Soliflore 82 - (annulé)
photo : cathy garcia canalès
"Vos préjugés sont vos fenêtres sur le monde.
Nettoyez-les de temps en temps, ou la lumière n’entrera pas."
Isaac Asimov
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photo : cathy garcia canalès
"Vos préjugés sont vos fenêtres sur le monde.
Nettoyez-les de temps en temps, ou la lumière n’entrera pas."
Isaac Asimov
Oscar Prudhomme - Rue de la Cathédrale - 2019
L’Être
L’être que tu penses être
Ne m’intéresse pas
Ou si peu
Je m’adresse plutôt à ce naïf
Que tu rabroues sans cesse
À cet idiot dans sa superbe
Qui continue d’alimenter
La flamme
Toi
Cela fait longtemps
Que tu es devenu rentable
Lui
L’autre toi-même
Dont tu ignores toujours le nom
Et qui croupit seul
Dans le cachot de ton cœur
Vibre encore
Sur la musique du monde
Entre tes rêves d’enfant
Et la tristesse
Toi
Le bourreau le tortionnaire
Toi l’esclave
Toi l’arrogant dans son costume
Toi la peur
Lui
L’amoureux le pendu
Lui la tendresse
Lui le poète à ses heures
A n’en pas douter
Lui mon ami
PASSAGE
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photo de l'auteur
pause surréaliste – saison 2 (V)
sous les pavés de pierre de lune rousse c’est une plage de sable fin qui glisse entre les six doigts translucides de l’humanoïde aux mille souvenirs bien ancrés dans sa mémoire cache-cache où s’effleurent des corps célestes munis de lampes hallucinogènes où se bousculent des chimères sans queue ni tête où un quartet de soldats de plume sonne la charge en coulisse sous un ciel de cuivres sous une trompette de neige sous une averse de trombones à piston à double effet de surprise sous une grêle de croche-pieds sous un cyclone polaire de demi-tons en boîte de nuit sous un orage de notes piquées au vif du sujet de la phrase musicale que l’humanoïde claironne dans l’espoir du grand renversement des tables rondes en langue de bois non équitable dans l’espoir du grand effondrement de la tour infernale dans l’espoir d’un nouveau paradigme sans dogmes dans l’espoir de trouver sous les pavés de pierre de lune noire une plage de sable sans fin ni fond
https://bernardbblog.wordpress.com/
©Caroline Roméo (Pépite)
Notes
Accroupie sur le balcon
elle fume une clope
penchée sur un carnet
de notes
des fa des sols des si
et elle fait comme si
elle ouvrait grand les portes
de l’inspiration
au dessus du sol
en quelque sorte
On lui a souvent dit
qu’elle chantait trop mal
alors elle écrit
dans un mode animal
avec des cris
des grognements
hululements
elle écrit comme elle ment
des poésies de pacotille
aux rimes qui brillent
photo ©L.T.
J'ai écrit
Beaucoup
Sur tout et n'importe quoi
Sur ma vie et n'importe qui
Et même sur toi, qui n'existait pas !
J'ai écrit
Parfois
Que la solitude c'était moche
Que ça ne baisait pas bien...
J'ai menti !
Je me suis menti
Tout ça pour quoi ?
Pour rentrer dans un moule beaucoup trop petit
Faire semblant de... Ne plus être soi...
Me perdre, me laisser aller
Me dégoûter de cette chose molle
Toute en douleur et sans joie
Que je suis devenue,
Par choix !
Je n'en veux à personne
Même pas à moi, surtout pas à moi !
Et puis un jour tu le fais, tu te regardes
Pour de vrai !
Et en fait t'es juste morte, t'es plus folle !
Alors
Qu'il soit bon ou mauvais
J'ai fait un choix !
Et je sais
Je sais le mal que j' te fais !
Je la connais
Cette douleur
Cette rancœur
Cette envie de s'arracher cette merde
Qui ressemble à un cœur !
Il paraît que l'amour ça n' dure pas
Ou que ça dure 3 ans...
Bien moins longtemps
Quand ce n'en est pas !
Mais j'ai choisi,
J'ai choisi de me sauver, moi !
Et putain oui, Solitude t'es la plus belle des catins !
Et putain non, tu n'es pas moche et triste.
Tu es une salope en dessous de satin
Pas en blouse blanche qui pue le médecin légiste !
Tu as une odeur que je reconnais...
Tu sens le vent un soir d'été
Tu sens la forêt et la terre brûlée
Tu as ce goût sucré-salé
Qui dans ma bouche la salive fait monter
Tu as l'odeur et la saveur de ma liberté...
Alors non chérie, tu n'es pas laide, viens approche !
Tu me libères, tu me retournes
Tu m' vides, tu m' fais les poches
J' deviens liquide...
Flot ininterrompu coulant de mes doigts
Tu m' fais grimper comme jamais
Orgasmes trop longtemps contenus, oubliés
Explosent enfin autour de moi !
J'ai retrouvé l'envie, bordel !
J'ai retrouvé sur ma langue, le goût du miel
L'envie d'en écrire, l'envie de et je respire !
J'ai écrit
Beaucoup
Mais je n'ai jamais écrit dans l' tiède !
J'écris quand ça fait mal
Ou quand j'ai la dalle !
J'écris quand j'ai les yeux qui brillent
Ou quand tout part en vrille...
J'écris sur les murs, les trottoirs
Ou quand sonne l'heure des messes noires...
J'écris quand j'en crève
Ou quand j'en rêve...
Mais il reste une certitude
J'écrirai toujours avec Solitude.
A mes côtés ou ancrée en moi
Elle sera toujours là !
Alors je la laisse faire ce qu'elle veut
Et je la regarde s'emparer de mes mains
Elle me fouille, elle me fait du bien
Explosion au bord des yeux
Elle me souffle de ne plus me taire
Alors oui, je la laisse faire...
Écris putain ! Écris !
#Marie, elle s'est retrouvée et elle aime ça...
Écoute putain ! Elle rit !
https://www.facebook.com/Marie-Mad-Moi-SAiles-Perch%C3%A9e-1641652899381357/
photo ©Thomas Peschak
nid
sans maîtriser plus ici que demain
le degré d'inclinaison de ton corps
comme un crabe aux pinces claires qui claque au ciel ses lucidités
ses ribambelle de pétards
tu rêves debout
Extrait de Des rives humaines
photo de l'auteur
Magnétisme du large, lanières vives,
cristallines, émouvantes fibreuses
Danses du bord de mer
frivolités, petits airs et bon cœur
Ondes, phases lunaires
Il suffirait de vagues
pour me faire vivre — un jour de plus
D'une lumière — même plus frêle,
sur les épaules
Loge solaire, eaux primordiales
Tout est matière qui se veut songe,
lumière réémise — Oubli
Point d'ultime cendre,
mais rumeur et ressac
Vagues de l'humilité
brisées aussitôt que bâties
Toujours ce même sentiment
de majesté tragique et futile
Splendeur se dérobe,
où je me devais d’être
Présent qui ne cesse d’être
Coulée pleine, interdépendances
préciosité des sens
© Andrew Wieth
Chambre avec vue
Les marmots se défoulaient près des chaudières
Et se roulaient dans les poussières du dernier cercle.
Leur dos déjà voûté supportait leurs ascendants
Dont un pied s'engouffrait en enfer,
L'embonpoint aidant.
La poésie respirait dans le souffle
Des quelques épouvantails encore debout
Et l'hiver esquissait des mots étranges
Dans les couches des premières neiges.
La beauté du songe et l'amour pour l'amour
Surplombaient l'arrière boutique de nos carrières.
Extrait de son premier recueil, Le Ventre de l'hiver, Editions Prem'Edit, à paraître en 2019
D'autres textes disponibles sur la revue en ligne Le Capital des mots
http://www.le-capital-des-mots.fr/2018/05/le-capital-des-mots.html
Pieter Brueghel dit l'Ancien
deuxième des lyres
j’ai égaré des émotions
que tu trouverais nécessaires
je ne sais plus à quoi ça sert
ce paquet de vaines passions
j’ai abandonné même la FIERTÉ
je dois dire que j’en ai presque honte
au dernier soupir je ferai le compte
être fier de quoi ? qui peut m’expliquer ?
se sentir content ça ne suffit pas ?
la fierté c’est la médaille inutile
l’expansion du soi - orgueil imbécile !
manquer de confiance aggrave son cas
j’ai plongé dans un lac par un hiver très rude
pour sauver ces gens qui coulaient dans leur voiture
j’ai pu les ramener gratifiante aventure
- mais pas question de célébrer mon attitude
j’ai fait ce que j’ai fait un secours immédiat
il faudrait des lauriers une couronne d’or ?
un simple sourire est le plus charmant trésor
ce serait largement assez - restons-en là !
une histoire de réussite
et la fatuité du vainqueur
arborer de nobles couleurs
jouer le paon plein de « mérite »
est-ce vraiment ce que l’on veut ?
où avez-vous mis la tendresse ?
nous aider est notre richesse
nous aimer est notre seul vœu
certains sont fiers dit-on d’être nés quelque part
mais ils n’y sont pour rien ! qui pourra le leur dire ?
d’autres de leur projet - s’ils ont pu l’accomplir
c’est que leur santé leur a offert ce pouvoir
ou peut-être la chance - on peut les applaudir
c’est leur son favori bravo pour leurs efforts
ils veulent notre accord
tout cela fait sourire
être fier de ce que tu as réalisé
c’est d’abord t’occuper des choses du passé
mais pas de celui-ci - du passé répété
qui tourne sans arrêt dans son éternité
ça a commencé quand ? il n’y a pas de date
les faits ont bossué un parcours infini
que tu ne peux que suivre au soleil dans la nuit
maintenant ou avant - la frontière est étroite
et tu vas te vanter d’une splendeur antique ?
ça semble dérisoire on n’y comprendrait rien
il faudrait accepter cet incroyable point :
être fier mille fois pour une chose unique
ce serait trop
dédain stupide
mépris sordide
qui sonnent faux
si tu joues ce jeu
avançant dans l’ombre
calculant ton nombre
de gestes glorieux
tu vas t’aveugler
sans t’en rendre compte
et même la honte
devra te laisser
il faut que tu te reconnaisses
que tu poses sur la balance
l’image de ton excellence
ET tes faiblesses - tes prouesses
les plateaux cherchent l’équilibre
aide-les - tu en es capable
jette tes cartes sur la table
il ne tient qu’à toi d’être libre
non je ne suis pas fier je suis parfois content
où donc est mon pouvoir ? il a dû disparaître
je ne le cherche pas je refuse tout maître
respirer calmement me semble suffisant
vivre profondément
toujours prêt à renaître
extrait de l'ensemble "Le son des lyres"
(c)photo de l'auteur
Aimer
La femme est un Temple,
Un lieu sacré à l'image de l'univers,
Un lieu de don de vie, de lumière.
Tu m'as donné un pouvoir
Celui de dédicacer ce sanctuaire.
C'est en toute liberté que je te voue un culte,
Sans liturgie, car tout se crée dans l'instant.
Rien n'est enfermé dans un cadre imposé
L'amour ne peut être emprisonné,
Il vit et se nourrit de chaque instant.
La vie triomphera de tout si nous y croyons,
Elle est pureté comme l'aurore naissante.
Le corps devient une oreille qui écoute l'âme,
Invite-moi au banquet des futures épousailles.
L'absolu du désir ne peut être violence
Il est cette juste certitude qui régit tout.
Cette vérité que l'homme cherche tant
Se situe dans son exacte liberté de conscience.
Allons là où se situe ce secret qui nous anime
Le reconnaître, c'est soulager son cœur.
(c)Alvaro Sanchez
Tu n'as pas d'empreinte
Hormis la cendre
Pas de nom
Excepté celui hurlé entre les dents dont tu es né
- L'injure de l'oubli dans ta gorge
Fore un puits de lave dans ta poitrine
Mais il faut bien s'empreindre d'un avenir -
Tu n'as de nom que celui écrit par dessus
Le tien le leur a eux qui t'appelaient
Par ce nom hurlé entre les dents
Qui devaient te déchirer
Dont tu devais mourir
Pas trace de toi avant que tu t'imprimes
Sur les murs et les pages et les écrans
Avant que tu détournes les voies toutes tracées
Par ton nom et ceux qui te nommaient alors
Vers d'autres lieux vers d'autres corps
Tu n'as d'empreintes
Que dans la cendre de qui tu fus
De qui tu fuis en lui fermant les yeux
Le laissant vivre de son aveuglement
Dans cet ailleurs qui fut toi
photo de l'auteur
elle mue d’arbre en arbre. apparition enlacée au cuivre du soleil. d’une marche lente. jamais à l’abri. majesté venue d’ailleurs. mal de rêveur, son agenda toujours ouvert. contre la pierre entrebâillée qui traîne sous la pluie. son brouillon épuisé de ville. ce quelque chose dans le pain. elle sauvera l’autre rêveur. qu’elle impose. au rythme de l’invisible ciel qui respire l’onde blonde, la présence, le geste libre. elle, la paix. elle anime le « i » d’aimer. se déporte avec le pollen et le vent. part encensée. passage secret. pour nous trouver enfin.
(c)Alison Scarpulla
vagabond,
le sommeil flirtait avec la mort
crises justes, aiguisées
chose des morts
dans l’enfer des buissons !
images cuites des mots,
étoiles baignées d’ivresse…
les mots sucent la poussière
la bête approche
sur le sentier du dire
elle flanne
jusqu’au repère du poème
(…)
les nerfs besognent en terre de douleur
champs malades
l’existence use le poème
ailleurs,
mêmes les rêves meurent…
un sommeil rouillé
un mort lave la nuit
les flaques cassantes
du ciel
drainent les falaises
au hasard des pierres…
illustration de l'auteur
café 2
claque aux doigts
fringué de sa dégaine
coup d'œil qui délimite le territoire
claque la commande
se jette un verre
rituel
claque la langue
coude affirmé
billet désinvolte sur le comptoir
claque le fric
main qui s’impose paternaliste
droit de cuissage
claque la cuisse
le pas irrémédiable qui doit laisser un vide
claque la porte
Patrick Le Divenah a illustré le n°56 de la revue
http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive/2016/12/27/numero-56.html
(c)photo de l'auteur - La Roche-en-Ardenne, août 2018
Revenir à la source
Lumière pure entre les plus hautes déchirures
le vent la pluie la liberté
le chant et le silence
mon beau pays
de joie
Dieter Appelt - self-portrait - 1978
Le miroir te renvoie
des rides nouvelles
qui s’accentuent
avec ton sourire benêt.
Que s’est-il passé
pendant ton sommeil ?
Tu avais pourtant mis
une crème de nuit
dans le gouffre
de tes angoisses…
(c)Lucile Lert
Attaqué de tous les côtés,
Je suis une pile
d’accablement
étoile d’un filant
manque d’espoir
un dévorant
dévoré.
Mais je l’ai dit à votre juge,
amoureux.
J’ai répété, j’ai crié
la secousse
l’ouverture
qui m’habitait.
J’ai tenté la suturation,
J’ai même voulu écrire,
mais je ne suis pas un graveur de roche
Je suis une fumée habile
qui vibre
de toutes parts.
Je ne suis pas un fluide, un flux,
je ne coule pas.
Je suis une fumée en vibration
en expansion.
Mais tu m’assièges,
tu m’assènes
que la porte est fermée
et les clés, perdues
dans un lointain futur;
que nous sommes
une prison en démolition.
(c)Raphaël Fournier
L’ABSENCE
L’absence,
C’est une part de nous
Qu'on a éprouvé dans l’autre
Et qui se respire sans visage
L’absence,
C’est une veine
Qui se frotte à notre démouillée
C’est cet absurde grillé par l'absolu
De vouloir tout garder et grandir
Dans notre fragilité
L’absence,
C’est le satin de la branche
De nos racines
Où l’on ne voudrait que la cambrure
Sans la surface dessoudée
L’absence,
C’est ce voile
Qui trempe notre encre dans sa chair
L’absence,
C’est la terre brouillée
A l’indélébile de notre présent
L’absence,
C’est cette bulle couchée
Aux larmes épuisées de la nuit
L’absence,
C’est cette promesse que le buvard
Se remplira à nouveau
Dès l’aube de sa rosée
L’absence,
C’est ce miroir
Où le cœur se fond dans ses graines
De toiles de silence.
https://www.facebook.com/Anne.B.SOLEIL/
(c) Séverine Portejoie
Sagesse
Elle s'assied au pied d'un chêne centenaire,
Hume l'odeur du temps, fumant sa pipe en bois,
Fait bruisser les feuilles rouges entre ses doigts
Lève les bras, enlace le ciel salutaire.
Elle est le loup solitaire sur son rocher,
Celui veillant sur la meute juste en dessous.
La sagesse est le fil du temps, l'eau, ses remous,
Le ruisseau qui connait la mer et ses dangers.
Elle est dans le souffle du vent, dans les embruns,
Parfume les soupes, le pain des pauvres gens,
Dîne à la table sans nappe des indigents,
Puis, calme les colères de ceux qui ont faim.
Vous la trouverez au creux d'un arbre pourri,
Dans les pommes vertes, dans votre potager,
Dans les cimetières, au détour d'une allée,
Vous parlant de la mort, mais surtout de la vie.
https://www.facebook.com/jean.piet1967/
Christian Halna du Fretay
Prendre le parti du large
sans étroitesse ni a priori
Espérer la tempête
pour se hisser sur la pointe de l’eau
à flux tendu
Braver le ciel
les navires conquérants
et préférer toujours
au monde de terre
les horizons moqueurs
http://fredericvitiello.hautetfort.com
Cézanne - La montagne Sainte-Victoire
À celle qui
Verse l’eau fertile sur les sables de la nuit
Qui barre la route aux vaines encyclopédies
À celle des
Restanques lézardées sous l’effort de mémoire
Celles des
Villages perchés jeunes filles ou grand-mères loquaces
Leurs collines en marche vers des golfes rutilants
À celle des
Oiseaux prénommés de couleurs
Des ravines calcinées et leur bouche plus grave
Celle des
Portraits d’anonymes sous la plume désennuyée
Quand la pensée en panne se cherche un vocabulaire
Celle qui
Souligne les crêtes arpégées d’une glorieuse brume
À celle des
Parapluies emmurés qui désamorce les malheurs
Qui rapatrie dans leur brousse
Les taxis aux cœurs embouteillés
Celle qui
Rive les ciels nocturnes de réverbères-pleines lunes
Pour tous les mécréants qui craignent
Un jour de les voir s’écraser
À celle des
Abris-bus aux sans-abris parasités de matins clairs
Parasités du luxe de l’espoir
À celle qui
Revêt le vent de pardons jaunissants
Quand sous la porte il glisse paupières mi-closes
Celle qui
Garde-barrière se soulève
Quand passent les soleils couchants
À celle des
Volontés puissantes, des barrages défiant les montagnes
Celle des
Garrigues hiérarchisant les parfums les heures
Celle des
Après-midi incendiés de crépitements d’insectes
À celle qui
Écosse les jours et les délie de leur fil spatiotemporel
Celle des
Balustrades-belvédères où s’arrête la parole
Où le regard vient à nouveau tout unifier tout simplifier
Pour mieux partager l’éternité ainsi retrouvée
À celle qui
Coule l’horloge de cire dans nos cerveaux flottants
extrait de Vie d'origami et autres pliages (Édilivre)
https://www.facebook.com/CharlesOrlac/
(photo de l'auteur)
Chaleur suave et étrangeté de ce soir en pointillé
où rôdent les épaves. Que les yeux se plissent
aux immondices, que l'écarlate jaillisse
à l'horizon-délice.
Fais-moi silence pour ne plus voir l'orage et sa robe de plage,
fais-moi absence.
Retenons merveilles aux creux de l'océan,
sablons les courants des étoiles-vermeil
Et d'un ciel de feu, nous peindrons
les oraisons des nouveaux dieux.
Toulouse-Lautrec - La blanchisseuse, Rosa
je ne t’idéalise pas
d’une glaise de mots je sculpte ton retard
je vais t’inverser de couleurs
peau rousse et cheveux lactés d’alpaline
ta langue de feldspath marouflant l’espace de nos bouches
d’un millefeuilles la mienne ruant aux flux de tes secousses
à l’oraison de tes jambes
le rougeoiement des estrans
l’incendie joint à ses couleurs
ta langue de victoire des rapides du monde
ton sexe mont-cratère gorgé de cerises racines
beau de son ignorance pour l’ardeur du jour
pour la cannelle de tes yeux
pour le pluriel ovni de ton regard
belle d’inassouvance
pour ton gypse gitan dont je ne sais la saveur
https://www.facebook.com/scochinard
catania
j’arrive à catania
mais mon cœur est souillé
hésitant
à l’heure de vivre simplement
et tout dans ma vie
à ce goût de l’indifférence sordide
mais j’arrive a catania
qui m’invite à jeter
un verre d’eau fraiche sur mes regrets
pas envie de rire
pas envie de jouir
je tiens trop à mes regrets
et je tisse un monde
où même les ombres doutent de leurs effets
photo prise par l'auteur :
Ernest Pignon-Ernest Pasolini portant sa propre dépouille prise à quelques pas de Campo dei Fiori, Roma
La ballata del Fantozzi - Paolo Villaggio
BALLATA DEGLI INESISTENTI
Potrei tentare di narrarvi
al suono della mia tastiera
come Baasima morì di lebbra
senza mai raggiunger la frontiera,
o come l’armeno Méroujan
sotto uno sventolio di mezzelune
sentì svanire l’aria dai suoi occhi
buttati via in una fossa comune;
Charlee, che travasata a Brisbane
in cerca di un mondo migliore,
concluse il viaggio
dentro le fauci di un alligatore,
o Aurélio, chiamato Bruna
che dopo otto mesi d’ospedale
morì di aidiesse contratto
a battere su una tangenziale.
Nessuno si ricorderà di Yehoudith,
delle sue labbra rosse carminio,
finite a bere veleni tossici
in un campo di sterminio,
o di Eerikki, dalla barba rossa, che,
sconfitto dalla smania di navigare,
dorme, raschiato dalle orche,
sui fondi d’un qualche mare;
la testa di Sandrine, duchessa
di Borgogna, udì rumor di festa
cadendo dalla lama d’una ghigliottina
in una cesta,
e Daisuke, moderno samurai,
del motore d’un aereo contava i giri
trasumanando un gesto da kamikaze
in harakiri.
Potrei starvi a raccontare
nell’afa d’una notte d’estate
come Iris ed Anthia, bimbe spartane
dacché deformi furono abbandonate,
o come Deendayal schiattò di stenti
imputabile dell’unico reato
di vivere una vita da intoccabile
senza mai essersi ribellato;
Ituha, ragazza indiana,
che, minacciata da un coltello,
finì a danzare con Manitou
nelle anticamere di un bordello,
e Luther, nato nel Lancashire,
che, liberato dal mestiere d’accattone,
fu messo a morire da sua maestà britannica
nelle miniere di carbone.
Chi si ricorderà di Itzayana,
e della sua famiglia massacrata
in un villaggio ai margini del Messico
dall’esercito di Carranza in ritirata,
e chi di Idris, africano ribelle,
tramortito dallo shock e dalle ustioni
mentre, indomito al dominio coloniale,
cercava di rubare un camion di munizioni;
Shahdi, volò alta nel cielo
sulle aste della verde rivoluzione,
atterrando a Teheran, le ali dilaniate
da un colpo di cannone,
e Tikhomir, muratore ceceno,
che rovinò tra i volti indifferenti
a terra dal tetto del Mausoleo
di Lenin, senza commenti.
Questi miei oggetti di racconto
fratti a frammenti di inesistenza
trasmettano suoni distanti
di resistenza.
[Scarti di magazzino, 2013]
*
BALLADE DES INEXISTANTS
Je pourrais tenter de vous conter
au son de mon clavier
comment Baasima mourut de la lèpre
sans jamais atteindre la frontière,
ou comment l’arménien Méroujan
sous un flottement de demi-lunes
sentit s’évanouir l’air de ses yeux
jetés dans une fosse commune;
Charlee, qui transvasée à Brisbane
en quête d’un monde meilleur,
conclut le voyage
dans la gueule d’un alligator,
ou Aurélio, nommée Bruna
qui après huit mois d’hôpital
mourut de sidaïe contractée
après s’être battu sur un périphérique.
Personne ne se rappellera Yehoudith,
ses lèvres rouges carmin,
effacées à boire des poisons toxiques
dans un camp d’extermination,
ou Eerikki, à la barbe rouge,
vaincu par l’agitation des flots,
qui dort, récuré par les orques,
sur les fonds de quelque mer;
la tête de Sandrine, duchesse
de Bourgogne entendit la rumeur de la fête
en tombant de la lame d’une guillotine
dans un panier
et Daisuke, samurai moderne,
comptait les tours du moteur d’un avion
transcendant un geste de kamikaze en harakiri.
Je pourrais rester à raconter
dans la chaleur étouffante d’une nuit d’été
comment Iris et Anthia, enfants spartiates
difformes furent abandonnées,
ou comment Deendayal creva de privations
imputables au crime unique
de vivre une vie de paria
sans jamais s’être rebellé;
Ituha, fille indienne,
menacée d’un couteau,
qui finit par danser avec un Manitou
dans l’antichambre d’un bordel
et Luther, né dans le Lancashire
libéré du métier de mendiant,
et forcé de mourir par sa majesté britannique
dans les mines de charbon.
Qui se souviendra d’Itzayana,
et de sa famille massacrée
dans un village aux marges du Mexique
par l’armée de Carranza en retraite,
et quoi d’Idris, africain rebelle,
assommé de chocs et de brûlures
alors qu’indompté par la domination coloniale,
il tâchait de voler un camion de munitions;
Shahdi vola haut dans le ciel
au-dessus des hampes de la révolution verte,
atterrissant à Téhéran, les ailes déchiquetées
par un coup de canon,
et Tikhomir, maçon tchétchène,
s’abîma devant les visages indifférents
sur la terre du toit du Mausolée
de Lénine, sans commentaires.
Des objets de récit
fractures aux fragments d’inexistence
qui transmettent des sons lointains
de résistance.
[Déchets de magasin, 2013]
traduction de Pierre Lamarque
https://independent.academia.edu/IvanPozzoni
Edward Hopper - Chop suey, 1929
Le peintre de la terrasse
Je suis le peintre de la terrasse. Celui qui voit les gens à travers les culs de verres. Celui qui trompe son crayon dans les couleurs de la ville tentaculaire. L’aube et le crépuscule forment ma parenthèse. Avant, après, je disparais. Pendant, j’esquisse, je gribouille, je trafficote, je brouillonne, je mange des cacahuètes et j’observe.
J’observe tout, surtout les bouches. Une bouche guimauve, une bouche bavasse, une bouche pincée, une autre relâchée, encore une bouche triste, beaucoup de bouches tristes ces temps-ci. La bouche, c’est un peu comme le dernier tiroir de la commode, là où on planque son histoire : malléable au fil des récits mais jalonnée de faits essentiels à sa construction. La bouche, c’est la juxtaposition de toutes ces photos du dernier tiroir de la commode. C’est un aboutissement et une cacophonie. Une halle de marché et un grenier rongé aux mites. Et c’est ce que je dessine, la bouche et son histoire. Je m’assieds sur une terrasse chauffée et j’attends que les perles multicolores jaillissent de l’antre aux contes sans fin. Et alors j’esquisse, je gribouille, je trafficote et je brouillonne. Et je mange des cacahuètes. Mon vocabulaire se définit par les formes de ces perles : un elle, un lui, un on, un toujours, un jamais, un éclair, une madeleine ou un verre de cognac. Et parfois, j’ajoute un nuage.
Ça fait beau un nuage entre mes formes, ça fait respirer le dessin. J’ai tout un répertoire de nuages. Pour les colériques, il y a le nuage gros et gris, porteur de pluie et de remords que je dessine toujours en deux parties. Pour les amoureux, il y a le nuage duveteux, léger, effleuré par le soleil ; le nuage rose et violet, bleu et doré. Pour les simples d’esprits, il y a le nuage-mouton qui me plaît parce qu’il me dit que le ciel est toujours une cour de récré. Et puis, pour les gens importants, il y a le nuage pet-de-lapin, le nuage qu’on ose pas assumer, comme si on ne pouvait plus faire des nuages qu’on fumant des cigarettes à la pause. Et on s’efforce de faire le plus de nuages possible, mais le seul qu’on fait vraiment, c’est le nuage pet-de-lapin quand une fois par jour ou par semaine peut-être, on se permet de rigoler de quelque chose qui est drôle, et pas de quelque chose qui est triste. Pour les enfants, je fais quasiment que des nuages, mais dans ce cas, les formes sont des nuages, aussi grand, aussi colorés, aussi variés que les perles de leur imagination, quand par exemple ils expliquent avec leurs mots qu’ils ont vu une fée, une vraie, avec des ailes et qu’elle brillait, et que même s’ils l’ont pas vu longtemps, ils l’ont vu tout de même et maintenant plus de doute, les fées existent bien. Ou quand ils ont vu un gros monsieur se moucher avec un bruit de tonnerre et que le monsieur a regardé dans son mouchoir avant de le ranger, et qu’ils trouvent ça dégoûtant, mais qu’en cachette de leurs parents, ils t’en gobent une en passant, ni vu ni connu.
Je suis le peintre de la terrasse et je m’amuse de leurs vices, de leurs vertus, comme d’une araignée aux poils si longs qu’elle trébuche sans cesse et forme des lambeaux de toile le long de son logis – comme d’un monstre extraordinaire et malicieux, qui entre sans frapper dans vos rêves de vies sérieuses et n’en ressort que lorsque le tour est joué. J’interroge alors mon araignée : Tisse-perle, quel est mon nuage aujourd’hui ?
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(photo : David Moynahan)
Quand
L'océan
S'éloigne
La plage
Se ride
Quand
Il revient
Elle rajeunit
(photo (c)Alain Hugonenc)
(Mimi, 18 cité Besson.)
Elle pleure en pelant des oignons. C'est une occupation précieuse, que trop de gens sérieux négligent. Elle avoue, au passage, qu'un de ses amis médecins, suite à ses recommandations, prescrit désormais à ses patients de peler et manger au moins deux fois par semaine, ses propres oignons. Elle dit ça fièrement, sans fausse humilité. Elle ne fait pas semblant. Il y a longtemps qu'elle n'a plus de prétention. Elle n'a pas de temps à perdre. Elle a 81 ans. Elle a, comme ça, des ordonnances étranges, que personne ne comprend. Elle dit que le monde meurt à cause de ça : des gestes de la main qui disparaissent ou que l'on oublie et des oignons qu'on ne mange jamais assez toute seule. Elle ne va pas plus loin. On n'en sait jamais plus.
Je mange mes oignons, moi. Tous les jours, alors, deux fois par semaine, quand même, vous pourriez faire de même.
Elle mange ses oignons de différentes façons : seule, dans le salon, après les avoir cuits à la vapeur, ou bien couchée dans son lit, coupés en petits dés, qu'elle dispose en cavaliers sur des tartines de beure. Parfois, elle se contente de les dévorer crus, assise en tailleur. Souvent, elle les accommode à une soupe aux orties. Quand elle n'a plus d'idée, elle les fait revenir. Elle dit que c'est moins saint, que c'est au poil, c'est tout. Elle ne s'attarde pas. Elle dit que les oignons, un rien les accompagne, qu'ils se marient à tout, qu’ils s’accommodent toujours, qu'ils sont faciles à vivre malgré nos sautes d'humeurs.
Elle dit que les oignons, c'est l'explication même du sens de l'univers. Elle en est sûre et certaine et selon elle, plusieurs textes sacrés, encore mal traduits, l'approuvent.
Elle fait famille, comme ça, depuis des décennies et des mauvaises décisions, des divorces et des morts avec les Amaryllidacées et les Asparagales.
Encens
Un thé du Luxembourg
Cheveux argentés
Yeux bleus vaporeux
La voix lente et suave de Jeanne
Et son parfum violet
Plus tard
Imprégné de l’odeur de cette rencontre
Retrouvaille remontant les âges
Le sourire solaire d’Alice
De femme à femme
Le chemin est tendre
(c)photo prise par l'auteur