Dans la revue Le Pot à Mots n°15, Céline Rochette-Castel parle de Nouveaux Délits
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Merci Céline !
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Merci Céline !
éditions Bruno Doucey, mars 2021
75 pages, 14 €.
Et le poète de sa voix de feu
D’une aile d’oiseau attise les mots
On peut dire que dans ce recueil dont le titre dit clairement de quoi elle parle, Perrine Le Querrec fait ici feu de tout feu. Traversant quelques milliers d’années d’Histoire et explorant toutes les facettes de cet élément, les bénéfiques comme les dramatiques, elle déploie une sorte de fresque mouvante, un théâtre d’ombres de personnages que le feu met ou a mis, et parfois très cruellement, en lumière et peut-être plus particulièrement des femmes. Depuis celle qui dans la caverne a inventé le feu « Seins hanches ventre rond / Disparue à jamais » aux ouvrières sacrifiées, aux femmes indociles et veuves indésirables, aux militantes immolées en passant par les sorcières aux bûchers : femmes trop vives, feu aux femmes !
La ville silencieuse cadenasse ses oreilles
Qu’on démonte les cloches, qu’on fonde leur acier
Dans le feu des sorcières et des illuminés.
Des feux politiques donc, des feux de religion, des feux symboliques, des feux géologiques mais aussi des feux artistiques et littéraires. Des figures renaissent des cendres, comme Marguerite de Porète, béguine itinérante et première femme à avoir péri sur un bûcher de la place de Grève à Paris pour avoir eu trop d’esprit, une âme trop libre et un cœur trop flamboyant. C’était en 1310. Le feu a fait d’elle, et de tant d’autres, une immortelle.
Des feux de joie, des feux de guerre, « des feux autoritaires, des feux de dictatures / mais aussi / Des feux de résistance, des feux brûlants de vie. » L’ordre du recueil est chronologique, une traversée de l’Histoire dans le miroir des flammes, la grande Histoire collective et les histoires individuelles. L’humanité, écrit Perrine Le Querrec, se dessine à travers ses feux.
Des feux qui ramènent une mémoire enfouie.
Feux salvateurs, feux destructeurs, feux de mémoire, feux de langues, c’est à un grand incendie que nous convie Perrine le Querrec en agitant ainsi les tisons de son écriture. Elle y convoque des poètes, écrivains, artistes disparus, très connus comme Gogol, Van Gogh, Nerval, Artaud ou moins connus comme Angus McPhee, un artiste brut écossais ou la poétesse Ingeborg Bachmann.
Depuis quand le soleil se couche
J’ai toujours l’impression
Que quelqu’un brûle.
Elle évoque Piotr Pavlenski, artiste dissident russe fiévreux et incontrôlable toujours actif, elle rend hommage aux victimes de guerres et de catastrophes plus ou moins naturelles. Elle évoque des corps et des lieux marqués au feu, dévorés par le feu mais, écrit-elle, depuis des millénaires la vie renaît de ses cendres / Il y a des racines que jamais le feu n’atteint.
Un questionnement plus discret souffle entre ces pages aussi, celui que soulèvent les flammes du désir, du sentiment amoureux.
Il y a un côté compilation dans ce recueil, une énumération qui parfois en étouffe même le souffle poétique, peut-être parce qu’il s’agit surtout de faire œuvre de mémoire. Pour qui connaît l’écriture de Perrine le Querrec, on sent qu’il y a là presque comme un chantier en cours encore, une récolte de braises plus ou moins vives dont chacune pourrait donner naissance à un développement. On sent ce qui chez elle a été attisé et qui est un peu trop énorme, trop violent aussi, pour pouvoir être contenu en 75 pages, mais c’est déjà un beau départ de feu car les livres aussi brûlent.
Savez vous
Les livres brûlent les doigts brûlent l’esprit brûlent les à priori
brûlent les ignorances brûlent les yeux brûlent les dictatures
saviez-vous
les livres brûlent
Le monde parfois semble n’être plus qu’un grand brasier.
Cathy Garcia Canalès
Perrine Le Querrec est née à Paris en 1968. Elle hante les bibliothèques et les archives pour assouvir son appétit de mots et révéler les secrets oubliés. De cette quête elle a fait son métier : recherchiste. Les heures d’attente dans le silence des bibliothèques sont propices à l’écriture, une écriture qui, lorsqu’elle se déchaîne, l’entraîne vers des continents lointains à la recherche de nouveaux horizons.
Perrine Le Querrec écrit de la poésie et de la prose. Sa langue est une architecture de mots, de silences, d’archives de trous et de pliures. Lorsqu’elle sort de la page, elle travaille en duo avec le contrebassiste Ronan Courty et forme l’autre moitié de PLY, duo avec le photographe Mathieu Farcy. Ses dernières parutions en 2020 : Vers Valparaiso, Éditions Les Carnets du dessert de lune, Rouge pute, Éditions La contre allée.
http://www.perrine-lequerrec.fr/
photo de l'auteur
une chance
s'il reste une chance
mince infime ou immense
cela vaut la peine je t'aime
juste une fissure
murmure dans le mur
cela vaut la peine je t'aime
s'il reste un copeau
de nos plus vieux fagots
cela vaut la peine je t'aime
juste un brin de vent
de nos grands ouragans
cela vaut la peine je t’aime
©Erik Johansson - Impact
Garde-robe
Il s’était fait un beau costume
Brodé de nuit
"Ça devrait faire fuir le bonheur"
Qu’il a dit
Elle avait cousu des miroirs
sur son corps nu
"Il se verra comme je le vois"
Qu'elle a cru
Et ne sachant pas comment le
Déshabiller
Elle fit tomber toute son armure
En premier.
(et comme il y avait du verre partout
elle a fini par se blesser
et c’est une bien triste fin)
Revue Nouveaux délits, n° 71, janvier 2022
Cette revue artisanale, conçue, confectionnée à la main, et éditée par Cathy Garcia Canalès, sous les auspices de l’association éponyme, est une pépite : en peu de pages des textes poétiques de grande qualité – ici, Jean-Charles Paillet, Stéphan Riegel, Martin Zeugma, Stéphane Amiot, Bernard Pikeroen, Clo Hamein, Cartographie Mzssyl. Note de lecture de l’éditrice au recueil Feu de Perrine Le Querrec.
http://www.francopolis.net/annonces_2022.html
et en parle dans un bref panorama de 18 revues sur le site de Terre à ciel :
"Pour chaque nouvelle livraison, Cathy Garcia parvient à trouver le courage de poursuivre sa route solitaire sans aide d’aucune sorte. Chapeau l’artiste-factotum, avec ici des écrits d’auteurs et d’autrices peu lus tels que Liliane Birsinger, Chiara Pastorini, Julien Englebert, Christine Bouchut ou Gorguine Valougeorgis."
Voir ici : https://www.terreaciel.net/Bref-panorama-de-18-revues-de-poesie-par-Georges-Cathalo
Mais quelle année ! Épuisante, irritante, agressive, pénible, flippante, triste, les moments d’éclaircies furent de courte durée et pourtant des graines ont été semées aussi, parce qu’il est hors de question de céder au marasme. Certes le mot « vœu » semble plus creux que jamais, on sait déjà les pathétiques farces qui se profilent pour l’an 22 et la planète n’a pas fini de secouer ses arrogantes puces. il semble de plus que ce qui s’abat sur les idiot-e-s de base, dont je fais partie, c’est surtout une pandémie de dépressions. Mais parmi les idiot-e-s de base, il y a aussi de nombreux pugnaces et plus le sort s’acharne, plus l‘endurance augmente. Chacun-e individuellement et toutes et tous ensemble, sommes comme dans un grand tamis. Sélection, séparation, choix. Et j’ai l’intuition que 2022 sera plus encore une année de choix qu’on ne pourra esquiver, individuellement et collectivement, choix dont il faudra assumer chaque concrète et très réelle conséquence. Alors il va falloir continuer à semer et protéger les jeunes pousses, obstinément, s’ancrer à la terre — poussière ou gadoue, qu’importe — mais s’y tenir debout, le pied ferme. Et ce sont nos illusions qui serviront d’humus aux nouvelles graines, le prix à payer pour concrétiser nos aspirations les plus authentiques, les seules qui ont une chance de nous mener quelque part de viable et ça ne se fera pas sans prendre conscience, chacun-e et collectivement, de cette vieille part d’ombre qui est la nôtre. La poésie est une graine aussi, et la force qui la fait germer, tout à la fois graines, humus, eau, air, soleil, lune et la fleur qui s’ouvre, le fruit qui tombe mûr exactement où et quand il le faut. Un totum qui défie l’espace-temps. Aussi quelle joie pour moi que ce nouveau jardin que vous allez découvrir ! Et pour cette année qui commence, peu importe le vœu, ce qui compte c’est le souffle qui disperse les graines alors soufflons bien, soufflons juste, ne nous laissons pas essouffler, dansons la danse du tamis et laissons partir tout ce qui doit partir. Et pour 2022, ne souhaitons rien, faisons-le !
CGC
Le véritable ennemi, c'est l'esprit réduit à l'état de gramophone, et cela reste vrai que l'on soit d'accord ou non avec le disque qui passe à un certain moment.
Georges Orwell
AU SOMMAIRE
Délits de poésie protéiforme :
Jean-Charles Paillet ; Stéphan Riegel ; Martin Zeugma
Stéphane Amiot, avec des extraits de Saison de lagunage
Des haïbun de Bernard Pikeroen
Clo Hamelin ; Cartographie Messyl
Résonance : Feux de Perrine Le Querrec, éditions Bruno Doucey
Délits d’(in)citations à pleine dose, pour une couverture poétique maximale.
Vous trouverez le bulletin de complicité qui fait du stop au fond en sortant. Il fait un peu la gueule, vu la énième hausse des tarifs postaux, la mort de la grande imprimante, la pénurie covidienne de cet outil incontournable et l’inflation à grandes dents spéculatrices, n’hésitez donc à le prendre ce bulletin et faire un bout de chemin avec lui, merci, car il n’y aura pas de hausse du tarif d’abonnement !
Illustrateur : Stéphan Riegel
https://www.stephanriegel.com/
Le système s'effondrera si nous refusons d'acheter ce qu'ils veulent nous vendre, leurs idées, leur version de l'histoire, leurs guerres, leurs armes, leur notion d'inévitabilité. Rappelez-vous de ceci : nous sommes nombreux et ils sont peu nombreux. Ils ont plus besoin de nous que nous n'en avons d'eux. Un autre monde, non seulement possible, mais il arrive. Les journées calmes, je l'entends respirer.
Arundhati Roy
sens pratique
il n’y a que la pratique
et une infinité de voies
s’étirer comme
racines et chat
*
énergie
penser
c’est vibrer
*
folie
nous ne sommes pas folles
nous sommes peut-être
folles de douleur
mais pas plus
44 pages, agrafées
tirage limité, numéroté et signé
Édité et imprimé par l’auteur
sur papier luxe 100 % recyclé
Dépôt légal : décembre 2021
8 € + 2,30 € de port
dispo sur commande auprès de l'auteur
contact : mc point cg arobase point orange
Cathy Garcia Canalès
REPOS DE L’ARME
Ainsi m’ont-ils eu
et déjà tu le savais,
et durant le temps qui fut le nôtre ̶
échangeant nos saveurs intimes,
trafiquant nos humidités crues,
reconnaissant tracé et inconnu
le passage ancien
d’une source claire
encore sourde de nous ̶
tu ramenais l’ombre à sa brute matière
dans tout l’espace scellé maintenant
sur mon front, ruisseau de pluie
portée vivante par le vent
que je sais être toi,
ô l’Infiltrée, l’Échappée des lacunes.
Xiaoming Yang
TÊTE À L’ENVERS
Prisonniers de nos tours syllabiques,
À écrire des mots
Quand d’autres vivent des histoires,
Laboureur de lumière
À la lueur de l’encre noire,
Nous cherchons libération
Dans le jour virevoltant,
Quittant nos maisons de papier
Pour de plus grands espaces.
Ne plus s’interdire de rugir,
Sentir l’existence nous souffler ses poèmes,
Souffleuse de verre brûlant,
Modelant
La finesse de nos êtres.
Attendre la dernière expiration
Pour se bomber de flamme,
Voir nos matières rougissantes
Prendre forme
Sous l’inspirante lave
Et revenir
Parfois à la marge
Parfois à la page
Graver nos lignes muries
Sur nos cahiers
Devenues mémorielles.
https://m.facebook.com/eric.moutier.3
Un petit aperçu de ce numéro 69 paru en avril 2021 avec des textes d'Odile Vecciani, Richard Roos-Weil, Marie Alcance, Anne Barbusse et Archibald Aki, lus par Cathy Garcia Canalès.
Deux poèmes de Patrick Werstink qui avaient disparu au montage de la vidéo des extraits de ce numéro 68 sorti en janvier 2021. Lus par Cathy Garcia Canalès.
Quelques poèmes extraits de ce numéro paru en janvier 2021. Dorian Masson, Angélique Condominas, Pierre Thiollières, Pierre Vinclair, Jacques Merceron, lus par Cathy Garcia Canalès... Manque Patrick Werstink, à suivre....
Le passage
Le gamin descendait du Chabre
Il avait chaud je l’ai arrêté
Il m’a dit
“j’viens de là-haut”
J’ai regardé la montagne
haute, verte dans cette apparence immobile
qu’ont les arbres regardés de loin
J’ai encore songé que les hommes étaient nés là-haut
de ces arbres étrangement silencieux, attentifs
s’élevant lentement vers le ciel
sans répit
Je songeais à cela en regardant cet enfant échappé de la montagne
que les arbres avaient connu
écorce rompu des siècles et des légendes
La légende d’un monde qui avait relevé les arbres pour en faire des hommes
“T’es passé par le col de l’ange ?”
Il savait pas trop...
“T’as rencontré des anges ?”
“Non il m’a dit... personne...”
“Alors c’est qu’tes pas grimpé assez haut”
Il avait l’air sympa.
Il me regardait sans se foutre de ma gueule
Alors j’ai ajouté
“De toute façon tant que t’en seras pas un
t’en rencontreras pas”
Ballons 20/21 Juillet 21
Outre que j’en écris depuis maintenant 18 ans, il devient de plus en plus difficile pour moi d’écrire un édito. Comme la sensation de rajouter juste du bruit au bruit et la cacophonie actuelle qui ferait honte à une cour de récré est devenue juste insupportable. Pour, anti, vérité, complot, contrôle, propagande, QR code, labos, dollars, économie, dépistage, pandémie, puçage, data, reset, hashtag, merde, bite, cul… ! De quoi choper la Tourette ! On devient fou ! C’est effrayant !
Aujourd’hui pour moi, l’image de la réussite c’est d’être allée chercher des mûres et d’en avoir fait un clafoutis. Loin de l’écran, loin des batailles nudgiennes et des spectres de guerres, catastrophes, folies en cours et à venir. Il m’a été dit tout récemment que j’étais d’un autre monde… J’espère bien ! Et j’espère bien qu’on sera de plus en plus nombreux à être d’un autre monde. Pas un monde sans ancrage, un monde nébuleux qui deale ses chamallows pastels, non un monde multidimensionnel, relié, branché à la terre et à l’humus, à ce bon sens qui semble avoir foutu le camp avec la biodiversité. Un monde qui se réveillerait de ce cauchemar que je ne saurais plus qualifier tellement il est doté de tentacules ! Et pas un monde qui accélère exponentiellement vers la dystopie totalitaire en se berçant de climat de confiance, refonte, optimisation, économie positive, smart à toutes les sauces, capitalisme cognitif, sécurité globale, objets connectés, futur augmenté, rajeunissement, vie éternelle…
Une histoire antique en somme, toujours la même, celle du syndrome d’hubris, thème central des tragédies grecques, considéré comme le plus grand des crimes. Y entendait-on mieux alors la parole des aèdes et des pythies résonner comme autant de mises en garde ? L’humain, même milliardaire et transhumanisé, n’échappera pas à la loi des cycles, la Némésis tôt ou tard viendra frapper pour ramener tout imbécile trop imbu à un peu plus d’humilité. En attendant, allons ramasser des mûres et buvons à même la langue des poètes et des pythonisses, ces rescapés de toutes sortes de tragédies qui continuent à naître, siècle après siècle, apportant avec eux les graines vives d’un monde autre.
Ce numéro 70 correspond justement à l’année de ma naissance, cette revue est une des toutes petites graines que je lance au vent de cette époque si agitée, merci à vous de lui permettre de germer encore et encore entre vos mains !
CG
Un virus dans le monde entier, confine des peuples qui se révoltaient
contre les injustices du Capitalisme mondial.
Philippe K. Dick in La Vérité avant-dernière (1964)
AU SOMMAIRE
Délits de poésie :
Liliane Birsinger
Chiara Pastorini
Christine Bouchut et des extraits d’Avantage
Narki Nal
Délit dentaire : extraits de Cheese !!! de Gorguine Valougeorgis
Délit d’A. : La bague noire, une nouvelle de Julien Englebert
Délit d’autopromotion : Histoire d’amour, histoire d’aimer, de Cathy Garcia Canalès, paru le 1er septembre
Délits d’(in)citations en petites touches discrètes, comme un écho. Vous trouverez le bulletin de complicité au fond en sortant qui arbore fièrement un délit buissonnier de plus.
Illustratrice : Cathy Garcia Canalès
Femme-orchestre de cette revue,
est-il encore utile de me présenter ?
http://cathygarcia.hautetfort.com/
Maintenant on pourrait presque enseigner aux enfants dans les écoles comment la planète va mourir, non pas comme une probabilité mais comme l'histoire du futur. On leur dirait qu'on a découvert des feux, des brasiers, des fusions, que l'homme avait allumés et qu'il était incapable d'arrêter. Que c'était comme ça, qu'il y avait des sortes d'incendie qu'on ne pouvait plus arrêter du tout. Le capitalisme a fait son choix : plutôt ça que de perdre son règne.
Marguerite Duras
in Le Matin, 4 juin 1986
Revue Nouveaux Délits – octobre 2021 – ISSN : 1761-6530 Dépôt légal : à parution – Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits Coupable responsable & illustratrice : Cathy Garcia Canalès Correcteur : Élisée Bec
illustration de Jimmy Fortier
paraît que t'es naïf en amour
paraît que t'as besoin de sentiments pour niquer
paraît que t'es qu'un connard mesquin
paraît que t'as besoin d'être reconnu dans ta vérité
paraît que chez toi ça sent pas vraiment le poète obscur
paraît que t'as une voix à vendre de l'huile d'olive
paraît qu'il faut que tu sois un peu plus humble
paraît que tu chausses comme Michel Platini
paraît que t'es l'heureux papa d'une IVG et d'une grossesse extra-utérine
tirage numéroté, 32 pages agrafées, papier 100 % recyclé
10 € +2 € de port
à commander à l’Association Nouveaux Délits
Délits buissonniers est une collection de tirés à part de la revue Nouveaux Délits
http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/delits-buissonniers/
*
Des textes d'Hélène Decoin, Claire Cursoux, Ana Minski, Aline Recoura, Antoine Bertot, Martin Payette et Cathy Garcia Canalès extraits de ce n°67 paru en octobre 2020. Lus par moi-même.
tableau de René Mazyn, tous droits réservés
Les exégèses exagèrent :
Dans ces Livres pleins de virgules,
que l’histoire a lentement essuyées,
Tout peut se voir et s’interprète,
et si l’on s’en tient au seul mot,
ce sont bien des pages glauques d’horreurs !
Et comme on peut pas faire pire
et que le délit plagiaire est proscrit :
« Écrivons nous-même notre livre sacré ! »
J'attends que la nuit soit parfaite
et que les étoiles aient filé
et que la pleine lune arrête
de faire sa tête brûlée.
Assis sur un banc dans le noir,
je regarde la vie qui n'est
pas faite pour les grands espoirs
pas plus que pour les destinées
sublimes mais qui se confine
en ombres calmes aux fenêtres,
anciens fantômes des vitrines
d'un bistrot où nul ne pénètre.
Le couvre-feu dès l'heure-du-thé,
m'ayant traversé tel un square,
je me lève enfin et je fais
semblant d'être statue qui part,
immobile en la nuit parfaite,
loin du défilé des étoiles ;
quand la lune ne fait plus la tête,
je mets sur mon masque ses voiles.
in Printemps captif, quatrième délit buissonnier paru en 2020 :
Suivre les mélodies monophoniques
Se laisser prendre par le jeu de la pluie
renoncer au reflet du miroir
le combat des astres, aux rites d'autrefois
lumineux, irradiant râles d'un sous-monde
souffles de liberté, de mains et de cœurs
proches d'un monde tempétueux qui s'ouvre.
Qui est l'inculte ? Qui est le païen de l'autre ?
Qui sera celui qui nous donnera l'avenir d'un millier d'arbres ?
Celui qui fera renaître les cendres d'une terre nébuleuse ?
peut-être,
celui qui purgera la laideur à l'intérieur de nos fibres ?
sûrement.
Qui absoudra la rage muette et indicible dans nos regards ?
photo de l'auteur
Dans l’obscurité
la mer au loin
fume une île brûle
consume coule une île nous
regardons les étoiles la fin
d’un monde encore
un de moins
c’est si calme ici
mon ami comme chaque
soir allume
en regardant la mer sa
cigarette
on ne laisse pas la mer
mourir seule il me dit
CANCRE
Cancre…
Dix ans de mitard à buller au fond d’une classe,
suivre une plume invisible livrée au vent.
Dix ans de trous d’air et de brumes.
Dix ans à me téléporter de vagues en vagues,
ma peau sur une chaise où mes idées divaguent.
Dix ans de solitude… presque cent.
Cancre. Cancrelat, petit cafard assoupi,
déguisé en écolier, trahi par ses antennes.
Bousier indécrottable.
- « Il ne fera jamais Polytechnique » (moue navrée et entendue).
Litote, licence poétique.
Continuer à vaquer à mes songes. Envers et contre tous.
Rester focus sur la téléportation, mon petit domaine d’expertise.
- « Yvan, au tableau ! »
Calcul du périmètre d’un cercle.
Pris en flagrant délit de téléportation.
Le nez dans le pot de miel de la liberté volée, dérobée à l’institution.
Me pousse un groin entre ma chaise et le tableau.
Le maître se paie la bête. Bête à manger du foin.
Rien… Presque rien … Rien que moi et le tableau,
… Moi et ma craie, … Ma nullité et moi.
Mon groin dans la fange et ses clapots de honte.
J’aurais pu devenir mauvais, hargneux,
à boire jusqu’à la lie le jus amer de la défaite.
Moi et ma nullité on vous emmerde !!
Revendiquer cette médiocrité, étendard de mon identité enclavée.
Persister et signer. A la lame et dans le sang. Cruel à mon tour.
J’en ai eu longtemps la tentation.
Allumer les mots par la mèche et les jeter à la face
des faux-semblants, des évidences et des litotes,
faire péter le malheur et la honte.
Il a fallu se débarrasser du petit niaiseux,
…Oublier.
Plier mes antennes et mes ailes, les ranger sous le pupitre,
me désincarcérer de ce corps d’insecte,
laisser ma mue de blatte accrochée à la chaise devant mon bureau vide.
Dernier regard sur la scène de crime.
Fermer la porte.
photo : Patrick Bories
Il est possible de passer commande :
RETOUR À PECH MERLE
la pierre est chair
où vit la rhétorique magique des images
peuplant la même aspérité
mammouth buffle tigre cheval
par transparence on lit
emballement dévoration vitesse frayeur fuite et chaos chair chair
le réel se conforme à de telles objurgations
oui nous ferons des signes
nous mettrons en scène
nous manierons le symbole
nous créerons un langage vivant
nous mêlerons la salive et le sang
le pigment et les cendres
lapis et carmin régurgités
par nos sarbacanes
nous sommes la bouche
qui crache
au cortex de la grotte
ces images rétiniennes hors du temps
la camera oscura
transmute nos mains en négatif
monstration des reliques
la hyène digérée par l'ours digéré par l'image digérée par la grotte
dans son intimité suintant le souffre
un boyau retient prisonnières
les images inverses apposées
au cerveau de la grotte
on voit son œil blanc et fendu
ombres mêlées
le mammouth la biche l'aurochs la tête d'ours l'homme la femme la femme treize fois la femme le point la jument le brochet
ce langage c'est Eurydice aux Enfers
et nous voudrions en retirer quelque chose
alors nous rebroussons chemin
chemin rebroussé au-delà du texte
au-delà de la feuille
au-delà de l'articulation
par-delà les limites que nous nous sommes infligées
nous rebroussons chemin vers l'image pure
le signe vivant
.... et qui s'adresse à l'auteur :
"bien reçu. Viens d'une traite relire ton "Paraît que", dit relu parce que je crois les avoir lus tes textes mais un à un, espacés et là regroupés, à l'enfilade, ça donne un sacré tempo surtout avec pour écho le contrepoint "t'es un mec du XX° siècle toi", oui beaucoup beaucoup de rythme avec ces vérités que tu retournes comme des crêpes et non sans humour... C'est rapide, c'est neuf, beau boulot, vraiment beau boulot. Merci pour cette bonne énergie"
Sortie le 1er juillet 2021
illustration de Jimmy Fortier
*
paraît que t'es naïf en amour
paraît que t'as besoin de sentiments pour niquer
paraît que t'es qu'un connard mesquin
paraît que t'as besoin d'être reconnu dans ta vérité
paraît que chez toi ça sent pas vraiment le poète obscur
paraît que t'as une voix à vendre de l'huile d'olive
paraît qu'il faut que tu sois un peu plus humble
paraît que tu chausses comme Michel Platini
paraît que t'es l'heureux papa d'une IVG et d'une grossesse extra-utérine
*
tirage numéroté
32 pages agrafées
imprimées sur papier calcaire 100 g
couverture calcaire 250 g
100 % recyclé
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10 € +2 € de port, à commander à
l’Association Nouveaux Délits – Letou – 46330 St Cirq-Lapopie
Heptanes Fraxion par Christine Spadaccini
*
Délits buissonniers
est une collection de tirés à part
de la revue Nouveaux Délits
Vous pouvez lire Heptanes Fraxion
dans le numéro 54 (avril 2016)
*
Composé, imprimé sur papier recyclé et diffusé par :
l'Association Nouveaux Délits
Dépôt légal : juillet 2021
ISSN : 2556-0026
*
coll. Mycélium mi-raisin, Hélice Hélas éd., 29 mars 2019.
Une noria de nuits au pelage léopard accoucha de dizaines de soleils qui, l’un après l’autre, pyrogravèrent le ciel de part en part sans y laisser le moindre sillon.
Au petit bonheur la brousse est un roman dense, consistant, aussi savoureux que désespérément tragique, qui tisse un lien improbable entre une Helvétie paisible, fraîche et ordonnée, lisse et impeccable comme un livre d’images et un pays en sueur, chaotique, déchiqueté par la violence, la corruption, la cupidité, l’injustice et le mensonge. Bel héritage postcolonial entretenu par Didi Salman Dada, alias L’Autre-là, président agrippé au trône depuis presque cinquante ans et qui « pouvait dormir sur ses deux oreilles tant qu’il continuerait à brader l’or noir tchadien à ses parents occidentaux ».
Ce lien entre la verte Genève et la brousse turbulente et aride de la province du Takoral, s’appelle Bendiman Solal, enfant suisse du Tchad ou enfant tchadien de Suisse, dont l’enfance a été bercée par le jet d’eau du lac Léman, le pompon de neige au sommet du Mont Blanc, l’amour de ses parents – son papa est comptable pour l’Ambassade tchadienne — et de Ginette, dit Gigi, sa marraine adorable et adorée, les jeux, les livres, toutes les histoires qu’on lui a racontées : celles du pays de ses ancêtres qui lui ont donné le goût de l’aventure et celles de Guillaume Tell et Madame Royaume qui lui ont donné un idéal d’héroïsme et le font rêver grand dans la belle et tranquille résidence genevoise. Aussi, quand ses parents sont soudainement rappelés au Tchad, qu’il ne connaît donc que par la langue des griots, c’est certes avec une certaine appréhension mais surtout avec une immense curiosité mêlée d’une forme de respect, qu’il s’apprête à poser les pieds au pays des ancêtres. Abreuvé d’histoires d’un Tchad voué à la magie noire, il se rêvait déjà comme un Harry Potter des Tropiques. Ce qu’il n’aurait jamais pu concevoir, jeune et naïf adolescent si enthousiaste à l’idée de découvrir enfin sa terre originelle, c’est que sitôt arrivé, non seulement il allait être séparé de ces deux très chers parents mais que ces derniers allaient être immédiatement arrêtés et mis au secret pour raison d’État. D’un seul coup, tous ses repères sont effacés, « à leur place avait surgi un monde rude, ivre de soleil et craquelé de sécheresse, un monde où tout se passait comme dans un vieux film mal colorisé et projeté au ralenti. Les personnages, pour la plupart efflanqués, étaient aussi fâchés avec la nervosité qu’ils étaient adeptes du rire. Quant au décor, mélange d’immeubles en béton et de maisons en banco assiégés par la brousse, il étalait son indigence de couleurs et de reliefs dans une monotonie à filer le bourdon à une enclume. » et Bendiman Solal finit très vite par se retrouver totalement démuni et isolé, avec un oncle, le seul qui ne craigne pas de l’aider.
Bendiman Solal, n’est cependant pas du genre à baisser les bras ou à sombrer dans le désespoir, à peine sorti de son cocon helvétique et donc « profondément imprégné de l’illusion que la justice était à l’œuvre partout, y compris au cœur de l’Afrique », il s’est donc donné une mission : retrouver ses parents. Une mission que l’adolescent poursuivra envers et contre tout dans ce pays qui, pensait-il, venait de tout lui prendre, mais ce n’était qu’un début. Parcours initiatique et brutal au cours duquel Bendiman Solal, jeune garçon cultivé, intelligent, exceptionnellement doué même, au cœur bon et noble, perdra couche après couche, toute illusion, toute innocence, tout idéal. Il faut le talent d’une plume comme celle de Nétonon Noël Ndéjékéry, lui-même tchadien vivant en Suisse, pour en faire un roman aussi prenant, plume qu’il trempe dans l’encre de l’humour le plus décapant : celui du désespoir, une encre d’un noir si lumineux. Encre qui cependant finit par s’assécher elle aussi, à mesure qu’on s’enfonce dans l’histoire comme Bendiman Solal, allias Mini Tell, s’enfonce dans la réalité la plus crue, laissant loin derrière lui comme une carcasse dans le désert, les rêves, les espoirs et la candeur de son enfance.
Reste la langue imagée et sublime, poésie sage et digne, des griots, « tout le reste s’avère si extrême dans la douleur comme dans la joie que, sous peine d’y perdre la raison, il faut sans cesse le repeindre aux couleurs des mirages si courants avec l’avancée des déserts. Simple exigence de survie. » Au petit bonheur la brousse ou bien au grand malheur la brousse ? Un mélange, un de ces curieux mélanges que l’humanité touille dans ses sombres chaudrons.
Cathy Garcia Canalès
Né au Tchad, Nétonon Noël Ndjékéry a fait des études supérieures de mathématiques. Il vit et travaille en Suisse comme informaticien. Parce que son père était un soldat de carrière, il grandit dans un camp militaire et est très tôt mis au contact de la langue française. Cependant, ses racines se sont d’abord nourries de la puissante sève de l’oralité subsaharienne. Sa mère a juste le temps de lui insuffler le goût de conter avant que le divorce de ses parents ne le sèvre à jamais des berceuses. Mais il a déjà contracté le virus de la parole partagée et en devient une des plus fidèles victimes consentantes. Dès lors, il ne cessera plus de prêter l’oreille à tout griot de passage. L’école lui ouvre ensuite l’univers fabuleux des livres. Il s’y enfonce, papillonne, butine au gré des bibliothèques et découvre, fasciné, que la parole volante et la parole écrite sont les deux rouages d’une seule et même machine à revisiter rêves et réalités. Il a publié Sang de Kola, L’Harmattan, 1999 ; Chroniques tchadiennes, Infolio, 2008 ; Mosso, Infolio, 2011 ; La minute mongole, La Cheminante, 2014.
traduit de l’anglais (Ouganda) par Céline Schwaller
Métailié éd., 22 août 2019
Ce roman est une fresque étourdissante d’une densité telle qu’il est impossible de le résumer, et d’ailleurs tel n’est pas le but de cette note, mais il faut tout de même pouvoir donner quelques pistes au lecteur. De quoi s’agit-il ? D’une histoire de famille sur plusieurs générations, trois siècles, en Ouganda, donc bien avant que ce pays ne soit arbitrairement nommé ainsi par le colon britannique, en référence à l’ethnie Ganda, occultant ainsi toutes les autres qui peuplaient cette terre.
Kintu est donc une histoire de famille, mais à vrai dire, c’est avant tout l’histoire d’un geste malheureux et de ses conséquences : la répétition transgénérationnelle d’une malédiction. La gifle d’un père, Kintu, à son fil adoptif, Kalema, lors d’une déjà difficile traversée de désert, ayant entraîné accidentellement la mort de ce dernier, qui de plus, fut vite et mal enterré par mégarde à côté d’un arbuste épineux auprès duquel on enterre habituellement les chiens.
Le roman démarre par un prologue, nous sommes en janvier 2004 à Bwayse, un bidonville situé dans une zone marécageuse au pied de Kampala. Kamu Kantu y est assassiné. Kamu Kantu est un descendant de Kintu Kidda, l'ancêtre qui a attiré la malédiction sur sa lignée. Et ce prologue laisse place au premier chapitre qui nous ramène à l’origine donc de cette malédiction : en 1750, dans la Province du Buddu, au Buganda.
Plusieurs générations vont ainsi se succéder, depuis le temps des clans, des royaumes jusqu’au début du XXIe siècle. L’histoire des individus mêlée, emmêlée à l’Histoire d’une terre sur laquelle sont venues, les unes après les autres, se greffer des religions importées et conflictuelles, dont la pas si petite dernière : la très activiste évangéliste. Une terre démembrée par la colonisation, ce qui a entre autre ravivé et compliqué les guerres tribales, et qui essaie d’avancer avec de douloureuses prothèses occidentales comme tout le reste du continent, et tous les flux migratoires consécutifs, la modernisation et la paupérisation qui va avec, les guerres encore, le sida… Y est évoqué bien-sûr la sinistrement célèbre figure d’Idi Amin Dada, mais d’un point de vue ougandais, notamment dans une discussion entre deux amis qui ne sont pas d’accord.
La figure était cependant déjà suffisamment et atrocement sanguinaire, sans besoin que les fantasmes occidentaux n’en rajoutent pour en faire une caricature révélatrice de leur propre peur du « noir », tout en faisant oublier ainsi leur responsabilité dans l’instauration de ce dictateur, comme tant d’autres en Afrique.
Kintu est un roman, écrit forcément dans la langue de l’ancien colon britannique, mais c’est vraiment un roman ougandais, sans compromis.
Si la toile de fond se transforme au cours des siècles, Jennifer Nansubuga Makumbi tisse sa trame avec tant de subtilité, l'art de montrer sans dire, que ce n'est pas ce qu’on pourrait appeler une fresque historique. L’Histoire est un grand fleuve, mais ce sont les êtres humains qui sont ici au centre de la fresque, ils sont bien sûr entraînés par le courant, roulés, malaxés, modelés et parfois brisés par lui, mais, comme des galets, ils sont solides. Ils ont leur propre densité, identité, ils sont tous reliés à une montagne originelle, ancestrale et si la destinée de chacun est à la merci des événements, il existe aussi une forme de prédestination. La force du fleuve ne change rien à la malédiction qui poursuit les descendants de Kintu Kidda, génération après génération, mais cela pourrait tout aussi bien être une bénédiction, ce qui émerge de ce roman, c’est le fil qui nous relie les uns aux autres et qui traverse le temps.
Roman foisonnant, puissant, où l’on se perd facilement mais, comme les personnages, nous sommes entraînés par la force du courant. Une liste et un arbre généalogique en début d’ouvrage peuvent nous aider à reprendre pied, mais à vrai dire on n’en a pas forcément envie, car très vite, il n’est pas tant question de tout comprendre, mais plutôt de se laisser emporter et peu à peu imprégner de cette langue franche et magnifique avec laquelle Jennifer Nansubuga Makumbi nous raconte sa terre d’origine.
Un premier roman magistral.
Cathy Garcia Canalès
Jennifer Nansubuga Makumbi est née à Kampala. Elle a étudié et enseigné la littérature anglaise en Ouganda, avant de poursuivre ses études en Grande- Bretagne, à Manchester, où elle vit aujourd'hui. Son premier roman, Kintu, lauréat du Kwani Manuscript Project en 2013, sélectionné pour le prix Etisalat en 2014, a reçu un accueil critique et public extraordinaire, aussi bien en Afrique qu'aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, qui lui a valu d'être comparée à Chinua Achebe et considérée comme un « classique » instantané. Elle a remporté le Commonwealth Short Story Prize en 2014 et le prix Windham Campbell en 2018. En sélection pour le Prix Médicis étranger 2019.
©Heather Plew
Sucs à plaies
Ici ou là coulent leurs plaies
En cônes enroulés
Leur haché vert à apaiser
S’inhale en cautère herbacé
Ici ou là coulent leurs plaies
Contre un mur ou bien cachés
Fondre la came en suc troublé
Et par la veine les panser
En silence regards concentrés
Ô bonbon Éden à avaler
Chimie d’instants colorés
Tout éteindre et s’envoler
Étude de Nuages de John Constable
Nuage...
...qui ne s'achète ni se vend
ni se soumet ni se prend
ni se contraint ni se consomme
indispensable à rien ni à personne
archives éphémère pour poète indigent,
traversé de vide, boursouflures du néant,
confluents du rêve, de la pluie et du vent
dans tes flancs vague à l'âme
dérivent les mémoires fantômes,
cartographie errante de pensées perdues,
rêves oubliés, souvenirs diaphanes,
archipel des songes, écumes filigranes
Mais bientôt les orques grondent
et roulent dans les hauts fonds de tes limbes,
percent de leur sang noir
les entrailles de tes brumes
et soufflent aux oracles du chaos
les présages à venir...
septembre 2019