Novembre ! C’est la première fois en 21 ans que Nouveaux Délits paraît avec un mois de retard ! Ce qui est à retenir aujourd’hui, c’est que la revue a changé d’adresse (voir le bulletin de complicité, qui occupe comme à son habitude la dernière page).
Le monde s’enguerre et s’abêtit désespérément et les vies se compliquent, basculent, explosent parfois très soudainement et j’ai la sensation que c’est un phénomène qui touche ou a touché énormément de personnes en cette déjà finissante année 2024 et pas seulement sous les bombes. Ceci dit, si les dénommées « infos » servent à quelque chose, ce pourrait être de nous apprendre à relativiser justement nos problèmes et apprendre à mieux apprécier ce qui EST ou tout au moins à mieux accepter ce que nous ne pouvons changer tout en continuant à améliorer avec ténacité tout ce qu’il nous est possible d’améliorer en nous et autour de nous. La douleur est plus difficile à relativiser car elle n’a rien à voir avec le mental, qu’elle soit physique, psychologique, émotionnelle ou tout à la fois, chacun fait face comme il peut. Perte, deuil, trauma. Trauma qui vient d’une forme étendue de la racine indo-européenne terə, qui signifie frotter, tourner, avec des dérivés qui font référence à la torsion, la perforation, tout ce qui blesse mais aussi au battage des céréales, au frottement qui leur fait perdre leur enveloppe. L’analogie est très intéressante et d’ailleurs anciennement cela se faisait à l’aide de fléaux…
Alors, oui ! La vie peut nous frotter, nous tordre, nous perforer, nous battre, nous faire mal à devenir foufolle et alors se pose la question du sens. Je ne parlerai pas pour les autres, je vais juste parler pour moi : chaque épreuve dans ma vie — et elles ont commencé très tôt — m’a amenée peu à peu à creuser au-delà de l’apparente et souvent réelle injustice, à fouiller au-delà de la dégueulasse malchance, à chercher un sens bien au-delà des limites de ce que je pouvais supporter ou pensais pouvoir supporter. C’est à ce creusage, fouillage, à cette marche forcée par les événements, par la collision des inconsciences, que je donne le nom de spiritualité. Car c’est là que commence le choix, notre choix : grandir ou pourrir.
Je n’ai pas d’église, pas de religion, c’est avec les mains dans la terre ou en marchant avec elle que je ne fais qu’un avec ma spiritualité. L’essentiel est contenu dans la graine et dans toutes ses transformations. Un cycle qui, à chaque nouvelle germination, rend une plante plus forte, plus féconde, plus résiliente mais, pour cela, la graine doit se défaire de son enveloppe dans l’obscurité sans savoir si elle reverra la lumière. Sans quoi, elle pourrit. Nous, humain-es, sommes aussi des graines.
CGC
un vieux jardinier m'offre des courges tardives
qui devinerait que le vieillard oisif
fait de sa vie une longue ivresse ?
Lu Yu
AU SOMMAIRE
Délits de poésie pas tout à fait dans l’ordre :
Jean-Luc Aribaud ; Éric Aubel ; Emmanuel Jeuland
Valentina Casadei : Plainte contre A. (extrait)
Jean-Christophe Bellevaux : L’imposture (extraits)
Wald : Gravillons (extrait)
Petites proses cocasses-cauchemardesques : Julien Grandjean
Délit d’écho : Louise Brun : Métal/Fréquence Chair
Délit d’altitude : Mael Maom-Orff : La subtile mouvance d’une montagne
Délits d’(in)citations, feuilles qui tombent, immortelles, au coin des pages. Vous trouverez le bulletin de complicité au fond en sortant vêtu de sa nouvelle adresse à noter !
Illustrateur : Archibald Aki
Originaire du nord de la France, Archibald Aki est l'auteur de quelques œuvres poétiques aux Éditions Les Venterniers. Il en fait souvent des spectacles musicaux. Comédien et barman par-ci par-là puis gérant d'un maquis ré-créatif à Dakar ( Petit Keur), il vit désormais aux Pays-Bas où il se construit une chapelle en papier décorée de traits et de lettres, de formes et de couleurs dans la recherche désespérée de l'Homme (et de la Femme, pour sûr), de dieux et de diables (à provoquer) et de lui-même.
Il ne suffit pas toujours d’être pardonné par les autres, parfois tu auras à apprendre à te pardonner à toi-même… Tu apprendras que, avec la même sévérité que tu juges les autres, toi aussi tu seras jugé et parfois condamné… Tu apprendras que, peu importe que tu aies le cœur brisé, le monde ne s’arrête pas de tourner. Tu apprendras que le temps ne peut revenir en arrière. Tu dois cultiver ton propre jardin et décorer ton âme, au lieu d’attendre que les autres te portent des fleurs…Alors, et alors seulement, tu sauras ce que tu peux réellement endurer ; que tu es fort, et que tu pourrais aller bien plus loin que tu le pensais quand tu t’imaginais ne plus pouvoir avancer ! C’est que réellement, la vie n’a de valeur que si tu as la valeur de l’affronter !
Jorge Luis Borges in Apprendiendo
Nouveaux Délits 79 - Novembre 2024 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimé sur papier recyclé et diffusé par l’Association Nouveaux Délits - Coupable responsable : Cathy Garcia Canalès - Illustrateur : Archibald Aki - Correcteur : Élisée Bec