale aux Rabasses, pas très loin du village de Laborel. Une ferme délabrée, que Richard, l’ainé, va peu à peu transformer en casse. Daniel lui, muet depuis le drame, s’occupe d’un troupeau de brebis. Deux marginaux en quelque sorte, repliés sur eux-mêmes, que les gens alentour prennent pour des attardés.

    Et puis il y a les Monnier qui ont une scierie. Le père était l’amant de la mère de Richard et Daniel, responsable en quelque sorte de leur malheur, mais il est mort lui aussi, emporté par un cancer peu de temps après. Restent les deux fils, dont l’ainé dirige maintenant la scierie et le cousin Louis, le nabot que les frères Monnier aimaient tant tyranniser quand ils étaient encore enfants. Ces deux-là depuis toujours enclins à la morgue et à la méchanceté et la vie n’avait pas aidé à les changer.

     

    Heureusement il y a Alice, la jeune sœur. Alice travaille comme secrétaire à la scierie de ses frères, elle part à midi ravitailler les bûcherons. Alice est différente et elle n’a pas peur de passer du temps avec Daniel, le mutique des Rabasses, quand il fait pâturer ses brebis. Elle passe le voir, cherche à communiquer avec lui. Bien qu’elle soit bien plus jeune que lui, Daniel l’aime beaucoup, seulement les années passent vite. Un jour, alors qu’Alice a déjà plus de trente ans, elle finit par dire oui au cousin Louis. Daniel décide alors qu’il ne parlera vraiment plus jamais et arrête son journal. Nous sommes en 1988.

     

    Le roman enchaîne alors sur l’histoire de Vladimir entre 1995 et 1998. Vladimir est serbo-croate et bûcheron. En 1995, avant le cessez-le-feu entre les Serbes et les Bosniaques, sa sœur et ses parents périssent dans la destruction de leur village. Vladimir, c’est son métier qui l’a sauvé, il était dans la montagne en train de bûcheronner quand c’est arrivé. Quand il est revenu, il n’y avait plus rien, juste larmes, cendres et décombres. Il a donc fui, son pays, ses souvenirs, sa douleur. De pays en pays, une vie rude et solitaire d’exilé, de sans-papier, avec pour seul bagage, seul lien avec son passé, une anthologie bilingue de poésie des Balkans. Il exerce son métier partout où il peut et de pays en pays, finit ainsi par arriver en France. Dans le parc du Lubéron, il travaille comme surveillant d’incendies avec Alain, un étudiant qui prépare une thèse sur l’éclatement de la péninsule des Balkans et parle donc un peu la langue de Vladimir. Ainsi, tout en guettant les feux, débroussaillant, éclaircissant les bois, il aide ce dernier à perfectionner son français. Le Lubéron hors saison touristique est totalement dépeuplé au grand étonnement de Vladimir.

     

    « — Et encore, tu n’as rien vu. Ici ça va, on est dans le Lubéron. Passe seulement de l’autre côté du plateau d’Albion, en redescendant jusqu’à l’extrême pointe Sud de la Drôme, à la limite des Hautes-Alpes, tu verras… c’est bien pire. Là-bas même les corbeaux sont inscrits sur les listes électorales. Par contre en tant que bûcheron, tu devrais pouvoir trouver. Plus personne ne veut faire ce boulot. »

     

    C’est comme ça, qu’en mars 1998, quelques mois après la fin de leur contrat, Vladimir se retrouve face à Alice devant la scierie des Monnier.

     

    « — Bonjour Madame. Je m’appelle Vladimir, je suis bûcheron et je cherche du travail. »

     

    Entre temps, Alice, avait donc vécu sa vie de femme mariée. Mariée moins par amour que par peur de rester seule et aussi sous la pression de ses frères, histoire que la scierie reste en famille. Le petit Louis était devenu un homme, toujours aussi faible mais plus sournois et puis il s’était mis à boire, à boire et à frapper.

    Alice était loin, bien loin de ses rêves. Après huit années de mariage, la coupe était pleine et elle avait quitté le domicile conjugal pour aller vivre dans un gîte d’une amie d’enfance, pas très loin des frères Lacour : Richard et Daniel. Ça faisait longtemps qu’elle ne les voyait plus, elle s’en voulait. Les choses allaient changer.

     

    Vladimir donc, est embauché par la scierie. Non déclaré, il loge dans une caravane vétuste sans aucune commodité, mais il a l’habitude et se contente de ce qu’il a jusqu'au jour où les frères Lacour viennent lui témoigner quelques signes d’amitié et finissent par lui proposer d’aménager sur leurs terres, dans une cabane à remettre en état, au fond du Val Triste, à quelques kilomètres de leur ferme.

     

    « Une tanière toute en rondins de pins mal équarris, adossée à la forêt et donnant sur une clairière avec une vaste prairie où serpentait un ruisseau qui prenait sa source en haut du vallon. L’eau y était fraîche même en été et elle avait un léger goût de rouille. »

     

    Vladimir ne se doute pas qu’il va préparer là un nid d’amour pour une fée d’hiver.

     

    André Bucher à l’art de communiquer la nature, les sentiments qu’elle provoque et même ses propres sentiments à elle en tant qu’entité vivante à part entière et ce, d’une façon totalement originale, des images non attendues qui donnent beaucoup de fraicheur à l’écriture d’une histoire elle-même captivante, toute pleine de rebondissements, de profondeur, d’humanité et de rage aussi. Ce roman est un torrent de montagne à glisser à votre chevet.

     

     

    Cathy Garcia Canalès

     

     

     

    Écrivain, paysan, bûcheron, André Bucher est né en 1946 à Mulhouse, Haut-Rhin. Après avoir exercé mille métiers (docker, berger, ouvrier agricole…), il s’était installé à Montfroc en 1975, vallée du Jabron, dans la Drôme, où il est décédé des suites d’une maladie le 1er octobre 2022. Il était l’un des pionniers de l’agriculture bio en France. Écrivain des grands espaces, lecteur de Jim Harrison, Rick Bass, Richard Ford…, des écrivains amérindiens tels James Welch, Louise Erdich, Sherman Alexie, David Treuer…, son écriture puise sa scansion, sa rythmique dans le blues, la poésie, le jazz et le rock’n’roll. La nature n’est pas un décor mais un personnage de ses histoires. Fée d’hiver est son sixième roman.

     

     

     Le regard aussi est un toucher.

    in La vallée seule

     

     

    Bibliographie :

     

    Tordre la douleur, roman, Le Mot et le Reste, janvier 2021.
    Un court instant de grâce, roman, Le Mot et le Reste, 2018.
    À l'écart, récit, Le Mot et le Reste, 2016.
    La Montagne de la dernière chance, roman, Le Mot et le Reste, 2015.
    Confidences de l'oreille blanche, conversation entre André Bucher et Benoît Pupier, Revue critique de fixxion française contemporaine n°1, Écopoétiques, mars 2015.
    La Vallée seule, roman, Le Mot et le Reste, 2013.

    Histoire de la neige assoupie, Une hirondelle qui pleure tout le temps (nouvelles), Chiendents n°17, Cahier d’arts et de littératures, André Bucher, Une géographie intime, éditions du Petit Véhicule, 2012.

    Fée d’hiver, roman, éditions le mot et le reste, 2012.
    La Cascade aux miroirs, roman, Denoël, 2009.
    Le Pays de Haute Provence, carnet de voyage, vu de l’intérieur, récit, en collaboration avec le photographe Pascal Valentin, pour l’office de tourisme du Pays de Haute Provence, 2007.
    Déneiger le ciel, roman, Sabine Wespieser, 2007.
    Pays à vendre, roman, Sabine Wespieser, 2005.
    Le Cabaret des oiseaux, roman, Sabine Wespieser, 2004.
    Le Pays qui vient de loin, roman, Sabine Wespieser, 2003.
    Le Juste Retour des choses, Saint-Germain-des-Prés, Miroir oblique, 1974.
    Le Retour au disloqué, récit, Publication par l’auteur, 1973.
    La Lueur du phare II, Éditions de la Grisière / Éditions Saint-Germain-des-Prés, Balises, 1971.
    La Fin de la nuit suivi de Voyages, J. Grassin,1970.

     

     

    André Bucher, col de Perty, janvier 2012 © B. P..png

     

    Il songea que les empreintes des animaux dessinaient régulièrement des courbes ou des cercles. Les plantes également décrivaient des ronds pour se multiplier. Il n'y avait, selon lui, que l'homme pour se diminuer en s'imposant de vivre, et parfois de penser, à l'intérieur de carrés ou de rectangles. En y réfléchissant, il constata qu'il n'existait, pour ainsi dire, aucun carré dans la nature. Que l'on considérât la terre, la lune, le soleil ou l’œuf, ou encore les nids.

     

    André Bucher in Déneiger le ciel

     

     

     

     

  • Numéro 74

     

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    Un kilo de plomb ou un kilo de plume ? Qu’est ce qui est le plus lourd, me demandait-on, enfant… J’avais déjà ma petite réponse et aujourd’hui encore, je sais : ce n’est pas au poids qu’on juge l’équivalence alors vive les plumes ! Plus il y en a et plus on s’envole, plus il y en a et plus on plonge dans la douceur, la chaleur et peu importe quels drôles d’oiseaux nous sommes ! La noirceur du corbeau peut caresser nos mélancolies mais gardons-nous du plomb… À moins d’être de très talentueux alchimistes, laissons-le là où il est, bien profond sous la terre dans son berceau de cuivre, il y a son rôle à jouer, équilibre d’une terre à terre, yeux dans les yeux des ouragans. Du monde, n’en parlons pas, il nous assourdit trop déjà, chacun-e devrait être en mesure de savoir ce qu’elle-il doit faire pour ne plus se faire plumer ni additionner le plomb et surtout laissons l’amour au-dessus de ça. L’amour ne nous appartient pas, nous sommes ses oisillons et s’il veut bien nous prendre sous ses ailes, ce n’est pas pour y rester mais pour apprendre à donner aux autres plus de légèreté. Plus d’air, plus de lumière à respirer. Ni cage, ni chaînes, ni boulet. Tout s’écroule mais ne perdons pas de temps à nous lamenter sur les pertes, aiguisons notre attention pour percevoir ce qui en nous gagne en légèreté, ne nous laissons pas abattre mais sentons ce poids de plume dans nos poches : plus on le partage et plus il est doux et léger et réconfortant.

     

    Que cette année dite nouvelle nous soit douce, tendre et réconfortante.

     

    et là

    autour

    sens tes bras qui s’allègent

    la terre sous tes pieds

    tu danses

    tes mains comme des plumes

    légères

    l’oiseau

    tu l’entends ?

    ça pulse

    ça palpite

    ça pépite…

     

     

    CGC

     

     

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    AU SOMMAIRE

     

     

    Délits de poésie :

    Vincent Gispert, extraits d’À l’Est de l’horizon

    & Alexandra Norelli

     

    Délit de désobéissance et liberté : Joséphine Maaci

     

    Délit de poésie (suite) :

    Rafaëlle Gandini Miletto, extraits de marées

    & Virginie Seba

    & Tout un chacun de Pierre Maubé

    & Ara Alexandre Shishmanian, extraits des cycles inédits Stases et en-stases et Haillons, traduit du roumain par Dana Shishmanian, avec la révision de l’auteur

     

    Résonance hommage : Fée d’hiver d’André Bucher, Le Mot et le Reste, décembre 2011.

     

    & petit cadeau de la femme-orchestre

      

    Délits d’(in)citations qui incitent à regarder dans les coins.

    Vous trouverez le bulletin de complicité au fond en sortant, qui pour l’instant fait comme si l’inflation (enflure, gonflement, dilatation, emphysème, œdème…) ne le concernait pas.

     

     

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     Illustrateur : Kiko Christian Moroy

     

    Voir sa présentation de poète dans le n° 73 

     

     

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    Sous l'influence d'une grande peur, presque tout le monde devient superstitieux. La peur collective stimule l'instinct du troupeau et tend à produire de la férocité envers ceux qui ne sont pas considérés comme des membres du troupeau. La peur génère des impulsions de cruauté, et donc favorise des croyances superstitieuses qui semblent justifier la cruauté. Ni un homme, ni une foule, ni une nation ne peuvent être fiables pour agir humainement ou penser sainement sous l'influence d'une grande peur. 

    Bertrand Russell

     

     

     

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    *** les illustrations dans la revue sont en N&B ***

     

    Revue Nouveaux Délits – Janvier 2023 ISSN : 1761-6530 Dépôt légal : à parution – Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits  Coupable responsable : Cathy Garcia Canalès Illustrateur : Kiko Christian Moroy Correcteur : Élisée Bec       

     

             

  • « Reste le choix d’être poète. (…)

     

    Si nous restons prisonniers de nos vieux critères, il n’y aura aucune issue. Remettre en cause la croissance illimitée, la prédation décomplexée, la xénophobie revendiquée, l’indifférence assumée, l’arrogance affichée, demande bien plus qu’une évolution : il s’agit de changer de paradigme. C’est toute notre image du monde qui est ici en jeu. Il ne saurait être suffisant, ni même signifiant, d’inventer de nouvelles manières de satisfaire nos vieux démons : il est vital de réenchanter un tout autre « habiter l’espace ». Qui ne renie ni les savoirs ancestraux ni les découvertes scientifiques. Mais qui s’autorise - à titre expérimental - toutes les ruptures, toutes les fractures. La langue n’est pas neutre : renommer la croissance du PIB en « taux de divergence suicidaire » aurait sans doute quelques conséquences sur nos ressentis, nommer « autoterrorisme intérieur » notre décision implicite de n’offrir aucun avenir vivable à nos enfants pourrait éveiller quelques consciences. Les mots comptent. Le poète ne se laisse pas intimider par la dictature malveillante d’une pensée oppressive qui tue chaque possible alternative avant même son éclosion. Comprendre et clamer que le réel pourrait être autre, esquisser l’inchoatif des ramifications avortées, exhiber les modes des mondes manqués constitue le cœur dur de la poésie en acte. Le poète refuse l’unicité du prisme. Même s’il est révolutionnaire, même s’il est solidaire, même s’il est salutaire. User d’une seule grille de lecture relève nécessairement d’une atrophie radicale. Le subtil démissionne dès que le pullulement est réfuté. Le monde est « plus d’un » de dedans et la pensée échoue tout autant quand elle gomme la multiplicité que quand elle omet la déconstructibilité. Les résistances poétiques doivent maintenant se disséminer, se déterritorialiser, se chaotiser, se diffracter et s’infecter mutuellement. Il est question d’écriture mais aussi de pensée, de regard, de ressenti, de geste, d’engagement, de désir, de plaisir. Le vivre poétique est tout sauf triste, étriqué et nostalgique. Il est transgressif, précis et aventureux, par essence. Il peut aussi devenir enchanteur, libérateur et salvateur. Par choix. »

     

    Aurélien Barrau - extrait de son intervention à Résistances poétiques, débat qui a réuni Edgar Morin, Isabelle Autissier et Erri de Luca, le 6 novembre 2019, lors du Forum Libération « Finance solidaire : des idées et des actions pour changer la société » à Paris.

     

     

     

  • Soliflore 125 – Haroun Guino

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    Turfu 

    C’est un petit soir à Marseille
    Et le vent souffle sur l’avenir.
    Qui en devine le fond absurde ?
    Son chant baroque ou minuscule ? 
    La vie superbe qu’il annonce,
    Avec ses airs de victoire ?
    Verra-t-on dans la vérité qu’il chante, 
    La faiblesse de ses armes ? 
    Et comment ne pas voir aussi, 
    Dans le profond de son sourire, 
    Dans la jolie révolte qu'il porte, 
    Son refus d'aboutir. 

     

     

  • Soliflore 124 – Lucie Roger

     

     

    Mosaique.PNG

    image de l'auteur

     

     


    Mosaïque

    Par petites touches, petites pièces 
    Construisant mosaïque chemin 
    S’animant en couleurs mélangées 
    Mélangeant porcelaine les instants 
    Instants du chemin coloré, parsemé 
    Sinueux, ce chemin porcelaine 
    Porcelaine s’ajoutant par touches petites
    Touches de mots, pièces aimantes
    Porcelaine fine, colorée et vibrante 
    Du chemin incomplet, lacunaire
    Aux mots dépareillés, oscillants,
    Pièces porcelaine colorées s’agençant
    Formant improbable le chemin 
    Fragmentaire, chemin inavouable 
    Conduisant vacillants les pas 
    Tremblement des cœurs porcelaines
    Vers ces instants fébriles, fragiles
    Ces chers instants colorés marquants
    Instants savourés sur chemin mosaïque 
    Inachevé chemin en mosaïque vers toi

     

     

  • Nouveaux-Délits « revue de poésie vive » # 73 - Octobre 2022 par Didier Trumeau

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    Commencer un Nouveaux-Délits est toujours un plaisir immense. Nulle exception, et la surprise vient simplement de la forme car le fond je le sais sera de haute volée. Voyez l’édito de Cathy qui propose un aperçu réaliste de la situation actuelle même pas agressif avec les hurluberélu-e-s qui mériteraient pourtant une sévère remontrance eut égard à leur inaction irresponsable, du moins à leurs actions totalement responsables… Mais aussi montre le chemin que tout le monde connait, et qu’il tient à chacun d’emprunter, pour que le monde permette la vie à tous, durablement… Les mots n’y suffiront pas et pourtant les dire, les écrire, les répéter, les réécrire, finiront bien par trouver l’oeil clairvoyant et l’oreille attentive. Le papier est toujours plus cher, et cela correspond bien à l’idée que je me fais du papier, papier cadeau pour recevoir et envelopper les mots, pour recevoir et développer toutes les histoires du monde, celles passées, d’aujourd’hui et à venir, pour recevoir le savoir et permettre au plus grand nombre d’y avoir accès… Le papier une matière exceptionnelle - je n’aime pas le mot noble - et sans doute plus pérenne que le média numérique… Un Nouveaux-Délits se présente toujours sous son écrin vieux rose suranné et précieux. Cela peut sembler fade et au contraire il y a dans cet aspect d’un autre temps une sensation de douceur, de paix et d’hospitalité, une invitation à ouvrir l’ouvrage, et d’être à la maison. Pour ce numéro, c’est Corinne Pluchart qui illustre de ses traits, ciselure et collages, les pages en papier recyclé comme la couverture. C’est à la fois énigmatique et végétal. Pour une fois Nouveaux-Délits ne se contente pas - et ne se contente jamais !!! - de nous offrir de la pure poésie avec ses Yvan Robberechts, Kiko Christian Moroy, Alain Guillaume, Isabelle Garreau, mais avec Thierry Desbonnets nous propose - en plus de deux poèmes, des réflexions profondes dont la portée humaniste doit sembler une lapalissade aux bienpensants, font mieux que moraliser, et rappelle précisément et simplement l’idéal soignant, l’idéal humaniste. Georges Cathalo avec ses uppercuts y va aussi de sa vision de notre monde désincarné, et la puissance de la conscience devrait (ré)conforter ceux qui doutent et désespèrent. Et ses poèmes dédiés sont à la hauteur de l’ensemble de Nouveaux-Délits. Petite auto-promo - qui le ferait sinon ? - pour parler du dernier recueil de Cathy Garcia Canalès « Calepins Voyageurs » qui nous parle de son parcours dans le milieu du spectacle de rue, et c’est bien entendu essentiel pour ceux qui ne se contentent pas de rêver mais en plus concrétisent. Et toujours ces extraits pointus, et ces citations magnifiques pour compléter, Nouveaux-Délits. Voilà !!! 

     

    Le 14-11-2022

    Didier Trumeau

     

     

     

  • Soliflore 123 - Pierre Théobald

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    auteur inconnu

     

     


    ÉLEVAGE SAUVAGE

    Mâles castrés, oreilles coupées :
    Mise en préparation !
    Queues tranchées, becs meulés :
    À vif, ces amputations !
    L’animal est maintenant prêt :
    Apte à la production !
    Ces centimes font rendement :
    Voilà la croissance !
    Performer pour l’amortissement :
    Objectif finance !
    L’animal, déjà mis en aliment :
    Performance !

     

     

     

  • Soliflore 122 - Dorothée Coll

     

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    illustration originale de Philippe Chevillard

     

     

    Le cuir

    Le cuir de nos amours
    exhibe ses entailles
    Je passe la main sur les blessures, les cicatrices
    imprime sur ma peau la dentelle des bords 
    Empreinte des remords

    On s’étripe, on s’éviscère
    nos lignes de conduite s’écrivent à cœur ouvert
    Transparence des ruisseaux de sang
    qui zigzaguent entre les rochers

    Les patrons de nos deux corps mal ajustés
    attendent qu’un couturier fantasque
    les drape d’un tissu moiré
    et les faufile de blanc
    que les coutures apparentes
    guident les petits poucets
    que nous étions, souviens-toi, avant de nous égarer

     

     

     

  • Soliflore 121 - Sacha Zamka

     

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    Nuée - photo de l'auteur - 2022

     

     

    arbres

    une seule injustice et c’est celle de naître
    les siècles sont figés les heures sont inertes

    arbres nous revenons à ceux de la genèse
    que sommes-nous ? un corps que la souffrance innerve
    l’aube n’est rien de plus que de l’imaginaire
    nous dormons regard givre et nous rêvons yeux neige

    dérivons-nous sur une ou bien plusieurs planètes ?

     

     

     

     

     

  • Nouveaux Délits n°73

    MESSAGE IMPORTANT ! Pour celles et ceux qui ne le savent pas, le prix du papier a littéralement explosé : 60 % d'augmentation et pour ce qui est des "délits buissonniers" (comme mes propres livres en autoproduction), le papier est beaucoup plus cher entre autre parce qu'il doit être de qualité pour les illustrations mais aussi parce que ce sont de vrais livres. Avec ça, j'ai toujours utilisé du papier recyclé, encore plus cher donc et de plus en plus rare (comme les fabricants) par un souci d'éthique que je n'abandonnerais pas. Je n'ai pas répercuté cette hausse spectaculaire sur les prix, pas plus que je n'avais répercuté celle des frais postaux mais aussi de l'encre et même de l'imprimante que j'ai dû changer l'hiver dernier en tombant en pleine pénurie mondiale d'imprimantes (!!!?). Comprendre : il faut acheter la gamme bien au-dessus et vite avant qu'il n'y en n'ait plus non plus... Encore un pas, et ce sera tout simplement impossible de continuer, alors comment dire ? Ben tout simplement : abonnez-vous, achetez des livres, soutenez la création et les producteurs indépendants tant qu'il en est encore temps ! Merci ❤

     

    ***

     

     

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    Adepte pratiquante depuis longtemps de la secte des décroissants, alias les khmers verts et autres terroristes en herbe de la simplicité joyeuse et volontaire, je ne devrais que me réjouir du très soudain engouement des zélites pour la sobriété… Enfin, pour notre sobriété, à nous les gens très zordinaires. Un bon nombre d’ailleurs n’a pas été consulté pour être énergétiquement et financièrement sobres depuis longtemps ou toujours — et le picrate bon marché pour l’oublier ne dira pas le contraire. Je dois avouer que je perds vite mon calme devant les énormités proférées actuellement (déjà que…), ce qui est mauvais pour mon évolution spirituelle.

    L’art du greenwashing n’a d’égal que celui du brainwashing… et autres anglicismes à la mode (and God took the queen !). En mai dernier, je tapotais sur mon clavier : « Hier j'ai entendu à la radio le terme "écologie pragmatique" sans doute en opposition avec une écologie qui serait utopique, l'un et l'autre ne veulent strictement rien dire, comme 95 % de ce qu'on entend actuellement venant des "autorisés à parler", civilisation du blablabla aux multiples méfaits (…). J'ai souvent eu honte de faire partie d'une espèce qui se laisse ainsi mener par le pire d'elle-même et par ses roquets en chef et qui en redemande de l'hypnose séductrice d'influences en tout genre — et surtout du plus mauvais — mais là ça devient irrespirable. Pour moi il n'y a plus de judicieuse radicalité assez radicale pour stopper cette folie et elle sera de toutes façons étouffée, écrasée par ce besoin de continuer encore et encore à sucer tout ce qui est suçable, à pomper ce qui est pompable. Nous sommes toutes et tous complètement incohérents ! (…) J'ai toujours au fond de ma poche un peu de poudre de perlimpinpin d'espoir — pas de celle qui se jette aux yeux, plutôt celle à diluer jour après jour dans la citerne grise du découragement  — l’espoir que quelque chose va faire ding ou bing ou clash soudainement et en même temps dans la tête de chacun-e d'entre nous, partout sur cette planète ! Et je dois dire qu’un certain nombre de personnes, et notamment des jeunes, mettent de la couleur dans ma poudre mais je n'oublie jamais que des hurluberlus de notre espèce sont bien plus (ir)responsables que d'autres : ceux et celles qui se prennent pour des hurluberélu-e-s pour toutes sortes de déraisons et puis nous autres habitants des pays qui se gavent depuis des siècles, des millénaires même » et je finissais ce coup de gueule trop long pour le mettre ici par « Nous n'avons plus beaucoup de temps et toutes celles et ceux qui ont compris depuis trop longtemps déjà sont fatigué-e-s de tenir la torche allumée, vraiment, je peux le voir, l’entendre et moi-même à ma propre mesure et déception après déception, je n’en peux plus. Alors voilà, aujourd'hui même, tout ce qui nous tue, tout ce qui tue, oppresse, manque de respect à cette planète et à toutes les formes de vie doit tomber, aujourd'hui même, maintenant, là, de suite !!! »

    Et bien ce sera là mon édito pour ce numéro d’automne !

     

     

    Ne leur pardonnez pas. Ils savent ce qu'ils font.

    Claire Séverac (1948-2016)

     

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    AU SOMMAIRE

     

     

    Délits de poésie : Yvan Robberechts ; Kiko Christian Moroy ; Alain Guillaume & Isabelle Garreau avec des extraits de Manière noire

     

    Délit de bonté : Thierry Desbonnets, deux poèmes & des réflexions profondes

     

    Délits pluriels : Georges Cathalo avec quelques uppercuts tirés Des pluriels plutôt singuliers & cinq nouveaux poèmes dédiés

     

    Délit d’autopromotion pour les Calepins voyageurs et après ? – Tome 1 de Cathy Garcia Canalès, paru en juillet dernier

     

     

    Délits d’(in)citations, petits plombs légers au coin des pages, la chasse est ouverte, ici il n’est question que de nourrir l’esprit et non point tuer. Vous trouverez le bulletin de complicité au fond en sortant qui résiste bravement (ou en totale inconscience) à l’inflation, poil au fion !

     

     

     

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    Illustratrice : Corinne Pluchart

     

     

    Je ne crois pas à un effondrement spectaculaire et brutal, du jour au lendemain. Et je me tiens en retrait de la mouvance "collapsologue", que je respecte pourtant. Il n’en demeure pas moins qu’il est effectivement incontestable qu’une catastrophe est en cours. Ce n’est plus une crainte, c’est un bilan : 60 % des animaux sauvages ont disparu en 40 ans.

    Posons-nous une question amusante : sur des échelles des temps géologiques, l'humain laissera-t-il une trace ? Un scorpion-géologue, dans 100 millions d’années, pourra-t-il savoir que nous avons existé ? Naturellement, toutes nos constructions seront balayées : des cathédrales aux usines, il ne restera rien. Et pourtant, il y bien un signe qui marquera le passage des humains sur Terre : la 6e extinction massive. On verra, par les fossiles, que la vie a soudainement périclité sans aucune cause géologique ou météoritique. Voilà la trace que nous laisserons sur notre planète : un anéantissement vertigineux du vivant.

     

    Aurélien Barrau

     

     

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  • La cloche a sonné d'Aline Recoura, délit buissonnier n°6

     

     

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    Délit buissonnier n° 6 sorti le 1er juillet 2022 !



    *


    elle dit non à l’institution
    on lui reproche son manque de travail d'équipe
    ça dégénère dans sa tête
    elle comprend qu’on lui demande de pallier
    toutes les incompétences et défaillances
    elle est coincée
    on lui parle de professionnalisme
    de laisser ses émotions de côté
    quand pendant deux ans tout le monde semblait
    ravi que la maîtresse sorte des cadres affectifs
    donne à la petite fille ce qu'elle ne trouvait nulle part d'autre
    tout le monde semblait content d'avoir la paix
    de cette petite fille comprise au moins par une personne
    la maîtresse
    c'est pour ça qu'elle décide de changer de métier


     *


    illustrations originales de Ludo Godot
    tirage numéroté
    56 pages agrafées
    imprimé sur papier Keaykoulor calcaire

    100 g & 250 g 100 % recyclé

     
    10 € +3 € de port, à commander à
     l’Association Nouveaux Délits

     

     

     

  • Avis de parution : La cloche a sonné d'Aline Recoura, délit buissonnier n° 6

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     Sortie le 1er juillet 2022 !

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    clique sur l'image pour voir de près

     

    *

     

    Cette petite fille n’avait de mot 

    que le prénom de sa maîtresse

    qu’elle a eu en maternelle

    pendant deux ans

    en CP la nommant encore et toujours

    quand on lui demande qui est ta maîtresse

    l’institution décide de la faire retourner en maternelle

    quelques heures par jour

    la maîtresse est toujours là

    la maîtresse vit très mal

    tombe malade

    elle adore cette petite fille

    elle pleure son abandon 

    elle pleure chaque jour quand à la sortie de l’école

    la petite fille lui saute dans les bras et la serre tellement fort

    elle dit non à l’institution

    on lui reproche son manque de travail d'équipe

    ça dégénère dans sa tête

    elle comprend qu’on lui demande de pallier

    toutes les incompétences et défaillances

    elle est coincée

    on lui parle de professionnalisme

    de laisser ses émotions de côté

    quand pendant deux ans tout le monde semblait

    ravi que la maîtresse sorte des cadres affectifs

    donne à la petite fille ce qu'elle ne trouvait nulle part d'autre

    tout le monde semblait content d'avoir la paix

    de cette petite fille comprise au moins par une personne

    la maîtresse

    c'est pour ça qu'elle décide de changer de métier

     

     

     

    *

    L'auteur :


     

    Lire et écrire ses passe-temps favoris (en dehors des heures de son métier de professeur des écoles). Depuis janvier 2022, directrice de rédaction de la revue Cabaret. Elle a publié en 2020, Banlieue Ville à La Lucarne des écrivains et en 2021, Scènes d'école au Lys Bleu et Cardio Poèmes aux éditions du Petit Rameur. À paraître : Pichenette dans les mots aux éditions Gros textes et Nuages dans le sang aux éditions de La Lucarne des écrivains en 2022. Elle contribue à de nombreuses revues papier de poésie (Comme en poésie, Cabaret, HS 7, Traction Brabant, Les amis de Thalie, Les Impromptus, Décharge, Traversées, Nouveaux Délits, Météor, Verso, FPM, L’Intranquille, Maux à mots, Wam, L'Air de rien…) et numériques (Cosaque des Frontières, Lichen, Behigori, Capital des mots & Hors-série n°6 de la revue Cabaret : 40 jours 40 vies, 2020) et des anthologies (On dit Cap, Ad Vitam Aeternam, Voix des îles). Elle dit régulièrement ses poèmes sur scène et est membre du collectif Contre Silence.

     

    *

     

     

    illustrations de Ludo Godot

    tirage numéroté

    56 pages agrafées

    imprimé sur papier

    Keaykoulor calcaire 100 g & 250 g

    100 % recyclé

     

    *

     

    10 € +3 € de port,  à commander à

     l’Association Nouveaux Délits – Letou – 46330 St Cirq-Lapopie

     

     

    Délits buissonniers

    est une collection de tirés à part

    de la revue Nouveaux Délits

     

    Vous pouvez lire Aline Recoura

    dans le numéro 67 (octobre 2020)

     

     

     

     

     

  • Revue Nouveaux Délits - Numéro 70 (extraits)

     

    Quelques extraits de ce numéro 70 sorti en octobre 2021, avec des poèmes de Liliane Birsinger, Chiara Pastorini, Christine Bouchut, Narki Nal et Cathy Garcia Canalès, des extraits tirés des extraits publiés du recueil "Cheese !!!" de Gorguine Valougeorgis, sorti depuis chez Plaine Page (déc. 2021) et un extrait de la nouvelle de Julien Englebert, "La bague noire". L'ensemble lu par Cathy Garcia Canalès.

     

     

  • Et pourquoi moi je dois parler comme toi ? écrits bruts (et non bruts) réunis par Anouk Grinberg

    Le Passeur éd. 15 octobre 2020

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    256 pages, 20,90 €.

     

     

    C’est en puisant, entre autres, dans la Collection de l’Art brut de Lausanne  que la comédienne et artiste peintre Anouk Grinberg a pu rassembler tous ces écrits, dits bruts car écrits par des personnes internées et considérées comme démentes ou délirantes. Des écrits souvent dessinés aussi car un bon nombre d’entre eux font l’objet d’un graphisme très particulier et c’est pourquoi on trouvera aussi dans cet ouvrage des photos de ce qui forme une œuvre brute complète.

     

    Anouk Grinberg a une histoire avec la folie, avec celle de sa mère dont elle a eu peur et même honte : « Je ne l’ai pas aimée, je n’ai pas réussi. J’étais de la famille humaine qui se détourne. ». Ce livre est sa façon de réparer : « Par un grand détour, ce sont ces hommes et ces femmes qui m’ont conduite vers cette mère, cette femme, et si j’ai négligé de son vivant toutes ses lettres affamées, je suis heureuse aujourd’hui d’être passeuse de textes jamais lus ». De cette mère, elle dit : « Ma mère était comme ça. Une petite femme fine, intelligente, mal adaptée à la vie bourgeoise. Elle aurait voulu peindre, et elle a été mère, épouse. (…) Elle n’a pas su dire non à la famille qui faisait une croix sur ses désirs, elle n’a pas su dire oui à la petite voix qui devait lui parler tout bas, et elle est descendue marche après marche dans le malheur, comme dans un refuge où on n’irait plus la chercher. On l’a mise dans des endroits pour fous, le désespoir a prospéré avec sa litanie de délires, alors qu’elle était une lumière sur la terre ». Alors, Anouk Grinberg dédie ce livre « à tous ces lumineux que le monde ne doit pas oublier. » Il ne s’agit pas de faire une anthologie d’écrits de fous mais de montrer plutôt la valeur littéraire de ces écrits, qui « ont inspiré les surréalistes et d’autres auteurs reconnus qui se sont fouillé les méninges pour atteindre leur liberté. »

     

    On ne sera pas surpris donc, de trouver aussi dans ce livre des écrits dit non-bruts, des écrits de poètes, car qui d’autre qu’eux s’approche le plus de cette forme d’indécente liberté ? D’ailleurs deux d’entre eux — et on note par ailleurs ici la curieuse absence d’Artaud — comme Paul Éluard ou Tristan Tzara, ont trouvé refuge durant la guerre, l’un en 1943, l'autre en 1945, à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole en Lozère où furent internés deux auteurs bruts figurant dans ce livre.

     

    La préface a été rédigée par Jean-Pierre Siméon dans laquelle il nous dit : « Les fous, donc, prétendument les plus dénués d’entre nous (ou faudrait-il dire les plus dénudés ?), ont ce talent inouï, et que l’on ne dira qu’avec prudence involontaire, de s’affranchir absolument des lois de la langue et de nous révéler en conséquence dans la langue même cet absolument impossible de la langue dont rêvent les poètes, mais que leur raison sociale empêche généralement d’assumer jusqu’au bout. »

     

    Et pourquoi moi je dois parler comme toi est donc « un livre sur la vie et la création, non sur la folie. » Si les fautes d’orthographe et la ponctuation n’ont pas été retouchées, certains passages ont cependant été volontairement coupés car trop incompréhensibles. Les auteurs de ces écrits bruts sont nés entre 1827 et 2005, mais plus spécifiquement au XIXe et XXe siècle. On trouvera une photo et une courte biographie pour chacun d’eux, mais une partie sont des textes anonymes, les auteurs n’ayant laissé aucune autre trace de leur passage sur terre.

    « (…) dans nos sociétés riches et prétentieuses, ce trop-plein d’antennes est sévèrement puni. Les sans-fard inspirent la honte et le mépris, alors ils fanent ou enragent, et c’est le début de l’enfer. On les met dans des hôpitaux, on les force à manger des médicaments pour les remettre droit, on leur enlève la parole puisqu’ils parlent mal la langue de papa et maman, on leur enlève leurs droits, parfois leurs noms. » nous dit Anouk Grinberg dans son prologue.

     

    Écrits compulsifs, écrits rageurs, écrits du désespoir et de la privation de liberté, mais aussi tentatives de communication, de tresser une passerelle entre des réalités qui s’entrechoquent. Des êtres humains « enfermés dans un faisceau de malentendus », comme si leur pensée, leur vision étaient erronées alors que, bien souvent, ils ont été surtout broyés par les conditions de leur existence quand ils n’ont pas été tout simplement et violemment mis à l’écart, parce qu’ils gênaient l’ordre et la raison établis ou bien considérés socialement comme définitivement idiots parce qu’incapables de contacter le monde extérieur comme ce fut le cas pour Babouillec, autiste sans paroles, diagnostiquée comme très déficitaire et qui n’a jamais appris à lire, écrire et parler et qui est auteur de plusieurs livres, grâce à sa mère qui l’a sortie des institutions spécialisées et a fini par trouver le moyen de communiquer avec elle, lui permettant ainsi de révéler et diffuser son génie littéraire et ses pensées dont l’acuité et la pertinence sont absolument jubilatoires.

     

    La postface de Sarah Lombardi, directrice de la Collection de l’Art Brut de Lausanne donne un éclairage sur l’origine et l’histoire des écrits issus de cette collection dont certains ont déjà été publiés précédemment et mentionne les personnes, médecins ou autres, qui s’y sont intéressés, non pas d’un point de vue pathologique mais sur le plan du processus créatif.

    Pulsion d’écrire, pulsion de vivre : de crier, défier et même rire et aimer dans le silence carcéral, que ce dernier soit imposé de l’intérieur ou de l’extérieur. Un bon nombre des textes publiés ici donnent envie justement de les lire à haute voix, ils ont quelque chose de théâtral, entre comédie et tragédie, le grand théâtre de la vie. Certains sont des pieds de nez au dogme de la normalité, d’autres sont peut-être bien trop en avance sur leur temps, d’autres encore font mal car ils sont paradoxalement des appels au bon sens de celui qui les lira… Beaucoup sont des blessures ouvertes qui débordent sur le papier et des flux de douleur qui frayent un chemin vers la lumière. La poésie est très souvent au rendez-vous.

     

    « Veuillez dire à ce langage

    Qu’il dise qu’il est là

    C’est une prière

    La vie ne peut pas vivre »

    Constance Schwartzlin-Berberat (1845-1911)

     

    Un ouvrage précieux qui, espérons-le, permettra de porter un autre regard sur ce que la société nomme trop facilement des folles et des fous.

    « Alors que la vie elle-même est démente, qui de nous peut dire où se trouve la folie ? Trop de bon sens, n’est-ce pas aussi de la folie ? (…) Et la folie suprême n’est-elle pas de voir la vie telle qu’elle est et non telle qu’elle devrait être ? » avait écrit Cervantès.

     

    Cathy Garcia Canalès

     

     

    dsc-0613.jpgAnouk Grinberg est née à  Uccle (Belgique), le 20 mars 1963. Fille du dramaturge Michel Vinaver, elle fait ses premiers pas sur les planches dès l'âge de 12 ans dans Remagen mis en scène par Jacques Lasalle. Malgré quelques apparitions au cinéma à partir de 1976, la jeune fille se consacre avant tout au théâtre et commence parallèlement des études d'ethnologie. Après quelques rôles secondaires la comédienne rencontre Bertrand Blier qui la révèle au grand public et dont elle devient la muse. Ils tournent trois films ensemble avant de se séparer : Merci la vie (1991), Un, deux, trois, soleil (1993) et Mon homme (1995). Malgré deux beaux rôles dans Un héros très discret de Jacques Audiard (1995) et Disparus de Gilles Bourdos (1997), Anouk Grinberg espace ses apparitions au cinéma. Elle se consacre au théâtre mais également à la peinture et à l'écriture.

     

     

     

     

  • Nouveaux Délits n°72

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    Il y a des poètes voyants, des poètes pythies, des poètes monstres qui reçoivent en flots continus des données qui — s’ils ne trouvent moyen de les transcrire — peuvent les submerger, les rendre fous. Le flux est tel que la respiration elle-même ne trouve plus sa place, un essoufflement comme une transe dans laquelle tout lecteur sera emporté car il n’aura rien à quoi s’accrocher. Des eaux tumultueuses mais pas glaciales, car le feu ardent de la poésie brûle sans interruption. Possédée, incantatoire, opératoire, comme le chaman qui souffle sa fumée sur le corps du malade. Ici lecteur, c’est toi le malade. C’est nous. C’est l’humanité.

     

    Ce genre d’écriture n’est pas à la mode, on l’a dite maudite, elle fait peur, elle inquiète, elle dérange les conforts, agresse les quiétudes organisées, fait sauter les verrous, les défenses, donne le vertige, la nausée, touille nos tripes sans permission. Elle puise à la source même du Verbe tout autant ravageur que créateur. Pauvre poète traversé et sommé de délivrer le message, c’est un écartèlement permanent : s‘il se tait, il devient fou ; s’il parle, on le prend pour un fou. Ce poète est excessif et peu vendeur, on préfère attendre quelques siècles avant de le lire. Pourtant, il voit là où nous sommes aveugles et ce qu’il voit le foudroie, le brutalise : la laideur sans fard, ni masque, la lumière aussi éblouissante que crue, la beauté qui renverse et les ténèbres sans sas de protection. Il ressent vivement là où nous sommes commodément désensibilisés, il se souvient de ce qui est effacé par nos amnésies quotidiennes. Il entend l’effroi, l’écho du gouffre. Il sait ce que nous étions et ce que nous deviendrons si nous ne nous rappelons pas ce que nous sommes.

     

    Il sait et il ne sait rien. Il est l’ignorant qui ne peut jouir de son ignorance, il est parcouru, pénétré, transpercé de toute part et chaque mot qui passe par lui est un trou par où nous pourrions apercevoir une fraction de la réalité originelle.

     

    Il a appris cependant depuis le temps que ce torrent le traverse, le retourne, le traîne, le broie et le suffoque, à prendre appui dans l’œil des vortex, à trouver des points d’accroche, l’issue en soi incessible. Il est un vivant mort autant de fois qu’il aura fallu pour se dépouiller jusqu'à l’os, voir son âme nue et il nous tend la main, grimpeur aguerri aux chutes, il nous désigne une brèche par où se hisser. Il partage ses visions, se fait conteur, éclaireur, compagnon.

     

     Il y a un sens à trouver à tout ce que nous vivons ou craignons de vivre : il s’agit de guérir. Et le poète-guérisseur trace des chemins de mots comme autant de formules pour briser les maléfices. Du latin malefacio : faire du mal.

     

    CGC

     

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    AU SOMMAIRE

     

    Délits de poésie :

     

      • Anne-Marie Bernad

     

      • Jérémy Semet

     

      • Vincent Calvet : Naître au Mystère (extraits)

     

      • Odile Steffan-Guillaume : Les Yeux du sablier (extraits)

     

      • Stéphane Mongellaz

     

      • Perle Vallens : Journey (extraits)

     

      • Michel Woelffle : Contes et poèmes d’un été perdu et 71ème hiver (extraits)

     

     

    Résonance : Et pourquoi moi je dois parler comme toi ? écrits bruts (et non bruts) réunis par Anouk Grinberg, Le Passeur éd. 15 octobre 2020.

     

     

    Les délits d’(in)citations continuent à germer au coin des pages. Vous trouverez le bulletin de complicité peut-être un peu sombre et agité à la sortie, le contexte n’est pas à la fête… Merci infiniment pour votre soutien !

     

     

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    Illustratrice : Shenandoah Allheilig-Rivet

     

    https://www.instagram.com/shenandoah.allheiligrivet/

     

    Artiste plasticienne, passionnée depuis son plus jeune âge, bercée par une multitude d'influences culturelles, elle poursuit aujourd'hui son parcours nomade, mêlant rencontres et créativité, échanges et idées nouvelles. Son travail, s'articulant notamment autour du dessin, s'élargit également à d'autres formes d'expressions et formats (peintures, collage, sculptures, photographie, récup'art, customisation d'objets, Land art).

     

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    « Je suis ici pour vous parler de singe à singe. Une cinquantaine de bombes thermonucléaires suffisent à détruire l'humanité. Familièrement appelées bombes atomiques. Mais il n'y a pas cinquante bombes atomiques dans le monde. Il y en a quinze mille.

    La question est donc la suivante : si cinquante bombes atomiques suffisent à anéantir l'ennemi et même l'ami, pourquoi en avons-nous construit quinze mille ?

    Il n'y a pas de réponse rationnelle. Même la logique de guerre la plus cynique ne peut justifier un tel gaspillage inutile.

    Si nous étions au bar entre amis, je vous dirais : c'est la preuve que nous, en tant qu'espèce, ne sommes pas seulement mauvais. Nous sommes aussi des couillons.

    Mais s'il y avait un psychanalyste dans le bar, on pourrait aller un peu plus loin : il expliquerait que cette accumulation démesurée est une forme de collection. En psychanalyse, le collectionnisme est étudié comme une perversion.

    En 1955, Albert Einstein et Bertrand Russel ont rédigé un appel au désarmement signé par une douzaine de lauréats du prix Nobel. Il disait : "Nous vous demandons, si vous le pouvez, de mettre de côté vos opinions et de raisonner simplement comme les membres d'une espèce biologique en danger d'extinction".

    Le mot le plus audacieux, le plus utopique de la phrase que je viens de vous lire est l'emploi du verbe "raisonner". Je ne pense pas que ce soit à notre portée. »

     

    Michele Serra, journaliste italien

     

     

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    Revue Nouveaux Délits – Avril 2022 ISSN : 1761-6530 Dépôt légal : à parution – Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits  Coupable responsable : Cathy Garcia Canalès Illustratrice : Shenandoah Allheilig-Rivet Correcteur : Élisée Bec

     

     

     

     

     

     

     

  • Soliflore 120 - Thierry Delhourme

     

     

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    ©Gil Goulpié

     

     

     

    L’ombre épousant la lumière

     

     

    Bienvenue à l’enfant que je n’aurai jamais

    il court déjà dans les herbes folles

     

    Bienvenue au futur de mes amis

    pour eux j’avais le désir de naître

    sous leurs sabots aux pointes givrées

    c’était un désir sans volonté ni rituel

    avec juste la transparence à mon seuil

    mes visions fraîches comme pains de l’aurore

     

    Bienvenues les femmes de pailles et d’or

    dont j’envie la flamme dressée

    chaque nuit pour réparer le monde

     

    Idem les funambules et jongleurs qui brisent

    la roche pour en sucer l’âme

    ils sont guetteurs de joies ravaleurs de mensonges

    et bien plus nombreux les yeux dans le dos

    que dans nos chansons nos aventures humaines

     

    Alors comment allons nous dire

    l’odeur de la fête qui frappera tantôt

     

    Peut-être

     

    Bienvenue la chose hantée en sa pure merveille  

     

     

     

     

  • Feux de Perrine Le Querrec

     

    éditions Bruno Doucey, mars 2021

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    75 pages, 14 €.

     

     

    Et le poète de sa voix de feu

    D’une aile d’oiseau attise les mots

     

    On peut dire que dans ce recueil dont le titre dit clairement de quoi elle parle, Perrine Le Querrec fait ici feu de tout feu. Traversant quelques milliers d’années d’Histoire et explorant toutes les facettes de cet élément, les bénéfiques comme les dramatiques, elle déploie une sorte de fresque mouvante, un théâtre d’ombres de personnages que le feu met ou a mis, et parfois très cruellement, en lumière et peut-être plus particulièrement des femmes. Depuis celle qui dans la caverne a inventé le feu « Seins hanches ventre rond / Disparue à jamais » aux ouvrières sacrifiées, aux femmes indociles et veuves indésirables, aux militantes immolées en passant par les sorcières aux bûchers : femmes trop vives, feu aux femmes !

     

    La ville silencieuse cadenasse ses oreilles

    Qu’on démonte les cloches, qu’on fonde leur acier

    Dans le feu des sorcières et des illuminés.

     

    Des feux politiques donc, des feux de religion, des feux symboliques, des feux géologiques mais aussi des feux artistiques et littéraires. Des figures renaissent des cendres, comme Marguerite de Porète, béguine itinérante et première femme à avoir péri sur un bûcher de la place de Grève à Paris pour avoir eu trop d’esprit, une âme trop libre et un cœur trop flamboyant. C’était en 1310. Le feu a fait d’elle, et de tant d’autres, une immortelle.

     

    Des feux de joie, des feux de guerre, « des feux autoritaires, des feux de dictatures / mais aussi / Des feux de résistance, des feux brûlants de vie. » L’ordre du recueil est chronologique, une traversée de l’Histoire dans le miroir des flammes, la grande Histoire collective et les histoires individuelles. L’humanité, écrit Perrine Le Querrec, se dessine à travers ses feux

     

    Des feux qui ramènent une mémoire enfouie.

     

    Feux salvateurs, feux destructeurs, feux de mémoire, feux de langues, c’est à un grand incendie que nous convie Perrine le Querrec en agitant ainsi les tisons de son écriture. Elle y convoque des poètes, écrivains, artistes disparus, très connus comme Gogol, Van Gogh, Nerval, Artaud ou moins connus comme Angus McPhee, un artiste brut écossais ou la poétesse Ingeborg Bachmann.

     

    Depuis quand le soleil se couche

    J’ai toujours l’impression

    Que quelqu’un brûle.

     

    Elle évoque Piotr Pavlenski, artiste dissident russe fiévreux et incontrôlable toujours actif, elle rend hommage aux victimes de guerres et de catastrophes plus ou moins naturelles. Elle évoque des corps et des lieux marqués au feu, dévorés par le feu mais, écrit-elle, depuis des millénaires la vie renaît de ses cendres / Il y a des racines que jamais le feu n’atteint.

     

    Un questionnement plus discret souffle entre ces pages aussi, celui que soulèvent les flammes du désir, du sentiment amoureux.

     

    Il y a un côté compilation dans ce recueil, une énumération qui parfois en étouffe même le souffle poétique, peut-être parce qu’il s’agit surtout de faire œuvre de mémoire. Pour qui connaît l’écriture de Perrine le Querrec, on sent qu’il y a là presque comme un chantier en cours encore, une récolte de braises plus ou moins vives dont chacune pourrait donner naissance à un développement. On sent ce qui chez elle a été attisé et qui est un peu trop énorme, trop violent aussi, pour pouvoir être contenu en 75 pages, mais c’est déjà un beau départ de feu car les livres aussi brûlent.

     

    Savez vous

    Les livres brûlent les doigts brûlent l’esprit brûlent les à priori

    brûlent les ignorances brûlent les yeux brûlent les dictatures

    saviez-vous

    les livres brûlent

     

    Le monde parfois semble n’être plus qu’un grand brasier.

      

    Cathy Garcia Canalès

     

     

    Fondazione0258-edited.jpgPerrine Le Querrec est née à Paris en 1968. Elle hante les bibliothèques et les archives pour assouvir son appétit de mots et révéler les secrets oubliés. De cette quête elle a fait son métier : recherchiste. Les heures d’attente dans le silence des bibliothèques sont propices à l’écriture, une écriture qui, lorsqu’elle se déchaîne, l’entraîne vers des continents lointains à la recherche de nouveaux horizons.
    Perrine Le Querrec
    écrit de la poésie et de la prose. Sa langue est une architecture de mots, de silences, d’archives de trous et de pliures. Lorsqu’elle sort de la page, elle travaille en duo avec le contrebassiste Ronan Courty et forme l’autre moitié de PLY, duo avec le photographe Mathieu Farcy. Ses dernières parutions en 2020 : Vers Valparaiso, Éditions Les Carnets du dessert de lune, Rouge pute, Éditions La contre allée.

    http://www.perrine-lequerrec.fr/

     

     

     

     

  • Soliflore 118 - Alexandra Norelli

     

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    ©Erik Johansson - Impact

     

     

     

    Garde-robe

     

    Il s’était fait un beau costume
    Brodé de nuit
    "Ça devrait faire fuir le bonheur"
    Qu’il a dit


    Elle avait cousu des miroirs
    sur son corps nu
    "Il se verra comme je le vois"
    Qu'elle a cru


    Et ne sachant pas comment le
    Déshabiller
    Elle fit tomber toute son armure
    En premier.

    (et comme il y avait du verre partout

    elle a fini par se blesser

    et c’est une bien triste fin)

     

     

     

     

  • FRANCOPOLIS a lu le n°71

    Revue Nouveaux délits, n° 71, janvier 2022

    Cette revue artisanale, conçue, confectionnée à la main, et éditée par Cathy Garcia Canalès, sous les auspices de l’association éponyme, est une pépite : en peu de pages des textes poétiques de grande qualité – ici, Jean-Charles Paillet, Stéphan Riegel, Martin Zeugma, Stéphane Amiot, Bernard Pikeroen, Clo Hamein, Cartographie Mzssyl. Note de lecture de l’éditrice au recueil Feu de Perrine Le Querrec.

    http://www.francopolis.net/annonces_2022.html

     

     

  • Georges Cathalo a lu le n°70

    et en parle dans un bref panorama de 18 revues sur le site de Terre à ciel :

    "Pour chaque nouvelle livraison, Cathy Garcia parvient à trouver le courage de poursuivre sa route solitaire sans aide d’aucune sorte. Chapeau l’artiste-factotum, avec ici des écrits d’auteurs et d’autrices peu lus tels que Liliane Birsinger, Chiara Pastorini, Julien Englebert, Christine Bouchut ou Gorguine Valougeorgis."

    Voir ici : https://www.terreaciel.net/Bref-panorama-de-18-revues-de-poesie-par-Georges-Cathalo

     

     

  • Revue Nouveaux Délits n°71

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    Mais quelle année ! Épuisante, irritante, agressive, pénible, flippante, triste, les moments d’éclaircies furent de courte durée et pourtant des graines ont été semées aussi, parce qu’il est hors de question de céder au marasme. Certes le mot « vœu » semble plus creux que jamais, on sait déjà les pathétiques farces qui se profilent pour l’an 22 et la planète n’a pas fini de secouer ses arrogantes puces. il semble de plus que ce qui s’abat sur les idiot-e-s de base, dont je fais partie, c’est surtout une pandémie de dépressions. Mais parmi les idiot-e-s de base, il y a aussi de nombreux pugnaces et plus le sort s’acharne, plus l‘endurance augmente. Chacun-e individuellement et toutes et tous ensemble, sommes comme dans un grand tamis. Sélection, séparation, choix. Et j’ai l’intuition que 2022 sera plus encore une année de choix qu’on ne pourra esquiver, individuellement et collectivement, choix dont il faudra assumer chaque concrète et très réelle conséquence. Alors il va falloir continuer à semer et protéger les jeunes pousses, obstinément, s’ancrer à la terre — poussière ou gadoue, qu’importe — mais s’y tenir debout, le pied ferme. Et ce sont nos illusions qui serviront d’humus aux nouvelles graines, le prix à payer pour concrétiser nos aspirations les plus authentiques, les seules qui ont une chance de nous mener quelque part de viable et ça ne se fera pas sans prendre conscience, chacun-e et collectivement, de cette vieille part d’ombre qui est la nôtre. La poésie est une graine aussi, et la force qui la fait germer, tout à la fois graines, humus, eau, air, soleil, lune et la fleur qui s’ouvre, le fruit qui tombe mûr exactement où et quand il le faut. Un totum qui défie l’espace-temps. Aussi quelle joie pour moi que ce nouveau jardin que vous allez découvrir ! Et pour cette année qui commence, peu importe le vœu, ce qui compte c’est le souffle qui disperse les graines alors soufflons bien, soufflons juste, ne nous laissons pas essouffler, dansons la danse du tamis et laissons partir tout ce qui doit partir. Et pour 2022, ne souhaitons rien, faisons-le !

    CGC

     

    Le véritable ennemi, c'est l'esprit réduit à l'état de gramophone, et cela reste vrai que l'on soit d'accord ou non avec le disque qui passe à un certain moment.

    Georges Orwell

     

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    AU SOMMAIRE

      

     

    Délits de poésie protéiforme :

     

    Jean-Charles Paillet ; Stéphan Riegel ; Martin Zeugma

     

    Stéphane Amiot, avec des extraits de Saison de lagunage

     

    Des haïbun de Bernard Pikeroen

     

    Clo Hamelin ; Cartographie Messyl

     

     

    Résonance : Feux de Perrine Le Querrec, éditions Bruno Doucey

     

    Délits d’(in)citations à pleine dose, pour une couverture poétique maximale.

    Vous trouverez le bulletin de complicité qui fait du stop au fond en sortant. Il fait un peu la gueule, vu la énième hausse des tarifs postaux, la mort de la grande imprimante, la pénurie covidienne de cet outil incontournable et l’inflation à grandes dents spéculatrices, n’hésitez donc à le prendre ce bulletin et faire un bout de chemin avec lui, merci, car il n’y aura pas de hausse du tarif d’abonnement !

     

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     Illustrateur : Stéphan Riegel

    https://www.stephanriegel.com/

     

     

    Le système s'effondrera si nous refusons d'acheter ce qu'ils veulent nous vendre, leurs idées, leur version de l'histoire, leurs guerres, leurs armes, leur notion d'inévitabilité. Rappelez-vous de ceci : nous sommes nombreux et ils sont peu nombreux. Ils ont plus besoin de nous que nous n'en avons d'eux. Un autre monde, non seulement possible, mais il arrive. Les journées calmes, je l'entends respirer.

     Arundhati Roy

     

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  • Petit livre des illuminations simples de Cathy Garcia Canalès

     

     

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    sens pratique

     

    il n’y a que la pratique

    et une infinité de voies

    s’étirer comme

    racines et chat

     

    *

     

    énergie

     

    penser

    c’est vibrer

     

    *

     

    folie

     

    nous ne sommes pas folles

    nous sommes peut-être

    folles de douleur

    mais pas plus

     

     

     

    44 pages, agrafées

    tirage limité, numéroté et signé

    Édité et imprimé par l’auteur

    sur papier luxe 100 % recyclé

    Dépôt légal : décembre 2021

     

    8 € + 2,30 € de port

    dispo sur commande auprès de l'auteur

    contact : mc point cg arobase point orange

     

     

     

     

  • Soliflore 117 - Stéphane Mongellaz

     

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    Cathy Garcia Canalès

     

     

     

    REPOS DE L’ARME

     

    Ainsi m’ont-ils eu

    et déjà tu le savais,

    et durant le temps qui fut le nôtre   ̶

     

    échangeant nos saveurs intimes,

    trafiquant nos humidités crues,

    reconnaissant tracé et inconnu

     

    le passage ancien

    d’une source claire

    encore sourde de nous   ̶

     

    tu ramenais l’ombre à sa brute matière

     

    dans tout l’espace scellé maintenant

    sur mon front, ruisseau de pluie

    portée vivante par le vent

     

    que je sais être toi,

    ô l’Infiltrée, l’Échappée des lacunes.

     

     

     

  • Soliflore 116 - Éric Moutier

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    Xiaoming Yang

     

     

    TÊTE À L’ENVERS

     

    Prisonniers de nos tours syllabiques,

    À écrire des mots

    Quand d’autres vivent des histoires,

    Laboureur de lumière

    À la lueur de l’encre noire,

    Nous cherchons libération

    Dans le jour virevoltant,

    Quittant nos maisons de papier

    Pour de plus grands espaces.

    Ne plus s’interdire de rugir,

    Sentir l’existence nous souffler ses poèmes,

    Souffleuse de verre brûlant,

    Modelant

    La finesse de nos êtres.

    Attendre la dernière expiration

    Pour se bomber de flamme,

    Voir nos matières rougissantes

    Prendre forme

    Sous l’inspirante lave

    Et revenir

    Parfois à la marge

    Parfois à la page

    Graver nos lignes muries

    Sur nos cahiers

    Devenues mémorielles.

     

     

    https://m.facebook.com/eric.moutier.3