Christian Saint-Paul parle du n°82
Dans l'émission du 28 octobre dernier (Les poètes sur Radio Occitania)
entièrement consacré à ce numéro, merci infiniment à lui !
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Dans l'émission du 28 octobre dernier (Les poètes sur Radio Occitania)
entièrement consacré à ce numéro, merci infiniment à lui !

Collage numérique de l'auteur
À L’HEURE INIMITABLE
Je suis à l’heure inimitable où rien ne me visite où la nuit obscure m’envahit
J’ai le courage de la terre mais je n’ai plus la substance du ciel
Je cours après les malédictions en un temps infini
Je ne suis pas à l’ordre du silence
Nul ne peut comprendre mes clefs
quand effectivement il s’agit de portes qui n’existent pas
Depuis le commencement du monde
j’ai indubitablement rangé dans mon royaume
tous les accidents de la conscience qui ont mené à la corruption de l’âme
là où rugissent mes lions intérieurs
dans le sang brûlé de mon cœur blanc mon cœur noir
pétrifié dans le carbone du poison de tous les charmes du monde
au prestige de la voracité du désir
Je suis là au septentrion où l’éther de la nuit agonise aux grandes eaux pâles de l'Orient
Aux quatre point cardinaux la face bestiale de l’Occident à la rosace des vents
comme aux tourbillons des tempêtes
Au sud béni se situe la cendre de l’horizon inachevé à la face du taureau
de la rébellion
à face d’aigle qui aurait dû grimper vers le ciel
Au méridien terrestre nous marchons sur les anneaux du serpent-minute
depuis la face du lion
Devant le monde la face de l'homme a toujours la mémoire hantée
d'un vide universel toujours prêt qu’il est à défoncer les portes du temps
le feu aux tempes
Quand la nuit convexe ronge le corps d'azur du ciel les yeux crevés
sous le rire concave d’une Lune rouge la tête à l'envers au marais implacable du sang
nous sommes entre nous et le néant où la frontière est limitée
et nous devrions nous rappeler que le vent de l’esprit ne souffle pas sur les déserts
Nous sommes nés de la chair ardente des étoiles
Il nous faut reconnaitre nos fantômes parmi la substance des rêves
entre les mains écorchées ensanglantées des nébuleuses de la réalité
Moi je reconnais mes démons parmi les hommes
Nous sommes nés de l'autre côté du songe
et la mâchoire de la terre s’est déjà refermée sur nous.
17 octobre 2025
"Hoy llegó desde Francia la revista Nouveaux Délits, número 82. Entre sus páginas viajan algunos de mis poemas, traducidos con la delicadeza de quien escucha otra respiración dentro del idioma. Comparto espacio con Julio Palencia , Cesar Anguiano Silva, Vania Vargas e Isabel de los Ángeles Ruano, poetas cuya voz admiro y acompaño en este territorio común de la palabra. Nada de esto habría sido posible sin el trabajo paciente y luminoso de Laurent Bouisset quien antologó y tradujo los textos, y de Cathy García Canales, editora, ilustradora y guardiana de esta revista que continúa tendiendo puentes entre lenguas y latitudes."
Jorge Vargas
en parle sur son blog ici :
https://www.narrativayensayoguatemaltecos.com/laurent-bouisset-en-nouveaux-delits/
Retour en Amérique latine huit ans après. Nous avions proposé en 2017 un Nouveaux Délits spécial Guatemala et voici aujourd’hui ce travail mêlant deux poètes d’Amérique du nord (Mexique) et trois autres d’Amérique centrale (Guatemala à nouveau). Vania Vargas était déjà présente en 2017, et nous avons ici traduit quelques poèmes de son dernier recueil en date : Generalidades y reglas de la fuga (Editorial Sophos, 2024). À nouveau, cette précision cinématographique de ses courts textes. À nouveau, cette densité du moindre mot. Cette façon d’esquisser des espaces hopperiens immenses, où chaque vers semble abriter une présence fragile. Julio Palencia est un compagnon de route présent sur le blog www.fuegodelfuego.blogspot.com depuis plus de dix ans. Il revient dire le monde avec cette concision presque orientale qu’on lui connaît, cette manière discrète d’empoigner, au lieu d’une plume, un sabre doux. Sa lame ainsi coupant les ornements attiserait la vie, je crois, au lieu de l’enlever à quiconque. Isabel de los Ángeles Ruano est une poète guatémaltèque emblématique, un personnage entier, fougueux, hypersensible (comme tous) et empathique à chaque instant, dont on découvrira ici la nuit cosmique, la furie par instants terribles, la clarté plus soyeuse parfois, la détermination surtout, l’envie (la gnaque fragile, on pourrait dire). Tandis que j’essayais de la traduire, j’ai cru sentir le mistral traverser les murs. Jorge Vargas et César Anguiano sont deux poètes de Colima au Mexique qui avaient déjà été traduits par Patrick Quillier en France. Grâce à la revue Teste, j’ai d’abord rencontré Jorge, qui m’a généreusement envoyé depuis le Mexique un livre de César (plutôt que de m’adresser un des siens). Ces deux amigos ont des écritures sans doute distinctes : Jorge décrit les chocs du réel direct, invasif, torturant, sous la forme d’un journal de guerre terrible ; César, lui aussi entaillé par la réalité du monde, me semble envisager les choses avec davantage de recul (l’ironie l’aide à ne pas sangloter, je crois).
Y a-t-il un pont, un lien, un semblant de nerf unissant ces cinq écritures ? Plus d’un écho involontaire nous semble perceptible, d’une œuvre à l’autre. Partout cette tension du texte de part en part électrifié par une nécessité plus que vitale. Si les destins de ces poètes ont été différents (certains ont pris le réel en pleine gueule, d’autres de manière moins frontale), l’ensemble de leur vers exsude une même inquiétude profonde : comment vivre ici même, là-bas ? Comment continuer à vivre en ayant vu, en ayant entendu tout ça ? L’exigence éthique de l’écriture semble être le poumon que l’on cherche, là où la violence règne et tue. Un poumon qui n’est pas un Graal, très loin de là, mais qui peut maintenir à flot un modeste moyen de respirer, c’est déjà ça.
Laurent Bouisset
AU SOMMAIRE
Délits de poésie (bilingues) :
√ César Anguiano (Mexique)
√ Isabel de los Ángeles Ruano (Guatemala)
√ Julio C. Palencia (Guatemala)
√ Jorge Vargas (Mexique) : Diaro de guerra / Journal de guerre (extraits)
√ Vania Vargas (Guatemala) : Generalidades y reglas de la fuga / Règles et généralités de la fuite (extraits)
Les Délits d’(in)citations toujours, font écho aux battements de plume. Vous trouverez le bulletin de complicité au fond en sortant, n’hésitez pas à le disséminer autour de vous.
Numéro réalisé en collaboration avec Laurent Bouisset, traducteur
www.fuegodelfuego.blogspot.com
et nous le dédions à la mémoire de Jorge Camarillo et Daniel Birnbaum,
Illustratrice : Cathy Garcia Canalès
*
Le pire de tout c'est l'habitude. L'homme perd son humanité
et l'énormité de la douleur d'autrui ne compte plus pour lui.
Otto René Castillo
in Rapport sur un acte de justice
http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/
cliquez sur l'image pour voir en grand
Zéphyrage. Éditions Nouveaux délits

(collection Délit buissonnier n° 8), juillet 2025 (56 p., 12 €)
"Ce recueil se lit en coup de vent… Il faut se laisser porter, goûter l’instant, les notations brèves sur des sujets en tout genre, telles des éclaboussures des vagues de la mer sur une plage balayée par le borée, mais aussi les touches suaves d’un zéphyr imaginaire qui apporterait la douceur et la paix sur des contrées dévastées… La voix de la poétesse assume un parler franc et n’hésite pas à interpeller le monde et ses puissants au pouvoir. L’écriture affiche une simplicité sans fard mais nulle naïveté, elle est plutôt mûre et acérée, avec une belle assurance en son pouvoir de trancher entre la haine et l’amour, le mensonge et la vérité, le fanatisme et la vie – tout en s’offrant à la propre réception de chaque lecteur. Citons quelques très belles volutes qui emportent toute notre adhésion :
Envie de crier
ça suffit ! Assez !
Fermez les vannes des chicanes
les tuyaux de la logorrhée
les jets de venin
les vindictes corrosives
vite vite rasons les gesticulations
les indignations les contaminants
les veules combines
ma page blanche n’absorbe plus (p. 19)
La poésie peut compter sur le vent
elle s’appuie sur la réalité
en réalité elle s’octroie le droit
de s’appuyer sur tout même sur toi
de chantonner se farder s’habiller d’images
à toi de la dénuder
de la laisser infuser à ton gré
de te l’approprier
comme le vent elle côtoie aussi bien
l’élégance que la gueusaille (p. 24)
Lassitude
je rêve d’offrir des poignées de poèmes
enveloppées de soie moirée
paresse caresse je rêve
que ces mots fondent sur la peau du monde (p. 27)
J’appartiens à la famille de ceux qui ont vu
voler l’albatros hurleur
ce voilier à l’envergure légendaire
ce voltigeur du ciel aux révérences de star
de ses dessous blancs frôle les rouleaux glauques
avant de s’élever jusqu’à l’épure (p. 47)
Faire le tour de l’Amour
épreuve infinie
la litanie des erreurs humaines
est tout aussi perpétuelle
Il n’est pas de vie banale
évidence anodine pas insipide
si l’amour déprime
l’amour propre sombre
remède simple
dans un jardin en repos estival
quand pas une brise ne bouscule les pétales
arrêtez-vous contempler
deux escargots énamourés (p. 53)
Par bonheur j’avais parmi les photos prises dans mon petit jardin sur la terrasse de l’appartement, immortalisé, l’instant unique de l’amour des escargots… et, comme en suivant le conseil de l’amie Guénane, j’en ai fait l’image-emblème de ce numéro : Faites l’amour, pas la guerre !"
Et tant d'autres auteurs, artistes, livres, revues à découvrir dans ce numéro d'automne : http://www.francopolis.net/
Broyer du blanc, dont on a pu lire des extraits
dans la revue Nouveaux Délits n°80, janvier 2025
http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive/2025/01/03/nouveaux-delits-n-80-6529566.html
"D'où vous viennent toutes ces sensations, impressions, idées, réflexions qui envahissent chaque page ? Tout vous sollicite et mobilise votre esprit, vous êtes une véritable éponge ! Les grands vents de la mémoire ramènent plus qu'ils ne chassent vers les horizons lointains, vous avez encore beaucoup à dire, à crier, à confier, c'est certain."
Yves Loisel, journaliste à la retraite
"Ça y est, je me suis enfin plongé dans ces tourbillons de vents et de coups de gueule de Zéphyrage.
Curieux (positif) de trouver côte à côte ces coups de hargne, de violence contenue, et tout soudain un pur köan zen ( combien de temps faut-il aux nuages pour parcourir le ciel?).
J'ai retrouvé là une "ambiance" très proche de celle dégagée par le recueil de brèves nouvelles "la petite poule rouge se vide" de Margaret Atwood.
Bref un bel instant de poésie grave & résolue.
PS : le titre du recueil d'Atwood est en réalité "la petite poule rouge vide son coeur", ce qui colle encore mieux avec le "zéphyrage" guénanien !!!
J'ai omis aussi dans mon commentaire d'évoquer cette magnifique réflexion sur la mémoire et sa dissolution/évolution avec l'âge."
Jean-Louis Millet
"À chacun son « réviser pour après », c’est ce que semble vouloir prouver l’auteure avec Zéphyrage, son dernier titre paru chez Délit buissonnier, dans une édition d’une grande sobriété. Elle y démontre une fois encore, après ses ouvrages publiés par Rougerie, une référence certaine, sa personnalité poétique marquante. Si le zéphyr est un vent léger, il peut être aussi porteur, avec Guénane, de cette rage éprouvée devant l’absurdité féroce du quotidien, quand les années s’obscurcissent et que le souffle exotique des souvenirs voyageurs voudrait retrouver son Amazonie. Pas d’attendrissement larmoyant à attendre de cette femme ô combien énergique au-delà des mots, mais, sourire en coin, une sagesse au fil des jours, des petits miracles de nos vies minuscules devant les éléments et le temps qui passe, le tout en jouant avec les mots et sur les mots !
Quel talent pour rebondir obstinément, au gré des pirouettes de l’écriture, même si la réflexion n’est jamais loin ! Oui, passent les jours comme le vent qui révèle ou cache l’île des fantasmes et désirs révolus, la nostalgie ne mérite que pieds-de-nez au rythme soutenu d’une vitale valse-hésitation … Et l’on peut se délecter, derrière une apparente effronterie revendiquée, de la profondeur d’une pensée où les images de la poésie vécue intensément sont des signes qui ne trompent pas : « Paysages paysans / vous souvenez-vous du temps / où ces mots-là s’aimaient ? »…
Alors, le lecteur s’en souviendra et retiendra qu’après des constatations prosaïques que la longue route de la mise en mots impose, peuvent surgir parfois sous forme de comptines, les lueurs magiques d’une expression qui « loge dans le souffle de la vie ». Entre zéphyr et rage, s’affirme une fois encore une poétesse authentique. Guénane continue de témoigner pour que dans les Cinquantièmes rugissants de notre époque informatisée à l’intelligence artificielle, plus belle demeure la Vie si, tel le « Sire de Patagonie / un seul de vos soupirs / suffit à soulever les pierres » ! Lisant Guénane Cade, c’est vraiment la grâce que l’on vous souhaite !"
Claude Serreau, poète
transmis par Guénane Cade
Christian Saint Paul parle longuement du n°81 dans sa belle et riche émission Les poètes (celle du 22 avril 2025) sur Radio Occitania, à écouter ici : 2025-04-22.mp3
https://lespoetes.site/emmission/emission2025.html
Alain Le Beuze, poète
transmis par Guénane
cliquez sur l'image pour afficher en grand

*
L’auteure
Avoir 20 ans dans les années 60. Ces années ne s’ouvrent que lentement à l’émancipation de la femme. 1968, l’auteure OSE enfin envoyer deux manuscrits aux Éditions Rougerie qui ont dit OUI ! En poésie et en prose, elle a depuis publié plus de… Elle n’aime, dans ce domaine, ni les chiffres ni les compétitions. Pour les curieuses et les fureteurs : www.guenane.fr
cliquez sur l'image pour l'agrandir
*
Extrait :
Fantaisiste mémoire
il lui arrive de ne plus savoir
si tel petit épisode nous l’avons lu
vu ou peut-être vécu
qu’importe
dans la réalité inflammatoire
les monstres pavoisent
et seul votre sourire fera la différence
Rage millénaire de la Terre
comment regarder le futur en face ?
Le silence éponge tant parfois
qu’il se noie
les saisons ne veulent plus obéir
le soleil vomit le ciel pisse
les bouches honnissent
le désert avance l’océan se hausse
il faudrait Monde que tu te reposes
réapprennes à parler
avant que les cœurs ne tombent en ruines
et la poésie dans l’abîme
L’excès s’allie mal à l’harmonie
*
28 pages agrafées
tirage numéroté
imprimé sur papier 90 g & 250 g calcaire
100 % recyclé
12 € + port
*
"Nouveaux délits, n° 80
Une remarquable moisson de poésie – immédiatement narrative, faussement lyrique, ouvertement dramatique, secrètement mythique, formellement surréaliste, apparemment absurde, toujours lucide, acerbe, écrite à l’aqua forte – dans le dernier numéro de la petite revue de Cathy Garcia Canales qui est toujours, comme le tardis du Dr. Who (désolée de me redire), bien plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur…
On y découvre cette fois Jean-Paul Bota, Jérémy Sernet (Pèregarou), Lionel Mazari (Broyer du blanc), Jean Ginestet, Aodren Buart (Madeira), Pablo Gelgon (Vie et mort d’un ouvrier intérimaire dans le BTP), Simon Degrave (Conférence à Berlin) : des textes puissants ancrés avec la même désinvolture dans le quotidien ou dans la psyché profonde et qui touchent le cœur et frappent l’esprit, comme autant de voix et de voies différentes qui se cherchent. Que veulent-elles ?...
« … ce que je pressens ou cherche dans les mots, une vibration, une inspiration du monde non pas pour en dépasser les drames inévitables qui sont en nous, noués au plus intime, mais pour en retrouver le chant premier…. » (Jean Ginestet)
Car, comme le dit la responsable de la publication de ces « délits » dans son édito : « Regarder, se regarder simplement soi-même, c’est vertigineux. »
Dana Shishmanian
http://www.francopolis.net/annonces_2025.html#_Revues_1
Cela fait tant d'années que Christian Saint Paul n'oublie pas d'évoquer la revue lors de son émission Les poètes sur Radio Occitania, qu'il en soit encore et toujours remercié !
Pour le n° 79, c'est à écouter ici :
https://www.lespoetes.site/son/2024/2024-11-26.mp3

LGBTQIA+ et plus encore...
Le milieu, l’éducation, le genre assigné, la norme, la pression sociale préformatée nous placent qu’on le veuille ou non, qu’on le réalise ou non, dans des cases dont il est difficile de bouger.
Aujourd’hui, une partie de la génération dite Z pulvérise tous les préétablis, y compris dans sa propre communauté, en y rajoutant des lettres, des couleurs, en inventant de nouveaux pronoms, de nouveaux prénoms et plus encore. Ça fait couler beaucoup d’encre et agite beaucoup de langues, surtout celles qui ne sont pas concernées ; ça perturbe, ça énerve, ça dérange, ça permet de focaliser aussi la haine, toujours la même vieille et vilaine histoire. Cible des hommes à grosses fusées, des hommes à gros fric, des hommes à gros calibres de crasse arrogance, des hommes à petit quotient de réelle humanité qui pensent pouvoir décider de qui doit exister ou pas. Chaque fois qu’un individu ou groupe d’individus déclare comme non existant un autre individu ou groupe d’individus, il y a crime contre l’humanité. Et innombrables sont les communautés à travers l’histoire, et jusqu’à ce jour, à en être victimes. Ça continue, inlassablement. La communauté queer en est une parmi d’autres, elle-même divisée, le vivre ensemble ou tout simplement le laisser vivre n’a jamais été simple.
Pourtant, il est juste question d’inclusivité toujours plus clairement établie. Nommer c’est faire reconnaître, c’est aussi prévenir le mal-être. Souffle, courage, sensibilité, créativité. Une nouvelle expérience humaine vers toujours plus d’humanité. Une évolution, n’en déplaise aux vieilles et puantes idéologies resucées, un miroir tendu à notre vieux monde à l’agonie. Tant de souffrances pour quiconque ne colle pas aux voies toutes tracées par le modèle dominant : rejet, exclusion, mépris, violence jusqu’à la mort, insupportables.
Alors ce numéro, simplement pour dire : iels existent et ont toujours existé dans toutes les cultures et de tout temps, que ça plaise ou non, qu’iels soient reconnu-e-s ou non, IELS, comme elles et ils, SONT, c’est aussi simple que ça. Nul n’a légitimité de décider à leur place. Le monde queer n’est pas une marge mais un monde plus concret, plus en phase avec la réalité de l’incroyable diversité des êtres humains et le plus important n’est pas d’en débattre, d’avoir un avis qu’on ne nous demande pas mais tout simplement de laisser les personnes concerné-e-s s’exprimer, les écouter et les entendre. Leur foutre la paix aussi, la paix c’est bien pour tout le monde.
cgc

AU SOMMAIRE
Dans le désordre, vous trouverez des :
Délits de poésie :
Mathilde Fauve, Haïkus lesbiens
Hommage : trois poèmes d’Alexo Xenidis
Cèdre, on n’entend plus que les oiseaux
Walter Ruhlmann, quatre old poèmes et un inédit
Samaële Steiner, C’est pour Perrine (extraits)
Un Délit de pas envie : Stéphanie Quérité, Je maudit, ou le mauvais œil
Un Délit de l’ouvrir grand : Millepertuis
Un Délit trans-parent-e : Cathy Garcia Canalès
Dans ce numéro le Délit de citations souffle fort mais n’écorne pas les pages et vous trouverez comme toujours le bulletin de complicité au fond en sortant, prêt à polliniser.

Illustrations :
Cèdre
Espaces des possibles est un extrait d’une cinquantaine de cartes peintes à la main et envoyées à mes proches, la plupart sans avoir été sauvegardées sous format numérique. Avec une simplicité volontaire et en se laissant guider par le hasard, les cartes font deviner par fragments les mouvements de lieux à venir.

Nouveaux Délits 81 - Avril 2025 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits - Coupable responsable : Cathy Garcia Canalès - Illustrations : Cèdre
« Que moi, Lili, je suis essentielle et que j’ai droit à cette vie dont j’ai fait la preuve en vivant 14 mois. On peut dire que 14 mois ce n’est pas beaucoup mais pour moi c’est comme toute une vie humaine, entière et heureuse. »
Lili Elbe in Man into Woman, 1933
« (…) c'est un œil dur, qui cherche dans notre corps, nos expressions, notre démarche, nos imperceptibles mouvements, des signes de notre masculinité ou de notre féminité antérieure. »
Tal Madesta in La fin des monstres
« - Corbeau, t'es un garçon ou une fille ?
- Croa, croa
J'ai rigolé et je me suis allongée sur le dos. Le ciel était d'un bleu profond. Je m'imaginais que j'étais couchée sur des nuages de coton blanc. La terre était humide dans mon dos. Le soleil était chaud, l'air était doux. Je me sentais heureuse. La nature me serrait contre elle et semblait ne me trouver aucun défaut. »
Leslie Feinberg In Stone Butch Blues
« Brouiller les cartes.
Masculin, féminin ? Mais ça dépend des cas. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours. S’il existait dans notre langue, on n’observerait pas le flottement de ma pensée. Je serais pour de bon l’abeille ouvrière. »
Claude Cahun in Aveux non avenus, 1930
« Au lieu de dire que le genre est ceci ou le genre est cela, reconnaissons que le mot genre a des dizaines de sens qui y sont intégrés. Il s’agit d’un amalgame de corps, d’identités et d’expériences de vie, d’impulsions inconscientes, de sensations et de comportements dont certains se développent organiquement et d’autres sont façonnés par le langage et la culture. Au lieu de dire que le genre est une seule chose, commençons par le décrire comme une expérience holistique. »
Kate Bornstein, in Gender Outlaws: The Next Generation

photo de l'auteur
Petit à petit
Tout s’écoule
tout passe
la vie s’écroule sans bruit
et dans mon cœur
une crevette grise
prend doucement ta place.
à télécharger sans danger ici : BULLETIN COMPLICE.pdf

Que 2025 soit, c’est certain, puisqu’il en a été décidé ainsi et que cette date grégorienne a pris le dessus sur les autres. Tenter d’appréhender l’être humain dans son Histoire, dans son présent, dans ses projections, dans ses éclatements, sa diversité, sa beauté indissociable hélas de sa cruauté, son intelligence et sa folie, bref NOUS appréhender NOUS et toutes celles, ceux et celleux qui ont du mal à se retrouver dans le NOUS qui les englobe ou cherche à les englober, ces multiples NOUS qui s’affrontent avec de multiples VOUS, les AUTRES ; qui s’agressent, se détruisent, s’interdisent, se fuient ou s’ignorent, c’est vertigineux. Regarder, se regarder simplement soi-même, c’est vertigineux. Les voix qui semblent les plus fortes sont vieilles, usées, répétitives et pourtant elles impactent car elles rassemblent sous leurs ailes dures d’innombrables peurs, de terribles ignorances. En a-t-il toujours été ainsi ? Usées et répétitives. De même, ces éditos qui voudraient pouvoir se réjouir d’un authentique neuf, d’un ressourçant innovateur, d’un audacieusement salvateur, de ce qui peine à être essayé en grand puisque toujours étouffé, écrasé, nié, moqué, enfermé, abattu. Et qui persiste pourtant, se relève encore et encore, perce la croûte épaisse des obscurantismes redondants, du monopole d’idéologies mortifères. Et quoi d’autres encore une fois que la force incroyablement habile de la vie qui insiste, malgré cet acharnement à la détruire, et nous montre la voie ? Les vents, les vagues, la pluie, les rivières, les océans, les plantes, les montagnes, les animaux, les insectes, les champignons, les bactéries nous montrent la voie mais aussi ce qui reste des humanités qui ne l’ont jamais quittée et qui ont tant souffert et souffrent encore pour ne pas dévier. La seule voie viable : comprendre notre responsabilité et notre place dans le grand orchestre du vivant et de nous y tenir comme on tient une promesse. Alors 2025, oui, c’est l’identifiant de cette nouvelle année, et 2026, 2027, 2057, seront un enfer ou un monde plus accueillant selon la voie que nous allons emprunter. Et le goulot des choix collectifs, comme dans le cours d’une vie individuelle, se resserre, les conséquences sont de plus en plus immédiates et irréversibles. Alors quelles voix allons-nous écouter ? Celles qui assourdissent le plus, artificiellement légitimées par leurs excroissances technologiques toujours plus infiltrées ou les quasi imperceptibles qui font pousser la plante, l’arbre, digérer les vaches, tomber les pluies, chanter les océans ? Je me répète aussi et continuerai à le faire car dans cette répétition, je ne sens rien d’usé mais bien au contraire, j’entends des paroles d’eau à user le béton, à rouiller les armes, à fertiliser chaque bout d’espace atteint en l’autre malgré les barrages. J’entends des paroles de vent à secouer les inerties, abattre les murs de séparation, des paroles de feu à brûler les scories des mondes tristes et méchants dont NOUS ne voulons plus, des paroles de terre qui savent quand il faut parler et quand il vaut mieux…. se taire. Aussi…
Meilleurs vœux de meilleure humanité !
CGC
AU SOMMAIRE
Délits de poésie : Jean-Paul Bota ; Jérémy Semet, Pèregarou ; Lionel Mazari, Broyer du blanc (extrait) ; Jean Ginestet
Délit de crapahute : Madeira d’Aodren Buart
Délit naturaliste : Vie et mort d’un ouvrier intérimaire dans le BTP de Pablo Gelgon
Délit spatial : Simon Degrave, Conférence à Berlin (extrait)
Avis de double parution chez la revuiste (délit d’autopromotion) :
©Ourse (bi)polaire et Au fond du tiroir, à tire d’ailes, décembre 2024
Délit d’(in)citations qui mycorhize les coins de page. Vous trouverez comme toujours le bulletin de complicité au fond en sortant avec une information péniblement importante pour les abonné-e-s hors de France et d’Outremers.

Illustratrice : Iren Mihaylova
irenmihaylova.poetepeintre@gmail.com
Iren Mihaylova est une poétesse, romancière, peintre et psychanalyste (née à Sofia, en Bulgarie dans les années 90) qui demeure et travaille à Paris. Elle écrit en français et en bulgare et traduit des poètes bulgares en français. Elle est cocréatrice, éditrice et illustratrice de la revue et espace de création contemporaine Peau Electrique. Autrice de 10 livres dont Ciel de ma mémoire, L’Appeau’Strophe éditions, 2024 ; Sans fond de lumière, Encres Vives éditions, 2024 ; Depuis ma chère disparition, L’Échappée Belle édition, 2025. Elle publie aussi en revue (ARPA, À l’Index, Le Journal des poètes, Lichen, Phoenix, Traversées, etc.)
https://peaueleclabo.wixsite.com/irenmihaylovapeintre

On peut toujours dire que la poésie écrite est habitée par un certain imaginaire constitué par son langage métaphorique, mythique ou symbolique. Mais l'essentiel de la poésie, son miel le plus secret, n'est pas accessible dans l'œuvre incarnée c'est-à-dire dans les sons, dans les images visuelles ou dans l'encre d'imprimerie sur le support du papier. L'essentiel de la poésie se vit en amont de l'imaginaire, du côté de la corne d'abondance de sa source d'inspiration . Source énigmatique dont on ne sait rien. Le paradigme de la transpoésie, c'est avant tout la nécessité de l'éveil de l'homme à ce qui le fonde, à ce qui le traverse et à ce qui le dépasse silencieusement.
Michel Camus
in Transpoétique. La main cachée entre poésie et science

Nouveaux Délits 80 - Janvier 2025 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits Coupable responsable : Cathy Garcia Canalès Illustratrice : Iren Mihaylova Correcteur : Élisée Bec
Les illustrations présentées ici dans leur couleurs d'origines
sont imprimées en n & b dans la revue, comme d'habitude.
Arrêtez de célébrer les massacres
Arrêtez de célébrer des noms
Arrêtez de célébrer des fantômes
Arrêtez de célébrer des dates
Arrêtez de célébrer l’histoire
La jeunesse trop jeune à votre goût
Insouciante et consciente
Sait
Depuis le temps que vous battez le rappel
Des souvenirs le Soldat Inconnu le Mausolée de X
Le machin de Y le cimetière de Z
Depuis le temps que vous écrivez les jours
Du calendrier avec du sang coagulé
Délayé
Délayé par les circonstances de la Circonstance
Ce sang coagulé
Venin de la haine
Levain du racisme
Je suis né en Allemagne nazie et moi en Amérique
Noir et moi en Afrique basanée et moi je suis
Pied-noir et moi Juif et moi on m’appelait Bicot
On en a marre de vos histoires et vos Idées
Elles
Rebuteraient tous les rats écumeurs de poubelles
Elle
N’oublie jamais la jeunesse malgré
Sa grande jeunesse mais
Elle a horreur des horreurs
Et les enfants d’aujourd’hui
Et ceux qui naîtront demain
Ne vous demandent rien
Laissez-nous laissez-les vivre
En paix
Sur cet îlot de l’univers
L’univers seule patrie
Ahmed Azzegagh
in Chacun son métier, 1966
Quelques extraits de ce numéro sorti en novembre 2024.
Morceaux choisis et lus par Cathy Garcia Canalès.
MAUVAISE NOUVELLE : le tarif spécial livres & brochures prenant fin au 1er juillet 2025, je ne suis plus en mesure de proposer des abonnements à tarif privilégié pour les abonné-e-s hors de France à moins qu'une autre offre ne vienne la remplacer... ce qui semble mal parti :-(
L'envoi d'exemplaire unique à ce tarif spécial sera, lui, encore possible jusqu'au 30 juin 2025.
Pour voir les nouveaux tarifs : BULLETIN COMPLICE.pdf

© Aurélia Van Gucht
Cabotage sous haute mère
Aucun grain de libre liberté
N’a déchiré ta vague autarcie
Toi, enfant de courte durée,
Patouillant les flaques de l’estran,
Comme si c’était les jupes de ta mère.
Garderais-tu de cette prime pataugeoire
Des regrets amers de la vie hauturière
Que ta vague dérive quotidienne
Tient à distance respectable des côtes,
Comme si c’était les jupes de ta mère ?

©photo de l’auteur
GOLEM
Quand t’as dit mon nom tout à l’heure
Quand t’étais en train quand
T’as gémis mon nom mon dieu
Ce nom c’est devenu le mien

Novembre ! C’est la première fois en 21 ans que Nouveaux Délits paraît avec un mois de retard ! Ce qui est à retenir aujourd’hui, c’est que la revue a changé d’adresse (voir le bulletin de complicité, qui occupe comme à son habitude la dernière page).
Le monde s’enguerre et s’abêtit désespérément et les vies se compliquent, basculent, explosent parfois très soudainement et j’ai la sensation que c’est un phénomène qui touche ou a touché énormément de personnes en cette déjà finissante année 2024 et pas seulement sous les bombes. Ceci dit, si les dénommées « infos » servent à quelque chose, ce pourrait être de nous apprendre à relativiser justement nos problèmes et apprendre à mieux apprécier ce qui EST ou tout au moins à mieux accepter ce que nous ne pouvons changer tout en continuant à améliorer avec ténacité tout ce qu’il nous est possible d’améliorer en nous et autour de nous. La douleur est plus difficile à relativiser car elle n’a rien à voir avec le mental, qu’elle soit physique, psychologique, émotionnelle ou tout à la fois, chacun fait face comme il peut. Perte, deuil, trauma. Trauma qui vient d’une forme étendue de la racine indo-européenne terə, qui signifie frotter, tourner, avec des dérivés qui font référence à la torsion, la perforation, tout ce qui blesse mais aussi au battage des céréales, au frottement qui leur fait perdre leur enveloppe. L’analogie est très intéressante et d’ailleurs anciennement cela se faisait à l’aide de fléaux…
Alors, oui ! La vie peut nous frotter, nous tordre, nous perforer, nous battre, nous faire mal à devenir foufolle et alors se pose la question du sens. Je ne parlerai pas pour les autres, je vais juste parler pour moi : chaque épreuve dans ma vie — et elles ont commencé très tôt — m’a amenée peu à peu à creuser au-delà de l’apparente et souvent réelle injustice, à fouiller au-delà de la dégueulasse malchance, à chercher un sens bien au-delà des limites de ce que je pouvais supporter ou pensais pouvoir supporter. C’est à ce creusage, fouillage, à cette marche forcée par les événements, par la collision des inconsciences, que je donne le nom de spiritualité. Car c’est là que commence le choix, notre choix : grandir ou pourrir.
Je n’ai pas d’église, pas de religion, c’est avec les mains dans la terre ou en marchant avec elle que je ne fais qu’un avec ma spiritualité. L’essentiel est contenu dans la graine et dans toutes ses transformations. Un cycle qui, à chaque nouvelle germination, rend une plante plus forte, plus féconde, plus résiliente mais, pour cela, la graine doit se défaire de son enveloppe dans l’obscurité sans savoir si elle reverra la lumière. Sans quoi, elle pourrit. Nous, humain-es, sommes aussi des graines.
CGC
un vieux jardinier m'offre des courges tardives
qui devinerait que le vieillard oisif
fait de sa vie une longue ivresse ?
Lu Yu

AU SOMMAIRE
Délits de poésie pas tout à fait dans l’ordre :
Jean-Luc Aribaud ; Éric Aubel ; Emmanuel Jeuland
Valentina Casadei : Plainte contre A. (extrait)
Jean-Christophe Bellevaux : L’imposture (extraits)
Wald : Gravillons (extrait)
Petites proses cocasses-cauchemardesques : Julien Grandjean
Délit d’écho : Louise Brun : Métal/Fréquence Chair
Délit d’altitude : Mael Maom-Orff : La subtile mouvance d’une montagne
Délits d’(in)citations, feuilles qui tombent, immortelles, au coin des pages. Vous trouverez le bulletin de complicité au fond en sortant vêtu de sa nouvelle adresse à noter !

Illustrateur : Archibald Aki
Originaire du nord de la France, Archibald Aki est l'auteur de quelques œuvres poétiques aux Éditions Les Venterniers. Il en fait souvent des spectacles musicaux. Comédien et barman par-ci par-là puis gérant d'un maquis ré-créatif à Dakar ( Petit Keur), il vit désormais aux Pays-Bas où il se construit une chapelle en papier décorée de traits et de lettres, de formes et de couleurs dans la recherche désespérée de l'Homme (et de la Femme, pour sûr), de dieux et de diables (à provoquer) et de lui-même.

Il ne suffit pas toujours d’être pardonné par les autres, parfois tu auras à apprendre à te pardonner à toi-même… Tu apprendras que, avec la même sévérité que tu juges les autres, toi aussi tu seras jugé et parfois condamné… Tu apprendras que, peu importe que tu aies le cœur brisé, le monde ne s’arrête pas de tourner. Tu apprendras que le temps ne peut revenir en arrière. Tu dois cultiver ton propre jardin et décorer ton âme, au lieu d’attendre que les autres te portent des fleurs…Alors, et alors seulement, tu sauras ce que tu peux réellement endurer ; que tu es fort, et que tu pourrais aller bien plus loin que tu le pensais quand tu t’imaginais ne plus pouvoir avancer ! C’est que réellement, la vie n’a de valeur que si tu as la valeur de l’affronter !
Jorge Luis Borges in Apprendiendo

Nouveaux Délits 79 - Novembre 2024 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimé sur papier recyclé et diffusé par l’Association Nouveaux Délits - Coupable responsable : Cathy Garcia Canalès - Illustrateur : Archibald Aki - Correcteur : Élisée Bec
Une belle collection hors des sentiers battus
à découvrir absolument !
Feu de tout bois de Murièle Modély, illust. Sophie Vissière
Instantanés de Myriam OH, illust. Silvère Oriat
Petite histoire essentielle de la futilité de Bruno Toméra, illust. Jean-Louis Millet
Printemps captif de Lionel Mazari, illust. Morgane Plumelle
Paraît que d’Heptanes Fraxion, illust. Jimmy Fortier
La cloche a sonné d’Aline Recoura, illust. Ludo Godot
Des ombres et des anges de Josette Soulas Moyes, illust. Philippe Chevillard
Plus de détails ici :
http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/delits-buissonniers/
à commander aux éditions NOUVEAUX DÉLITS
10 € + port 3 €
Règlement par chèque ou virement
Des ombres et des anges
de Josette Soulas Moyes

J’avais en moi
L’appui sans faille d’un ami
Le temps
Il m’a tenu la porte ouverte
Appris à voir à dire
À deviner et à comprendre
Il m’a tenu la tête droite
Lorsque j’ai traversé les corridors du vent
M’a appris à tisser le sombre avec le clair
Tisser le doux avec l’amer
Il m’apporte aujourd’hui
Son chemin de lumière
Les ombres et les anges
Enfin réconciliés.
Josette Soulas Moyes est née le 25 décembre 1942. Vous avez pu la lire pour sa toute première publication dans le n° 76 en octobre dernier et c’est une immense émotion et une immense joie, pour moi comme pour elle, d’avoir pu donner naissance à ce recueil magnifique.
Illustrations originales de Philippe Chevillard
28 pages agrafées, tirage numéroté sur papier 100 % recyclé
10 € + 3 € de port à commander à l’Association Nouveau Délits
Là-bas sur la lande
le nuage noir et mouvant
d’un vol d’étourneaux
ce frisson de ciel d’automne
fait trembler tes lèvres closesDaniel Birnbaum [1]
Daniel Birnbaum nous a quittés ce 21 septembre et ce ciel d’automne fait trembler nos lèvres closes. Daniel vivait plusieurs vies et il les traversait toutes en humaniste : la recherche médicale, la poésie, les souvenirs des lieux et des proches (son père juif polonais, la Creuse rurale de sa mère, où il fut élevé par des grands-parents aimés et aimants, la Provence…). Qu’est-ce que ça veut dire : traverser ses souvenirs en humaniste ? Peut-être ouvrir simplement ses bras, offrir ses paumes, faire un peu de place au lecteur auprès de soi, auprès des amis d’enfance, des proches disparus, des proches encore à grandir. Se placer à ce point aigu, frêle, où l’humanité point et où l’autre est accueilli autant que soi est donné. S’effacer mais être essentiel, être le passeur.
Passeur, Daniel l’a été ô combien dans son activité professionnelle de chercheur en oncologie moléculaire. Il était médecin et, très tôt, il comprit combien la recherche dite « de transfert » en cancérologie, située à l’interface entre la recherche clinique et la recherche fondamentale, était d’une importance majeure. Il a été de ceux qui ont fondé la recherche en génomique du cancer en France (les microaltérations moléculaires qui rendent les tumeurs plus agressives, notamment dans le cancer du sein).
Il aura formé auprès de lui nombre de chefs d’unité ou de professeurs d’université en activité actuellement dans ce domaine pointu, en constante évolution et marquée par l’apparition depuis quelques années des traitements dits personnalisés qui ciblent précisément les caractéristiques de telle ou telle tumeur. François Bertucci, ancien élève de Daniel Birnbaum et chef de l’unité d’Oncologie prédictive au Centre de recherche en cancérologie de Marseille, a la gentillesse de m’apporter son témoignage :
... intelligence, bienveillance, finesse, humour, simplicité, passion pour la recherche et le sport, travail, disponibilité, discrétion, enthousiasme, écoute...,
ses amies et amis poètes ne pourront que reconnaître les qualités de Daniel. Il m’avait confié toutefois, un peu doux-amer, combien son enthousiasme et ses illusions de jeune chercheur avait dû en être rabattus par l’immense difficulté de la recherche en oncologie, combien celle-ci était une affaire de petits pas, d’humilité, de travail au long cours.
Passeur humble, il le fut également en poésie, qu’il aborde sur le tard. Il aura eu un goût pour les formes courtes, avant tout le haïku et le tanka — prétendant qu’il n’avait pas le temps de faire plus du temps de sa carrière de chercheur ! Ce qui est évidemment un trait de modestie tant on sait combien difficile est le chemin à parcourir vers l’effacement de soi et de la langue pour creuser une place dans le poème où pourront se lover l’instant, le réel, le prosaïque. Il a pratiqué aussi les micronouvelles et les aphorismes dans un style plein d’humour. Il ne reculait pas devant le thème de la mort, de la guerre, de la conscience de l’impermanence qui doit nous guider en modestie, bien sûr, mais pas faire de nous des ermites loin de la cité. Humaniste, oui.
Daniel aurait voulu que le chemin de traverse entre sciences et poésie soit plus simple à parcourir. Mais il constatait combien il était délicat de partager la poésie avec le non-amateur de poésie et la science avec le non-scientifique. Il me disait donc avoir plutôt compartimenté ces deux aspects de sa vie, à regret. Je n’ose dire qu’il était sur la crête entre ces deux versants, car l’image est bien trop éloignée de sa personnalité. Non, il suivait plutôt le ruisseau de fond de vallée, ruisseau creusois aux truites fario de son enfance heureuse.
La petite
je lui apprends à chercher des champignons
puis à les reconnaître
à distinguer les bons et les mauvais
mais peut-être est-ce déjà lui en dire trop
sur notre mondeDaniel Birnbaum [2]
Repères : Daniel Birnbaum : Monde, j’aime ce monde. Collection Polder (n° 165 - 2015.) Préface Cathy Garcia. Couverture : Daniel Birnbaum.
Pierre Gondran dit Remoux : Même. Coll. Polder (n° 197 - 2023). Préface : Daniel Birnbaum. Couverture : Marie Dekerle.
On se procure ces ouvrages auprès de la revue Décharge ( 11 rue Général Sarrail - 89000 Auxerre) ou à la Boutique ouverte sur le site : ici, contre 9 € pièce. 14€ (port compris) les deux.
Autres ouvrages de Daniel Birnbaum (sélection) :
Le Cercueil à deux places, éditions Gros Textes- 2019.
Aucun angle mort. Préface de Milène Tournier. Éditions du Cygne, 2022.
Quand je serai jeune. Ed. P.i.sage intérieur - 2020.