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LA REVUE NOUVEAUX DÉLITS - Page 7

  • Revue Nouveaux Délits numéro 64

     

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    octobre 2019

     

    Je ne sais pas si cela vient de ce mois de septembre qui crépite de tensions, de nervosité ou de mon côté hyperactif, multitâche, de mon cerveau zébré en arborescence, de mon mental de Gémeaux capable de non seulement penser à plein de choses à la fois mais de les faire aussi simultanément, tout en réfléchissant, avec gourmandise, à toutes celles que j’ai envie de faire. Créer chez moi est compulsif, faire du lien aussi, transmettre, partager, pas étonnant que je me sois fait piéger par face de bouc.

    Je ne sais cependant pas si c’est l’afflux incessant de sollicitations, de données, d’informations, de questions exigeant réponse instantanée, qui nous submergent via toutes les nouvelles technologies  — et encore je n’ai pas de portable (je ne suis pas loin de faire partie des derniers des Mohicans). Je ne sais pas si cela vient des individualités de plus en plus selfisées, de la paperasse à n’en plus finir, pire quand elle est dématérialisée, avec ce tsunami d’identifiants, de codes, de mots de passe, de captcha (attention, marque commerciale déposée) et paradoxalement d’un manque croissant de professionnalisme — wow, j’ai vraiment utilisé ce terme ? — en tous les domaines, car peu importe comment et pourquoi les choses sont faites, ce qui compte c’est le fric, le fric, le fric et les plus pauvres de ramer et suer après ou sombrer dans une hyperactivité pathologique (devrais-je consulter ?) et pour bien d’autres, les « élus », c’est le fricot, le régal, la bombance. Ceux-là aussi sont en Enfer, comme Tantale, mais ils ne le savent pas, tant il leur est doux de se gaver, mais plus ils en ont et plus ils en veulent, jamais rassasiés et la planète n’est pas assez vaste, pas assez nutritive pour leur goinfrerie. S’ils aimaient manger de la chair humaine, c’est certain, ils nous dévoreraient littéralement.

    Je ne sais pas si c’est le fait que tant de mes convictions profondes, et qui ne datent pas d’hier, soient aujourd’hui à la une des médias et alors que je devrais m’en réjouir, j’ai pourtant l’impression que cela fait surtout du bruit, de la mode, du tweet et que la meilleure des intentions est récupérée, détournée, avant même d’avoir été énoncée. Je ne sais pas si c’est la sensation de vivre de plus en plus dans un gros fake, une cauchemardesque fête foraine, bien que je fasse partie de celles et ceux — il y en a — qui sont descendu-e-s du manège depuis longtemps.

    Bref, je suis fatiguée et je voulais donc dire que je faisais pour ce numéro, une grève d’édito ! Trop tard ? C’est tout moi, incapable de ne pas faire les choses, surtout quand personne ne m’oblige à les faire. Mais j’avoue, encore une fois, ce fut un plaisir de m’adresser à vous, je suis descendue du manège mais pas du bateau, alors ramons les amis, ramons ensemble et chantons, chantons avec nos voix, nos mots, nos poumons, nos tripes. Et apprécions le silence qui suit, le vrai silence : celui qui nous permet de sentir le battement de nos cœurs à l’unisson. Tant qu’on le peut encore.


    C.G.

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    Il faut faire attention : avoir le vent en poupe, c'est l'avoir dans le cul.
    Pierre Peuchmaurd in Fatigues

     

     

     

    AU SOMMAIRE


    Délit de poésie :

    Hommage à Jean-Pierre Hanniet et ses Poélitiques
    Duo pour les gilets jaunes : Laurent Thines & Cathy Jurado
    Olivier Robert, des extraits d’Accalmie un souffle

    Délit de griot blanc : aphorismes, pensées et un conte rouge du tribun des rues, Jg Tartar(e)

    Délit d’autopromotion : Cathy Garcia Canalès, préface et extraits de Pandémonium II

    Résonance : L’anarchie ou le chaos de Philippe Godard


    Les Délits d’(in)citations arrosent les coins de pages pour lutter contre la sécheresse de la pensée tandis que le bulletin de complicité sifflote au fond en sortant. Il ne va pas tarder à tendre le chapeau.

     

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    Illustrateur : Joaquim Hock

    https://joaquimhock.blogspot.com



     

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    Il n’est personne au monde aujourd’hui qui ne sache à quoi s’en tenir. Et que nous faisons tout ce que nous ne devons pas faire, que nous acceptons tous ce que nous savons ne pas pouvoir, ne pas vouloir accepter, que nous nous laissons tous entraîner en mettant tout sur le compte de la fatalité historique, aussi bien d’un côté que de l’autre… du mur de l’argent.


    Louis Guilloux 
    in Carnets, 5 août 1969

     

     

     

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    Nouveaux Délits - Octobre 2019 – ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits - Coupable responsable : Cathy Garcia Canalès -  Illustrateur : Joaquim Hock - Correcteur : Élisée Bec

     

     

     

     

     

  • Cathy Garcia Canalès - Toboggan de velours & Pandémonium II

    Comme une vaillante petite tailleuse de livres, je vous en sors deux d’un coup ! Et c’est dans la posture du grand écart que je fais moi aussi ma rentrée littéraire, avec deux livres aux antipodes l’un de l’autre : un dur et un doux, un noir et un lumineux, un grave et un léger, un engagé enragé et un tout délicieux sans danger pour le lecteur, ce qui n’empêche l’humour dans le premier avec les superbes illustrations originales de Joaquim Hock — l’Illustre Illustrateur Attitré de cette revue que l’on retrouve aussi avec une vive joie dans ce présent numéro — et de la profondeur dans la légèreté du second : toutes ces nuances humaines.

    Donc, en même temps que Pandémonium II  présenté dans ces pages, paraît aussi Toboggan de velours, qui comme son nom l’indique vous invite à vous laisser glisser les yeux bandés. Poèmes d’atmosphère, douceur, magie, mystère et quelques piquants soyeux d’impertinence. D’un format vertical cette fois de 32 pages et accompagné de collages en couleur de l’auteur.

     

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     « Glissade vers la nuit
    ses rivages de velours
    son écrin de pluie
    toute chaude d'amour
    se saisir de la chair
    y sculpter le plaisir
    descendre vers la mer
    abreuver son désir
    et rejoindre l'Éther »




    En savoir + sur ses deux parutions sur :  http://cathygarcia.hautetfort.com/

     

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    Tous mes livres auto-édités sont fabriqués et imprimés par mes soins, exclusivement sur du papier 100% recyclé haut de gamme.

    Tirages entièrement numérotés.

     

     

     

  • Soliflore 81 - Marc Liênet

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    Oscar Prudhomme - Rue de la Cathédrale - 2019

     

     

    L’Être

     

    L’être que tu penses être

    Ne m’intéresse pas

    Ou si peu

     

    Je m’adresse plutôt à ce naïf

    Que tu rabroues sans cesse

    À cet idiot dans sa superbe

    Qui continue d’alimenter

    La flamme

     

    Toi

    Cela fait longtemps

    Que tu es devenu rentable

     

    Lui

    L’autre toi-même

    Dont tu ignores toujours le nom

    Et qui croupit seul

    Dans le cachot de ton cœur

    Vibre encore

    Sur la musique du monde

    Entre tes rêves d’enfant

    Et la tristesse

     

    Toi

    Le bourreau le tortionnaire

    Toi l’esclave

    Toi l’arrogant dans son costume

    Toi la peur

     

    Lui

    L’amoureux le pendu

    Lui la tendresse

    Lui le poète à ses heures

    A n’en pas douter

    Lui mon ami

     

     

     

     

     

  • Soliflore 79 - Bernard B

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    photo de l'auteur

     

    pause surréaliste – saison 2 (V)

     

    sous les pavés de pierre de lune rousse c’est une plage de sable fin qui glisse entre les six doigts translucides de l’humanoïde aux mille souvenirs bien ancrés dans sa mémoire cache-cache où s’effleurent des corps célestes munis de lampes hallucinogènes où se bousculent des chimères sans queue ni tête où un quartet de soldats de plume sonne la charge en coulisse sous un ciel de cuivres sous une trompette de neige sous une averse de trombones à piston à double effet de surprise sous une grêle de croche-pieds sous un cyclone polaire de demi-tons en boîte de nuit sous un orage de notes piquées au vif du sujet de la phrase musicale que l’humanoïde claironne dans l’espoir du grand renversement des tables rondes en langue de bois non équitable dans l’espoir du grand effondrement de la tour infernale dans l’espoir d’un nouveau paradigme sans dogmes dans l’espoir de trouver sous les pavés de pierre de lune noire une plage de sable sans fin ni fond

     

    https://bernardbblog.wordpress.com/

     

     

     

     

  • REVUE NOUVEAUX DÉLITS, QUÈSACO ?

     

    La revue Nouveaux Délits est née dans le Lot en juillet 2003, sur l'initiative de Cathy Garcia Canalès, artiste et poète elle-même qui assume depuis en solo le rôle de femme-orchestre. La revue, bimestrielle jusqu’en janvier 2008, se décline aujourd'hui en 3 numéros par an, plus un délit buissonnier qui sort le plus souvent en juillet. Nouveaux Délits est une revue de poésie vive, ce qui signifie qu’elle publie beaucoup de poésie contemporaine mais aussi d’autres genres de textes.  Chaque numéro a ses illustrations originales réalisées par un-e artiste. Elle offre une belle place aux écritures marginales, non formatées. Y sont publié-es des autrices et auteurs de France et du monde entier (en version bilingue pour les non francophones), aussi bien connus que jamais encore publiés et tout le monde y est accueilli de la même chaleureuse façon.

     

     

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    52 pages agrafées

    revue artisanale

    imprimée sur papier 100 % recyclé

    cohérence oblige

     

     

    Pour s'abonner voir ici :

    http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/s-abonner/

     

     

    Offrir un abonnement à une revue poétique

    est un cadeau très original

    et sans aucun doute d'utilité publique.

     

     

     

     

     

  • Douces et reconnaissantes pensées pour Jean-Pierre Hanniet

     

    C'est en recevant le dernier numéro des Adex, ce journal poético-artistique du Pays de Valois dont il était avec son épouse fondateur, que j'apprends un peu tard que tous deux sont partis à quatre mois d'intervalle : Carole Harding-Hanniet en octobre 2018 et Jean-Pierre, le 8 février dernier. Je savais pour ce dernier que la santé était devenue fragile mais il y a pourtant des personnes qui sont tellement vivantes, qui mettent tellement en valeur ce mot 'vie", qu'on ne pense pas que cela puisse s'arrêter un jour. Jean-Pierre avec qui j'ai eu l'occasion d'échanger suffisamment pour voir en lui un grand homme, était un fervent soutien de ma revue Nouveaux Délits et de mon écriture par ailleurs, un soutien fidèle et discret. Nul doute que son voyage continue et que sa bonté continue à œuvrer, car rien ne se perd, tout se transforme et j'aime à croire que le meilleur de nous-mêmes est justement notre part d'immortalité.

    Merci Jean-Pierre de tout cœur !

     

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    Jean-Pierre HANNIET, né en 1937, élève de l’Ecole Normale d’Instituteurs de Beauvais, fera sa carrière d’instit dans le Valois. Il y animera diverses associations culturelles, une revue de poésie “Banderille” avant de se consacrer à une vie politique militante. Elu Conseiller général de l’Oise en 1970, il exercera des fonctions électives diverses vingt cinq ans durant et initiera des ouvrages scolaires consacrés à l’éducation civique, publiés chez Bordas. Il fonde en 1995 Les Adex.

    Collections Tempoèmes :
    « Les poélitiques » – © Les Adex 2006
    « Sillages » – © Les Adex 2003
    « De haut et de travers » – © Les Adex 1997
    « Au fil de mes temps » – © Les Adex 1997

    Collections Graphipoèmes :
    « Couleur Safran » — Les Adex 2008
    « Paroles Bleues » — Les Adex 2001
    « Saisons de platanes II » — Les Adex 2001
    « Saisons de platanes » — Les Adex 1999 (épuisé)

    Associé à Lucas-Faytre dans la séries Les carnets qui rêvent : « Nus à la Grande Chaumière » – © ADAGP 2012

    http://www.lesadex.com/

     

     

     

  • Soliflore 78 - Pierre Melendez

     

     

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    ©Caroline Roméo (Pépite)

     

     

     

    Notes

     

    Accroupie sur le balcon

    elle fume une clope

    penchée sur un carnet

    de notes

    des fa des sols des si

    et elle fait comme si

    elle ouvrait grand les portes

    de l’inspiration

    au dessus du sol

    en quelque sorte

    On lui a souvent dit

    qu’elle chantait trop mal

    alors elle écrit

    dans un mode animal

    avec des cris

    des grognements

    hululements

    elle écrit comme elle ment

    des poésies de pacotille

    aux rimes qui brillent

     

     

     

  • Soliflore 77 - Magali Fenoglio

     

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    photo ©L.T.

     

     

     

    J'ai écrit
    Beaucoup
    Sur tout et n'importe quoi
    Sur ma vie et n'importe qui
    Et même sur toi, qui n'existait pas !
    J'ai écrit
    Parfois
    Que la solitude c'était moche
    Que ça ne baisait pas bien...
    J'ai menti !
    Je me suis menti
    Tout ça pour quoi ?
    Pour rentrer dans un moule beaucoup trop petit
    Faire semblant de... Ne plus être soi...
    Me perdre, me laisser aller
    Me dégoûter de cette chose molle
    Toute en douleur et sans joie
    Que je suis devenue, 
    Par choix !
    Je n'en veux à personne
    Même pas à moi, surtout pas à moi !
    Et puis un jour tu le fais, tu te regardes
    Pour de vrai !
    Et en fait t'es juste morte, t'es plus folle !
    Alors
    Qu'il soit bon ou mauvais
    J'ai fait un choix !

    Et je sais
    Je sais le mal que j' te fais !
    Je la connais
    Cette douleur
    Cette rancœur
    Cette envie de s'arracher cette merde 
    Qui ressemble à un cœur !
    Il paraît que l'amour ça n' dure pas
    Ou que ça dure 3 ans...
    Bien moins longtemps
    Quand ce n'en est pas !
    Mais j'ai choisi, 
    J'ai choisi de me sauver, moi !

    Et putain oui, Solitude t'es la plus belle des catins !
    Et putain non, tu n'es pas moche et triste.
    Tu es une salope en dessous de satin
    Pas en blouse blanche qui pue le médecin légiste !
    Tu as une odeur que je reconnais...
    Tu sens le vent un soir d'été
    Tu sens la forêt et la terre brûlée
    Tu as ce goût sucré-salé
    Qui dans ma bouche la salive fait monter
    Tu as l'odeur et la saveur de ma liberté...

    Alors non chérie, tu n'es pas laide, viens approche !
    Tu me libères, tu me retournes 
    Tu m' vides, tu m' fais les poches
    J' deviens liquide... 
    Flot ininterrompu coulant de mes doigts
    Tu m' fais grimper comme jamais
    Orgasmes trop longtemps contenus, oubliés
    Explosent enfin autour de moi !
    J'ai retrouvé l'envie, bordel !
    J'ai retrouvé sur ma langue, le goût du miel
    L'envie d'en écrire, l'envie de et je respire !

    J'ai écrit
    Beaucoup
    Mais je n'ai jamais écrit dans l' tiède !
    J'écris quand ça fait mal
    Ou quand j'ai la dalle !
    J'écris quand j'ai les yeux qui brillent
    Ou quand tout part en vrille...
    J'écris sur les murs, les trottoirs
    Ou quand sonne l'heure des messes noires...
    J'écris quand j'en crève
    Ou quand j'en rêve...

    Mais il reste une certitude
    J'écrirai toujours avec Solitude.
    A mes côtés ou ancrée en moi
    Elle sera toujours là !
    Alors je la laisse faire ce qu'elle veut
    Et je la regarde s'emparer de mes mains
    Elle me fouille, elle me fait du bien
    Explosion au bord des yeux
    Elle me souffle de ne plus me taire
    Alors oui, je la laisse faire...
    Écris putain ! Écris !
    #Marie, elle s'est retrouvée et elle aime ça...
    Écoute putain ! Elle rit !

     

     

    https://www.facebook.com/Marie-Mad-Moi-SAiles-Perch%C3%A9e-1641652899381357/

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Christian Saint-Paul à propos du n°62

     
    Reçue hier, cette lettre d'infos de Christian Saint-Paul pour parler de son émission de janvier sur Radio Occitania où il avait accueilli Marc Tison pour parler de son dernier livre, Des nuits au mixer et où il est question également du numéro 62 de la revue, merci à tous les deux pour vos mots qui m'ont fait très chaud au cœur, on peut écouter l'émission ici :

     "Aider à trouver le chemin

    Heureux d’avoir, dans le sommaire de l’émission du jeudi 24 janvier 2019, deux artistes : Cathy Garcia Canalès et Marc Tison, qui œuvrent avec la même passion, dans la générosité, pas celle qui fait le spectacle, celle, nous dit Cathy, qui vient de ce « virus de sagesse que rien ne peut arrêter afin que le principe d’équité devienne partout et en tout, une évidence » et elle cite ces vers d’un poème de Louis Calaferte : « ... Le monde est en nous tous, ou rien. [ ...] Si l’autre n’existe pas, vous n’existez pas non plus ».

    « Nouveaux Délits » revue de poésie vive qu’anime Cathy Garcia Canalès, avec son n° 62 paru en janvier 2019, nous offre encore une fois, un bel objet (mise en page, illustrations), des auteurs à découvrir qui se révèlent d’un grand intérêt ; je n’ai pas résisté à lire à l’antenne le poème de Guillaume Simon « Lisbonne », cette ville qui, peut-être, résistera au gigantisme des tours vaniteuses et demeurera une ville à hauteur d’homme.

    (…)

    Cette préoccupation authentique de l’autre, cette curiosité bienveillante sur son prochain ou son lointain, Marc TISON l’a, chevillée au corps.
    A l’antenne, il dit sa complicité et son admiration pour sa sœur d’armes en poésie, Cathy, lui qui a fait partie des sommaires de « Nouveaux Délits ».


    Marc Tison, après « Des abribus pour l’exode » (éd.Le Citron Gare, 10 €) revient à Radio Occitania présenter son nouveau livre « des nuits au mixer » (La Chienne Edith éd. collection Nonosse, 112 pages, 10 €).

    La poésie de Marc Tison est une poésie de combat.

    L’ennemi est l’ennemi de classe. Une poésie à la critique sociale sous-jacente. Le paradoxe de notre époque si pourvue en médias, s’insurge ce poète né dans le Nord de la France, entre les terrils et les usines, est que le dialogue a disparu. Or, la poésie est un objet de discussion humaine.

    Celui qui a assisté aux ravages de la désindustrialisation sauvage - 10 000 emplois disparus en 4 ans dans sa région natale - a vu ses amis, ses voisins, ses semblables, « perdre leur dignité », car « quand une usine disparaît, on laisse les gens sans rien. En réalité, on les assassine en même temps », assène Marc Tison.

    Une prise de conscience qui n’en finit pas de nourrir ses poèmes.

    Marc Tison s’est installé en Occitanie, dans le Tarn. Auparavant, il a fait l’expérience de la vie, explorant bien des domaines - chanteur dans des groupes mais aussi chauffeur poids lourd - pour être toujours « engagé dans le monde car il y a une résistance à la misanthropie ».

    Il faut l’écouter dire, parfois hurler, ses poèmes en prise directe avec une représentation du monde qui est celle d’un poète. Cette contemplation du monde ne peut être passive chez cet artiste, elle suscite une émotion, prélude à une révolte qui s’accomplit dans la langue avec les mots familiers, parfois triviaux.

    Les idées reçues.
    Ça laisse d’horribles hématomes
    Autour des yeux
    Les côtes
    Le bas ventre


    Sur la population des oiseaux
    La pureté de l’air que l’on respire
    Sur les migrations forcées des gens en peine
    Sur le partage des richesses


    Et la fraternité populaire




    Ça floute l’idée que l’on a de soi
    Ça réduit le monde à sa défaite

    Et l’espoir qui devient des colères

    Pour la rupture gordienne
    Molotov garde la symbolique intacte


    C’est ainsi qu’il donne corps et consistance à son état de malaise, confusément ressenti à leur manière, par ses contemporains, qui peuvent alors mettre des mots sur leur mal être, mais aussi entrevoir une possible échappée.


    Peu avant son suicide, Paul Celan avait reçu une lettre d’Ilana Shmueli qui lui disait :  « Accepte l’idée qu’il existe un chemin et accepte si possible aussi que je t’aide un peu à le trouver. »



    C’est également cela, la vocation du poète : aider à trouver le chemin."


     
    Vous pouvez écouter cette émission diffusée pour la première fois le 19 janvier 2019 en cliquant sur : 
    https://lespoetes.site/son/2019/2019-01-24%20marc%20tison.wma

     

     

     

  • Ne tournez pas la page de Seray Şahiner

     

    traduit du turc par Ali Terzioğlu & Jocelyne Burkmann

    Belleville éditions, 13 avril 2018

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    160 pages, 17 €.

     

     

    Voilà un vrai livre coup de poing et une voix qui va forcément marquer la littérature contemporaine turque. Dans ce roman noir et caustique qui démarre sur ces mots : « Elle fait le saut de la mort avec sa fille », l’héroïne de Seray Şahiner raconte sur un ton désabusé, faussement léger et avec un humour redoutable — celui des désespérés — l’enfer banalisé de son parcours de femme dans la ville d’Istanbul.

     

    Arrivée de la campagne avec sa famille qui l’exploite, violée par son patron qui la met enceinte, abusée par celui qu’elle pensait aimer, vendue par sa famille puis violée encore et tabassée quotidiennement par son riche, vieux et alcoolique mari, tel semble être le destin de Leyla Tasçı. 

    « Mon oncle m’avait prévenue : quand il ne s’avinait pas, mon mari était un homme bon. Qu’est-ce que j’en sais ? Je ne l’ai jamais vu sobre… […] Le premier mois mon mari ne m’a pas battue. Ça doit être ce qu’on appelle la lune de miel. »

     

    Et « au-delà d’un certain point le dégoût se transforme en indifférence ».

     

    Telle est donc la vie de Leyla Tasçı à l’image de celle non fictionnelle de tant d’autres femmes, juste une vie ordinaire avec une violence ordinaire qui ne se cantonne pas à la société turque. Dans cette descente aux enfers que rien ne semble pouvoir arrêter, Leyla Tasçı va cependant puiser la force de relever la tête dans un ultime élan de survie, cette force des femmes à qui il reste une miette de dignité pour vouloir à tout prix éviter à leurs filles de subir ce qu’elles subissent. Il n’est pas tant question de courage que de vie ou de mort, quand le contexte familial, conjugal et culturel qui les opprime ne leur laisse plus d’autre choix que de tuer ou être tuée. Et Seray Şahiner, à travers son personnage inspiré par Fille de…, une nouvelle de Serap Uluyol, décrit admirablement le funeste et implacable engrenage qui peut réduire une femme à néant dans une société qui sait se faire sourde et aveugle au nom du mari, du patron et du père avec la complicité silencieuse et résignée de trop nombreuses mères.

     

    Le mécanisme de destruction est rendu ici à la perfection avec une crudité et un réalisme féroce. L’impertinence et l’éclatante liberté de ton que l’auteur prête à son personnage, donne à ce roman une dimension clairement engagée. Ne tournez pas la page — en écho, il semble que l’on pourrait entendre aussi : « ne tournez pas la tête » — est un roman de révolte, un roman qui dénonce, qui interpelle et qui ne peut laisser indifférent, il a clairement une vocation et quand on a tourné justement la dernière page, le mot féminisme a repris des couleurs et on repense à Rebecca West qui en 1913 écrivait : « Je n'ai jamais réussi à définir le féminisme, tout ce que je sais, c'est qu'on me traite de féministe chaque fois que mon comportement ne permet plus de me confondre avec un paillasson.»

     

    Cathy Garcia

     

     

     

    BAT-couverture-coiffure-seraysahiner.jpgSeray Şahiner est née à Bursa en 1984 et a grandi à Istanbul, où elle a fait des études de journalisme. Elle a collaboré à bon nombre de journaux et fanzines turcs, a été correspondante pour Marie-Claire et a également écrit des scripts pour la télévision. Ses romans ont attiré l’attention du public lors du Yasar Nabi Nayır Short Story Competition organisé par le Varlık literary magazine, grand magazine turc.

     

     

     

     

     

     

  • Zoartoïste (suivi de Contes Défaits en Forme de Liste de Courses) de Catherine Gil Alcala

     

    éditions La Maison Brûlée, 28 novembre 2016

     

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    Théâtre et poésie, théâtre poétique et poésie théâtrale, il faut ici lâcher la rive du connu. Certains renonceront de suite, d’autres oseront plonger au cœur du maelström. Ce n’est pas de lire qu’il s’agit ici, mais d’expérimenter un état de conscience éclatée, une transe, un démembrement de la raison, qui nous culbutent. Manipulant dans son grand chaudron — visions, rêves, mythes et symboles, qu’elle touille comme prise de démence —, Catherine Gil Alcala convoque la magie des mots pour pulvériser le réel et nous faire voir à travers le miroir ce qui est de l’ordre — ou plutôt du désordre — du grand chaos universel. Pythie au verbe noir et flamboyant, elle pousse les mots à leur paroxysme pour nous faire basculer de l’autre côté, du côté du grand rire salvateur, où rien n’est sérieux, tout est primordial. Et chaque scène se nomme d’ailleurs non pas scène, mais miroir.

     

    L’onde radiophonique qui traverse l’univers, Grand négateur limonade, Le Mort, Les fils de l’orage, Maman tintamarre, Samsara bondissant, Le jongleur dans l’horloge, Les mantras du vent, sont quelques-uns des personnages de ce théâtre fou. Fous comme peuvent l’être les Clowns sacrés. Et Zoartoïste au centre du théâtre déclare : « Les paroles innommables clouent des sortilèges dans le ciel. Des nations en marche me piétinent sur la pointe des pieds en remontant leur montre dans un battement de cœur synchronisé. (…) Je tourbillonne dans les vents qui font rouler la roue de toutes les vies… allant et venant du sentiment océanique à la déréliction du vieillard et du nouveau-né dans l’intimité glaciale de la mort… » Zoartoïste et on entend aussitôt zoo, art, taoïste, Zohar même mais aussi Artaud. « Zoartoïste… prononce une voix de noyé dans un rêve, c’est le nom d’une divinité animale du monde archaïque ou d’un démiurge industrieux dans la dent creuse d’une caverne tellurique. » Et Les Fils de l’Orage, quand ils s’adressent au Mort, lui disent : « L’écho du tonnerre retentit, les enfants jouent le rite tape-pierre de l’orage. La fin et le début du temps s’enroulent et se déroulent simultanément sur l’axe des pôles. Un sifflement sourd tout le jour t’enfonce sous la terre des ancêtres. (…) Une jouissance t’étrangle, la peur de ta propre annihilation, comme une amante jalouse, t’embrasse trop fort. »

     

    Le texte gicle comme un fruit mûr, parfois même au bord de la décomposition, riche de ses sucs, parfois poisseux et toujours enivrants, hallucinatoires.

    Quand La Femme déracinée parle, elle raconte : « Le soleil se lève sur la sidération du paysage dévasté, les rats et les goules aux dents longues accourent au dîner des cendres. (…) Je suis devenue une âme errante au corps de nuage, je rencontre tour à tour chacun des esprits qui zozotent en dansant sur le fil de la nuit, mes amis sont les oiseaux-mouches et tous les êtres minuscules. »

     

    Et la Tête coupée révèle : « La plage blanche silencieuse de l’état mental parle à travers la bouche ouverte des poissons… quelque chose a été oublié au fond de la mer pendant la traversée des morts… » L’Agonisant lui a jeté les clés de sa maison dans le puits et a mis ses lunettes noires pour aller se promener tout le long de la nuit. L’Onde Radiophonique qui traverse l’univers dit qu’il est possédé et que « mille minutes saoules tournent à l’envers ». Baron Kriminel bat les cartes et les vévés coulent des doigts des esprits. Celui qui en sait un peu sur le vaudou reconnaîtra sans doute le Baron Samedi avec son chapeau haut de forme. Et d’ailleurs, Catherine Gil Alcala n’est-elle pas un peu possédée aussi par toutes ces voix, qu’elle convoque d’un tour de plume ? « Nuage cheval, ton galop glisse, icône hallucinée… »

     

    Lecteur, pour lire ce livre, mieux vaut déposer, en entrant, ta raison dans la benne aux encombrants. La comédienne-poète-chamane t’invite dans un grand jeu sacré. Rite des morts et des renaissances, Le Jeu de l’Univers.

     

    Cathy Garcia

     

     

    IMG_6401_redim500.jpgCatherine Gil Alcala est auteure, metteur en scène, performeuse. Elle a longtemps navigué entre la poésie, le théâtre, la musique, les arts plastiques... Expérimenter en toute liberté pour traduire le langage de l'inconscient, de la folie... qui sont ses thèmes de prédilection. Deux créations en 2000 sur des trames oniriques dans un théâtre essentiellement d'images : Coquillage, en écoutant son sang couler dans son corps à la galerie Les Filles du Calvaire et au Lavoir Moderne Parisien, et Zoartoïste à la galerie Eof. Puis elle collabore avec Ioan Marinel, musicien tzigane, sur des improvisations et des musiques traditionnelles, et sur des créations de théâtre musical : Je, soussigné, doute... sur des textes d'Adolf Wolflï et De l'éternité et du temps, entremêlant des textes de Plotin en grec ancien et des glossolalies. Depuis quelques années elle privilégie l'écriture. Notamment, elle écrit et met en scène son long poème érotique et surréaliste Maelström excrémentiel au théâtre Les Déchargeurs, puis au festival d'Avignon, et sa pièce sur la folie créative Lorsqu'un homme sait tout à coup quelque chose qu'il ne devrait pas savoir. James Joyce fuit au 59 Rivoli, dans le cadre des Nuits Blanches. Elle conçoit une expo-performance de poupées et de poèmes Doll'art ou les Épopées de Pimpesouée et des performances musicalo-poétiques avec ses aphorismes Les contes défaits en forme de liste de course, au Musée du Montparnasse et dans le cadre du Printemps des poètes.

    Elle écrit Une nouvelle ville, vie... dans le cadre du « Bocal Agité » à Gare au Théâtre. En 2015, elle publie aux Éditions de la Gare Une Nouvelle ville, vie... dans l'ouvrage collectif Bocal urbain / Vivre la ville demain, et aux Éditions La Maison brûlée : James Joyce Fuit... Lorsqu'un homme sait tout à coup quelque chose suivi de Les Bavardages sur la Muraille de Chine, en janvier 2016 : La Tragédie de l'Âne suivi de Les Farces Philosophiques, en novembre : Zoartoïste et autres textes, en juin 2017 : La Somnambule dans une Traînée de Soufre.

    http://www.lamaisonbrulee.fr/

     

     

     

     

     

  • Soliflore 75 - Grégory Pichot

     

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    photo de l'auteur

     

     

    Magnétisme du large, lanières vives,

    cristallines, émouvantes fibreuses

    Danses du bord de mer

    frivolités, petits airs et bon cœur

    Ondes, phases lunaires

    Il suffirait de vagues  

    pour me faire vivre — un jour de plus

    D'une lumière — même plus frêle,

     sur les épaules

    Loge solaire, eaux primordiales

    Tout est matière qui se veut songe,

    lumière réémise — Oubli

    Point d'ultime cendre,

    mais rumeur et ressac

    Vagues de l'humilité

    brisées aussitôt que bâties

    Toujours ce même sentiment

    de majesté tragique et futile

    Splendeur se dérobe,

    où je me devais d’être

    Présent qui ne cesse d’être

    Coulée pleine, interdépendances

    préciosité des sens

     

     

     

     

     

  • Nouveaux Délits n°63

     

     

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     Avril 2019

     

     

    Une des solutions, peut-être, serait d'oser prendre le risque de la dégringolade sociale. Oser l'humiliation, oser être considérés comme des merdes, mais refuser radicalement d'être complices d'un système aussi arbitraire, stupide et mortifère que le nôtre, humains du XXIe s.

     

    Faire autre chose, autrement, librement, modestement, même si ça veut dire être dans la galère. Trop nombreux sont ceux qui ont peur de chuter dans la pauvreté (la grosse tache qui nous désigne comme honteux) et donc la plupart se taisent, ravalent, se bouchent les écoutilles, au pire ils deviennent désabusés et cyniques ou se cherchent des boucs émissaires sur lesquels faire refluer toutes leurs frustrations, mais ils continuent à faire des boulots pourris qui pourrissent la terre, leur vie, leur âme ; se rendent complices de ce qu'ils dénoncent même parfois, mais n'osent pas lâcher prise, dire non. Pour compenser, ils consomment, consomment, parce que c'est la seule récompense à leur résignation, leur compromission, la mort de leurs rêves interdits, consommer toujours plus.

     

    On peut aller dans la rue autant qu'on voudra, mais tant qu'on n'osera pas être autrement, qu'on n’osera pas essayer autrement, vivre autrement, pas plus tard, ni demain, mais là, maintenant, immédiatement, en assumant le risque d'y perdre gros sur le plan matériel pour être en phase avec notre être profond, le plus authentique — un risque qui, tant qu'on sera si peu nombreux à le prendre, est un risque réel : celui d'y perdre gros sur le plan de la reconnaissance socioprofessionnelle, sur le plan des apparences pour la famille, les amis, les voisins, à ses propres yeux formatés par une idée de la réussite totalement biaisée... — tant qu'on n'osera pas ce pas, ce pas qui, en nombre, pourrait vraiment être le premier pas vers un nouveau monde ; tant qu'on n'osera pas dire "I quit", alors rien ne changera, tout empirera.

     

    L'action qui porte à conséquence, c'est celle que l'on fait là où on est et en tant que nous-mêmes, individuellement, dans tous les aspects de notre vie : désobéir chaque fois que ce qu'on nous demande, nous impose, nous colle dessus, n'est pas juste, n'est pas viable, n'est pas défendable pour nous-mêmes comme pour les autres ici et loin ailleurs, pour la planète, pour les générations à venir.

     

    Désobéir, c'est se réveiller, avoir ce courage-là car cette sacro-sainte avidité matérielle nous mène droit dans le mur pour le confort et la satisfaction (égoïste est un faible mot) d’une microminorité. La vraie solidarité, l'entraide, l’humanité, on les découvrira quand on aura franchi ce pas là, en nombre... Je suis pour le gilet troué et maintes fois reprisé, le gilet fait de bouts de tissus rapiécés comme un Boro japonais : la guenille magnifiée.  

     

    C.G.

     

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    AU SOMMAIRE

     

    Délit de poésie :

     

    ֍ Estelle Cantala

    ֍ Majead At’Mahel : extraits de Sentimentale barbarie

    ֍ Gaël Guillarme : extraits dUne étoile entre les dents

     

    Délit d’enthousiasme en milieu hostile : Jacques Kindo

     

    Délits courts : Michèle Krakowski vous fera sourire mais non sans inquiétude

     

    Délit philosophico-félin : Extraits de Zébulon ou le chat de Maëlle Levacher

     

    Résonance :

     

    • Zoartoïste (suivi de Contes Défaits en Forme de Liste de Courses) de Catherine Gil Alcala, éditions La Maison Brûlée, 2016.

     

    • Ne tournez pas la page de Seray Şahiner, traduit du turc par Ali Terzioğlu & Jocelyne Burkmann, Belleville éditions, 2018.

     

    Délits d’(in)citations en pleine floraison insouciante tandis qu’un nouveau bulletin de complicité au fond en sortant dit que l’étau se resserre.

     

     

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    Illustrateur : Pierre Rosin

     

    Vit près de Poitiers. Peintre à l'huile, en images numériques et en poésie. Ses lignes s’entremêlent, s’agrippent les unes aux autres et finissent par représenter un personnage. Parfois il s'y accroche des mots. La mise en forme, le passage à la couleur, sont réalisés sur ordinateur. Si le modèle obtenu s’y prête, il est transposé sur toile et peint traditionnellement à l’huile. Il expose ensemble ou séparément ses images et ses poèmes qu'il a regroupés dans deux recueils de poésie peinture : jardin doux et amers et courbure. Il a illustré plusieurs recueils de poésie. Ses poèmes paraissent en revue et un reste de beau pour le reste des jours suivi de je émigration a été édité chez À l'Index en fin 2018. On peut le lire dans le n°60 de la revue (avril 2018). http://www.pierrerosin.fr/

     

      

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    Une plante mal approchée avec désir ou colère, se dissimule à nos yeux. Nous devons parler à la nature. Demander avec humilité permission aux plantes et aux fleurs de les toucher. Elles donnent lumière. Elles donnent lumière et fragrance à ceux qui communiquent avec elles.

     Krishnamurti

     

     

     

  • Qui a fait le monde ?

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    illustration : Pierre Rosin

     

    Qui a fait le monde ?

    Qui a fait le cygne et l’ours noir ?

    Qui a fait la sauterelle ?

    Je veux dire cette sauterelle-ci — celle qui a bondi hors de l’herbe,

    celle qui mange du sucre au creux de ma main, qui bouge ses mandibules de gauche à droite, plutôt que de haut en bas  —  qui regarde autour d’elle avec ses énormes yeux compliqués.

    La voilà qui lève ses pâles avant-bras et se nettoie soigneusement la tête.

    La voilà qui déploie ses ailes, et s’envole au loin.

    Je ne sais pas exactement ce qu’est une prière.

    Mais je sais comment prêter attention, comment tomber dans l’herbe, comment m’agenouiller dans l’herbe, comment flâner et être comblée, comment errer à travers champs,

    ce que j’ai fait tout au long de la journée.

    Dis-moi, qu’aurais-je dû faire d’autre ?

    Tout ne finit-il pas par mourir, trop rapidement ?

    Dis-moi, qu’entends-tu faire de ton unique, sauvage et précieuse vie ?

     

    Mary Oliver (1935 - 2019)

     in La journée d’été

     

     

     

  • Je danse encore après minuit de Florentine Rey

     

    Gros Textes, 2017

     

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    60 pages, 9 €

     

    La première fois que j’ai lu Florentine Rey, c’était dans la revue Traction Brabant et aussitôt son nom est resté. Elle m’avait envoyé des textes pour la mienne de revue, mais en début d’année mon ordinateur est mort en les emportant avec lui, aussi ce fut un vrai plaisir de recevoir un recueil entier de Florentine, publié par ce cher Yves Artufel et ses éditions Gros Textes.

     

    Florentine Rey est de ces magiciennes qui distillent en secret dans leur cuisine la poésie du quotidien, une bonne eau de vie qui vous arrache la gorge en passant, mais vous réchauffe le ventre. Pas besoin d’aller chercher on ne sait quels fruits rares ou épices coûteuses, tout est là sous la main, y’a qu’à faire avec, mais ce n’est pas si facile que ça de faire de la gnole buvable avec le gris des jours. Cela permet par contre, indubitablement, de danser encore après minuit, comme dit dans le titre du recueil avec un clin d’œil appuyé à Cendrillon. La nique aux douze coups, à ce qui veut nous enfoncer, nous maintenir dans les cases obligatoires et le poème d’ouverture a déjà tout dit :

     

    Il fait un petit peu froid

    on va

    un petit peu rentrer

    dans notre

    petite maison

    on fera

    un petit feu

    on préparera

    un petit repas

    on parlera

    de nos petits projets

    le mien

    c’est de tout faire péter.

     

    Voilà. Et les munitions, elles sont là, bien rangées dans un livre, mais méfiez-vous des poètes, surtout quand elles sont femmes et qu’elles viennent vous parler du « désordre ordinaire », vous canardent avec de l’énergie pure. « Ça sonne ! C’est l’heure ! Laisse-moi faire, je peux me démouler toute seule. »

     

    Ce qui caractérise ces héroïnes de l’ordinaire, c’est leur humour tout aussi féroce que leur lucidité.

    « La voie est libre, elles peuvent foncer, les chaussures, toutes dans la même direction, toutes dans le mur. »

    Le proverbe japonais qui dit « Sept fois à terre, huit fois debout » est fait pour elles. Fatigantes, amoureuses, désespérées, combattantes, bonnes comme la terre, vastes comme le cosmos, fragiles et redoutables, des femmes quoi ! « J’ai un cœur de bouchère qui rissole à chacun de coups de sang, un cœur femelle qui déverse son eau quand il fait trop d’excès puis réclame du sel pour refaire du sentiment ».

     

    Florentine Rey manie les mots comme des armes de vérité, renoue avec cette nature sauvage de la féminité, celle qui fascine tellement qu’on n'a eu de cesse de tenter de la dompter, la museler, la ferrer, elle renoue avec la femme d’avant son mythe, la vraie femme ordinaire : « D’ailleurs je vais me promener. Personne dans la forêt, personne sur le sentier, je peux sortir mon cul et pisser ».

     

    Une femme comme tout le monde, « énervée comme tout le monde, la gorge nouée comme tout le monde, réversible comme tout le monde, inquiète, en quête, en manque comme tout le monde, (…) n’a pas écouté où se trouve la sortie de secours comme tout le monde ». Une enfant aussi encore, grande, grande comme seuls savent l’être les enfants : « tu vas cesser de camper sur le rond-point des âmes errantes, tu vas vider la décharge des émotions usées, tu vas recolorer ton corps, tu vas tracter ta joie depuis les profondeurs, tu vas bouger ton cul et honorer la vie. »

     

    Une femme….. qui parfois se sent être « une chose venue d’un autre siècle : un mannequin sur une chauffeuse qui réclame une place en vitrine pour montrer ses dentelles, un tablier de ferme cousu de trop d’enfants, une aiguille qui défait les générations. »

     

    Une femme qui sait  « des femmes perdues dans un monde d’hommes » qui « traversent la vie à la nage en tenant d’un côté le réel, de l’autre la main de leurs enfants » et qui nous alerte. « Il manque la moitié du monde au monde, il manque des variations, des visions, il manque des yeux sans fards de temps en temps, des sentiments sans manipulation, des intuitions, (…) une petite marche pour se rehausser, se cambrer et crier : est-ce qu’on pourrait en placer une de temps en temps ? »

    Je danse après minuit est un condensé d’émotions non pasteurisées, des cycles d’émotions à boire cul sec,  des oh !, des bah… Le tricot des espoirs, le tricot désespoir, une maille à l’endroit, dix mailles à l’envers, des pépites de poésie plein les poches.

     

    « Réparation

     

    C’est pas la pomme que j’ai mangée, c’est le serpent. On peut être heureux maintenant ? »

     

    Et cette soif de vivre, immense soif de vivre vivante, « je veux la vérité,  je veux entendre une vraie chose, donne moi la météo ».

     

    Rire toujours, de soi, des autres, de tout, « on va se marrer jusqu’à la dernière flamme » et danser ! Danser même et surtout après minuit.

     

    Merci Florentine Rey.

     

    Cathy Garcia

     

     

    IMG_2389-bis-300x201.jpgFlorentine Rey est née en 1975, elle vit et travaille à Saint-Étienne. Des études de piano intensives (classe musicale à horaires aménagés) affinent sa sensibilité, lui apprennent l'exigence mais l'isole. Une année d'hypokhâgne lui fait rencontrer la philosophie. En 2000, elle obtient le diplôme des beaux arts et crée la même année une structure de production artistique où se croise l'art et la technologie. Six ans plus tard, installée au château d'Hérouville, dans le Val d’Oise, la nécessité d'écrire et de créer la rattrape. Le destin place alors Jacques Lanzmann et Yves Michalon sur son chemin. Dès l'annonce de la publication de son premier roman, elle quitte Paris toutes affaires cessantes et part sur les routes de France, inspirée, rêvant de pouvoir se consacrer un jour pleinement à son travail d’écriture qu’elle considère comme un travail d’invention, d’exploration et d’expérimentation, garant de sa liberté de penser.
    En complément de son travail d’écrivain, Florentine Rey a développé une pratique d’ateliers d’écriture, qu’elle mène dans le cadre de l’association Paragraphe, à Lyon et dans le cadre du programme SOPRANO Rhône-Alpes. Son site : https://florentine-rey.fr

     

    Bibliographie : Blandine-Marcel, Michalon, 2006 et Blandine-Marcel 2, Business Story, Michalon, 2007 ; Mon œil !, roman graphique, éditions des Ronds dans l'O, prix Olympe de Gouges, 2010 ; Bubon, éditions Gros Textes, 2016 et Je danse encore après minuit, poésie, éditions Gros Textes, 2017.