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LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS - Page 5

  • Hommage à Alexo Xenidis

    Douces pensées pour accompagner Alexo Xenidis, de son vrai nom, Ismène Le Berre, dans son voyage vers les étoiles, une poète au cœur grand comme le malheur du monde... splendide poète !
     
    Les vies passent, les mots demeurent, voici un de ses poèmes publiés dans le numéro 57 :
     
    "Si vous voulez que cessent les guerres
    Commencez par cesser celle que vous menez contre
    Votre voisin de palier
    Si vous défendez bec et ongles la liberté
    Commencez par cesser de limiter celle de
    Votre voisin de palier
    Si vous souhaitez au monde le bonheur la joie la paix
    Cessez de dire avec précisions aux voisins de palier
    Quel est leur bonheur
    Quelle est leur joie
    Quelle est leur paix
    Demandez-leur plutôt comment ils sont humains
    Leur façon vaut bien la vôtre
    Leur humanité vaut bien la vôtre
    Et s’il y a des fous parmi eux parmi vous
    Vous en parlerez ensemble
    Au lieu de vous jeter à la gueule les monstres de l’un
    Les monstres de l’autre
    Par moments
    Vous m’épuisez
    A ne connaître parmi les opérations élémentaires
    Que la soustraction et la division"
     
     
    Merci Alexo !
     
     
     
     

  • Soliflore 89 - Chris Giot

     

    John Terlet, University of Adelaide Graphite sur papier au microscope. .png

     

    John Terlet, University of Adelaide

    Graphite laissé par la mine d'un crayon sur du papier vu au microscope

     

     

    Je nous ai vu l’un mourant du pouls de l’autre de ces éclats qui font pourrir les corps plus vite, satisfait de la couleur qui murmurait au sol une histoire de nerfs et sans ponctuation, de nerfs à sectionner et sitôt fait. Pourquoi pas ma béance, calice, et langoureux le sel sur les bordures à vif, le bien être du sel, hurler d’absolu devant le monde, en flammes devers nous. Une justice d’abîme. Mais c’est mettre trop de chaux, et sur quoi encore ? Sur la terre sèche de nos fripes, qui ne connaîtront pas les braises du dehors pour être promises au calcaire.

     

     

     

  • Le Délit buissonnier n° 4 sort le 1er juillet !

     

    Me voilà ravie de présenter le quatrième Délit buissonnier !

     

     

    COUV.jpg

     

     

     

    alors...
    plutôt que d'écouter couiner les ambitieux,
    que la crise épidéconomique,
    — hélas vécue comme une épreuve
    par nous, véritables mortels —
    stimule et extasie,
    j'ai ce jour d'huis préféré
    profiter de l'arrêt cardiaque du monde
    et de la suspension de son souffle,
    pour lire, bercé anesthésié
    par cette nouvelle musique de danse macabre,
    quelques poèmes de Nuno Judice ;
    puis tout en sirotant un citron chaud
    édulcoré au miel de sapin,
    ce jour d'huis préféré,
    tandis que tournoyaient dans le ciel gris doux
    dépourvu d'effets dramatiques
    quelques corbeaux émoustillés,
    voir merles et pies, brindilles au bec,
    préparer leur nid,
    sans se soucier de notre mort,
    parmi des explosions de pâquerettes
    et l'éclosion de trois tulipes.

     

     

    Morgane Plumelle_1.jpg

    *

     

    Poèmes de Lionel Mazari

    écrits sous confinement

    entre le 17 Mars et le 19 avril 2020

     

    Illustrations en couverture : Morgane Plumelle

     

    *

     

    tirage numéroté

    40 pages agrafées

    imprimées sur papier calcaire 100 g

    couverture calcaire 250 g

    100 % recyclé

     

     

    Morgane Plumelle_2.jpg

     

    Dépôt légal : juillet 2020   -   ISSN : 2556-0026

     

     

    10 €

    +2 € de port

     

    à commander à :

    Association Nouveaux Délits

    Letou

    46330 St CIRQ-LAPOPIE

     

     

     

     

     

     

     

  • Pensées pour Tristan Cabral (1944-2020)

     


    " Le pays d’où je viens n’a jamais existé
    Un vieil enfant de sable y pousse vers le large
    Un bateau en ciment qui ne partira jamais"


    et bien le voilà parti, libre pour de bon, bon vent et bon voyage à toi poète !

     

    soirée poésie 009.JPG

    Maison de la Fourdonne, St Cirq-Lapopie, 2008

     

     

    Le somnambule
    Je garde sous la peau mon costume de mort
    avec à l'intérieur le long poignard de l'aube
    ma voix se couvre mon ombre et moi nous sommes seuls
    et je laisse sur l'eau des blessures insensées
    Je suis à bout de peau je fais des métiers d'absence
    je descends dans le corps des oiseaux somnambules
    j'éteins les ombres blanches sur le miroir des morts
    et la couleur du monde s'est perdue en chemin
    Je vois le ciel pendu à des crochets de plomb
    je vois des marées mortes dans le sang blanc des algues
    et sur les seuils de pierre des bracelets d'oiseaux
    Dans un désert de peau je guette un enfant fou
    je vois dans les bûchers des émeutes de miroirs
    et le même visage à toutes les fenêtres....

    Tristan Cabral, 1982
    In "faire-part" n°1er trimestre 1982

     

     

    AFFICHE POESIE O MUERTE (2).jpg

    2008

     

    *

     

    Poète libertaire, brûlant et brûlé, poète visionnaire,

    en témoigne cette vidéo tournée lors du Printemps des poètes

    à Toulon, en 2008

     

     

     

     

     

  • Soliflore 88 - Nicolas Saeys

     

    Mark Jenkins par Gilles Bergeret.jpg

    Mark Jenkins – photo : ©Gilles Bergeret

     

     

    CHOC

     

    Un coup dans la tête

    ça sonne dur ça résonne creux

    je n'ai pas vu le mur arriver

     

    Je parlais du coup j'avais la tête ailleurs

    un songe en image résonnant acoustiquement

    je n'ai pas entendu le vent

    dont l'attention soudaine aurait pu m'avertir

     

    la tempe comme un tambour de cloche

    ce coup pris en pleine ascension du vide

    sur un moi tremblant entre deux rêves oubliés

     

     

    http://aureoledessatyres.over-blog.com/

     

     

     

  • Florent Toniello à propos de la revue et de son dernier numéro

    Florent Toniello sur le site poétique "D'ailleurs" a publié une superbe note concernant la revue Nouveaux Délits et son dernier numéro, un grand merci à lui !
     

    COUV.jpg

     
     
    "19 mai 2020 - Florent Toniello ​nous gâte. 

    ​Aujourd'hui, c'est un billet qu'il nous offre sur la revue Nouveaux Délits. Il y fait mention de "promesse de mouvement, de découverte, de bougeotte même".  Cela vous dit quelque chose ? Moi, oui ! 
    Voyageons poétiquement et découvrons (si ce n'est pas déjà fait) la revue Nouveaux Délits.
    Merci Florent.

    Nouveaux Délits no 66
     
    La poésie vit de mots, mais aussi de rencontres. Qu’elles soient réelles ou virtuelles, celles-ci permettent de choisir sa famille – voire ses familles –, cultiver son jardin de lectures ou faire le plein d’inspiration pour écrire, si l’on s’y adonne. Pour ma part, impossible de nier l’importance de certaines rencontres virtuelles, tant le milieu littéraire (et poétique encore plus) dans mon petit grand-duché est étroit ; la communauté D’ailleurs, créée autour de ce site et de son animatrice, n’en est pas la moindre, mais il y en a d’autres, évidemment, qui élargissent les horizons. Celle avec la revue Nouveaux Délits est de celles-là, et il était temps d’en faire mention ici.
     
    Pourquoi celle-ci est-elle à mon avis importante dans la pléthore de revues poétiques francophones ? Attardons-nous d’abord au sous-titre : « Revue de poésie vive ». Il y a là une promesse de mouvement, de découverte, de bougeotte même. À l’opposé du style reconnaissable et immuable de certaines autres revues. Oui, on peut aimer la poésie patrimoniale, mais les strophes qui se trémoussent et qui ne se ressemblent pas, les poètes qui ne se lorgnent pas dessus pour savoir comment obtenir le prix Mallarmé ou Apollinaire en faisant plaisir aux jurys, ça en jette. Et c’est exactement ce que publie Cathy Garcia dans Nouveaux Délits (elle n’est pas la seule, évidemment, mais nous y reviendrons sûrement). Sans préjugés, elle laisse l’éclectisme dominer sa programmation, sans toutefois oublier de semer des fils conducteurs dans les numéros individuels.
     
    Fils conducteurs aussi, ces courtes citations d’auteurs ou d’autrices de poèmes, romans ou essais que la revuiste propose en bas de page pour faire écho aux textes publiés. Regardons-y de plus près, en prenant un exemple dans ce numéro 66, que nous parcourrons ensuite. « Les invisibles », de Nicolas Kurtovich, est une longue ode de voyage aux États-Unis (« au bord de l’étang table avec joueurs de cartes / d’étranges larmes trouvent un surprenant chemin jusqu’à mes yeux / dans Central Park bouquets sauvages de fleurs jaunes et mauves réunies »), entre San Francisco et New York, en passant par Chicago. Cathy Garcia lui adjoint une citation de Luther Standing Bear, du peuple oglala lakota : « Il n’y avait que pour l’homme blanc que la nature était sauvage. » On touche là à deux caractéristiques de ces citations, qui font la particularité et l’intérêt de Nouveaux Délits : d’abord, une érudition (mot un peu prétentieux que Cathy probablement réfuterait, mais c’est mon billet !) qui permet de faire écho avec des textes classiques, modernes ou résolument contemporains à tout texte publié ; ensuite, et ce n’est pas pour me déplaire, une conscience écologique très poussée.
     
    Dans ce numéro, les poèmes de Christophe Salus le confirment : « Je vois la brousse qui régresse ! / Moins de ronce, sous le piquant ! / Quelle victoire ! On pense, quand / Y poussait tout l’horrible agreste ! » La citation sous ce poème ? « Cette planète craquelée, où l’on met dans des coffres les tournesols du Rêve », tirée d’un poème de Michèle Caussat. Philippe Labaune, lui, présente des extraits de ses séries « Drones » et « Panoptikon ». Une langue fébrile qui s’affranchit des conventions pour décrire un monde qu’on imagine dystopique, mais pas sans espoir : « non à la torpeur et à la mort oui à la couleur ». Complètent ce panorama deux textes de Jean-Louis Millet et des aphorismes de Mix ô ma prose, sans oublier quelques notes critiques de la revuiste, qui aura aussi au début proposé un éditorial et donné la parole à une médecin généraliste en quatrième de couverture, dans le contexte de la pandémie de Covid-19.
     
    On aura sûrement remarqué que tous les auteurs de ce numéro sont… des auteurs, justement. C’est que le précédent n’avait publié que des autrices. Un choix. Et voilà, c’est ce qu’il y a de bien avec Nouveaux Délits : les choix sont intelligents, surprenants, agaçants, justes, tendres, etc. Ce qui compte, c’est qu’ils bousculent les a priori poétiques, qu’ils poussent à la découverte, qu’ils battent en brèche le syndrome de la cabane dans le domaine littéraire. Exactement ce qu’on est en droit d’attendre d’une revue de « poésie vive ». Pour s’abonner, à un prix modique, c’est par là : http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com."
     
  • Georges Cathalo à propos du numéro 66

    Georges Cathalo parle du n°66 sur le site de la revue Décharge, merci à lui !

     

    "À lire chaque nouvelle livraison de Nouveaux Délits, on se demande toujours comment Cathy Garcia s’y prend pour trouver des auteurs originaux et peu lus qui changent du ronron de bien des revues. Fidèle au découpage habituel de sa publication, elle fait se succéder des univers poétiques très différents au fil d’une dizaine de pages afin que le lecteur se fasse une idée précise de chaque auteur. Placé sous un édito de choc intitulé « Le miroir du virus », ces pages d’une brûlante actualité se gravent dans la mémoire. Sinon, que des découvertes, à commencer par Christophe Salus, poète autodidacte marginal dont le parcours rappelle fortement celui du sublime Thierry Metz. On rencontre ensuite Philippe Labaune avec de longs poèmes élégiaques. Les proses poétiques de Jean-Louis Millet permettent de belles rencontres comme celles de Nicolas Kutovitch dans une déambulation édifiante. L’invitation à cette entreprise de décontamination mentale se place sous le sceau de l’humour puisque le bulletin d’abonnement en fin d’ouvrage se livre « masqué et ganté comme il se doit »…"

     

    https://www.dechargelarevue.com/No6-Reves-cairns-et-noirs-delits.html

     

     

     

     

     

     

  • Soliflore 87 - Bernard Malinvaud

     

     

    Sans titre2.JPG

    ©cathy garcia canalès

     

     

    C'est un voyageur

    Sur les traces de l'aube

    Il suit la migration des rails

    Le cheminement des fleuves.

     

    Il cherche la ferveur

    Qui pousse sur le bord des routes

    Invite ses pas de traverse

    Dans un été buissonnier.

     

    C'est un explorateur

    Dans l'imminence des regards

    L'espérance sur le qui-vive

    Il lance des vœux aux étoiles.

     

     

     

  • Tout est provisoire même le titre de Mix ô ma prose

    Cactus Inébranlable, coll. Les p’tits cactus #49, 2019

    CVT_Tout-est-provisoire-meme-ce-titre_3525.jpg

    80 pages, 9 €.

     

    « Être fier d’aller de l’avant,

    Debout sur un tapis roulant »

     

    En voilà un drôle de zèbre (clin d’œil à ceux qui se reconnaîtront) ce Mix ô ma prose ! Son Tout est provisoire même le titre est un vrai festin, un concentré de nourriture aussi délicieuse que corrosive, le lecteur n’en fera cependant pas indigestion car le plat est drôlement bien équilibré. Avec intelligence, justesse, une lucidité à vif et une ironie salvatrice, l’auteur qui n’aime pas signer de son nom, pose des pensées qui claquent, des mots kits de survie dans un monde carré à sens unique où l’impératif d’avoir, de réussir, mentir, gonfler, tricher, paraître mieux pour gagner du creux, assomment toute tentative de réelle humanité.

     

    « Je voulais être,

    Je me suis fait avoir. »

     

    Et savoir exprimer l’essentiel en deux phrases, c’est un art.

     

    « Entre moi et le bleu du ciel,

    Le langage institutionnel. »

     

    Tout est provisoire même le titre est une sorte de pense pas bête libert’air qui sans se prendre au sérieux, ni donner de leçons à personne, creuse des issues de secours vers des cieux plus sauvages, plus authentiques, vers la liberté d’être soi envers et avec tout en échappant aux injonctions de l’artifice.

     

    « Connaissant la musique,

    Je reste hors de portée. »

     

    « De nos jours,

    Réfléchir,

    C’est refléter

    Ce qui est proposé. »

     

    « La nature enfin dominée,

    Belle et triste comme un herbier. »

     

    « Tout est cher,

    Même la réalité a augmenté. »

     

    « C’est vous qui composez votre menu,

    Et c’est comme cela qu’ils nous ont eus. »

     

    « Avoir un cœur de pierre

    Pour faire carrière. »

     

    Mais l’auteur, s’il pense que son nom n’a pas d’importance, ne se cache pas tant que ça : maniant l’humour sans céder à la facilité, il s’expose au contraire, se dénude, dans sa fragilité, son handicap à la normalité et ses « rêves savonnettes ».

     

    « Si je devais résumer ma vie :

    Tant pis ! »

     

    « J’ai pris de la mort avec sursis. »

     

    « Avec la société d’aujourd’hui,

    J’ai des rapports non consentis. »

     

    « Ma vie parmi les hommes :

    Syndrome de Stockholm. »

     

    « Pas évident,

    quand nos centres d’intérêt

    Sont à la marge. »

     

    « Mes utopies

    Sur un bûcher

    Sont accusées

    De sorcellerie. »

     

    « Depuis le temps que la lutte est finale... »

     

    « Je me suis coupé de la société

    Et la plaie ne s’est jamais refermée. »

     

    Si vains les efforts pour « en être ».

     

    « L’ego gonflé à bloc

    Pour aller en soirée

    Tenter de s’éclater. »

     

    « Toujours à fond,

    Mais en surface. »

     

    « Merde, le fond de ma pensée est percé ! »

     

    « Miroir, miroir, mon beau miroir,

    Suis-je le plus rebelle ? »

     

    « Suis-je négatif parce que j’ai refusé

    d’être un cliché ? »

     

    « Je reste à l’écart

    Et il se creuse. »

     

    Comme il le dit lui-même, Mix ô ma prose fait

    « de la poésie

    Par souci d’intégrité

    Car c’est bien connu,

    Elle ne se vend pas. »

     

    « Pour être précis,

    La formule exacte est :

    Poète autotorturé »

     

    Mais le poète a pris l’option linguistique pour mettre à jour nos tics de langage.

     

    « Ah des tics !

    J’ai eu peur, j’avais compris

    "d’éthique" ! »

     

    « J’ai beau lécher les vitrines,

    Aucune trace de cyprine. »

     

    « Et pour une fois

    Qu’il y a quelque chose de gratuit

    c’est la méchanceté »

     

    « Ainsi les publicités pourraient être

    mensongères ? »

     

    « Au lieu de la campagne

    C’est la ville qu’on devrait battre. »

     

    Il gratte le vernis qui recouvre nos mots pour nous faire entendre ce qui est vraiment dit :

     

    « Même pour la lecture,

    Ils nous ont foutu des grilles. »

     

    « Même le respect

    Il faut le forcer. »

     

    « Avec tous ces profils,

    On ne se regarde plus en face. »

     

    « Quand on aime, on ne compte pas

    Mais on se calcule. »

     

    « Les décisions sont si lourdes

    Qu’il nous faut un porte-parole. »

     

    « Je ne connais pas le prix de la vie,

    Mais il m’a tout l’air soldé ces temps-ci. »

     

    « On a plus de compassion pour les batteries ;

    Quand elles sont faibles, on les recharge. »

     

    « Sinon pour la prise de conscience,

    C’était le bon voltage ? »

     

    « Ne dites pas que l’on va droit dans le mur ;

    Faites comme tout le monde, dites futur. »

     

     

    Il dévoile l’absurde dont nos cécités quotidiennes camouflent l’évidence.

     

    « À part l’épargne,

    Y’a quoi comme plan ? »

     

    « Rien ne marche,

    Tout fonctionne. »

     

     

    « Même nos codes se barrent. »

     

    « Le plus inquiétant

    C’est que tout soit normal. »

     

    « Tellement intégré

    Que j’ai disparu. »

     

     

    « Il y a un scénario à la base

    Ou c’est improvisé ? »

     

     

    « Putain les gens,

    Merde, quoi !

    Ça se voit !!! »

     

     

    Tout est provisoire même le titre est un petit shoot qui devrait être remboursé par la Sécu :

     

    « Bien sûr que l’on a progressé ;

    Au départ, il y avait un point

    Et on a une ligne à l’arrivée. »

     

    « Franchement, Dieu n’est pas si con

    Aucune enquête de satisfaction. »

     

     

    Petite mais efficace piqûre de rappel pour temps sombre : tant qu’il y a de l’humour, il y a encore une chance pour qu’il y ait de la vie, de la vraie, vivante, impertinente qui se glisse en douce sous des plumes de poètes, là où elle sait qu’elle sera respectée, protégée.

     

     

    Cathy Garcia

     

     

     

    mix-o-ma-prose-par-morgan-prudhomme.jpgDerrière Mix ô ma prose se cache donc Olivier Boyron, un Viennois d’origine qui a eu le privilège de grandir dans la « vallée de la mort ». Malgré un cadre apaisant et propice au recueillement, il peine à s’adapter au monde qui l’encercle. Pour lui, le chaos n’est déjà plus une théorie mais une réalité dont il dépassera la friction au travers de nombreuses expériences : écriture, dessins, peintures, théâtre de rue… Mix ô ma prose, lui, naît en 2002 d’une rencontre avec le slam dont il devient un des pionniers en Rhône-Alpes avec La Section lyonnaise des Amasseurs de Mots et Les Polysémiques, association qu’il fonde à la même période. En 2006 il co-fonde La Tribut du Verbe, une compagnie de slam poésie qui propose toujours spectacles et performances. En 2016, Les Polysémiques rajoutent une branche éditions à leurs activités, il en devient le responsable d’éditions. Malgré tout, toujours mal à l’aise avec les conventions, il stoppera net sa déjà courte bio.

     

     

     

  • El Ninõ de Hollywood de Óscar & Juan José Martínez

     

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    traduit de l’Espagnol (Salvador) par René Solis, Métailié, février 2020

     

     

     

    « Je voudrais pouvoir revenir en arrière, et pas aller avec la Mara…

    Aux mioches, moi je leur dis, ne le faites pas, disait El Niño. »

     

    Miguel Ángel Tobar, celui qui fut d’abord El Payaso, Le Clown, puis El Niño de Hollywood, du nom de la branche de la Mara Salvatrucha 13 à laquelle il appartenait, les Hollywood Locos, dont il fut l’un des plus redoutables sicario, avant de devenir un misérable témoin protégé de l’État salvadorien, après avoir dénoncé un bon nombre de mareros, dont son pandillero, son chef, Chepe Furia. Chepe Furia, de son vrai nom José Antonio Terán, avait été dans les années 70, un policier de l’ultra brutale police d’État, la Garde Nationale de sinistre mémoire où il était alors connu sous le nom d’El Veneno, le Poison, ce n’est que bien plus tard qu’il reviendra au Salvador, sous le nom de Chepe Furia, membre de la Mara Salvatrucha 13.

     

    José Antonio Terán avait fui le pays, sa guerre intestine et ses propres exactions. Dans les années 70, il y avait eu une fuite en masse des Salvadoriens vers le sud de la Californie, puis ces derniers — dont bon nombre avaient rejoint les gangs — furent expulsés sous le gouvernement de Reagan. Des centaines de membres de la Mara Salvatrucha 13 (la  MS-13), qui en 1992 était le gang le plus puissant de Californie et du Barrio 18 qui lui s’était rallié au système des gangs sureños, principalement d’origine mexicaine, comme l’indique le chiffre 18, contrairement à la MS-13. Les deux gangs étaient ennemis et se disputaient des territoires. Les Salvadoriens n’ayant connu que l’ultra-violence dans leur propre pays, dressés tout jeunes à tuer, n’avaient respecté aucune règle des autres gangs des ghettos californiens à leur arrivée. Sales, adeptes des drogues et de l’alcool, tous vêtus de noir avec les cheveux longs, jeunes fans absolus et très perturbés de heavy metal aux pratiques macabres, la MS-13 s’était vite fait une réputation avant de s’organiser en gang plus conforme niveau look à l’image des autres gangs californiens, mais avec toujours une longueur d’avance sur leur capacité de violence pure.

     

    Une fois de retour au Salvador, les deux gangs ennemis se sont donc reformés. La MS-13, avec ses différentes branches, a alors conforté et prouvé sa réputation de gang du XXIe siècle le plus violent au monde, aussi bien vis-à-vis de l’extérieur qu’à l’intérieur même de celui-ci. C’est le seul a être sur la liste noire du département du Trésor des États-Unis, ses membres qualifiés d’animaux par Trump, « ce président ignorant (….) et non d’animaux humains créés par d’autres humains ».

     

    El Niño de Hollywood n’a jamais mis les pieds aux États-Unis, encore moins à Hollywood, mais il fait partie de ses enfants perdus, issus de familles totalement éclatées, dans un pays ravagé par des décennies de guerre et qui n’ont déjà connu que la violence et la misère.

     

    Ainsi, en un peu plus de trois cents pages, parfois très dures, le lecteur pourra comprendre ce qui a bien pu faire de ce tout petit pays d’Amérique centrale, le pays le plus meurtrier du monde avec un taux d’homicides absolument dément. Il faut pour cela remonter au XIXe siècle, à l’époque où des propriétaires terriens faisaient fortune avec l’indigo et avaient pour cela relégué les populations indiennes sur les terres non exploitables à flanc de montagnes.

     

    Mais comme souvent l’injustice et l’atrocité furent rentables : « Les riches sont devenus très riches dans les décennies qui ont suivi 1932. Les pauvres, eux, ne pouvaient être plus pauvres. »

     

    Mais ces pauvres soutenus par les idéaux marxistes s’organisent dans les années 70, le pays entre alors dans l’une des dictatures les plus sadiques d’Amérique centrale, composée de militaires putschistes d’extrême-droite avec comme d’habitude la participation de la CIA, le but étant comme toujours de protéger les possessions et privilèges de la classe dominante. La guérilla est forte et brutale elle aussi, nourrie de plus d’un siècle d’injustices sans réparation. Dans un pays composé alors « à plus de 60 % par des enfants, le résultat était prévisible. Des milliers de mineurs de moins de 15 ans ont été recrutés des deux côtés. (…) Le Salvador, un pays vingt fois plus petit que la Californie, s’est lancé avec ses armées adolescentes dans l’abîme dont il devait ressortir en 1992 avec pour bilan plus de soixante-quinze mille morts et une immense quantité de personnes déplacées. »

     

    Voilà le terreau de tant de morts déjà décomposés, dans lequel les gangs made in USA viendront semer leurs graines assassines.

     

    Qui dit guerre, dit ennemi, la nécessité d’avoir un ennemi à combattre, « l’envie irrépressible de détester quelqu’un sans motif idéologique a été fondamentale dans la construction du Salvador ». La minorité possédante demeurant, quoiqu’il arrive, intouchable, on entre donc dans la logique des clans, où la raison de vivre est la mort de l’autre. Quand les membres des gangs comme Chepe Furia et bien d’autres, dont certains étaient partis trop jeunes pour connaître leur pays, sont expulsés de Californie vers la fin des années 90, une certaine aura les entoure aux yeux de la jeunesse qui a grandi dans la misère au Salvador dans un environnement très rural.

     

    « Les États-Unis vomissaient.

    Sans comprendre ce qu’ils faisaient.

    La migration est un cercle.

    Des recruteurs pour tout le Salvador.

    Des recruteurs d’enfants perdus pour tout le Salvador.

    Des chefs de clans pour tout le Salvador.

    Un pays en reconstruction.

    Un  pays en ruines.»

     

    Quand la découverte inopinée, à Londres, du premier colorant de synthèse, bleu donc, fait chuter brutalement la demande et le cours de l’indigo, l’élite des propriétaires terriens à l’initiative du président alors en place, Gerardo Barrios, va se reconvertir très vite dans le café et pour cela elle a besoin des terres en pente qu’elle avait laissées aux Indiens, mais aussi de leurs mains pour récolter. Le traitement qui est infligé alors à cette main d’œuvre, déjà humiliée par le régime colonial espagnol,  est tel que cette population dont la colère et la frustration a atteint un point de non retour, n’ayant rien de plus à perdre, commence à se rebeller au début des années 30, ce qui entraînera aussitôt une répression féroce, la Matanza : en 1932, « au moins quinze mille personnes, des hommes jeunes dans leur majorité, ont été assassinées dans la région occidentale du Salvador en quelques mois (…) et une bien plus grande quantité encore a été exécutée durant le reste de l’année. Aucun de ces morts n’a été enregistré dans les registres d’homicides. »

     

     

    Roque Dalton, poète salvadorien membre de l’organisation insurgée Armée révolutionnaire du peuple dans les années 1970, qui sera assassiné sur ordre des dirigeants de cette même organisation pour insoumission, écrivit à ce sujet :

     

    « Nous sommes tous nés à demi morts en 1932

    Nous survivons à demi vivants

    Et chacun de nous porte une dette de trente mille morts bien entiers

    Dont les intérêts ne cessent de gonfler

    Et qui aujourd’hui suffit pour enduire de mort ceux qui continuent

    À naître

    À demi morts

    À demi vivants

    Nous sommes tous nés à demi morts en 1932

    Être Salvadorien c’est être à demi mort

    Ce qui bout

    C’est la moitié de la vie qu’on nous a laissée… 

    Un pays qui n’avait pas le temps pour les enfants perdus.

    La guerre expulsée des rues de Californie aux rues du Salvador.

    Une guerre s’achevait. Une autre commençait. »

     

    Il fut très facile pour Chepe Furia, auréolé de son parcours de « combattant » et fort de son expérience d’ex-policier de la Garde Nationale, de manipuler ces « enfants de personne »,  les enfants de la guerre.  « Enfants de familles dysfonctionnelles fabriquées avec des restes d’autres familles », leur seule consigne : survivre. « Beaucoup d’entre eux faisaient face aux déceptions de la vie de la même façon que leurs pères, à grandes rasades d’alcool de canne, le guaro. ». Illettrés, misérables, déjà confrontés à la violence, ils étaient d’autant plus manipulables qu’ils étaient mus par un désir de valorisation, de reconnaissance et notamment de la part d’un père souvent inexistant ou minable comme celui d’El Niño, alcoolique lui-même victime de son propre tragique destin, qui vendait sa fille de 15 ans à son contremaître.

    C’est le 24 décembre 1994 exactement, que Miguel Ángel Tobas, celui qui deviendra El Niño de Hollywood, né en 1981 dans une plantation de café, a pour la première fois, tenté de tuer un homme : le contremaître qui violait sa sœur. Une première tentative ratée à coups de gourdin et de pierres,  « grosses comme les pierres qu’un enfant de 11 ans mal nourri peut soulever », l’enfant déçu de lui-même avait toutefois emporté un révolver .38, qu’il avait trouvé à la ceinture de cet homme.

     

    Cette reconnaissance, les enfants de personne achetés par quelques bouteilles d’alcool par Chepe Furia, l’obtiendront ou croiront l’obtenir au prix du sang.

     

    « Le secret, c’est que leur rêve n’est pas de devenir riche, mais d’être quelqu’un. Quelqu’un de différent de ce qu’ils étaient, (…) le rebut. »

     

    Ils devront prouver leur allégeance totale à la Hollywood Locos Salvatrucha en assassinant violemment d’autres gamins absolument semblables à eux, dans une guerre contre cet ennemi déclaré, ceux de l’autre gang, avec bon nombre de victimes collatérales, mais aussi une guerre à l’intérieur même du gang contre les tièdes, les faibles et les traîtres, qui seront cruellement éliminés. Ainsi El Payaso, s’auto-nommera El Niño de Hollywood, — il a autour de 16 ans — par un meurtre particulièrement atroce car il ne s’agit pas seulement de tuer, mais aussi d’écrire avec le corps des victimes, celui-ci devenant un support pour transmettre un message qui doit faire horreur.

     

    « Difficile d’arrêter une horde de chevaux emballés. Surtout si personne ne cherche à les arrêter. Surtout si quelqu’un les suit en les excitant. La haine qui s’est mise à rouler au Salvador a trouvé une interminable pente descendante. Elle roule toute seule. La première impulsion a suffi. La mort a donné du sens à toutes ces vies. »

    Et à celle d’El Niño de Hollywood, devenu sicaire reconnu comme l’un des plus redoutables et le plus sanguinaire du gang des Hollywood Locos de la MS-13, dont il deviendra cependant lui aussi un traître et ne connaîtra plus jamais le repos, pas même après sa mort.

     

    La boucle est bouclée, l’ultra-violence au Salvador est le mode de vie psychopathe de toute une partie de la jeunesse la plus pauvre. Les gangs, « une mafia, oui, mais toujours une mafia de pauvres. ».

     

    « Tuer, haïr celui qui, sans te connaître, te tue, te hait », avec toute une mythologie, une mystique presque du meurtre, avec la Bête qui réclame sa part de sang. « Notre Bête à nous, elle est noire, c’est un cheval noir qui a le pouvoir, d’après l’Apocalypse, d’enlever la paix sur la terre. C’est une Bête de couleur noire avec une épée pointue. » 

     

    « Chepe Furia était intelligent pour créer des symboles, pour revêtir de transcendance ce qui n’était qu’un bain de sang contre des jeunes gens ».

     

     

    On ne lit pas ce type de livre pour se divertir, à moins d’être soi-même un gros malade, non, on le lit pour comprendre comment cette violence est possible, comment des enfants de 10, 12 ans peuvent commettre des crimes aussi abominables, et devenir vers 16, 18 ans des tueurs déjà professionnels et à moitié, si ce n’est complètement, fous. On lit pour comprendre quel est le mécanisme à l’œuvre, pour comprendre comment tout cela a pu commencer et comme trop souvent, on trouvera à l’origine une élite possédante qui opprime, exploite et accule des populations à des situations d’injustice et de misère extrêmes et dans une spirale infernale, des décennies plus tard, toute une partie de la jeunesse d’un pays se retrouve pourrie jusqu’aux os, tellement qu’il n’est plus possible de distinguer les victimes des bourreaux.

     

    Si les deux frères, auteurs de cet ouvrage magistral dans lequel la réalité pulvérise la fiction et qui ont réalisé là un travail de journalisme d’investigation courageux et réussi, s’intéressent de si près à El Niño de Hollywood qu’ils ont interviewé pendant des centaines d’heures, c’est bien parce que comme il le lui ont dit : « malheureusement, nous croyons que ton histoire est plus importante que ta vie… ».

     

    On lit pour entrevoir l’humain derrière le monstre, pour nous rassurer nous-mêmes sans doute et il se trouve que l’humain est bien là, pris dans cette logique implacable qui le dépasse. Une multitude de fils de vies microscopiques qui se trouvent piégés ensemble dans la même trame, la toile souillée d’un sang qui n’en finit plus de couler.

     

    « Au fil des mois et des années nous avons pu nous rendre compte que la vie de cet homme était conditionnée par des processus globaux, par des histoires à l’échelle mondiale dont il ignorait tout. Nous avons découvert que le pouvoir de décision, ce qu’on peut appeler la possibilité d’agir, a toujours était limité, toujours étroitement lié à des mécanismes lointains conçus par de hauts fonctionnaires aux États-Unis et au Salvador durant tout le XXe siècle. »

    Personne ne voudrait être Miguel Ángel Tobar. « À présent il n’est plus que terre et racine. De l’engrais pour ce coin pourri du monde », laissant derrière lui, une très, trop jeune maman d’à peine 18 ans et leurs deux petites filles. Quelle histoire, quelle légende cette dernière leur racontera-t-elle à propos de leur père ?

     

    Cathy Garcia

     

    Oscar MARTÍNEZ est un journaliste d'investigation et écrivain salvadorien qui travaille pour elfaro.net, journal en ligne spécialisé sur les sujets de violence, migration et crime organisé. Il a remporté de nombreux prix tout au long de sa carrière, notamment le prix Fernando Benítez de journalisme, le Prix des droits de l'homme et le Prix international de la liberté de presse.

     

    Juan José MARTÍNEZ est un anthropologue né au Salvador en 1986. Il étudie les gangs et la violence depuis 2008 et a collaboré avec diverses institutions telles que l'Unicef, Action on Armed Violence et l'American University.

     

     

     

  • Revue Nouveaux Délits numéro 66

     

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    Avril 2020

     

     

    Le miroir du virus

     

    Je voudrais d’abord vous remercier toutes et tous d’avance pour votre patience, je ne sais pas quand et comment je vais pouvoir expédier ce numéro, donc il existe, mais il pourrait mettre bien plus de temps pour vous rejoindre que d’habitude. Et puis, je voudrais aussi partager la réflexion que je me suis faite au début du confinement à propos de ce virus dont on ignore encore à quel point il va changer nos vies. Bien-sûr, j’ai pensé à toutes celles et ceux dont la situation est déjà au plus bas, à toutes celles et ceux qui usent toute leur énergie et leur courage pour aider, protéger, sauver les autres alors qu’eux-mêmes sont déjà en souffrance. La grande nouveauté de ce virus, c’est que cela nous a touché nous, les Occidentaux, habitués à ce que les grands malheurs de masse n’arrivent qu’aux autres masses — covid-19 n’est pas ebola — et en cela ce nouveau virus nous tend un miroir. Il met à nu les défaillances et toutes les profondes inégalités de nos sociétés et peut-être va t-il nous faire prendre enfin conscience de la folie de nos modes de vies si prédateurs pour l’environnement et le reste du monde, je ne pousse pas l’espoir à croire que les élites vont avoir elles aussi de véritables prises de conscience — il m’en faudrait pas beaucoup pour penser que tout cela en arrange certains — toujours est-il que ce virus nous tend un miroir dans lequel nous voyons ce que nous sommes en tant que collectif et dans lequel chacun d’entre nous va se voir tel qu’il est. Il nous oblige aussi à regarder nos proches, à nous interroger sur l’authenticité de nos liens, ou bien à regarder en face notre solitude et à nous poser cette question cruciale : sommes-nous de bons compagnons pour nous-mêmes ? Le virus, paradoxalement, nous relie de plus en plus les uns aux autres et nous montre par défaut notre interconnexion réelle en tant qu’êtres humains. Il nous tend un miroir et nous ne pourrons détourner les yeux. Un virus ne fait pas de différence entre nous, il est une forme du vivant qui nous traverse, certains l’hébergent sans souci, d’autres hélas succombent, mais avant de succomber au virus, une bonne partie meurent et mourront du manque de possibilités matérielles pour les sauver. Ce covid-19 est, ceci dit, à la fois une terrible épreuve et une formidable opportunité pour que l’humanité se regarde ensemble dans un seul et même miroir. Chacun d’entre nous saura combien coûte l’indifférence, l’avidité et l’égoïsme des pouvoirs qui sont censés nous représenter, mais aussi des uns et des autres aussi bien sur le plan individuel que collectif, car ce qui choque une bonne partie d’entre nous, au travers du comportement actuel de certain-e-s, n’est-ce pas au fond notre façon de vivre habituelle vis-à-vis du reste du monde, du vivant en général et des plus fragiles d’entre nous ?

                                         

    CG

     

     

    Je rêve que ce virus soit le point de butée où trébuche notre civilisation du déni permanent.
    Nicolas Mathieu

     

     

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    AU SOMMAIRE

     

     

    Délit de poésie : Christophe Salus

     

    Délit de drônes & de panoptikons : Philippe Labaune

     

    Délit de preuves incertaines : Jean-Louis Millet

     

    Délit d’aphorismes : Mix ô ma prose

     

    Délit rouge : Les invisibles de Nicolas Kurtovitch

     

    Résonances : El Ninõ de Hollywood de Óscar & Juan José Martínez (Salvador), Métailié, 2020 & Tout est provisoire même le titre de Mix ô ma prose, Cactus Inébranlable, 2019

     

    Délits d’(in)citations dans la boîte d’urgence aux coins des pages. Vous trouverez le bulletin de complicité, masqué et ganté comme il se doit, confiné en fin d’ouvrage.

     

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    Illustrateur : Jean-Paul Gavard-Perret jpgp@live.fr

    Écrivain, dessinateur et critique d’art contemporain (24 heures, Lausanne, Huffington Post, Le Littéraire, Carnet d’art, Œil de la Photographie). Il a publié entre autres Généalogie vénitienne (Rafael de Surtis), L'œil du Cyclope (La Main Courante), Samuel Beckett : l’Imaginaire paradoxal ou la création absolue (Minard), La mariée était en rouge (Editions du Cygne), Labyrinthes (Editions Marie Delarbre, Grignan).

     

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     Partout où nous posons l’œil, nous rencontrons un savoir dense qui fait le cosmos. Nous seuls, les hommes, ne savons pas nous comporter et dédaignons de l’apprendre. Pourtant, certains jours, le corps que nous méprisons de façon si hautaine nous rappelle à l’ordre. Alors que nous flânons dans les vastes solitudes de notre inconnaissance, nous gaussant des coqs et des ânes, notre corps fait soudain appel à nous.

     Jean Bédard

    in Marguerite de Porète

     

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    Nouveaux Délits - Avril 2020 – ISSN: 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits - Coupable responsable : Cathy Garcia Canalès -  Illustrateur : Jean-Paul Gavard-Perret - Correcteur : Élisée Bec

     

     

     

     

     

     

  • Merci, docteur !

     

    "Nos soignants, ces Héros ? Je suis un poil agacée d'entendre partout que nous sommes des héros. C'est encore une manière de chercher à l'extérieur de soi une solution, un réconfort. C'est faire porter aux soignants une responsabilité qui n'est pas la leur, c'est donner son pouvoir à quelqu'un au lieu de trouver le sien à l'intérieur. Nous ne sommes pas des sauveurs. Les soignants font leur travail (dans de très mauvaises conditions, je vous l'accorde) et je pense que pas un n'essaie de le fuir mais le fait parce que c'est la place qu'il a choisie, sans se sentir héroïque, mais responsable. Au lieu de chercher des héros à l'extérieur de soi, il est urgent de le retrouver en chacun de nous. Ce qui me semble tout aussi héroïque, c'est de continuer à sourire en faisant ses courses, c'est de maintenir une atmosphère sereine dans nos foyers, c'est de faire confiance, trouver sa place et trouver un sens. Les éboueurs continuent de ramasser nos ordures, les femmes de ménage nettoient nos hôpitaux, les agriculteurs font pousser nos légumes, les parents élèvent leurs enfants, les artistes créent, la liste est longue.... Trouvons chacun notre place, profitons-en pour en changer si celle que nous avons ne fait plus sens. C'est bien de remercier, c'est même salutaire, c'est bien d'être encouragé mais je vous conseille aussi de vous remercier et vous encourager vous-même. Si chacun prend la responsabilité de son bien-être intérieur, si chacun prend soin de soi, cela aidera les soignants et tous ceux qui prennent soin de vous à la place qu'ils occupent. Quand nous applaudissons le soir à nos fenêtres, applaudissons l'entière communauté, applaudissons chacun d'entre nous pour que nous devenions plus responsables, solidaires, aimants. Devenons tous des héros pour nous-mêmes."

     Magali Roussilhe, médecin généraliste

     

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    © Jean-Paul Gavard Perret

     

     

     

     

  • Dé-camper de Florentine Rey

     

     

    Gros Textes éd.2018

     

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    50 pages, 9 €.

     

     

     

    Avant que ne meure le temps d’aimer, comme le chante Barbara, avant de repeindre ou de redécorer, elle s’est désencombrée de tout ce qu’elle savait ne pas être elle pour tenter d’aller se trouver ailleurs. Seule.

     

    « Elle se croit sans colère.

    Rupture facile, pardon, grandeur d’âme ; elle flaire le mensonge, les bobards de la marchande de chimères, le cœur protégé par des ruses de sioux.

    Sa colère c’est à elle qu’elle l’adresse.

    Son cerveau cède le contrôle à des forces anciennes.

     

    (…)

     

    Son projet : mettre l’essentiel dans une valise et partir le plus loin de la ville, du béton, du plastique, des corps à la mode. »

     

    Elle décampe donc pour aller camper seule dans le sud de la France. Une grande voiture, une tente, un carnet, un crayon. « Une assiette, un bol et trois couverts suffiront. » Une nouvelle tête :

     

    « La crête c’est marrant, typé, mais pas joli. » Dixit sa mère.

    « Toute la violence qu’elle essaie de contenir, elle la porte sur sa tête.

    La coupe WOODY : une coupe de piqueuse de bois vert. »

     

    WOODY à qui le PIVORE viendra tenir compagnie, le pic-vert vorace qui dévore les mots bavards, Maître PIVORE, le juge qui rendra son verdict : coupable de rien du tout, on remballe, on retourne sur la plage, écrivez, circulez.

     

    Trouver ce qu’elle est hors des clichés. Femme ?

     

    « Elle a une jupe dans la tête et les réflexes qui vont avec. Dans ses plis logent des chuchotements de nonnes, des histoires de sorcières, de la rage, de l’enfoui qui fait gonfler les jambes. »

     

    Nomade.

    Le mot la réconforte : perspective d’une identité la moins définie possible. »

     

    Avec Dé-camper, Florentine Rey nous entraîne dans un inner-trip, avec des images, des mots bien à elle, une autodérision qui ne cache pas l’émotion à vif, la névrose, jouer avec les mots jusqu’à trouver la clé de l’énigme de soi, du mal-être. La quête d’une identité qui ne trahirait pas l’être dans sa réalité profonde, abyssale, mais comment émerger de cette mer en soi et affronter le large au-dehors peuplé d’Autres avec qui le contact s’avère difficile, compliqué. Malaise de l’incommunicabilité. Ne pas se noyer : ni hors de soi, ni en soi, sans pour autant chercher à se gaver pour contrer la peur, masquer la faim. Mâcher du chewing-gum, avaler du vide, mais mâcher quand même, mâcher jusqu’à plus de mâchoire, mâcher jusqu’à disparition. Jusqu’à l’apparition de Madame COUJOU, qui boursoufle, grosses joues, gros cou, qui gonfle.

     

    « Elle élève la mâche au rang de drogue » mais « La mâche est toxique, ça devient dangereux. »

     

    « Si elle reste bouche vide ?

    Boucherie dans la bouche ? »

     

    Camper, écrit-elle, c’est rétrécir l’habitation et retrouver de l’espace à l’intérieur de soi pour penser, créer.

     

    « Ce qu’elle veut ?

    Une vraie place dans le monde. »

     

    Assumer la sensibilité et la déployer, la dire, se dire sans retenue, faire une force de ce que le monde lui renvoie comme étant un handicap : elle veut être encore plus sensible, sentir plus fort, en faire quelque chose.

     

    « Elle dévoilera la planque du chasseur au chevreuil et fera témoigner les poules qui vivent à quinze sur un mètre carré de paille. Elle rencontrera des cochons qui souhaitent qu’on ferme leurs yeux avant qu’ils ne meurent. Les asticots lui montreront comment manger les morts. »

     

    Décamper est le journal d’un accouchement d’un soi intégral, l’écriture sert de balancier entre le dehors et le dedans, le trop et le pas assez, tenter le pont de mots pour toucher l’autre sans se mettre en danger, sans creuser plus encore les blessures, celles qui lui donnent envie de se dissoudre, « de débarrasser son corps de tous ses organes, le remplir de sel et l’offrir à la mer ». L’écriture permet de toucher du mot les plaies, leur donner des coups de langue.

     

    Femme-poisson, elle habite un château de sable. (…) Personne ne sait qu’elle creuse au centre du château. Un jour, elle coupera sa queue en deux pour se fabriquer des jambes et fuira par le fond du puits.

     

    Dé-camper un recueil qui dit le pas pareil, la non-évidence de l’être au monde, la quête, la peur, le courage d’aller à sa propre source. Ce n’est pas un recueil de poésie, c’est de la poésie qui sourd d’un recueil au fur et à mesure que la source est désobstruée, c’est fort, c’est fragile, intime et bouleversant.

     

    Cathy Garcia

     

     

     

    rey 2.jpgFlorentine Rey est écrivain, poète et performeuse. Elle est née à Saint-Étienne en 1975. Des études de piano intensives affinent sa sensibilité, lui apprennent l’exigence mais l’isolent. Une année d’hypokhâgne lui fait rencontrer la philosophie. Elle entre ensuite à l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy. À la fin de ses études, elle crée une structure de production artistique où se croisent l’art et la technologie. Six ans plus tard, la nécessité d’écrire et de créer la rattrape. Elle se consacre aujourd’hui à l’écriture et à la performance. Son travail interroge notamment le corps et le féminin. Son site :  https://florentine-rey.fr/

     

     

     

  • Radicelles de Murièle Modély, photographies couleurs de Vincent Motard-Avargues

     

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    préface de Dominique Boudou – éd. Tarmac, 2019. 40 pages, 18 €.

     

    Murièle Modély a trop de talent pour être éditée, je ne me l’explique pas autrement, aussi quand enfin un de ses recueils voit le jour sur papier, c’est vraiment une grande joie que de tenir l’objet où l’écriture devient matière. Et pour une écriture aussi dense, un bel écrin s’impose.

     

    Après la revue Nouveaux Délits qui avait publié « Feu de tout bois », premier opus de sa collection Délits buissonniers, c’est de nouveau un revuiste qui tend la main à la talentueuse poète : Jean-Claude Goiri qui publie la revue FPM et a créé aussi les éditions Tarmac.

     

    Radicelles est un duo, un vis-à-vis où la voix de la poète vient se frotter aux photographies couleurs de Vincent Motard-Avargue tandis que ces dernières entrent en résonance avec cette langue organique et accrocheuse.

     

    On retrouve dans ce recueil, une thématique qui est précieuse à Murièle Modély, quasi obsessionnelle : l’île laissée derrière où sont plantées bien profond des racines lourdes de sang.

     

    « Il te semble entendre encore

    dans le sifflement du vent la déchirure de ton écorce »

     

    L’île, sa langue, son histoire, ses chaînes, sa douleur, ses débordements….

     

    « parl franssé ti fille/parl françé/parl franssais

    ou la bo ékri com ou veu

    tout’zafér la lé roug’, i rempli out tét

    tout’marmaille la lé roug’

    kan zot i aval, kan ou aval

    la mor la mer ek zot doulér »

     

    Français, créole, créole, français, les langues emmaillées tissent cette toile qui semble vouée à se défaire encore et encore.

     

    « on te dit choisis

    choisis ton camp, ta frontière, ton pays

    raye tout le reste, choisis

    pas de place pour à moitié, à demi, choisis

    gratte, arrache, la chair, la peau

    il ne restera plus qu’un peu de rouille sur la photo »

     

    Le poème devient la seule embouchure par où peut s’écouler le bruyant silence imposé, poème, corps, peau, papier.

     

    « tu n’en finis pas de danser

    sur la table

    de jouer du charbon

    de noircir

    écrire, ékrir

     

    (…)

    et des flots de salive qui ramènent dans la montée

    du poème

    ek in pé do sel sur la langue, le soleil »

     

    Nostalgie d’un temps ensoleillé donc où tout coulait de source, sans déchirure :

     

    « quand tu étais enfant, le bonheur était simple

    il tenait dans le creux de tes paumes

    s’écoulait jusqu’à tes dents de lait

    le bonheur mordait tes boucles

    mangeait ton cerveau nu

    puis tu as grandi : tes dents sont tombées

    la sagesse a poussé comme un buis

    a figé son basalte dans ton verre

    a fait taire le volcan et ta lave en fusion »

     

    La mémoire cependant est un creuset où plusieurs générations laissent leurs traces, même infimes, même invisibles, elles demeurent.

     

    « tu ne te souviens pas du mythe initial

    qui te raconte

    combien grinçaient les chaînes dans l’air pesant du soir

    combien le ciel, la terre et la mer étaient noirs

    (…)

    la sueur mangeait leurs yeux

    la moiteur dévorait leur langue

    ils n’avaient pas d’histoires »

     

    Le poème vient colmater les abimes, combattre l’oubli. Et nous lecteurs, gardons en refermant le livre comme la sensation en bouche de ces :

     

    « vers roses

    gras, lourds

    au parfum de coriandre »

     

    et cette main de feu dans les entrailles qui touille ensemble jouissance et douleur.

     

    Cathy Garcia

     

    murièle.jpgMurièle Modély est née à Saint-Denis (île de la Réunion) et vit aujourd’hui à Toulouse. Elle participe à des revues papier ou numérique et a publié quelques recueils : Penser maillée (2012), Je te vois (2014) et Tu écris des poèmes (2017) aux éditions du Cygne, Rester debout au milieu du trottoir, éditions Contre-Ciel (2014), Sur la table, éditions numériques Qazaq (2016), et Feu de tout bois, Délit buissonnier n°1, tiré à part de la revue Nouveaux Délits en juillet 2016.

     

     

     

     

  • Revue Nouveaux Délits numéro 65

     

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    Janvier 2020

     

     

    Une époque qui semble de plus en plus violente, oppressante, rapide, bruyante, voire cacophonique, absurde, déshumanisée trop souvent, et pour inaugurer une nouvelle année, j’ai vraiment ressenti le besoin d’une énergie plus apaisée — non pas que la douceur soit le monopole de la femme bien au contraire, et quelle merveille que la tendresse d’un homme — mais juste débuter l’année avec une énergie plus yin. Une énergie sacrément puissante, qu’on ne s’y trompe pas, comme peut l’être l’eau, mais peut-être plus aisément dans l’intériorité, moins frileuse dans ses émotions, plus sensuelle aussi et reliée à la nature hors et au-dedans de nous. Un numéro de femmes, il y en a eu un seul avant ça, c’était en janvier 2010, donc 9 ans, c’est un bon cycle pour recommencer. Voici donc un numéro offrant différentes couleurs, saveurs et textures en bouche. Femmes poètes, femmes à différentes saisons de la vie. Femme, mère, grand-mère peut-être et fille… Et là je dois vous avouer mon immense émotion et ma grande joie, cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu de délit coup de pouce — c'est-à-dire la publication d’un poète mineur dans la revue ce qui ne signifie par pour autant une écriture mineure, loin de là ! La poésie serait-elle génétique, ou bien serait-elle une sorte de virus que l’on pourrait transmettre par l’éducation ou par amour ? C’est la question que je me pose car pour ce que j’en sais, cela s’est fait sans aucune volonté de ma part, j’en suis la première ébahie et c’est donc avec une grande émotion que j’accueille dans ce numéro mon enfant, qui fêtera ses 17 ans en 2020, comme la revue. Je n’en dis pas plus, je vous souhaite seulement pour cette nouvelle année qui débute, beaucoup de magie, beaucoup de lumière et de la belle obscurité, de celle qui chavire l’âme sans lui faire de mal. Je nous souhaite à toutes et tous, la paix, la sérénité intérieure car on le sait, 2020 ne sera pas un miracle, mais j’ose espérer cependant que quelque chose bouge au cœur même de l’humanité, que quelque chose brille de plus en plus dans nos consciences. J’ose espérer oui et puis 2020, tout le monde l’a remarqué, ça rime avec vin, un bon petit vin de derrière les fagots dans sa belle robe rubis. Allez santé !!

     

    CG

     

     

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    AU SOMMAIRE

     

     Délit de poésie : Danielle Laurent Carcey ; Barbara Le Moëne ; Patricia Castex Menier ; Diane Bifrare ; Zoé Besmond de Senneville ; Cindy Lajournade

     

    Délit coup de pouce : Key Mignot, troubadour onirique

     

     Résonances : Radicelles de Murièle Modély & Dé-camper de Florentine Rey

     

    Délits d’(in)citations décoiffent les coins de pages.

    Vous trouverez la bulletin de complicité au fond en sortant, facultatif mais nécessaire, il compte sur vous.

     

     

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    Illustratrice : Barbara le Moëne

     

     

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    Lorsqu'un soir je rentrais dans la chambre, complètement hagarde, par hasard je me regardais dans la glace. Elle reflétait l'image d'une possédée, sauvage et lubrique, repoussante et fascinante. Échaudée, les yeux enfoncés dans les orbites, la chemise de nuit de travers, le corps sans forme. La voilà la sorcière. Cette créature de la terre, aux instincts dénudés, débridés, avec son insatiable appétit de vie, femme et bête en même temps.
    Mary Wigman

     

     

     

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    Les vrais compagnons, ce sont les arbres, les brins d'herbe, les rayons du soleil, les nuages qui courent dans le ciel crépusculaire ou matinal, la mer, les montagnes. C'est dans tout cela que coule la vie, la vraie vie, et on n'est jamais seule quand on sait la voir et la sentir.
    Alexandra David-Néel
    in Journal de Voyage, Tome 1

     

     

     

    Nouveaux Délits - Janvier 2020 – ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits - Coupable responsable : Cathy Garcia Canalès -  Illustratrice : Barbara le Moëne - Correcteur : Élisée Bec

     

     

     

     

     

  • C’est quoi une femme à quarante-huit ans passés ?

    Quarante-huit ans passés, plus envie de faire semblant. C’est quoi une femme à quarante-huit ans passés ? C’est quoi une femme seule à quarante-huit ans passés ? Plus d’un an que je n’ai pas été touchée dedans, pire encore : ça fait longtemps qu’un homme ne m’a pas donné envie d’écrire.

    J’ai eu l’art de m’être laissée mal choisir. On appelle ça des expériences, mais c’est juste parce que j’ai mis trop longtemps à me rencontrer pour de vrai. Est-ce que quarante-huit ans passés, c’est enfin la maturité ?

    C’est un âge où certain-e-s ressentent le besoin de mentir, mentir sur leurs rêves,  mentir sur leur corps, sur les traces que la vie y a laissé, sur la graisse qu’on a tassé pour se protéger, d’autres justement, n’ont plus envie de mentir. Un besoin de vérité, de nudité, de douceur, d’un authentique jus de vie : être aimé vraiment, aimer vraiment. Avec outrance, avec sagesse, avec puissance, avec lenteur, avec autant de subtilité que d’intensité,  avec du rire et de la poésie, avec de l’audace et du tournis, parce qu’Éros versus Thanatos, là ça ne rigole plus.

    C’est un âge où on se dit que si à vingt ans on avait su tout ce qu’on savait maintenant…  Et on préfère ne rien s’en dire.

    C’est un âge où soudain on n’a plus envie d’attendre, plus envie d’être fidèle à son malheur. Un âge de volcan qui n’a pas dit son dernier mot.

     

    Cathy Garcia Canalès, octobre 2018